Chapitre 12

Quand naquit la lumière éclatante à notre droite, Jey et moi portâmes instinctivement nos bras devant nos visages. Son puissant rayonnement était insoutenable. Je détournai la tête et fermai les yeux, le plus fort possible, tandis qu'une forte chaleur irradiait mes avants bras. Fort heureusement, la clarté finit par s'amenuiser, et nous pûmes ouvrir les yeux sans danger.

Ce dont nous fûmes témoins alors nous sidéra.

- C'est impossible... murmurai-je malgré moi.

Mes jambes faillirent se dérober. Jey me soutint.

- Ça va aller... me dit il.

Mais mon regard ne pouvait se détacher de cet espace rayonnant, où l'on pouvait enfin distinguer une parcelle d'un endroit délabré que l'on connaissait par cœur, faute de l'avoir fouillé de fond en comble.

-... ce n'est que le hangar.

Je ne pus m'empêcher de déceler cette espèce d'ironie choquée dans sa voix.

Le hangar, il y a le hangar devant nous.

Celui que l'on avait visité avant de venir ici.

Comment diable était-ce possible ? Et que faisait-il là ?

Soudain, Jey m'attrapa par les épaules, me retourna doucement. Il semblait qu'il venait de comprendre quelque chose.

(Qu'il était beau avec ce sourire qui illuminait son visage !)

- C'est notre issue de secours ! s'émerveilla-t-il.

Je percutai. Enfin.

- Tu... Tu crois que...?

- Oui. On doit pouvoir passer et rentrer chez nous par ici.

Il passa sa main à l'intérieur.

- Fais attention ! fis-je.

Je me rapprochai de lui.

- C'est peut-être dangereux.

Il sourit à ma remarque.

- Depuis quand tu te soucies autant de moi, la fille aux secrets ?

- Depuis toujours ! m'indignai-je.

Il détourna ses prunelles apaisantes du hangar pour les enfoncer dans les miennes.

- C'est vrai, admit-il avec un sourire en coin.

Je l'imitai, étirant mes lèvres.

- L'air est chaud dedans, remarqua-t-il ensuite.

Il tournait et retournait sa main à l'intérieur, réellement fasciné. En observant ce décor ahurissant, un déclic se fit dans ma tête.

- Jey ! m'exclamai-je soudain. Enlève ta main, vite !

Il obtempéra aussitôt. Pendant que nous parlions, la luminosité s'était réduite à tel point que le hangar n'était plus éclairé que par une faible lueur.

Jey eut à peine le temps d'ôter sa main que toute lumière disparut... accompagnée du hangar lui-même.

Alors, la neige qui s'était arrêtée reprit son œuvre.
Mon soldat était ahuri.

- Comment tu as su que ça allait disparaître ?

Mes doigts allèrent se mouvoir sur son torse.

- Une intuition...

- Merci ! Qui sait ce qui aurait pu arriver à ma main si je l'avais laissée...

- Mais de rien !

- C'est bien beau tout ça, marmonnai-je après un bref silence, mais on vient de laisser passer la chance de notre vie, là, il y a trente secondes.

- En fait, avança-t-il, je soupçonne Maria d'être derrière tout cela. Elle a du lire la sapienta, et elle doit savoir comment déclencher le mécanisme pour faire apparaître le hangar...

Mes yeux s'agrandirent.

- Sauf que seuls nous deux savons où se cache la sortie...

- C'est ça.

Jey releva tendrement mon menton.

- Il est temps de retrouver les autres, tu ne crois pas ?

J'opinai du chef.

Sans attendre, mon cher soldat me prit par la main, et nous pressâmes le pas en direction de la demeure de l'Impératrice. Nous parvînmes vite dans une grande ruelle, où nous croisâmes quelques immortels agités qui couraient d'une habitation à une autre.

Certains criaient des paroles inintelligibles. L'un d'entre eux, un jeune homme dont les cheveux roux ressortaient par dessus le décor blanc des alentours, me bouscula.

Il continua tout de même sa course sans se retourner, bien trop pressé pour daigner s'excuser.

Cet endroit avait toujours été bizarre ; mais là, il se passait quelque chose, même moi je le savais.

Quand nous entrâmes dans la ravissante maison de Maria et que nous débouchâmes sur le hall, je compris tout de suite que nous étions attendus.

Léo, Juliette, Rose, Maria et Arthur étaient assis sur les canapés, tournés vers nous.

- Où étiez-vous ? se méfia aussitôt la maîtresse de mai-son.

- Dehors, rétorqua Jey, bien que ce fût une évidence.

- Il s'est passé quelque chose... devina Arthur, incrédule. Qu'avez-vous fait ?

Je plissai les yeux.

- Il ne s'est rien passé du tout.

- Tu mens, lâcha-t-il aussitôt.

- Ah oui... Et qu'est-ce qui te permet d'affirmer une chose pareille ?

Il me fusilla du regard.

- Mon fils a un don, m'apprit alors Maria. Tout comme je peux déplacer les objets et léviter, mon cher Arthur décèle les expressions et détecte les mensonges. Chacun ici exprime un talent différent.

- Co... Comment ! m'étonnai-je. Je pensais que vous étiez tous dotés des mêmes pouvoirs...

- C'est ce que je t'ai volontairement laissé croire.

Ses lèvres malicieuses s'étirèrent, ce qui eut pour conséquence - devinez quoi ! - de me taper sur le système...

- Quoi qu'il en soit, reprit-elle, nous sommes en droit de savoir ce que vous faisiez dehors si tôt ce matin, alors que c'est arrivé.

- Arrivé quoi ?

- Répondez, jeune fille.

- Justement, vous n'êtes pas en droit, intervint Jey, c'est... personnel.

Je rougis légèrement.
Léo siffla, et le bruit raisonna dans toute la pièce.

- Jey, mon pote, tu as des trucs à me raconter, s'enthou-siasma-t-il.

Je pouffai, alors qu'au coin de l'œil, je voyais Maria murmurer quelque chose à Arthur. Elle desserra l'emprise de sa main autour du bras de son fils.

- La ferme Léo, répliqua le pote en question. Si tu crois que je n'ai pas remarqué ta proximité avec Miss Juliette ces derniers jours...

Celle-ci rougit à son tour et ôta la tête qu'elle avait posée sur son épaule.
Le comique fit une grimace à l'attention de Jey, qui provoqua l'hilarité générale. Ainsi, personne ne remarqua le geste de Maria à l'égard de son fils. Sauf moi.

Une fois tous les rires dissipés, je la questionnai :

- Que se passe-t-il ? Dehors c'est la panique, et vous-même avez mentionné quelque chose qui est arrivé...

- C'est la neige.

- La neige ? Qu'a-t-elle ?

Ce fut Arthur qui nous dévoila la réponse.

- Elle s'est arrêtée, dit-il.

Comme d'habitude, Maria prit la parole pour nous expliquer la chose.

- Elle n'arrête jamais de tomber, cette neige, justement. Elle s'est toujours écrasée sur le sol. Certaines fois de façon plus... accentuée que d'autres, je vous l'accorde, mais sans interruption. Les seules fois où cela s'est produit, des personnes ont disparu. Des personnes que nous n'avons jamais revues depuis. Des histoires horribles circulent à ce sujet, vous savez...

Elle expira bruyamment.

- Ce que vous avez vu dehors, cette panique, ce sont les familles qui vérifient que les victimes ne sont pas parmi leurs proches.

Nous nous dévisageâmes tous, en particulier Léo, Jey et moi, comme nous avions pris l'habitude de le faire depuis peu.

- Vous avez appris quelque chose de la sapienta ? demandai-je alors. Ça a peut-être un rapport...

- Hélas, non.

Elle me fixait sans bouger un seul muscle de son corps ou de son visage. Seule sa bouche se muait, ce qui lui donnait un air plutôt menaçant. Croyez-le ou pas, j'eus l'impression qu'elle voulait m'adresser un message.

- Les documents ont été incroyablement bien conservés, seulement ils datent d'une époque lointaine, et je ne comprends pas un seul mot de ce charabia.

Elle détacha son regard et observa furtivement Arthur, puis Jey.

- QUOI ? fit ce dernier, fou de rage. Vous avez risqué sa vie pour... du charabia ? Mais vous vous prenez pour qui ! D'abord vous kidnappez ma sœur, pour soi-disant guérir votre peuple...

- Nous en avons déjà parlé....

-... ensuite vous manquez de tuer Hélène ! Pour quoi ? Rien DU TOUT !

- Jey, je t'ai déjà tout expliqué. Mon peuple se mourait. Rose l'a sauvé et le sauve un peu plus chaque jour. Vois comme les immortels sont pleins de vie ! Aujourd'hui ils ressemblent presque... à des humains.

Il secoua la tête.

- Ne me faites pas ce coup-là, dit-il d'un ton las. Qui est le prochain sur la liste ? Léo ? Jusqu'où irez-vous pour me blesser, Maria, au profit de votre monde ?

Cette dernière ouvrit instantanément la bouche, et je préfère taire la culpabilité qui dévora ses traits.

Tout à coup, la porte s'ouvrit. Un homme, le roux qui m'avait bousculée, débarqua dans la pièce.

- Je viens pour faire mon rapport, annonça-t-il.

Tous les regards se tournèrent vers lui.

L'immortel dut s'y prendre à plusieurs fois pour sortir ce qu'il avait à dire. Il semblait sous le choc.

- Pour la première fois dans l'histoire de notre monde, la neige s'est arrêtée... sans qu'il n'y ait aucun disparu.

C'est alors que je compris.

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