Je me fais réveiller par le bruit des coups de feu. La ville est en sang, nous sommes un petit village encerclé par d'un côté les Allemands et de l'autre les Français.

La guerre dure depuis trop longtemps, malgré mon grand âge je ne souhaite pas vivre ou mourir dans de telles conditions.
Les échanges de balles commencent souvent tôt le matin, s'arrêtent en début d'après-midi puis reprennent dès le coucher du soleil pour continuer par intervalle de deux ou trois heures dans la nuit.

Je me souviens, dans ma jeunesse j'étais tombée amoureuse d'un jeune homme nommé Helio qui est parti faire son service militaire et qui est sergent chef pendant que moi je tisse la paille, nettoie les grandes maisons et m'occupe tous les après-midis depuis la déclaration de guerre de soigner les malades.

Mes cheveux ont blanchis très vite, Mina, mon amie me disait que à force de retirer la poussière pour que tout soit d'un blanc immaculé mes cheveux ont faits pareil.
Mina est morte il y a deux ans, tuée par la tuberculose, on a essayé de la transporter à l'hôpital mais l'ambulance a été criblée de balles.
Elle était mariée à un soldat qui a aussi péri au front.

Je n'ai aimé que deux personnes dans ma vie : Helio et Mina.
Je suis fille unique et mes parents sont décédés à mes treize ans, tués par des voleurs.
Je n'ai pas eu la meilleure enfance possible mais pas la pire.

Au début de la guerre j'ai pu correspondre avec Helio mais la dernière lettre que je lui ai envoyée est restée sans réponse.
Je lui disais que j'allais rejoindre un village pour être plus en sécurité.
Il ne m'a jamais répondu, j'ai peur qu'ils se soit trouvé une nouvelle femme ou m'ait oubliée.
Cela fait 3 ans depuis sa dernière lettre et 6 ans que nous ne nous sommes pas vus.

La porte explose en une multitude de parcelles de bois !
Des nazis entrent et me visent avec leur armes.
Vais-je mourir ainsi ?
Je ferme les yeux en attendant le coup fatal qui ne vient pas, les secondes semblent s'étirer.
J'entrouvre les paupières et vois les Allemands à terre et mon sauveur me soulève et se met à courir loin, loin de ma porte, loin des morts, loin de ma maison, loin de mon village.

Ça ne m'effraie pas, j'inspire un grand coup ayant le projet de me lancer dans un long monologue mais le parfum du sauveur éveillé en moi une sensation enfouie depuis bien trop longtemps dans mes souvenirs.
On s'arrête et je vois Helio.

Il me regarde et me pose délicatement par terre, nous sommes dans une petite clairière.
Il se penchent sur moi et me murmure au creux de l'oreille
-on m'a entendu et je t'ai trouvé.
Il m'embrasse avec une douceur sans pareil puis s'allonge à côté de moi.

Les yeux fermés je profite de la chaleur du soleil qui tape sur ma peau bronzée. Mes cheveux blancs comme neige ondulent au rythme de la brise et mes lèvres se relèvent en un beau sourire.
Installée comme ça je peux entendre le gazouillis des oiseaux, respirer l'odeur de l'herbe fraîche et sentir le soleil chauffer ma peau.
Je ne me suis jamais sentie aussi légère, je tourne la tête et me niche sur l'épaule d'Helio.

Je donnerai ma vie pour rester rien que deux minutes ainsi mais je sais que ce n'est pas possible, la réalité va nous rattraper.
J'entends un bruit dans les buissons et ouvre les yeux, la réalité a été plus rapide que je ne le pensais et je n'eu le temps de comprendre que Helio se retournais pour faire barrière de son corps entre les Allemands et moi, des balles s'enchaînèrent, nous tuant en même temps.