PARTIE 2: L'ANCIEN-MONDE Chapitre 1

Je regardai autour de moi, sans parvenir à trouver une explication plausible. Des arbres de cinquante mètres nous dominaient de leur hauteur, imposants et majestueux, avec leur tronc de deux mètres de diamètre.

Bien que l'on fût en automne, leurs feuilles vert foncé nous faisaient de l'ombre. Comment était-ce possible ? Étais-je folle ? Peut-être étais-je morte ? Ainsi ça serait le paradis ? Soudain, je pris conscience à quel point l'endroit était obscur, lugubre. Une légère brume couvrait le sol et m'empêchait de voir mes pieds. Le silence s'imposait, un silence tendu, troublant.

Hum, non, songeai-je. Sûrement pas le paradis.

Je me secouai pour chasser les tremblements qui souhaitaient s'emparer de moi.

- Hélène, fit la voix rauque de Jey, où sommes-nous ?

- Dans l'Ancien-monde.

- Qu... quoi ? Comment sais-tu cela ?

Je réalisai qu'il n'attendait pas vraiment de réponse à sa question. Je m'empressai d'ajouter :

- C'est écrit sur le panneau.

Surpris, il y jeta un coup d'œil, puis sembla réfléchir sérieusement. Pendant qu'il était absorbé dans la contemplation de la pancarte, je me plongeai dans l'ambiance étrange de l'endroit.

Ces arbres... ils semblaient dégager comme une énergie indéfinissable.

J'interrompis le cours de mes pensées quand je me rendis compte que Jey fixait un espace autour de moi d'un air abasourdi.

- Tes... tes cheveux volent... dit-il d'une voix chevrotante, presque apeurée. Ils... On dirait... qu'ils flottent dans l'air...

Je regardai alors autour de moi, et je surpris des mèches brunes à la hauteur de mes yeux. Je retins un cri de surprise, et les examinai, complètement dépassée. Pendant ce temps, je vis du coin de l'œil Jey sortir le détecteur. Il l'étudia, et après quelques minutes, me le tendit.

- Ma sœur est ici. La carte a changée, c'est une sorte de cercle délimité.

Il m'indiqua un point rouge sur l'écran.

- Et d'après elle, Rose se trouve juste là.

J'inspectai la carte.

- Mais c'est tout près ! À peine à quelques kilomètres !

Son visage se perdit dans un immense sourire. Je me pris à désirer que ce fût sa tête habituelle. Or, j'étais consciente que pour cela il fallait que l'on retrouve sa sœur. Donc, sans rien ajouter, on se mit en route.

Ce fut la promenade la plus extravagante qu'il ne m'avait jamais été donné de faire. Le mélange à la fois harmonieux et terrifiant du décor était à couper le souffle. Partout autour des arbres s'élevant, on pouvait admirer une herbe verte et à foison, décorée de fleurs sublimes, dont j'ignorais l'existence même, défiant les palettes de couleurs les plus diverses. Mais tout cela était ombragé par les immenses branches, et gâché par ce silence déroutant.

Nous cheminâmes prudemment parmi ces arbres gigantesques sur une allée qui paraissait avoir déjà été empruntée par des personnes. C'était pourtant très calme, et on ne croisa nul être. Ni Hommes, ni animaux (à l'exception de rares oiseaux).

Et dans cette ambiance à la fois divine et cauchemardesque, le temps sembla s'arrêter. Je manquai de sursauter quand Jey m'affirma qu'on était bientôt arrivés. Pourtant, il n'y avait rien en vue, seulement ces arbres, encore et encore à l'horizon.

Alors, en me concentrant bien, je crus voir de la lumière, au loin. Quelque chose de clair, d'éblouissant... L'orée de la forêt !

Je fis part de ma découverte à Jey et il hocha calmement la tête.

Mais très vite, je flairai un problème. Nous nous approchions encore et toujours de cette clarté aveuglante, pourtant l'obscurité de la forêt ne décroissait pas. Comme si les ténèbres étaient prisonnières de l'endroit.

Il fallut que l'on soit quasiment arrivés pour que je me rende compte de la vérité déroutante : à quelques mètres de nous seulement, des flocons blancs tombaient du ciel.

Si, si, je vous assure !

Ils venaient s'écraser doucement, les uns après les autres, sur la neige épaisse. Il me sembla distinguer au fond de ce décor des sortes d'habitations, devancées par des collines blanchâtres.

Quand Jey comprit, il s'arrêta net, demeura un moment médusé, puis courut vers cette neige irréelle. Je l'imitai et nous nous arrêtâmes tous les deux juste devant. Après avoir échangé un regard, nous tendîmes simultanément notre main vers ce décor assourdissant... qui vint se cogner durement contre une vitre invisible.

Estomaquée, je plaquai mes deux mains contre celle-ci. Elle... elle était totalement transparente. Comment cela pouvait-il être possible ?

Je secouai la tête quand cette question me traversa à nouveau l'esprit et je me promis de ne plus y songer. Les récents événements n'étaient qu'une succession " d'impossible ".

- Non ! murmura Jey, la voix douloureuse. Non, non, non... Ma sœur est juste là, juste derrière cette barrière invisible.

Il tapa violemment contre elle et gémit de douleur.

-... et je ne peux pas la récupérer.

Je crus d'abord que la barrière se fissurait, car elle émit un craquement, comme de la glace qui cède. Mais peu à peu, je discernai des inscriptions qui se formaient, d'une blancheur étincelante. En plissant les yeux, je les déchiffrai à haute voix.

- Le cycle du temps n'est pas modulable.

- Ça veut dire quoi ça ? ronchonna Jey, en secouant sa main endolorie.

- Hum... Aucune idée.

Ici, il faisait beau et les plantes étaient en abondance. Et par là, il neigeait... Que tout cela fût inconcevable ? Sûrement. Pourtant, c'était la réalité, et elle était là, juste devant nous.

Sauf qu'on ne pouvait pas passer, et que l'on était résolus à récupérer sa sœur.

- Montre-moi le détecteur.

Il me le tendit et je traçai le contour la carte circulaire de mon doigt.

- Si on ne peut pas passer par là, décrétai-je, il va falloir faire le tour.

Je levai le nez de l'appareil et remarquai que Jey m'observait d'un air torturé. Quand je croisai ses prunelles, il afficha soudainement un masque impassible.

- Donc ça veut dire quoi ? conclut-il. On va devoir par-courir toute cette distance à pied alors qu'on pourrait passer... juste là ?

Il indiqua la paroi juste devant nous.

- On ne peut pas, affirmai-je, en fixant sa main rougie.

Il soupira, puis son regard s'illumina.

- Et si on coupait au centre ? Regarde, juste-là. Il y a comme un trou béant. Si on essayait de le franchir ?

- Je ne crois pas que ce soit une bonne idée, rétorquai-je en croisant mes bras. Un trou béant ce n'est jamais bon signe, tu ne crois pas ?

- Mhhhm... Enfin bon, maugréa-t-il, visiblement pas convaincu, ça fait un sacré bout de chemin.

- Pas tant que ça...

- Tu es sacrément optimiste.

- Et toi, pessimiste, rétorquai-je.

- On se complète, s'esclaffa-t-il doucement.

Je plongeai dans ses yeux magnifiques, et son regard conquit le mien. Aussitôt, je n'entendis plus que mon cœur.

Boum, boum, boum.

- Pas de temps à perdre, alors, finis-je pas conclure.

Et nous fîmes demi-tour...

Au bout de quelques temps (impossible d'être précise, il se déroulait vraiment étrangement), Jey prit la parole.

- Je me demande ce qu'est en train de faire Léo. À l'heure qu'il est, il doit être fou d'inquiétude.

- Léo ? me moquai-je.

J'avais vraiment du mal à l'imaginer inquiet.

- Oui.

- Désolée, c'est qu'il est si peu sérieux.

Jey poussa un profond soupir.

- Il a beau être tout le temps souriant, ce n'est qu'un masque. En réalité, plus il l'est, plus on devrait s'inquiéter pour lui.

Je ne dis rien, méditant sur ce qu'il venait de me révéler. Ne sachant quoi répondre, je décidai de changer de sujet.

- Tu crois qu'il y a un chemin-retour ?

Bon, d'accord, ce n'était peut-être pas une si bonne idée, après tout.

- Bien sûr, m'assura-t-il. Et on le trouvera. Dès qu'on aura retrouvé Rose, on rentrera chez nous, tu verras.

Je ne savais pas s'il croyait en ses propres paroles, mais sa détermination me fit beaucoup de bien.

Passant devant le panneau, nous prîmes la direction opposée de celle que nous avions empruntée auparavant, et tout à coup, je réalisai à quel point nous en aurions besoin, de sa détermination. Notre quête promettait un voyage ahurissant.

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