Février 1702, château du Duc de Bretagne, Forêt de Brocéliande...
Assis sur le trône Ducale, Auster Pendragon, quatrième du nom, et successeur vieillissant d'Auldren Peverell réclama le silence. La foule de ses courtisans était rassemblée dans la plus grande pièce du château. Sur tout un côté, les murs de pierres sombres étaient parés de bannières gigantesques représentant les armes du Duc : d'azur à trois couronnes d'or. L'antique emblème des Pendragon, depuis Uther Ier faisaient face aux armoiries si particulières des Peverell : de gueules aux Reliques de sable et d'argent. Un courant d'air soulevait légèrement les emblèmes, comme si ils respiraient. Au plafond, mille chandelles flottaient tête en bas, comme si la gravité avait été inversée, et la cire s'écoulaient vers le haut, cheminant jusqu'au plafond. Sur les vitraux qui perçaient les murs dans de sublimes représentations des familles Pendragon et Peverell, tous les visages des personnages regardaient la cérémonie.
Un genou à terre, ses mains entourées par celles du Duc, le nouveau Comte de Cornouailles s'apprêtait à prononcer son serment. Il avait aux alentour de la quarantaine, il avait un visage émacié, très pâle, des rides profondes au front et aux coins des yeux, mais une expression de profonde détermination. Il avait un regard bienveillant, paternel presque, et semblait honoré d'être devant celui qui dans quelques instants deviendrait son suzerain.
Debout de part et d'autre des deux hommes, douze sorciers, six très âgés, et six d'un jeune âge, chacun avec sa baguette sur la tempe, regardaient la scène. Entre le futur Comte et le Duc, sous leur mains, une Pensine, circulaire et cerclée de deux anneaux de argent où des symboles mouvants et des runes semblaient danser. Soudain, de sa voix grave, caverneuse et usée par les âges, le Duc demanda :
- Morven Peverell, fils d'Auldren Peverell, voulez-vous, par la grâce de la magie, au pouvoir du Roy-Mage, m'appartenir et être à moi ?
- Je le veux, je l'aspire et je le serais ! répondit Morven Peverell. Je jure, devant Merlin, devant Arthur, devant la loi et devant le Roy-Mage, devant le bâton de Merlin et sur la Table Ronde d'être fidèle à partir de cet instant au Duc Auster et de lui garder contre tous, et entièrement, mon hommage, ma bonne foi, sans tromperies ni mensonges. Je suis à lui, toujours et à jamais. Seule ma mort me délivrera de ce serment. Grâce soit rendue à la Magie !
- Grâce soit rendue à la Magie ! reprirent les douze observateurs.
- Moi, Auster Pendragon, héritier d'Uther, d'Arthur et de leurs descendants, fais de toi mon vassal. Je suis ton protecteur, tu es mon obligé. Je fais de toi le gardien du secret magique, le protecteur des sorciers et le dépositaire de mon autorité, confiée par sa Mage-Jesté le Roy-Mage Basileûs III. Je fais de toi le garant de ma paix et de ma justice. Je serais ton protecteur aussi longtemps que je vivrais, je t'offrirais mon toit et une place à ma table ainsi que les terres de Cornouailles. Grâce soit rendue à la Magie !
- Grâce soit rendue à la Magie ! reprirent une seconde fois les douze observateurs.
Éloignant leurs baguettes de leurs tempes, ils en joignirent les pointes au bout desquels pendaient le même souvenir. Alors que les douze visions de la cérémonie brillaient en se rejoignant pour former une boule, ils prononcèrent ensemble et d'une même voix :
- Devant les Lois, devant les Anciens et les Nouveaux, vous avez prêtés un Serment Inviolable. Vous engagez-vous l'un et l'autre à le respecter ?
- Honoreo promissium meum ! répondirent le Duc et le Comte.
- Devant Merlin, Arthur et la Table Ronde, vous avez prêtés un Servent Inviolable. Vous engagez-vous l'un et l'autre à protéger votre obligé et vos sujets ?
- Honoreo promissium meum ! répondirent le Duc et le Comte.
- Vous avez échangés vos vœux, vous avez échangés vos promesses. Vous pouvez vous donner les baisers de la paix.
A cette parole, le Duc se pencha, embrassa le front, puis les mains de son vassal. Le Comte lui embrassa la bouche et les mains. Ils se levèrent, mains dans les mains et se tournèrent vers l'assemblée, qui applaudissait à tout rompre. Morven, souriant, chercha dans la foule un visage qu'il repéra bien vite. Il fit un léger signe de la tête auquel Hector répondit par la même...
***
Il faisait nuit noire, et sur une coursive couverte, Hector regardait la forêt de Brocéliande, dont les animaux nocturnes, magiques comme non-magiques produisaient un étrange concert. Il songeait qu'un jour, tout cela serait à lui. Il aurait droit à la même cérémonie, mais il serait le Duc de Bretagne, pas un vulgaire Comte ou Baron. Il était rendu ivre par le vin qu'il avait bu, mais il avait pourtant les idées claires. Sans doute beaucoup plus claire qu'il ne les avait jamais eu.
- C'est grâce à Morven, marmonna-t-il en se repassant le déroulé des évènements de ces quinze derniers jours.
Moins de deux semaines plus tôt, il avait précipitamment quitté Toulon, car ça n'était pas le commandant Vectan, mais les Bradefer qui le demandaient. Ces derniers lui avait donné ordre d'arrêter un usurpateur au trône du Comté de Cornouailles. L'homme, Morven Peverell, avait profité de la mort de sa mère pour se soustraire à ses geôles et se proclamer Comte. Mais déchu et déshérité, sa prétention était illégitime et illégale. Aussi, Hector avait été missionné pour mettre aux arrêts cet homme. Chose curieuse, on ne lui avait adjoint personne. Les Bradefer n'avaient pas donnés d'explications, mais avaient rassuré Hector :
- Vous y arriverez fort seul. Il a passé quelques vingt années dans un cachots, il doit être aussi frêle et fragile qu'un jeune croup !
Hector n'avait pas posé de questions. D'autant qu'en cas de réussite, il lui avait été promis une promotion ! Un pas de plus vers l'accès aux Archives dont il rêvait tant. Partant pour les terres de Cornouailles, dans la lointaine et froide Bretagne, il avait du faire le trajet en partie à cheval, détestant voler sur un balai et n'ayant pas le grade nécessaire pour quémander un Portoloin. Le voyage lui avait demandé près de 10 jours à cause d'une pluie diluvienne au passage de Bellême. Le temps atroce, le froid et la neige lui avait gelé les doigts, lui avait givré les sourcils, mais grâce à quelques tours de passe-passe, il avait réussi à se protéger du gros des intempéries. Arrivant aux alentour de Kergueven en fin de journée, il n'avait pas attendu l'aube. Il s'était fait indiquer la route du manoir par un Insorcellés qui lui avait décrit une ruine délabrée en haut d'une sinistre colline et entourée par une forêt maudite.
- Ankou ! Ankou ! avait répété le pauvre manant affolé en pointant son doigt en direction du manoir sans qu'Hector n'en comprenne le sens.
Guidant sa monture, Hector était parvenu en vue du manoir. Il ne pouvait le voir, mais il savait reconnaître les effets des sortilèges qui le camouflait. Hector avait jugé que le lieux manquait de discrétion avant de s'en approcher. Il avait dut finir à pied car à partir d'une certaine distance, son cheval avait refusé d'avancer, hennissant et se cabrant, affolé par quelque chose d'invisible à ses yeux. Sur ses gardes, Hector avait sortit sa baguette, immobilisant purement et simplement sa monture et s'était avancé sur le sentier. Progressant vers la demeure, il avait senti qu'il passait les couches de magie protectrices. Là où il entendait avant des bruits d'animaux, de gens, il était devenu comme sourd. Là où il se sentait sûr de lui et confiant, une désagréable impression le précédait, comme si les lieux étaient vivants et qu'il n'était plus seul. Au fur et à mesure de sa progression, le manoir s'était dévoilé. Deux tours encadraient un corps impressionnant. Plusieurs étages, d'une pierre obscure, presque invisible dans la nuit, semblait suinter de magie. Les lumières, pour la plupart éteintes, trahissaient où se trouvait sa proie. Arrivé à la porte, il avait frappé d'abord en s'annonçant :
- Morven Peverell, agent Balthazar de la brigade des Aurors ! Je sais que vous êtes là ! Ouvrez, au nom de sa Mage-Jesté !
N'ayant pas eu de réponse, Hector avait forcé la porte et était entré dans la demeure. Le hall, haut de plusieurs mètres abritaient deux escaliers magnifique, montant dans les étages à la manières d'Occamy de bois. Les rampes étaient sculptées en écailles, représentant parfaitement celles des créatures mi-reptiles mi-oiseaux. Un tapis volant orientale sublime était posé au sol et des centaines de bougies accrochées à un lustre éclairaient la pièce. Sur la gauche, par une porte ouverte, se dévoilait une galerie de portraits, d'armures et de statue. Les ancêtres de Morven Peverell, sans nul doute. Sur la droite, un couloir plongé dans l'obscurité. Suivant la lumière, Hector était partit à gauche. Malgré sa mission, il n'avait pu s'empêcher de regarder autour de lui et c'est ainsi qu'il la vit. Sa mère, plus jeune et plus belle que jamais. Il l'avait reconnue au premier coup d'œil. Des frissons lui parcoururent alors l'échine et une larme perla de son œil rouge sang quand le portrait lui adressa un sourire qui le propulsa des années en arrière. Il murmura :
- Maman ?
Le portrait d'Orphée Peverell, qui à cet âge était trop jeune pour connaître Hector, s'était étonné la question mais sans y répondre car son regard s'était tourné vers le fond de la galerie.
Debout, les épaules voutés, appuyé sur une canne, Morven avançait doucement. Hector s'était tourné vers lui, droit, en garde, la baguette pointée sur lui.
- Rendez-vous immédiatement, et sans faire d'histoire ! lui avait lancé Hector sans préambules, déstabilisé par le portrait de sa mère.
Morven avait levé les bras en signe d'impuissance et s'était laissé capturer. Il avait remis sa baguette magique sans faire d'histoire en marmonnant qu'il avait toujours su que ce jour viendrait mais que justice lui serait rendue. Sans ménagement, Hector l'avait alors conduit devant le portrait de sa mère et lui avait demandé :
- Pourquoi est-elle ici ? Que fais ce portrait chez vous ? Quel lien unie cette femme à ce lieu ?
Morven, décontenancé par les interrogations leva sa tête vers Hector et son regard se fit inquisiteur. Soudain, il ouvrit la bouche, béatement, comme si il voyait un fantôme.
- Par la barbe de Merlin ! avait-il laissé échappé. Vous êtes son fils ?
- Répondez-moi, avait brutalement demandé Hector. Qui est-elle pour vous ?
- Orphée est ma sœur.
Hector avait lâché son prisonnier, sa baguette lui avait glissée des doigts et sa mâchoire en était tombée. Il avait bégayé, cherchant ses mots mais n'était parvenu qu'à articuler un :
- Plaît-il ?
Morven, devant l'attitude du jeune homme lui avait raconté qu'il était le troisième enfant et seul fils de Auldren Peverell et Anne de Cornouailles, qu'Orphée était sa sœur cadette mais que personne ne savait où elle avait disparut après sa fuite de la demeure, près de vingt années plus tôt. Morven n'avait pas pu raconter grand chose de plus, ayant passé son temps dans un cachot et sa sœur n'ayant jamais été retrouvée. Il avait entendue sa mère, Anne, la traiter de tous les noms possibles. Sa dernière sœur, Maelez, la plus petite, avait été bouleversé par la disparition d'Orphée et ne se l'était jamais pardonné et s'était vengée sur lui. Il avait même montré à Hector un portrait d'Auldren, son père, à qui Hector ressemblait beaucoup. Il lui avait raconté son histoire, celle de ses parents, d'affreux personnages, des sorciers de haute noblesse mais de la plus basse nature. Violents, absents, dédaigneux, mauvais jusqu'au fondements de leurs âmes.
Plus Hector l'écoutait, moins sa mission devenait urgente et importante. Sa promotion lui était sortie de la tête, son sens du devoir s'était évaporé comme neige au soleil. Il avait fait s'asseoir celui qui se décrivait comme son oncle et l'avait écouté. Il l'avait tellement écouté qu'au matin, il avait prit l'homme en pitié. Si trahi, si torturé, si abandonné, mais si gentil, si prévenant, si doux, Hector sentait en lui le père qu'il n'avait jamais eu. Il se reconnaissait dans la solitude familiale de Morven, et le lien qui l'unissait à sa mère les avaient rapprochés. Aussi, Hector avait demandé à Morven de l'aider à retrouver son père et échange de son aide pour le légitimer. Morven avait accepté immédiatement, sans réserves ni conditions, trop heureux d'avoir trouvé en Hector un fils d'adoption et même un héritier potentiel. En plus de ça, Morven avait proposé à Hector de lui rendre le nom de sa mère à la place de son nom d'emprunt. Ravis, Hector et Morven s'étaient serrés la main scellant leur alliance et recomposant enfin une famille trop longtemps divisée.
Mais le ravissement d'Hector ne dura pas. Le lendemain une terrible nouvelle leur fût délivrée. Maelez, la jeune sœur de Morven et tante d'Hector, mariée au Comte de Brocéliande, frère du Duc de Bretagne, Prijañ Pendragon, déclarait la guerre à son frère. Hector détourna son fidèle Harald, qui venait lui porter une lettre d'Achille, pour observer les alentours du Comté ennemi. maelez n'avait pas chômée ! Une importante troupe de sorciers, armées jusqu'au dents s'était mise en route la veille. Quatre-vingts hommes, à cheval ou en balai pour un bon tiers, les autres à pieds. Ils seraient là dans quelques jours et Morven n'avait pas un seul homme à sa disposition. Cependant, il avait Hector, qui à lui seul, valait toute la brigade des Aurors.
La bataille qui s'était déroulé trois jours plus tard avait été terrible. Morven, d'abord, avait protégé le château avec un piège simple, mais efficace. Il avait rendu invisible des trous dans le sol, rempli de pieux empoisonnés. Lorsque la quinzaine de cavaliers avait, au galop, approché du château, ils étaient tous tombés dans le piège, dans des hurlements de terreurs, des cris de douleurs, et des râles d'agonie pour les pauvres bêtes. Les sorciers en balais n'avaient pas eu plus de chance. Malgré son état, Morven s'était révélé redoutable, et n'avait pas eu besoin de baguette magique. D'une incantation, il avait mis le feu à un premier balai. D'une autre, il avait fait apparaître un mur dans la trajectoire d'un second. Il n'y avait eu qu'un seul combattant à se poser sur le toit d'une tour. Mais Hector le désarma et Morven l'envoya valser jusque dans les douves arrières. Ne sachant pas nager, le pauvre homme s'était noyé. Les plus nombreux, tous à pieds, furent ceux qui leur donnèrent du fil à retordre. Alors que Morven leur lançait ses incantations pour les aveugler, Hector avait du les neutraliser. Mais il ne tuait pas. Il s'y refusait. Ça n'était pas dans sa nature de tuer. Désarmés, pétrifiés, enchaînés, petit à petit, la horde s'était réduite, jusqu'à ce que les cinq derniers s'enfuient à toute jambe, sans demander leur reste. Hector avait ensuite enfermé leurs captifs dans les sous-sols du manoir, enseveli le noyé, et Morven avait rédigé une lettre à sa sœur et une au Duc. Hector en ignorait leur contenu, mais la journée qui venait de s'achever au palais du Duc lui donnait à présent une idée de ce qui avait dû être dans la lettre de son oncle.
- Demain, tu seras Hector Peverell, dit la voix de son oncle.
Morven était arrivé dans un silence absolu. Il semblait être apparût à l'instant. Hector se tourna vers lui, un grand sourire aux lèvres.
- Oui, enfin, je retrouve ma famille. Je ne saurais jamais assez vous remercier mon oncle.
- Ne me remercie pas mon garçon. Un jour, tu siègeras à ma place et tout ce qui appartient aux Peverell sera à toi. Morven avait posé une main paternelle sur l'épaule d'un Hector touché et dont les yeux s'étaient allumé d'envie. Tu est le dernier mâle de notre illustre lignée, Hector. Sais-tu ce que ça représente ?
- Je ne pense pas encore que je le réalise, répondit Hector pensif. Il me semble tout à coup que bien des choses vont changer.
- Oui, en effet... approuva Morven en se rapprochant de la balustrade pour regarder la forêt.
- Je me demandais mon oncle, si vous pourriez m'apprendre comment utiliser ma magie sans baguette, demanda Hector après un court silence. Il semblait gêné de poser la question.
- Tu voudrais que je t'enseigne ? Morven hocha d'abord un sourcil avant de lui adresser un sourire.
- Oui. Je voudrais apprendre, dit Hector franchement, avouant son désir.
- Nous y réfléchirons quand nous serons rentrés. Un sorcier ne révèle jamais tout ses secrets à la fois ! La plaisanterie les fit rire tous les deux. Pour l'instant, je dois m'assurer que ta tante ne remette pas le couvert, reprit Morven avec plus de sérieux. Ma légitimation devrait la pousser à ne pas intervenir avant un temps, et son ost devra se reconstituer, ce qui lui prendra du temps. Mais nous ne sommes pas à l'abri. Il faudrait la capturer elle pour être certain d'avoir la paix. Penses-tu que c'est faisable ?
- Nous avons vaincu son armée, à deux contre quatre-vingt. Je ne vois pas comment cela pourrait être plus ardu.
- Parce que ma mère l'a entraînée...marmonna Morven dont les yeux se remplirent de souvenirs douloureux.
Le lendemain, Hector fût, devant la même assistance que la veille pour son oncle, rétabli dans son nom. Le Duc fit de lui le successeur du nouveau Comte de Cornouailles et tous les deux jurèrent de faire la paix avec Maelez, qui était absente, bien entendu. Sitôt après la cérémonie, ils repartirent pour Kergueven ou Hector commença à apprendre aux côtés de son oncle la source d'une nouvelle puissance...
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