CHAPITRE XIX
Juin 1700, Palais Royal, Paris...
La place du palais était calme ce matin là. Le soleil brillait déjà haut dans le ciel bien que neuf heure n'ai pas encore sonné. Postés sous les arcades d'un bâtiment, trois hommes semblait attendre quelque chose. Deux d'entre eux scrutaient les moindres mouvements de foule tandis que le troisième s'affairait à écrire dans un carnet à l'aide d'une plume et d'un encrier posé sur une caisse retournée. Le plus vieux de ceux qui surveillaient, qui s'était fait d'un tonneau une assise d'un modeste confort, jouait avec sa canne en la faisant tourner entre ses doigts. Au bout d'un moment, il la posa à côté de lui pour consulter une montre à gousset qu'il sortit d'une poche de son habit. D'un bleu éclatant et peu commun, son habit se trouvait être une robe très ample aux multiples poches. Il consulta rapidement le cadran puis rangea sa montre tandis qu'au même moment, une cloche sonna au loin.
- Il est neuf heure, il ne devrait plus tarder.
Le il en question arriva à cet instant précis. Jeune, la démarche rapide, une cape noire dissimulant sa silhouette filiforme, la cible du vieil homme fonça droit vers l'imposante grille qui fermait le Palais Royal. Les gardes postés de part et d'autre du portail lui ouvrirent sans lui poser la moindre question après qu'il eut brandi un parchemin. Il passa le porche et le vieil homme dit en se levant :
- Il est arrivé, prévenez les Bradefer.
Assis à leur bureaux, les jumeaux Isidore et Bertrand Bradefer, Surintendant de la Sûreté de leur état, étaient entrain de remplir des parchemins administratifs quand un craquement sonore retentit. Ils relevèrent tous deux la tête pour voir si une de leur étagère débordantes de livres ne s'était pas effondrée. Mais ce fut un petit être au grandes oreilles et au long nez qui se trouva être le responsable de ce bruit. La créature s'inclina devant leurs bureaux en se tournant vers Isidore puis vers Bertrand.
- Oui, elfe ? Dit Bertrand sans regarder plus que ça la créature qui se redressait.
- Il est arrivé, Messire les Surintendant. Le sorcier que vous avez convoqué est entré au Magistère à neuf heure et dix-sept secondes, et il viens tout juste de passer les grilles. Il se dirige vers le Bureau des Aurors, Mes Seigneurs, récita l'elfe d'un ton monocorde.
Isidore, de nouveau plongé dans sa paperasserie, laissa à son frère hocher simplement la tête en guise de réponse. Cela parût satisfaire l'elfe qui disparut dans un bruit similaire à celui de son apparition. Le fonctionnaire termina hâtivement de remplir son formulaire, puis reposant sa plume dans son encrier, il se leva et sortit de son bureau, laissant son jumeau au bon soin de la politique.
Basile Vectan était Officier du Bureau des Aurors depuis bientôt vingt-sept ans, et il avait beaucoup changé depuis son entrée au service du Magistère. Certes, dans un premier temps il avait pris son nouveau métier à cœur et avait participé tant sur le terrain que derrière son bureau à faire régner l'ordre dans le monde des sorciers. Mais ces dernières années, c'est surtout dans son bureau et aux soirées mondaines qu'il avait été vu, laissant son service sombrer dans l'inactivité et l'inefficacité. Le laisser aller de son service s'en ressentait jusqu'à la largeur de son ventre qui rentrait difficilement dans sa robe violette.
Ce matin là, il était entrain de donner ses ordres à ses deux meilleurs lieutenants : Geoffroy Lestrange et Louis-Gautier Lenoir. Les deux sorciers, tous deux haute noblesse, formaient le binôme le plus efficace de toute la brigade des Aurors à ce jour. Geoffroy, par sa naissance, était même le premier choix de Basile Vectan pour sa succession. Mais Louis-Gautier, par son amitié avec Geoffroy était sûr d'avoir lui aussi un poste à responsabilité dans la brigade. C'est donc avec un grand sourire et un verre proportionnellement conséquent que Basile Vectan les accueillait ce matin là. Alors qu'il s'apprêtait à les envoyer relever le groupe de surveillance d'entrée, la porte de son bureau s'ouvrit. Jamais cette porte se s'ouvrait sans que le visiteur, qui qu'il soit, n'y ai préalablement frappé. Seul le Surintendant Isidore Bradefer, était coutumier de ce genre d'entrée fracassante qui n'annonçait en général rien de bon. Mais à la grande surprise des trois hommes, c'est un jeune homme de taille moyenne qui était le coupable de cette brutale interruption. Sa grande cape noire allongeais sa silhouette filiforme. Sous cette cape, une robe de sorcier taillée d'une façon peu commune semblait coupée en deux par une large ceinture de cuir à laquelle était accrochée une montre, une sorte d'étui et une bourse. Le plus étonnant était son visage duquel toute expression était absente, comme fermé au monde extérieur, plongé dans une intense concentration. Il claqua des talons et se fendis d'un salut militaire rigoureux.
Tout à coup, le temps sembla ralentir. Geoffroy Lestrange et Louis-Gautier Lenoir reconnurent Hector Balthazar, qui les avaient humiliés, plus de trois ans plus tôt. Comme un seul homme, ils se levèrent en sortant leurs baguettes, mais à peine s'étaient-ils mis en garde que leurs armes leurs sautèrent des mains pour atterrir dans celle d'Hector. À cet instant précis où le choc et l'incompréhension se mêlaient dans les cerveaux du commandant Vectan et des ses deux Aurors supposément surentraînés, Bertrand Bradefer entra dans la pièce. La scène qu'il avait devant ses yeux avait quelque chose de familier. Un éclair traversa son regard puis, comme si tout cela était parfaitement normal, Bertrand demanda au jeune homme de restituer leurs armes aux Aurors puis de sortir dans le couloir pour l'attendre.
Des hurlements de rages résonnèrent dans tout le couloir pendant de longues minutes. Soudain, Isidore Bradefer apparût au bout du couloir. Il passa en trombe devant Hector, entra dans le bureau sans ménagement et hurla si fort que mêmes les portraits des tableaux du couloir s'enfuirent, effrayés. Il ressortit moins d'une minute plus tard, son frère sur ses talons. Ce dernier ralentit pour entraîner Hector à sa suite.
- Je suis vraiment navré pour cet...incident, dit Bertrand Bradefer en serrant la main d'Hector. J'ai du vous donner rendez-vous au mauvais étage. La force de l'habitude. Enfin, cet incident est clos pour le moment, dit le Surintendant avec un soulagement trop expressif pour être rassurant. Cela n'aura aucune incidence sur votre intégration dans cette brigade. Je suis même sûr que le Commandant Vectan, dès qu'il sera remis de sa crise, saura apprécier votre valeur. Tenez, voici votre nouveau bureau, dit-il en ouvrant une porte. Entrez, je vous en prie.
Hector entra dans la pièce et eût la surprise d'y trouver trois sorciers. Il en connaissait deux : Benoît de Dahut, un meilleur faussaire que duelliste selon ses propres dires et son acolyte le vieux sorcier qu'Hector avait vaincu par forfait trois ans plus tôt. Le troisième était un sorcier à la peau aussi ridé que l'écorce d'un arbre. Il arborait un sourire amical et ses petites lunettes rondes grossissait ses yeux de façon exponentiel.
Bertrand Bradefer referma la porte derrière lui et fit apparaître deux fauteuils pour qu'ils s'y assoient. La pièce n'était pas très grande, mais de taille suffisante pour y accueillir cinq sorciers sans se marcher dessus. Un bureau et deux chaises, une étagère murale vide sur le mur de gauche, une petite cheminée sur le mur de droite et un cadre vide derrière le bureau constituaient les seuls ameublement de la pièce.
- Asseyez-vous donc, Aspirant Balthazar, dit Bradefer en désignant le fauteuil qu'il n'occupait pas.
Docilement, Hector s'exécuta.
- Permettez-moi de vous présenter Maître Labranche, continua-t-il, expert en baguette magique. Il se chargera simplement de recenser la votre pour l'ajouter au registre et à votre dossier personnel.
Hector tendit sa baguette au fabriquant dont les mains étaient gantés. L'expert toucha la baguette, la mesura, l'observa sous tous les angles et chercha visiblement à entendre un son quelconque en l'approchant de son oreille. Il s'exclama :
- Vostre baguette estois imprégné de la Peste bubonique ! Devant les yeux rond d'Hector, il s'expliqua. Quiconque s'en emparerait seroit atteint de la Peste. Personne ne pourroit vos la voler sans en subir les conséquences.
- La baguette, Labranche, est-elle conforme, malgré ce détail ? demanda Bradefer avec impatience.
- Oui vostre Excellence, répondit l'expert en s'inclinant.
- Bien. Alors je vous libère de vos obligations.
L'expert rassembla ses affaires et quitta la pièce après un rapide salut aux deux Aurors, à Hector et au Surintendant Bradefer.
- Bien, permettez-moi de vous présenter le binôme auquel vous serez rattaché à partir de ce jour. Voici Benoît de Dahut et Jean Torbert, deux excellents agents de ce service. Ils vous apprendront le métier aussi sûrement qu'un boulanger vous apprendrait à faire du pain. Je vous laisse également prendre connaissance des lieux et du protocole en vigueur, dit Bradefer en se levant. Je vous souhaite une bonne journée, je dois retourner à la grande aventure de la politique.
- Votre Excellence, j'ai une question, dit Hector avant que le Surintendant n'ouvre la porte.
- Je vous en prie.
- Vous aviez dit que je pourrais avoir ce que je voulais lorsque nous nous sommes rencontrés. Est-ce toujours le cas ?
- Dans la mesure du possible et du raisonnable, bien entendu, répondit Bradefer. Mais il vous faudra vous en montrer digne.
Le Surintendant sortit de la pièce en refermant la porte derrière lui, laissant le nouvel Auror en proie à de nombreuses réflexions...
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