CHAPITRE XXIV
Mars 1702, Manoir de Kergueven, Comté de Cornouailles...
Hector répondait à une lettre émanant de Bertrand Bradefer. Son supérieur lui demandait de rentrer prestement car il avait besoin de lui.
- Quelle plaie ! jura Hector en griffonnant une réponse évasive et abstraite.
Il mettait du temps à répondre, cherchant par quelle pirouette il pourrait encore se soustraire à son devoir de garde rapproché. Il n'avait pas le temps de s'occuper d'accompagner le Surintendant alors qu'il luttait contre sa tante. Il n'avait rien dit à Bradefer de toute l'affaire, et s'était contenté de rapporter qu'il traquait sans relâche sa proie et que la guerre qui faisait rage lui compliquait la tâche. Bien sûr, il s'était gardé de révéler ses liens de parenté avec Morven et Maelez. Il attirait déjà trop l'attention par son absence et il ne souhaitait pas se faire remarquer d'avantage.
- C'est le jeu de la politique, mon garçon, lança Morven Peverell, confortablement installé derrière un imposant bureau. Des plumes écrivaient frénétiquement sur des parchemins, comme si le Comte menait plusieurs dossiers de front. Entre ses mains, une cassette pleines de Piques d'Or semblait attendre quelque chose. Hector, de là où il était, ne pouvait voir le regard avide de son oncle. Ce dernier avait dans les mains un magot conséquent provenant tout droit des taxes qu'il percevait pour son suzerain. Il prit une poignée de pièces et les disposa en deux piles égales. Il referma le coffret et le laissa tomber par terre. Disparaissant dans le plancher, les taxes partirent rejoindre les compte du Duc.
- Voilà qui est fait, marmonnèrent les deux sorciers d'une même voix.
Hector cacheta sa massive, et la remit à un pigeon qui s'envola à tire d'aile. Morven mit la première pile de pièce dans sa poche et vint donner l'autre à Hector en déclarant :
- Le salaire de ton dur labeur, mon garçon.
Hector le regarda surpris.
- Cet argent provient des taxes échues au Duc, je me trompe ?
- Oui, en effet, répondit son oncle avec un sourire. Mais n'est-ce pas là une juste rétribution ? Tu protège les gens de notre Comté contre les forces de ma sœur. Tu donnes de ta personne et de ton temps pour les défendre et leur garantir un avenir meilleur.
Hector se montra septique, presque méfiant. Il découvrait une facette de son oncle qui ne lui plaisait qu'à moitié.
- Si nous avons besoin d'or, je puis aisément m'en procurer, dit Hector sans prendre l'argent que son oncle lui tendait.
- Bien entendu. Tu as tes entrées avec les Flamel. Mais souvient toi que seule la famille compte. Tu ne peux pas leur faire confiance mon garçon. Qui sait pour quel ennemi ils travaillent ?
- Pour quel ennemi ?! Sieur Nicolas et Dame Pernelle ne me trahiraient jamais ! s'indigna Hector, blessé.
- Tu en es sûr ? demanda Morven en haussant un sourcil.
- Douter de leur loyauté serait les trahir ! répartit Hector cinglant.
- Ça, pour être loyaux, ils le sont. Mais envers qui ? Envers toi, ou envers qui ils ont prêté leur serment ? Leur silence, quant à tes origines, qu'ils connaissent sûrement, n'est-il pas un mensonge ?
- Ils... Ils sont sous serment inviolable ! bégaya Hector que cette vérité dérangeait.
- Oui, effectivement. Mais sais-tu qu'il existe un moyen très simple de se débarrasser d'un tel serment ?
Hector ne répondit pas, il était abasourdi. Morven en profita pour poursuivre :
- Il suffirait qu'ils tuent leur Enchaîneur et ils seraient délivrés de leur vœu. Mais visiblement ils ne l'ont pas fait. Si tes intérêts leur tenaient vraiment, sincèrement, à cœur, ne crois-tu pas qu'ils t'auraient déjà tout dit ? Et puis, que risquent-ils ? Avec la Pierre Philosophale, ils ne peuvent pas mourir, briser leur vœux ne leur ferait aucun dommage...
Morven faisait mouche dans le cœur de son neveu. Ce dernier, peiné, ne savait plus quoi dire.
- Tant de mensonges, pendant tant d'années... Tu as bon cœur mon garçon, mais regarde la vérité pour ce qu'elle est. Les Flamel gardent leur allégeance secrète aussi bien que la formule de leur pouvoir. Jamais ils ne te révèleront la vérité. Bien sûr, tu pourra profiter encore longtemps d'eux en dissimulant cette vérité à tes yeux. Mais combien de temps encore va-t-il falloir pour que tu t'en rendes compte ?
Disant cela, Morven mit les pièces d'or dans les mains de son neveu puis quitta la pièce, le laissant en proie à ses réflexions.
- Le pouvoir implique une litanie de choix complexes, disait Morven en se servant une tranche de bœuf. Parfois, il implique de décider qui des intérêts ou des valeurs sont les plus importants et urgent. Certaines décisions peuvent sembler immorales, injuste, et aucune d'elles ne sont anodines. Pour te donner un exemple, ma rétribution personnelle aux taxes est une nécessité pour le moment, puisque je n'ai plus rien depuis vingt ans. Et puis c'est une façon de me prémunir du Duc. Si il perçois trop d'impôts de ma part, il va se dire que mon Comté est riche. Il va donc en demander d'avantage. Si il en demande trop, qui pâtira de ce déséquilibre ? Les pauvres gens qui vivent en ces terres. Et si ces pauvres gens deviennent trop miséreux, ils mettront nos têtes au bout d'une pique, je te prie de me croire ! Combien de seigneur, de Baron, de Vicomte se sont fait tuer à cause de ça, et combien de gens ont été plongés dans la misère par la faute d'un seigneur trop avide...
Hector n'écoutait qu'à demi. Il mangeait à peine ce soir là. Depuis sa conversation de la veille avec son oncle, il ne savait plus trop que penser. D'un côté, il aimait les Flamel, qui l'avaient recueilli, éduqués, envoyé à l'Académie Beauxbâtons. Mais d'un autre côté, ils s'étaient toujours montré réticent à l'égard des informations dont ils disposaient. Et ça n'était pas la première fois que ce genre de remarque traversait l'esprit d'Hector. Lorsqu'il remonta dans sa chambre, luxueuse et plus vaste que son appartement à Paris, il rédigea une lettre pour Achille. Il hésita longtemps, mais se résigna à ne pas en parler, dès fois que la lettre ne tombe entre des mains ennemis, et puis, il ne voulait pas ennuyer son amant avec ses problèmes. Après avoir envoyé son courrier via Harald, Hector alla se coucher...
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