CHAPITRE XXVII
Mars 1702, Comté de Cornouailles, Manoir de Kergueven...
Maelez et Hector ne s'étaient pas souciés de discrétion, où de quoi que ce soit d'autres. Ils ne s'étaient pas embarrassés outre mesure, sauf l'épée que Maelez portait à sa ceinture. Cette lame, elle aussi enchantée, se trouvait être Excalibur. D'ordinaire, elle revenait toujours à l'aîné de famille, mais le Duc Auster en avait fait cadeau à son frère pour s'assurer de sa fidélité. Maintenant qu'il était mort, Maelez la gardait par devers elle et elle aspirait plus que tout à la planter dans le crâne de son frère.
Lorsqu'ils apparurent devant les grilles du domaine de Kergueven, Maelez donna un coup d'Excalibur et elle trancha les barreaux comme s'ils n'avaient étés que fils de laine. Ils fondirent sous l'effet du sortilège et les deux sorciers entrèrent dans le domaine. Maelez tapa du pied par terre et une sorte d'onde rouge se répandit sur le sol.
- Il n'a pas eu le temps de mettre des pièges avant notre arrivée. Allons-y, lança-t-elle à Hector. S'avançant vers les lourdes portes de chênes noires, ils se firent surprendre par des bras de pierre gigantesques qui les attrapèrent et les jetèrent au loin. Les mains sortaient des murs, comme si elles appartenaient au bâtiment.
- Comment va-t-on passer ça ?! cria Hector alors que les mains tapaient en rythme sur le sol, le déformant en vagues, comme si la terre était liquide.
- MORVEN ! fut la seule réponse qu'il obtint. Sa tante s'égosillait, maudissant son frère et lui promettant les pires châtiments de sa main. Elle planta sa baguette dans le sol avec une force telle qu'Hector cru qu'elle allait la briser. Mais la baguette s'enfonça dans la terre et celle-ci retrouva sa forme et sa consistance normale. Des éclairs d'un jaune soleil firent exploser les mains de pierres, creusant dans les murs des trous gigantesques. Maelez s'avança, furieuse, enragée et déterminée lorsqu'une ombre fondit sur elle. Brandissant sa lame par instinct devant elle, son geste la sauva. Le Moremplis, créature responsable de la mort de Prijañ et qu'Hector avait prit pour une cape, fut découpé dans le sens de la hauteur et se désagrégea dans l'air avec un hurlement lointain, mais au combien terrifiant et glaçant.
Le danger momentanément écarté, Hector et Maelez entrèrent dans le manoir. Les escaliers avaient été dépourvus de leurs marches, et les Occamys de bois qui faisaient les rampes se montraient agressif. A regrets, Hector dû mettre le feu à ce sublime escalier pour sauver sa vie lorsqu'il manqua de se faire arracher la tête des épaules par le bec de l'un des deux Occamys. Maelez, elle, après avoir décapité son Occamy luttait contre les meubles qui, telle une véritable armée lui fonçait dessus pour l'assaillir de toute part. Au fur et à mesure qu'elle détruisait les tables, réduisait en morceau les commodes, et que leurs restes s'entassaient, elle montait dessus pour tenir à distance les autres meubles hostiles. Hector la rejoignit d'une impulsion bien dosée avec sa baguette.
Soudain, une bouteille de verre vint s'éclater à leur pieds. Leur tour provisoire commença à se dissoudre dans un gargouillis de bulles verdâtre et rouille qui n'annonçait rien de bon. Une autre bouteille s'écrasa à quelques mètres de la première, plus proche encore de leur position. Hector regardait partout pour apercevoir d'où venait ces potions mortelles mais il ne vit rien.
- Je ne le vois pas ! cria-t-il.
- Parce qu'il se cache avec la cape de notre père. Ce misérable fils de goule à volé cette cape avant de se faire bannir et il a du être tout content de la récupérer en s'évadant de son cachot ! Morven ! Montre-toi, que je te tue !
Mais Morven ne se montra pas. Créant une passerelle avec les débris des murs étalés plus loin, Hector et Maelez parvinrent à s'échapper du piège mortel des débris en ébullition. Ils arrivèrent à l'étage, mais ils n'y trouvèrent personne, sinon que des armures et des statues qui s'évertuèrent à vouloir les tailler en pièces. Ils les détruisirent sans mal aucun puis redescendirent pour aller voir dans la bibliothèque. Il la trouvèrent calme. Trop calme. Alors que tout n'était que vacarme, bataille et mort, cette pièce semblait ailleurs, comme suspendue dans le temps. Des livres flottaient dans l'air, comme stoppés dans leur course, l'autel luisait sans que rien n'y fut posé et un silence plombé semblait leur boucher les oreilles. Mais bientôt des murmures leurs parvinrent. Ils venaient de la cheminée. Des fumées faites de cendres et de suie filaient vers eux à toute allure et commencèrent à les entourer pour les ligoter. Maelez ne fut pas assez rapide cette fois-là et se fit prendre. Hector se dématérialisa, comme si il n'était lui-même que sable et cendres et réapparu sur le balcon. Il tenta de délivrer sa tante par un contre sortilège mais il sentit soudain une pression autour de son poignet et il une force détourna sa baguette magique de son objectif.
- Non mon garçon ! Ne la délivre pas, où elle nous tuera tous les deux ! lui dit la voix de Morven.
Hector, de sa main libre balança un coup de poing à l'aveuglette. Il toucha par chance, mais il ne sût quoi. Sans doute rien d'important. Quelque peu libéré de l'emprise de son oncle, il le chercha des yeux, sans parvenir à le voir. Morven, bien que juste en face de lui, était tout bonnement invisible, camouflé par sa cape d'invisibilité.
Sautant du balcon, Hector courut vers sa tante et la délivra des liens qui l'entravaient. A peine fût elle libre qu'elle tendit une main vers le balcon envoya un puissant éclair rouge de sa baguette. Morven hurla de douleur lorsque le sortilège Doloris trouva sa cible. Sa cape lui tomba des épaules et il apparut, se cambrant de tout son être, en proie à une torture terrible.
- Endoloris ! criait Maelez à chaque nouvelle décharge qu'elle lui envoyait. Morven se tordait dans tous les sens, hurlant comme un damné dans le flammes de l'enfer. Meurt donc, vermine ! Honte de notre famille ! Traître à ton nom et à ton sang !
- Non ! aux mots prononcés par sa tante, Hector se rappela soudain à sa morale. Il ne tuait pas, et ferait tout pour éviter que qui que ce soit ne meure.
Maelez interrompit son geste et tourna son regard vers son neveu. Elle avait dans les yeux une rage confinant à la folie.
- Non, reprit Hector plus doucement. Nous ne devons pas devenir comme lui. Et puis, il serait trop facile qu'il meurt sans endurer la peine de ses crimes. Son rôle d'Auror reprenait petit à petit le dessus. Il faut qu'il soit jugé.
- Jugé ?! interrompit Maelez avec fureur. Il est déjà coupable ! C'est lui qui tua jadis notre père ! C'est lui qui vint pour tuer ma mère mais il perdit ce jour-là. Et je suis sûr que c'est sa faute si ta mère n'est plus là ! Il est aussi responsable de la mort de valeureux sorciers, et j'escompte qu'il paye pour cela.
- Il payera, croyez-moi, dit Hector avec un rictus mauvais aux lèvres. Je vais l'envoyer à la Cavité, il y pourrira le restant de son existence misérable.
Maelez frissonna et Morven hoqueta en entendant le nom de la prison magique. La Cavité avait une réputation si horrible qu'Azkaban n'était qu'une simple maison hantée à côté d'elle. Elle était gardée par des sorciers, mais seulement en apparence. En réalité, les véritables gardiens étaient les Asservis, des entités composées de et par la magie noire. Leur seule présence rendait fou quiconque passait plus d'une heure avec elles. les Asservis apparaissaient sous la forme d'ombres humanoïdes gigantesques, hautes de plusieurs mètres. Elles produisaient pour effets par exemples des hallucinations auditives terrifiantes. Une légende racontait que ces sons avaient effrayé le Diable lui-même !
- Pour quel motif l'enverrions-nous là-bas ? demanda Maelez à moitié séduite par l'idée.
- Parce qu'il est reconnu coupable d'usurpation de titre, terres et bien aux yeux de sa Mage-Jesté, et que j'ai été envoyé pour l'arrêter.
Maelez, qui s'affairait à enchaîner son frère s'arrêta net.
- Quoi ?!
- Je suis Auror, au service du Magistère, dit Hector coupant court à toutes les interrogations potentielles de sa tante. Et je suis certains que mes supérieurs se feront une joie de voir cet usurpateur derrière les barreaux !
Maelez était stupéfaite. Elle dévisagea son neveu avec des yeux ronds avant de mettre une claque à Morven qui s'agitait en essayant de parler.
- Si tu parviens à le mettre aux arrêts, je te laisserai Kergueven, dis Maelez. Hector haussa un sourcil. Ce soudain revirement de comportement lui semblait étrange. Cependant, il lui apparût que la haine que sa tante vouait à son oncle dépassait l'entendement.
- Je ne devrais pas avoir trop de mal à l'y enfermer, assura Hector.
Et en effet, il n'eut aucun mal à conduire Morven à la Cavité. Lui et sa tante encadraient son oncle, qui enchaîné, ne pouvait plus bouger. Il flottait entre eux deux. La sinistre prison était creusée dans la montagne, sans aucune ouverture sur l'extérieur. On y entrait que par une crevasse en cul de sac bien gardée dans laquelle il fallait foncer sans ralentir. Morven fut jeté sans ménagement dans la paroi rocheuse et passa au travers dans un « bloup » sonore. Hector et Maelez le suivirent de si près qu'ils le bousculèrent une fois arrivés de l'autre côté. Dans l'immense hall d'entrée, aussi vaste qu'une cathédrale, tous les trois se présentèrent devant des comptoirs si haut qu'ils ne pouvaient pas distinguer qui se trouvait derrière. Une voix nasillarde demanda d'un ton impérieux :
- Lettre de cachet, s'il vous plaît.
Hector sortit de sa poche un parchemin, le posa dans sa main et souffla dessus. Alourdi par le sceau, il s'envola gauchement et monta en tournant sur lui-même. Une main quasiment squelettique s'en empara et l'ouvrit en mettant à bas la cire, qui retomba dans un bruit mat sur le bois du comptoir.
- Cellule cinquante sept, huitième couloir, vingt-deuxième étage, énonça la voix depuis son perchoir avec le même ton impérieux. Gardes, conduisez ce prisonnier en cellule.
Dans un coin du hall, deux portes de bronze s'ouvrirent. Elles émirent un hurlement semblable à celui de gens torturés de la plus atroce des manières. Morven en frémit, et trembla de toute sa personne quand deux gigantesques silhouettes filiformes masquées émergèrent de l'ombre pour le saisir. Morven Peverell fut englouti dans les ténèbres et les portes se refermèrent dans le même bruit qu'à leur ouverture. Hector frissonna en pensant à toutes les âmes damnées qui se trouvaient enfermées ici. Réfractaires, truands, bandits, meurtriers en attente de leur exécution, loups-garous, nains, géants, korrigans, gobelin, elfes, il y avait plus de non-humains que de sorciers dans les cellules de la Cavité. Les seules créatures à être tolérées entre ces murs étaient les Asservis, des monstruosités créées par le Magistère il y a plusieurs siècles pour garder la prison. Personne ne savait trop par quels procédés ils avaient été créés, et ceux qui le savaient avaient emportés ce secret dans leur tombe. Il en était de même pour dire à quoi ils ressemblaient. Même les fantômes de la prison évitaient le sujet. Mais les Asservis étaient de loin les derniers soucis d'Hector. Pour l'heure, il devait remettre le rapport d'admission en cellule à Bertrand Bradefer, qui devait trépigner d'impatience. Ledit rapport descendit du comptoir et Hector le dupliqua immédiatement pour conserver l'original avec lui. Une habitude qu'il ne s'expliquait pas vraiment mais que son absence d'accès aux Archives du Magistère rendait presque utile.
Exécutant un demi-tour, Hector et Maelez sortirent de la Cavité et rejoignirent Kergueven. Le manoir avait souffert des combats. La tante et son neveu eurent les plus grande peines du monde réparer, réenchanter et camoufler de nouveau le domaine. Hector se félicita en revanche que la bibliothèque fût intacte. Il entendait bien la parcourir et en percer les secrets. Mais sa soif de découverte devrait attendre. Pour l'heure, il avait été convoqué à Paris, la nouvelle du succès de sa mission était déjà parvenue aux oreilles des Bradefer...
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