CHAPITRE XXXII

Août 1708, montagnes de Transylvanie...

Le ciel était beau ce jour là. Le chant des oiseaux perçaient les cimes des arbres comme un concert de conversations. Le feuillage des arbres resplendissait à la lumière des rayons éclatants d'un soleil haut et agréable. Il était tôt. Assis sur des pierres, en haut d'un promontoire rocheux, un groupe de quatre hommes étendaient leurs jambes, se reposant quelque peu et mangeant un maigre repas mérité. Ils avaient marchés toute la nuit et la journée de la veille. Ils avaient battus la forêt à la recherche d'un lieu qu'ils n'avaient pas trouvés. Pourtant, ils étaient certains d'être au bon endroit.

Du ciel descendit un balai, et le sorcier qui le chevauchait posa délicatement pied à terre. Il s'entretint avec celui qui faisait office de chef dans la bande dans une langue qu'Hector ne comprenait pas. Le chef lui traduisit les paroles de l'observateur aérien avec un lourd accent.

- Nous sommes bien au bon endroit, mais la carte que nous possédons n'est plus tout à fait exact. Le terrain à beaucoup évolué en trois siècles, le lit de la rivière c'est déplacé de presque une demi lieue.

- Ce n'est pas normal, repartit Hector. Un fleuve ne se déplace pas autant, sauf s'il est aidé...

- Voyez aussi que notre carte à été dessinée par Siegfried lui-même, et qu'il ne volait pas. La marge d'erreur est acceptable, Herr Balthazar.

- Aucune marge d'erreur n'est acceptable, Herr Wotan. Je veux retrouver ce vampire.

Hector s'avança de quelques pas, et contempla la forêt qui s'étendait à ses pieds, comme la mer aux falaises de Toulon.

- Alors que suggérez-vous ?

- Brûler la forêt, il finira bien par sortir de sa cachette.

Herr Wotan resta bouche bée. Ses camarades tournaient vers Wotan des regards interrogateur, mais n'osèrent rien dire. Wotan reprit contenance, passa une main dans ses cheveux si impeccablement coiffés et pointa du doigt la cuvette qu'ils surplombaient.

- Si vous brûlez toute cette forêt, elle ne s'en remettra jamais. C'est un lieu ou vivent des créatures magiques innocentes et quelques sorcières ermites. Vous ne pouvez pas faire ça.

Hector tourna vers ses yeux si particuliers vers ceux si bleus de Wotan. l'autrichien détourna le regard.

- Dîtes-moi, Herr Wotan, si un vampire, vieux de plus de trois cents ans, et ayant tué au cours de cette période un nombre incalculable d'innocents, à commencer par des membres de votre famille et après avoir presque réussi à faire entrer les deux mondes en guerre, avait tenté de vous trancher la gorge, ne mettriez-vous pas tout en œuvre pour le retrouver ?

- Si, bien entendu, mais pas au mépris d'innocents...

- Les innocents, Herr Wotan, sont des coupables qui n'ont pas encore été démasqué, croyez-moi... Maintenant, si vous ne voulez pas avoir un petit incendie sur la conscience, soit. Je retrouverais ce « Vitaly » moi-même.

Sans ajouter un mot, Hector fit demi-tour et descendit l'escarpement rocheux au sommet duquel ils étaient pour s'enfoncer dans la forêt.

Depuis la tentative d'assassinat raté, Hector avait cherché qui avait avait voulu sa mort, et pourquoi. Il n'avait rien trouvé du pourquoi, pas le qui, il le traquait depuis des mois : Vitaly Sharpov, un vampire, l'ultime survivant de l'Ordre du Dragon, que les Chevaliers de Walpurgis étaient censé avoir détruit des siècles plus tôt. La localisation de ce vampire était introuvable, sinon que mentionnée maladroitement dans des ouvrages d'époques et dans des légendes orales. On y racontait que les Sharpov avaient un domaine dans la forêt, quelque part en Transylvanie, et que la forteresse se dressait au sommet d'une colline, sous laquelle dormait un dragon. C'est à cause de cette légende que l'ordre était ainsi nommé, puisque créé par les Sharpov.

Hector, pour faciliter ses recherches, était allé trouvé les descendants du chevalier germanique Siegfried. Ces derniers lui avaient été fort utiles. Parcifal et Wotan, deux frères nommés en hommages aux compagnons de leur aïeul, avaient déniché dans la demeure familial les notes, vieilles de trois siècles, ainsi qu'une carte de tout l'Empire Magique d'Occident. Ils en avaient découvert un morceau découpé et rangé à part, avec des pages concernant Vitaly. Mais à part des déductions dans une langue trop ancienne pour être aujourd'hui correctement comprise, les frères et Hector avaient tout de même obtenue un endroit. Vague, certes, mais cela avait amoindri le périmètre de leurs recherches.

Depuis des mois qu'ils fouillaient toute la région, ils pensaient enfin avoir trouvé la cuvette décrite par Siegfried. A flan de falaise, on pouvait voir une forêt, et sous le couvert des arbres y serpentait un cour d'eau. En le remontant, les sorciers auraient dû trouver une colline avec la forteresse dessus. Évidemment ils n'avaient rien trouvé. Hector s'était rendu à Walpurgis, capitale de l'Empire Magique d'Occident, pour quémander à l'Empereur Otton Vogel des renforts. La capitale, fondé plus de neuf cent ans plus tôt par Charlemagne était à l'image de l'Empire : décrépite. Le palais restait certes splendide, mais sitôt les remparts intérieur passé, la ville était devenu un cloaque ou une population parfois à peine éduquée vivait dans un dénuement totale. L'absence d'implication du pouvoir impérial rendait ces gens misérables, mais Otton deuxième du nom s'en moquait, tant que son repas lui était servi à l'heure. Parmi les visiteurs, les courtisans et les servants, Hector avait aussi aperçu Achille. Ils avaient pu se voir quelques heures au cours desquels ils s'étaient aimés aussi fort et intensément qu'ils avaient pu, tentant de rattraper tout le temps qu'ils avaient perdus. Tous les deux s'inquiétaient follement pour l'autre. Achille parce que Hector lui semblait changé, sans savoir comment. Hector, parce qu'il pensait qu'Achille courait un grave danger. Il avait cru apercevoir dans la foule un visage hostile, sans qu'il pu se rappeler qui.

L'apaisement qu'Hector trouvait auprès de son amour fût ce qu'il regrettait le plus tandis qu'il s'aventurait dans cette forêt. Il aurait bien voulu qu'ils vivent ensemble, loin de tout ce tumulte, dans le calme et la paix. Mais le destin en avait décidé autrement, au grand dam des deux amants. Remontant le cours d'eau, Hector parvint non loin de la colline où aurait du se dresser la forteresse des Sharpov. Il y grimpa, embrassa la forêt du regard et d'un geste de sa baguette magique traça au sol un cercle de flammes, qu'il étendit en avançant. Les arbres commencèrent à tomber, leurs troncs calcinés, leurs branches racornies, leurs feuilles consumées. La terre prit une teinte de charbon, et les pommes de pins qui crépitaient sur le sol, explosaient parfois. Dans cet enfer, Hector avançait, comme le Diable en personne arpentant son royaume. Une fumée âcre et épaisse montait vers le ciel.

Hector était concentré, son sortilège lui pompant une énergie folle. Il dû cesser pour ne pas s'épuiser. Autour de lui, un paysage de désolation et de mort. Parmi les victimes de ce brasier, une dizaines de créatures magiques, cuites à point, gisaient et les rides de certaines arbres vivants trahissaient la souffrance de leur trépas. Hector ignora ce spectacle et les cris silencieux qu'il percevait dans ses veines, le refoulant dans les tréfonds de son esprit pour observer attentivement les alentours. Au sol, nulle trace de protection magique que le feu aurait mis en évidence. Aucune cicatrice non plus d'une muraille de sortilège qui aurait été détruite. Tout cela n'avait servi strictement à rien. Hector enragea. Un éclair noir lui échappa dans un hurlement. Le souffle du sortilège coucha les arbres environnant encore debout et creusa un cratère profond quelques pas devant lui où l'eau du ruisseau s'engouffra dans un tourbillon. Une feuille, par miracle rescapée, tomba dans l'eau délicatement. Avec une expression de pure rage, Hector la désintégra, presque sans bouger...

Il l'avait entendu, même depuis sa crypte, l'incendie ravageur. Vitaly avait vu de ses yeux les conséquences du sortilège lancé par Hector. Les murs en avaient tremblé si forts qu'ils avaient réveillés bien des choses qui n'auraient pas dû l'être. Tandis qu'il avait les yeux rivés sur le plafond, Vitaly observait au travers, sur une surface aussi plane et transparente qu'une mare tranquille, le départ d'Hector vers le palais impérial de Walpurgis. Il se félicita d'avoir eu l'idée brillante qui lui valait sa sécurité et sa survie. De son vivant, Siegfried avait regardé partout autour de lui, sauf sous ses pieds... seul le déplacement du lit de la rivière, trahissait cette mascarade. Enterrer une forteresse aussi imposante avait été d'une complexité magique sans égal. Même la fondation de Walpurgis avait été moins coûteuse.

Cependant, Vitaly s'inquiétait, et à juste titre. Geoffroy Lestrange, qu'il avait envoyé espionné l'Empereur, lui avait longuement parlé du danger politique que représentait Hector, mais avait-il omis de mentionner sa puissance, ou n'en savait-il rien ? Vitaly repensa au noble Insorcellé qu'il avait fait enlever à Versailles. Ses espoirs de victoires de Louis XIV dans une guerre entre le Roy de France et le Magistère furent douchés.

Quoi qu'il en soit, Vitaly se promit de se montrer d'autant plus prudent qu'il réunissait ce soir au cœur du palais impérial, des conjurateurs. Ils voulaient assassiner ce minable Otton II, mais ne passerait pas immédiatement à l'action, à cause de la présence d'Hector. Cette réunion d'urgence devait lui permettre de se réorganiser. Avant de partir pour la cité impériale, Vitaly Sharpov descendit sous la crypte, pour s'assurer que sa botte secrète était toujours prête à mettre fin à la vie d'Hector Balthazar dans le cas improbable où ce dernier découvrirait son château sous-terrain...

Achille gémissait tandis qu'Hector le prenait. Ils s'offraient tous les deux une nuit de plaisir dans la chambre qu'occupait le musicien au palais. Rien ni personne ne pouvait venir les déranger, de par l'heure très avancée mais aussi grâce aux sortilèges qu'Hector avait dressé autour de la chambre de son amant. Il en avait fait un bastion imprenable.

Tandis qu'ils finissaient, dans un concert que seuls les ébats savent provoquer, dans une autre aile du palais, une autre chambre aussi secrète se trouvait être le lieu de la conjuration de Vitaly et de ses sbires. Ils établissaient leur plan, duquel Geoffroy se trouvait exclu.

Ce dernier, camouflé par un sortilège de désillusion et couvert par un manteau en poil de Demiguise, arpentait les couloirs. Il avait vu Hector Balthazar, ici à Walpurgis. Il voulait à tout prix s'en débarrasser. Mais encore fallait-il le trouver et la chambre que lui avait donné l'Empereur était vide. Il finirait par le trouver, il en était certain. Il ne s'attendait pas cependant à tomber dessus comme ça.

Hector, après avoir embrassé longuement Achille et l'avoir vu s'endormir dans ses bras, était sortit marcher. Il avait besoin de réfléchir. Plongé dans ses pensées, il avançait si vite qu'il ne vit pas dans quoi il s'était prit. Il bascula en avant et termina la tête la première sur la pierre froide du sol. Il maugréa, se redressa le souffle coupé et baguette en main, il chercha des yeux l'objet responsable de sa chute. Il repéra un pied, un bras et une touffe de cheveux d'un noir par trop peu commun. La masse humaine se releva en jurant et quand Geoffroy Lestrange croisa le regard d'Hector Salazar, leurs yeux furent les premiers à se lancer des éclairs. Des crépitements de sortilèges suivirent immédiatement, et une fois debout, ils se battirent à mort. Les sortilèges creusaient des sillons dans les murs, des cratères au plafond, le vacarme réveillait les dormeurs et des têtes passaient dans le couloirs tandis que les deux sorciers cherchaient à s'anéantir. Mais Geoffroy mesura bien vite la puissance d'Hector. Ce dernier prenait un avantage manifeste, n'en témoigne une conduite de plus en plus nonchalante, voire tranquille, tandis que lui-même peinait à repousser les attaques d'Hector et à contre attaquer. Alors, dans une ultime tentative, il fit basculer un mur entier sur Hector et prit la fuite. Hector retint en parti le mur, dont un moellon lui tomba sur l'épaule droite, provoquant un bruit horrible à toute oreille. Hector hurla de douleur. Les larmes aux yeux, il ponta son épaule cria : « Episkey ! » avant de courir derrière Geoffroy. Il le coursa jusque dans une pièce du château qu'il ne connaissait pas et où il trouva un certains nombre de gens. Des vampires, des sorciers, en un mot, des traîtres. Hector ne se laissa pas le temps de réfléchir et d'un hurlement, il lança une éclair noir de ses deux mains et fit s'effondrer le plafond sur leurs têtes. La plupart furent immédiatement ensevelis, écrasés et broyés. Une partie du mobilier de la pièce du dessus dégringola de la béance et assomma un Vampire qui tentait de s'enfuir. A poussière obstrua le champ de vision d'Hector et le fit tousser, lui rappelant aussi la douleur de son épaule. Il se laissa aller contre le chambranle de la porte et manqua de s'évanouir de douleur et d'épuisement. Lorsque la poussière retomba, il constata avec une satisfaction malsaine que les bottes de Geoffroy Lestrange dépassaient de sous le tas de pierres. Une main, qui devait être l'une des siennes était tout simplement écrasée.

- Maudit sois-tu, Geoffroy Lestrange, toi et toute ta famille jusqu'à sa disparition de la surface de la Terre... cracha Hector au cadavre de son ennemi juré.

Tout faisait sens maintenant dans sa tête. Après avoir fui pour ne pas être tué, Geoffroy avait dû se réfugier auprès de l'Empereur. Il avait obtenu la vie sauve, mais assoiffé de vengeance il avait alors cherché les vampires de la région pour leur faire porter le chapeau d'un soi-disant complot de grande envergure alors qu'en réalité, Geoffroy voulait juste se venger des Bradefer et d'Hector. Tout se tenait, jusqu'à la méthode brouillonne des attentats contre le Roy-Mage, contre les Bradefer, et l'enlèvement de ce noble Insorcellé. Des coups de chances mal préparés et brouillons. Mais désormais, la menace était morte, et qui plus est, déjà enterrée. La tête lui tournant, Hector se laissa tomber dans des bras qui lui parlait mais qu'il reconnu instinctivement. Il songea avec soulagement qu'il n'était rien arrivé à Achille et qu'il serait désormais en sécurité avant de sombrer dans une inconscience profonde.

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