PARTIE 1: LA TERREUR Chapitre 1

  J'observais mon visage sans défaut dans le miroir de la salle de bain d'un appartement que j'allais devoir quitter ce soir au plus tard. J'avais un fer à repasser brûlant dans la main droite. Que se passerait-il si je l'appliquais sur mon visage assez longtemps ? Cette figure d'ange n'aurait plus de raison d'être. 

Je le reposai, découragée. 

Ça, il aurait fallu le faire avant. Maintenant, c'était trop tard. 

J'étais sur le point de sortir de la pièce quand j'aperçus du mouvement à la fenêtre. Je m'approchai. Alors, derrière la buée amassée sur le carreau, je pus distinguer trois hommes en uniforme qui couraient jusqu'à mon immeuble.

Et mince !

Je me pressai dans ma chambre, et, en deux temps trois mouvements, j'avais vidé tous mes tiroirs et rempli mon sac de mes quelques affaires. Une chance que j'avais mes chaussures aux pieds !

J'ouvris brutalement la porte et me ruai vers l'issue de secours. J'atteignis celle-ci quand des pas se firent entendre derrière moi... Je me retournai : un des trois hommes croisa mon regard. Aussitôt, il s'élança à ma poursuite.

Je grimaçai. De la chance, hum, tu parles !

Par dessus les battements de mon cœur, je percevais les pas lourds et rapides de mon poursuivant. Je dévalai les escaliers tandis que l'air frais m'assaillait de toutes parts... Mais ce n'était rien comparé à la peur qui me nouait le ventre.

L'homme me suivait de près. Il était grand, musclé, effrayant. Et ce qu'il comptait faire de moi m'effrayait encore plus.

Que j'aurais été heureuse si l'Armée fonctionnait comme les gens le croyaient ! Mais quoi que vous pensiez savoir, oubliez-le : vous vous fourvoyez.

Quand j'arrivai sur la terre ferme, je pris fuite dans les rues de Paris. Le soldat n'était plus qu'à quelques mètres de moi, et, je le craignais, n'allait pas tarder à me rattraper. Je savais que je ne le sèmerais pas. Pas comme ça, du moins. Une bouffée d'angoisse m'envahit.

Non, songeai-je, je ne me laisserai pas abattre.

Je crois bon de préciser que j'entendais cela au sens littéral. Il fallait que je trouve une cachette, et vite.

- Arrête-toi ! me cria l'homme.

J'étais à deux doigts de lever les yeux au ciel. Me prenait-il vraiment pour une idiote ? 

Je bifurquai à une intersection, puis encore et encore, bénissant mes baskets aux semelles épaisses qui s'écrasaient sur le béton sans émettre de bruit. Là, je décidai de me cacher derrière une poubelle, la respiration haletante.

Bientôt, j'entendis des pas, rapides. Ils ralentirent, avant de s'arrêter. Mon cœur battait la chamade. J'allais presque espérer que mon traqueur fasse demi-tour, quand le conteneur se renversa tout à coup, avec une violence brutale qui me fit sursauter. 

J'étouffai un cri. 

L'homme me faisait face, une arme à feu dans la main... qu'il pointait droit sur moi. Je me figeai, parce que j'étais terrifiée et qu'il n'y avait plus rien à faire.

J'allais mourir.

Je toisai l'homme en me demandant pourquoi ce n'était justement pas déjà le cas. Celui-ci me fixait d'un air étrange. Il me semblait y déceler de la tristesse... Mais ce dont j'étais sûre, c'est qu'il était indécis. Je sautai sur l'occasion :

- Pitié, je vous en supplie !

Il baissa son arme quelques secondes, mais la pointa à nouveau.

- Si je ne te tue pas, ils me le feront payer très cher. D'une sanction pire que la mort.

J'ouvris la bouche pour formuler quelque chose, mais je n'avais rien à répondre à cela. Alors je me contentai de le regarder de mes grands yeux suppliants. Soudain, nous entendîmes des cris lointains.

-Jey ! Jey !

-Et merde ! fit l'homme.

L'air grave, il se retourna vers moi. Il semblait avoir pris une décision, j'en avais peur. À ma grande surprise, il me saisit par le bras et m'entraîna dans sa course.

- J'en reviens pas de faire ça... murmura-t-il.

Nous parcourûmes une assez longue distance, et ce sans prononcer un mot, le silence uniquement recouvert par nos pas vifs et mon souffle haletant - le sien restait parfaitement régulier -, ainsi que le son lointain des quelques voitures qui circulaient si tôt ce matin. Alors, le prénommé Jey s'arrêta et m'ordonna de me cacher derrière une pile de cartons qui demeurait dans la rue sombre où nous avions débarqué. Je restai sans voix.

- Pour... pourquoi faites-vous ça ? parvins-je à articuler au bout d'un moment, malgré mon essoufflement et... une confusion profonde que je ne pouvais dissimuler.

Il me lança un regard effaré.

- Je ne le sais pas moi-même. Attends-moi ici. Je... je reviendrai te chercher quand il n'y aura plus de danger.

Et il repartit.

Et moi, je restai derrière ces cartons, ébahie dans l'obscurité pesante. 

J'hésitais à partir. 

Et si c'était un piège ? Je me sentais bouleversée, d'autant plus que cela faisait longtemps qu'aucune personne ne m'avait témoigné de gentillesse. Je ne devrais pas m'y fier. Et pourtant, je restai là, près d'une heure et demie.

Je sursautai quand quelqu'un surgit de derrière la pile. C'était lui.

- Bon alors, dit-il en me montrant une clé, va à l'adresse inscrite sur le trousseau.

Tout indiquait qu'il était anxieux : les traits de son visage, son regard, sa façon de parler.

- Pourquoi ? C'est où ?

- Là où personne ne viendra te chercher...

Il déglutit.

- Chez moi.

Ses bras musclés me la lancèrent, et il m'observa une dernière fois, le visage rongé par l'inquiétude, presque déjà conquis par le regret. Puis le soldat s'en alla.

En examinant l'inscription sur le trousseau, je m'aperçus que l'endroit ne m'était pas inconnu. Il fut un temps, ma grand-mère avait habité les environs, avant son décès. Il me fallut donc peu de temps - et pas trop de peine - pour finir par déboucher, en la ville de Nanterre, dans une des ces nombreuses rues de France qui portent le nom de Victor Hugo.

Si je devais décrire l'endroit en un mot, ce serait "fantomatique". Il y avait beau y avoir pas mal de maisons, toutes pressées les unes contre les autres, il régnait dans la rue un silence de mort.

 Je cherchai le numéro de la maison indiqué et le trouvai, sans n'avoir croisé personne. J'arrivai jusqu'à la demeure. Elle était toute aussi banale que les autres. D'ailleurs, la seule chose qui semblait différencier les habitations entre elles était leur numéro affiché à l'entrée. Mes mains frigorifiées insérèrent la clé dans la serrure. La porte s'ouvrit dans un grincement. Je m'arrêtai.

J'hésitai à entrer pour trois raisons. Premièrement, ce n'était pas chez moi. Ensuite, à cause de l'ambiance de la rue, terriblement lugubre : elle ne pouvait décemment rien présager de bon...

Et enfin - et surtout ! -, je ne comprenais toujours pas pourquoi je faisais confiance à cet homme.

Mais c'était pour cela. Pour la raison indistincte qui me poussait à lui faire confiance, que j'y pénétrai. Ensuite, je refermai la porte à double-tour derrière moi.

Je glissai la clé dans ma poche et allumai la lumière, me permettant ainsi d'examiner les lieux. La première chose que je remarquai, ce fut la saleté. Partout. Même en faisant abstraction de la poussière qui se logeait çà et là et des multitudes de chaussettes éparpillées dans le salon, on ne pouvait que remarquer les piles d'assiettes sales, les objets dispersés à des endroits qui n'étaient pas leur place ; comme la télécommande dans l'évier, mais ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres.

Je m'écroulai dans un canapé usé en posant mon sac à mes pieds. Cette course m'avait épuisée plus que je ne l'avais cru. Je sortis une barre énergisante, et me permis de me servir de l'eau dans la cuisine.

 Une fois "restaurée", je revins à ma place pour faire le point dans ma tête. Mais je n'y parvins pas. À la place, que de questions. 

Comment un soldat, à qui on avait ordonné de me tuer, pouvait-il avoir envie de m'aider ? Comme il l'avait précisé, si ses supérieurs le découvraient, sa sanction serait pire que la mort. Pire que la mort... si ses proches l'apprenaient, ils risqueraient fort de m'en vouloir. C'est alors qu'une pensée soudaine me traversa l'esprit : sa maison n'était-elle pas trop grande pour une seule personne ?

Je ne pus m'empêcher de me lever et d'ouvrir les por-tes : je trouvai une salle de bain, une chambre - dont la propreté était semblable à celle du salon -, et... ouah.

Je venais de tomber sur une ravissante chambre de petite fille - qui, contrairement au reste de la maison, était parfaitement ordonnée. Les murs étaient peints en gris, et des étoiles nuancées les parsemaient. Enfantin. Chaleureux. Je refermai cette porte-ci respectueusement.

Quand je me tournai vers le salon, il me prit l'envie de tout ranger, comme cette petite fille avec sa chambre. Mais étant donné que je ne connaissais pas la personne qui l'habitait, j'avais peur de faire quelque chose qu'il n'apprécierait pas. De plus, l'attitude Blanche neige et les sept nains ne me correspondait pas vraiment.


NA : petit message aux lecteurs fantômes ! Si vous aimez cette histoire, aimez-la comme il faut ! N'hésitez  pas à la voter, la commenter, la partager ou même... Vous abonner  ! Je vous assure, il ne vous sera fait aucun mal en retour ! Enfin... Je crois ^^

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