Chapitre 5
Je me réveillai dans la voiture, sur le côté gauche de la banquette. Jey était à ma droite et Léo, à l'avant, tous deux profondément endormis. Leurs légères respirations régulières me semblaient dignes d'une berceuse. Je restai là un moment, à les contempler, et quand les premières lueurs du jour apparurent, je décidai de sortir.
Je réussis à trouver de fines couvertures dans le coffre. Je les plaçai sur les fenêtres, tels des rideaux, pour leur permettre de dormir plus longtemps. Ensuite, j'inspectai l'extérieur. Nous nous étions arrêtés dans un village. Vraiment petit, je m'en demandai même le nombre d'habitants. Fouillant derrière les sièges, je parvins à trouver un sac en papier, ainsi qu'un stylo dans mon sac à dos. J'y griffonnai quelques mots...
Suis partie chercher de quoi manger.
P-S : t'inquiète Jey, j'ai mis ma capuche !
Hélène.
... que je laissai en évidence sur la banquette, avant de fermer le plus doucement possible la portière et de partir à la recherche d'une boulangerie.
(Oui, oui, je l'avais mise, cette capuche.)
J'examinai les ruelles et je m'engageai dans la plus grande, en espérant trouver le centre du village. Il ne me fallut que peu de temps pour tomber sur une place. En sondant les quelques modestes boutiques, je découvris enfin une boulangerie. J'y pénétrai alors et demandai certains croissants et pains au chocolat, que la vendeuse m'offrit suspicieusement, en scrutant ma capuche d'un œil mauvais. Je lui tendis tout de même la monnaie et dans un au revoir nonchalant, quittai la boutique.
Je retrouvai facilement la voiture. Alors que j'ouvrais la portière, je tombai sur un Jey anxieux. Ses traits se décontractèrent doucement.
- Tu n'as pas vu mon mot ? m'enquis-je.
- Si, si, grommela-t-il en se renfrognant. C'est juste que tu aurais pu m'attendre.
- Tu dormais comme un loir, chuchotai-je, consciente que c'était encore le cas de Léo. Parlons dehors, c'est préférable, ajoutai-je.
En réalité, j'étais dépassée qu'il s'inquiète pour si peu, même si je n'étais pas certaine de la cause de cette attitude : se souciait-il de ma propre sécurité ou des ennuis qu'il aurait si on me trouvait ici ? Cela dit, une fois sortie, je pris la peine de le rassurer.
- Il n'y a quasiment personne dans ce village. Il ne pouvait rien m'arriver.
Le soldat acquiesça mais ajouta tout de même, d'un air très sérieux :
- Avant de prendre une décision, on se consulte, Hélène.
Mon nom prononcé par sa voix rauque et protectrice me provoqua un tressaillement.
- Même pour acheter des pains ? m'esclaffai-je.
- Même pour acheter des pains, insista-t-il avec un sourire.
Quand Léo fut éveillé, Jey le pressa pour qu'il démarre. Celui-ci ronchonna et plaida quelques minutes pour se réveiller, et pour le soutenir je lui tendis un pain au chocolat. Le blond me remercia et prit soin de prendre son temps, conscient que cela agacerait Jey.
Jugeant qu'il avait bien prit sa pause, il daigna enfin conduire, et comme d'habitude j'eus une folle envie de rire devant son manège exagéré spécialement conçu pour exaspérer Jey. Selon ce dernier, le trajet durerait deux jours en tout, et je me demandais comment il allait faire pour ne pas le tuer avant.
Décidément, je m'interrogeais : comment avaient-ils pu en arriver là ? Et pourquoi Léo se retrouvait impliqué dans une quête pour retrouver la petite sœur de Jey ?
Hélas, cela faisait trop de mystères pour moi, il fallait que je sache.
- Pourquoi êtes-vous toujours énervés ? demandai-je alors, brisant le silence.
Quelques instants s'écoulèrent et je crus devoir baisser les bras, quand Jey leva enfin le nez pour me répondre :
- Je finissais par croire que tu ne me le demanderais jamais.
J'attendis patiemment qu'il m'explique, sans émettre un son. Il poussa un profond soupir.
- C'est un peu long.
- J'ai du temps à revendre, me moquai-je.
Il prit quelques temps pour rassembler ses idées, et parut sur le point de commencer quand il me dit :
- Tu répondras à une question, donc ?
Je frémis. J'avais espéré qu'il aurait oublié notre marché.
Apparemment, non...
N'ayant d'autre choix, je murmurai un "oui" à peine audible. Ma réponse sembla le ravir, et sans plus attendre, il se lança dans les explications.
- Lorsque Léo était mon meilleur ami (j'eus de la peine pour le concerné quand Jey insista sur le "était"), il gardait souvent ma sœur quand je faisais des petits boulots de-ci, de-là. Pour me rendre service, et parce que, comme tout le monde, il l'aimait. Ma sœur est la chose qui m'est la plus précieuse, la prunelle de mes yeux... mon trésor. Et j'avais une confiance aveugle en ce crétin, dit-il en désignant Léo du doigt.
Celui murmura quelques mots inintelligibles que Jey se fit un plaisir d'ignorer.
- Il l'avait emmenée au parc et... il flirtait avec une fille - ou je ne sais plus trop quoi - depuis un moment, quand il s'est aperçu qu'il n'avait pas vu Rose depuis un bout de temps. Après ça, on s'est mis à sa recherche, mais la police n'a rien trouvé. Elle a finit par abandonner.
« L'Armée ayant besoin de soldats, on m'a demandé de l'intégrer en échange de quoi ils déploieraient des moyens pour retrouver ma pauvre sœur. Mais eux non plus n'ont rien trouvé. En fait, je doute qu'ils n'aient jamais fait quoi que ce soit pour, ajouta-t-il, amer. C'est à partir de là que ma confiance en eux s'est remise en doute... Mais j'avais besoin d'un travail et j'avais démissionné de mes anciens postes, alors je suis resté soldat. »
Je fus saisie par la douleur qui émanait de sa voix.
- Je m'en veux atrocement, intervint Léo, enfilant son masque de personne mature. Si tu savais... toutes ces nuits où je n'ai pas dormi...
Il se reprit tout à coup et poursuivit :
- J'ai ensuite entendu parler d'un objet. Un engin capable de repérer l'endroit où se trouve n'importe qui à partir d'un vêtement. Je voulais à tout prix me rattraper et avoir une chance de la retrouver. Du coup, j'ai tout fait trouver cette machine, j'ai risqué ma vie... et je l'ai volée, ajouta-t-il, un sourire malicieux s'étirant au coin de sa bouche.
- Mais je t'en voudrai toujours tant que je ne l'aurai pas auprès de moi, déclara Jey.
- Cette histoire m'attriste, avouai-je, le ton morne.
C'était un peu piteux, après tout ce qu'ils m'avaient dit, mais c'était venu tout seul.
- Heureusement ! fit Jey. Et maintenant, tu dois répondre à ma question.
Je grimaçai. Cela ne lui échappa pas. Il poussa un petit rire.
- C'est le deal.
- Je sais, soupirai-je. Alors, vas-y, je suis toute ouïe.
Il fit mine de réfléchir, mais je savais très bien qu'il avait déjà choisi sa question.
- Les rumeurs... Non, se reprit-il, le rapport officiel dit que tu as tué toute une assemblée et que seul le comman-dant a réussi à t'échapper. Tu dis que c'est faux, alors que s'est-il passé ?
Il pouvait rêver pour que je lui offre tous les détails qu'il m'avait donnés.
- C'est lui qui les a tués.
Le silence s'ensuivit. Comprenant que je m'arrêterais là, Jey réagit.
- Je t'en prie aide moi à comprendre ! s'exclama-t-il. Ces gens étaient à sa solde. Pourquoi diable les aurait-il tués ?
Je lui souris pour le narguer.
- C'était une question. Là, ça fait deux.
Je distinguai le rire étouffé de Léo.
- Quoi ?! s'écria l'autre. Parce que j'ai répondu à la tienne en une phrase peut-être ?
- Je n'en demandais pas tant.
- Tu es injuste, bougonna-t-il.
- Plus vous en savez, plus vous êtes en danger, affirmai-je.
Je déglutis en le réalisant.
- Déjà là, il vous tuerait sans hésiter. Je n'aurais jamais dû te répondre.
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