🪴 𝓠uelle est ta plante favorite? 🪴

𝓗𝓮𝓭𝓮𝓻𝓪 𝓗𝓮𝓵𝓲𝔁 est une histoire en trois parties que j'ai déjà terminé d'écrire! Elle est très importante à mes yeux pour plein de raisons, donc j'espère sincèrement qu'elle te plaira. 🥰

Mille mercis à CreajuOtaku et Yowahoshi_ de m'avoir épaulée dans cette aventure! Je vous aime fort, les filles 💜


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L'atmosphère qui régnait dans cette fichue serre allait achever de le carboniser. Le soleil estival arrosait les larges vitres de ses rayons brûlants sans discontinuer, menaçant d'ôter toute trace d'hydratation de son organisme.

« Putain de vieux con de proprio... » râla-t-il discrètement en s'acharnant sur les mauvaises herbes qui osaient le narguer. « Même pas foutu de bouger son cul pour m'amener de la flotte... »

Les fleurs qui s'épanouissaient autour de lui en ignorant son calvaire venaient en plus lui chatouiller la nuque dès qu'il relevait un peu trop la tête. Heureusement pour elles, il les aimait assez pour les préserver de sa colère...

Katsuki Bakugo, passionné de botanique de vingt-cinq ans, était jardinier depuis déjà quelques printemps. Sitôt son diplôme de fin de lycée en poche, il n'avait pas perdu de temps et s'était précipité auprès de son père afin de le supplier de l'embaucher dans sa micro-entreprise : le Mitsuki's Garden. Nommée ainsi en hommage à sa défunte mère, elle représentait pour l'apprenti de l'époque un compromis parfait entre son besoin d'évoluer parmi les plantes... et la nécessité de retrouver un peu de sa génitrice.

Il ne l'aurait avoué pour rien au monde mais, malgré sa fierté exacerbée et son goût prononcé pour la solitude, il n'était au fond qu'un garçon privé trop tôt de la première femme de sa vie.

Elle les avait quittés sur un dernier sourire, couchée sur son lit d'hôpital, alors que son père et lui n'étaient qu'à quelques centimètres. Âgé de treize ans, Katsuki avait été incapable de sortir de la pièce pendant de longues minutes, terrifié par le bruit continu du moniteur cardiaque qui indiquait, sans qu'aucun doute ne soit permis, que Mitsuki venait de succomber à son cancer du sein.

Quelle idiote! Avant d'en être elle-même victime, elle n'avait pas daigné s'intéresser aux multitudes de campagnes de prévention pourtant placardées dans chaque établissement médical – s'était entêtée à agir comme si la première cause de mortalité chez les femmes ne pouvait l'atteindre... Le pire restant l'audace dont elle avait fait preuve quand le verdict était tombé suite aux analyses ayant succédé aux premiers soupçons sur son état!

« Bon, quelle est la suite? On procède à la mammectomie de suite ou on attend un peu? »

Les professionnels qui l'avaient soignée jusqu'au bout confièrent plus d'une fois à Masaru Bakugo et à son fils leur admiration pour la quarantenaire. Elle s'était en effet battue telle une lionne, ignorant la peur et la souffrance engendrées par certains traitements, et n'avait jamais lésiné sur les moyens pour faire disparaître le mal qui sévissait en elle.

Aussi, Katsuki ne se souvenait pas l'avoir aperçue sans son rictus fier au cours de l'année précédant sa mort.

Quand celle-ci survint et que la peau abîmée de Mitsuki devint froide entre ses doigts, il se jura de tout mettre en œuvre pour lui ressembler. Il grava dans sa tête ses expressions faciales pleines de détermination, son rire si puissant qu'il en fissurait les murs – et, plus que tout, son amour débordant dont il avait bénéficié dès la naissance.

Il en était là, à présent.

Il s'était saisi de son goût pour la flore et en avait fait son projet professionnel. Il avait appris au côté de son paternel, né avec un don certain pour la culture des fleurs les plus exigeantes. Encore aujourd'hui, Masaru restait ce modèle de douceur et de patience, si éloigné du caractère flamboyant de son épouse, capable de remonter le moral de leur progéniture avec l'un de ses sourires d'une gentillesse inégalable.

Avec lui, Katsuki se sentait en sécurité, aimé et choyé. Même s'il parlait peu, sa façon de communiquer au travers de son talent le rendait plus loquace et compréhensible que tous les abrutis de citadins vacanciers faisant appel aux services du Mitsuki's Garden : le langage des merveilles de la nature n'avait plus aucun secret pour lui depuis longtemps.

Accablé par la chaleur, l'artisan se débarrassa d'un de ses gants épais de jardinage afin de saisir sa gourde couverte de terre, négligemment posée près de lui. Il grogna en s'apercevant du liquide restant quasi inexistant, mais s'empressa malgré tout de l'avaler, persuadé qu'il ne tarderait pas à être réduit en cendres.

« Connard de vieux... » marmonna-t-il en enfilant à nouveau sa protection.

Puis, binette à la main, il retourna à son labeur.

Sorahiko Torino, le doyen du village et son client de la semaine, était un petit être aux manières douteuses, aussi radin que hargneux. Il n'avait ainsi pas manqué de brailler sur lui à son arrivée, déjà convaincu, à l'instar de ses congénères du troisième âge, que le jeune homme n'était qu'un incapable qui détruirait sa précieuse serre à coups de fourche...

Finalement, le professionnalisme que le gamin s'évertua à montrer le lundi et le mardi le fit changer d'avis. À son retour le lendemain, il n'avait pas émis une seule protestation et s'était contenté de lui confier les clés du bâtiment avant de se terrer chez lui.

Plus il y repensait, et plus Katsuki trouvait cette attitude étrange... Ce monsieur était-il définitivement timbré? Devait-il prévenir la mairie du potentiel danger qu'il pouvait représenter avec sa canne virevoltant dans tous les sens?

Dégoulinant de sueur, il finit par se relever en préservant son dos, ayant bien besoin d'une petite pause. Il passa son avant-bras taché de terreau le long de son front, celui-ci ne tardant pas à resuinter après quelques secondes. Décidément, il allait crever ici...

« Mais que vois-je? Ne serais-tu pas en train de lambiner, morveux? »

L'interpellé sursauta en entendant la voix grinçante. Évidemment...

« Pas de ma faute si vous tombez pile au moment où j'respire un peu, m'sieur. » rétorqua-t-il en toisant son aîné.

« Pas le temps pour ça! Au prix où je te paye... »

« Arrêtez de déconner! Vous savez très bien qu'on a les meilleurs tarifs du coin. »

Comparé aux immenses pans de verdure qui s'étendaient du sol au plafond, son interlocuteur paraissait minuscule avec ses malheureux cent-vingt centimètres. Les baies vitrées, teintées d'un émeraude pastel harmonieux, créaient des jeux de lumière entre les feuilles, perçant les pétales les plus fins.

Il en aurait presque été un peu plus agréable à regarder, le fossile...

« Insolent. » le tança Torino, bien campé sur ses pieds grâce à sa fameuse canne. « Figure-toi que je suis venu t'apporter de l'eau. Je préfèrerais éviter un procès de la part de ton père. »

Il tenait en effet dans sa main libre une bouteille fraîche, qu'il lui tendit sans émettre de remarque sarcastique sur sa fragilité ou sa fainéantise. Il avait beau aimer jouer le vieux con, il était contraint d'admettre que Katsuki faisait du bon travail dans cette serre mal entretenue depuis des années...

« Merci, m'sieur. »

« Tiens, une formule de politesse! Pas trop dure à prononcer, ça va? »

« Si c'est pour me casser les sabots et m'empêcher de bosser qu'vous êtes venu... »

« Non, au contraire. »

« Ah ouais, vraiment? »

Le garçon n'attendit pas sa réponse et but goulûment sans se soucier du reste.

Grand, blond, bien bâti et doté des mêmes traits fins et iris carmin que sa mère, Katsuki Bakugo n'avait néanmoins jamais fait parler de lui ni d'une éventuelle conquête au bourg – ce qui arrangeait l'ancien. Trop préoccupé par le Mitsuki's Garden, il passait ses journées et une bonne partie de ses soirées à épauler son père dans la tenue de leur agenda et de leur comptabilité, déterminé à leur éviter des frais superflus.

Comment aurait-il eu le temps de tomber amoureux de qui que ce soit?

« Je voudrais te parler de cet endroit. » annonça le propriétaire sans ciller.

« Vous m'offrez une visite privée? » ironisa Katsuki en reprenant son souffle, sa soif enfin étanchée.

« Disons que je ne suis pas aveugle. Tu t'agites et râles davantage que Masaru, mais tu n'en restes pas moins un vrai passionné que mes fleurs adorent. »

Étonnamment, il ne reçut aucune moquerie. Aurait-il visé juste?

« J'ai tardé à faire appel à vous, je le reconnais. Je n'ai pas pris soin de ce lieu à cause de mes soucis de santé, et ce même si je le chéris du plus profond de mon cœur. Ça m'arrache presque la langue de te le dire, mais je suis content de tes efforts, mon garçon. »

« Merci, m'sieur. Ça m'fait... plaisir que vous l'admettiez. » lui avoua celui-ci.

« Les valérianes étaient les fleurs préférées de Mitsuki, n'est-ce pas? »

Torino désigna d'un doigt le coin réservé aux végétaux à petites feuilles.

« Oui. » acquiesça Katsuki en s'en approchant. « Elle les adorait. Elle trouvait qu'elles ressemblaient à des buissons cotonneux. »

« Et toi? Quelle est ta plante favorite? »

« Vous allez vous marrer, si j'vous le dis. »

« Je te promets que non. »

Le blondinet ébouriffa sa crinière déjà hérissée et crasseuse, gêné. Il n'aimait pas parler de ses goûts personnels.

« Le lierre grimpant. » finit-il par lâcher.

« Oh. Je vois. »

« Quoi, c'est tout? »

« C'est plutôt joli, je suis d'accord avec toi. »

« Ça va plus loin qu'un banal critère esthétique! »

« Explique-moi, alors. »

Katsuki soupira, agacé.

« C'est une putain de battante. Elle s'accroche partout où elle peut, grandit dans les endroits dont personne ne veut et y survit sans aucune aide extérieure. Elle est vivace, coriace et, j'l'admets... belle. » débita-t-il en fixant son client, les joues rosies par sa confession.

Torino hocha la tête, soudain pensif.

« C'est un choix étonnant, mais je peux le comprendre. Un signe supplémentaire que j'ajoute à ma liste, d'ailleurs... »

« Un signe de? »

« Que tu es peut-être celui qu'il attend. »

Silence pesant.

« Vous perdez la boule, ça y est? » grinça le plus jeune. « J'vais finir par appeler cette foutue maison de retraite, vous savez? »

« Ne sois pas méprisant, gamin! Je suis parfaitement conscient de ce que je dis, et en pleine maîtrise de moi-même. »

« Il y a au moins une personne qui saisit ce que vous baragouinez, c'est toujours ça de pris. »

« Si tu veux comprendre, suis-moi. Je t'autorise exceptionnellement à quitter ton poste. »

À bout de nerfs, le jardinier se débarrassa de ses gants et emboîta le pas à son prestataire qui déambulait déjà dans les allées jonchées de mottes de terre. Rien que d'apercevoir un fatras pareil, il avait envie de tout brûler... Comment ce mollusque d'un autre siècle avait-il pu laisser cette précieuse serre se décomposer ainsi? Néanmoins, il s'efforça de suivre son rythme – étrangement rapide –, curiosité éveillée.

Ils traversèrent les quelques chemins dont il n'avait encore pu s'occuper, se référant aux rayons solaires qui en illuminaient un bien précis. Soudain, Katsuki fronça les sourcils, alarmé par de petites lueurs virevoltant autour d'eux... De plus en plus nombreuses.

« Des lucioles à cette heure? » s'étonna-t-il sans oser balayer les importunes d'un revers.

« Non. » répondit juste Torino en ignorant sa stupéfaction.

« Qu'est-ce que c'est? »

« Tu le sauras plus tard. En attendant, je peux au moins t'affirmer que c'est très encourageant! »

Le cendré ne rétorqua pas, effaré par la malice qui transparaissait dans le ton enjoué du vieil homme. C'était sans doute surprenant, mais il ne parvenait plus à justifier ses étranges paroles avec une hypothétique sénilité... Il avait l'air beaucoup trop investi dans son histoire pour que Katsuki l'ignore simplement.

Et si c'était l'occasion de découvrir un espace secret, peuplé d'autres plantes rares aux besoins spécifiques? Peut-être en avait-il protégé dans une salle à part afin de veiller à leur croissance? Ou...

Sans doute étaient-ce les obsessions du garçon qui l'engageaient dans cette théorie farfelue. Au final, il serait certainement accueilli par un quelconque parterre, embelli par l'imagination défaillante de son client...

Mais alors, d'où venaient ces minuscules sphères lumineuses? N'étaient-elles pas une preuve que quelque chose de merveilleux se cachait là, à quelques pas? Une manifestation florale étonnante produite par un croisement?

Et voilà qu'il recommençait!

Il n'eut cependant pas l'opportunité de s'inquiéter davantage : Torino s'arrêta devant l'une des baies vitrées situées à l'arrière, sans un mot. Puis, après lui avoir lancé une œillade taquine...

La traversa en un battement de cils, comme si de rien n'était.

« M'sieur? » murmura Katsuki.

Aucune réaction ne vint. Il s'approcha à son tour doucement des carreaux, les seuls encore touchés par le soleil dans cette partie du domaine, à la recherche d'un indice pouvant calmer la panique qui l'engloutissait implacablement.

« C'est moi qui deviens fou, en fait... »

Déstabilisé par ce bouleversement mental, il prit toutefois le pari de suivre son instinct plutôt que sa raison. S'il était réellement cinglé, pourquoi n'irait-il pas au bout de ce délire? Il tendit la main droite vers l'objet de sa peur, secoué de violents frissons.

Si seulement il avait refusé d'écouter le doyen...

Il n'eut pas le temps d'éprouver d'autres regrets : la surface se saisit de lui dès qu'il l'effleura, l'emportant en un hurlement terrifié dans un environnement inconnu.


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