CHAPITRE XIII

Octobre 1695, Académie de Magie Beauxbâtons...

- Donc, mon opinion n'a guère de valeur à tes yeux... disait Hector avec aigreur.

- Ce n'est pas cela ! Répondit Achille en haussant le ton. Je me suis simplement laissé tenter. J'ai suivi Julius et Gontran, et j'en suis désolé.

- Désolé ! Coupa Hector en s'arrêtant en plein milieu du couloir. Désolé de quoi ? De faire fi de mes avertissements ; ou bien désolé d'agir en irréfléchi ?

- Je suis irréfléchi ! S'insurgea Achille.

- Irréfléchi, et inconscient, dit Hector d'un ton qui ne souffrait aucune réplique.

Le rouge teinta les joues d'Achille et une ombre passa sur ses yeux. Hector leva sa main pour parer un éventuel coup qui ne vint pas. Ils restèrent là, à se fixer dans le blanc des yeux, puis sans un regard Hector planta son ami dans le couloir. Achille eût un hoquet et une larme coula le long de sa joue. Il la chassa d'un geste rageur et rejoignit sa classe.

Jamais les deux garçons ne s'étaient ainsi disputés. Depuis qu'Hector avait soigné Achille, un peu moins de deux ans plus tôt, il avait veillé sur lui et Achille, reconnaissant, avait ouvert Hector à son amitié. Ils en étaient devenus très vite inséparables. Achille apportant à Hector sa douceur et son attention, Hector apportant à Achille sa perspicacité et ses connaissances. Plus le temps passait, plus ils se rapprochaient. Hector devenait plus accessible, plus confiant, moins distant. Achille devenait plus alerte, plus fort. Ils s'apportaient mutuellement et se faisait une confiance absolue. Pourtant, cette fois, rien ne s'était passé comme d'habitude. Ils leur étaient arrivés d'être en désaccord, mais pas à ce point là. Lors de l'annonce du Tournoi des Trois Sorciers, ici à Beauxbâtons, Hector avait immédiatement montré sa désapprobation. C'était à la rentrée ; Le professeur Major avait modifié son traditionnel discours d'accueil pour partager la nouvelle.

- Bonsoir mes chers enfants, et bienvenue à nos nouveaux arrivants. Avant de vous asseoir, veuillez écouter ceci très attentivement. Cette année, contrairement à l'habitude, tous nos habituels concours sportifs sont annulés car...un murmure de désaccord parcouru l'assemblé. Car, disais-je, notre école recevra de prestigieux invités à partir du mois d'Octobre. Il s'agit des délégations du collège Poudlard et de l'Institut Durmstrang, qui participeront à l'édition du Tournoi des Trois Sorciers qui se déroulera entre nos murs jusqu'en Juin. Je compte sur...

Mais il n'avait pas pu finir son discours avant un bon moment. La salle du Grand Couvert s'était soudainement emplie d'un brouhaha dans lequel se noyaient les parole du directeur. Le légendaire Tournoi des Trois Sorciers était une compétition magique entre les trois plus grandes écoles de magie d'Europe. Dangereuses et mortelles, les trois épreuves donnaient au vainqueur richesse et gloire éternelle. Achille, Gontran et Julius et bon nombre de leurs camarades de classes s'imaginaient déjà participer aux épreuves. Le directeur Major fit s'asseoir tout le monde quand il eu terminer son discours presque un quart d'heure plus tard. Quand Achille avait posé son regard turquoise sur la table de la classe d'à côté, son sourire avait disparu. Hector les fixait tous les trois, un sourcil levé et une moue réprobatrice. L'occlumancie pratiquée par Hector n'empêchait pas Achille de deviner les pensées de son ami. Il essaya de lui dire quelque chose à distance, mais un groupe d'élèves passa entre leurs table et quand Achille put rétablir un contact visuel, Hector avait déjà disparu.

Durant tout le temps qui précéda l'arrivée des élèves étrangers, Hector s'était souvent rendu à la bibliothèque et au cinquième étage pour se renseigner sur le tournoi. Ce qu'il avait appris l'y avait rendu violemment hostile, le jugeant trop dangereux. Et lorsque Achille avait le malheur de parler d'une hypothétique candidature, Hector se mettait dans une colère noire qui durait tout le reste de la journée. Aussi, Achille ne prit-il plus le risque d'évoquer le tournoi en sa présence.

D'ordinaire, ils ne se cachaient jamais rien, mais cette fois, Achille avait prit sa décision seul, et sans en parler à Hector. Le matin même, avant que ne débute leur cour commun de potion, Achille s'était rendu auprès de la coupe avec ses deux condisciples Gontran et Julius et avait déposé avec eux sa candidature. Quand il l'avait apprit, en retrouvant la classe d'Achille dans le laboratoire du professeur Caldaron, Hector s'était muré dans un silence froid qu'il rompit à peine libéré de son chaudron.

Ce soir là, Hector ne se présenta pas au souper et Achille ne le chercha des yeux qu'au moment du coucher. Il ne le trouva pas dans la salle commune des cinquièmes années. Alors, triste, il regagna son dortoir juste avant l'extinction des feux.

Debout, faisant les cents pas dans la bibliothèque abandonnée du cinquième étage, Hector était en grande conversation unilatérale avec le portrait du maître Gutemberg. Celui-ci assistait, terrifié, à la destruction des rares chaises de la pièce.

- Vous allez finir par blesser quelqu'un avec vos sortilèges...Disait-il d'une petite voix.

- Je n'en ai cure ! Comme Achille de mon avis ! Il ne m'écoute pas ! Il ne comprends rien !

- Une séance d'escrime vous ferait sans doute le plus grand bien. Dit Gutemberg en disparaissant dans le bord de son cadre. Quand il reparût, un bruit de ferraille résonna dans le couloir et le Sire de Fortevoix se présenta à la porte, attendant qu'Hector ne vienne le défier.

C'est après un duel bref, intense et violent que Hector retourna dans la bibliothèque ; laissant aux autres armures le soin de réassembler le Sire de Fortevoix.

- Il est heureux que cet étage soit abandonné. Mais j'ai peur que vous n'ayez été entendu en bas...dit le Maître Gutemberg quand Hector se fut laissé choir sur une chaise rescapée.

- Personne ne peut nous entendre. J'ai rendu les murs sourds et muets. Répondit Hector en faisant tourner dans ses doigts sa baguette magique.

- Nous nous demandions, De Vinci et moi, la raison de votre emportement. La décision de votre ami, bien que discutable...

- Complètement inconsidérée ! Marmonna Hector.

- Bien que discutable, continua le portrait, ne semble pourtant pas si mauvaise. Mille Piques d'or et la gloire éternel me semble être un prix suffisant pour courir un tel risque...

- Sa décision, qui n'est même pas la sienne puisqu'il a suivi ses soi-disant amis, est inconsidérée...

- Vous vous répétez mon ami, lança le portrait de De Vinci qui s'était glissé dans le cadre de Gutemberg. Que vous ayez peur pour lui se comprends. Mais de là à vous mettre dans cet état ? Franchement mon garçon, je ne suis pas certain qu'il n'y ai que cela, n'est-ce pas ?

Hector regarda De Vinci, dont la barbe débordait du cadre, mais ne sut que répondre. Après un instant de silence, il se leva, reprit ses affaires, répara les chaises et quitta le cinquième étage pour aller se coucher...

Les semaines qui suivirent furent longues et l'attente de l'annonce de la première tâche, insoutenable. Les rumeurs allaient bon train depuis le tirage au sort des champions par la Coupe de Feu, mais personne ne savait encore en quoi elle allait consister. Les champions étaient désormais au centre de toutes les attentions. Deux d'entre eux durent même faire un tour à l'infirmerie. Le premier, Clegane McGregor, champion de Poudlard, fut atteint de paralysie aux bras durant tout une semaine après l'ingestion d'un thé empoisonné. Le second, Ivan Karkaroff, le champion de Durmstrang, fut poussé dans les escaliers, par un de ses propres condisciple, un certain Oleg Krum, jaloux de ne pas avoir été désigné champion de son école. L'élève ayant été prit sur le fait, il fut renvoyé chez lui sans autre forme de procès.

Le champion de Beauxbâtons n'eut pas à souffrir d'attaques extérieures. Il semblait protégé par la Providence. À moins que, malgré leur violente dispute, aggravée par le tirage d'Achille en champion de l'école, cette providence ne s'appelle Hector. Hector qui ne paraissait plus que pour les cours et sans jamais ouvrir la bouche, était constamment plongé dans un mutisme réflexif intense.

La veille au soir de l'épreuve, Achille s'était posté devant la porte du dortoir de son ami et l'avait attendu. N'ayant pas eu le courage de lui adresser la parole plus tôt, Achille ne sut comment aborder le sujet qui le préoccupait quand Hector apparut.

- Une joute, il s'agit d'une joute. À dos d'Abraxans à ce que l'on m'a dit. Nous aurons une corne de Licorne marine comme arme et un bouclier de facture Gobeline.

Hector ne lui répondit rien. Il se contenta de le regarder, sans savoir quoi dire. Après quelques secondes d'un silence lourd de non-dits, il articula :

- J'espère que tu n'es pas sujet au vertige... Il passa devant lui, ouvrit la porte sa chambrée, y entra sans bruit et laissa Achille dehors. Une larme coula de ses yeux turquoises, puis une autre, et une autre. S'affaissant contre le mur, Achille pleura longtemps, en silence, avant d'aller se coucher.

Le lendemain, vers onze heure, tous les élèves se rendirent dans le parc du château. Là, de part et d'autre du grand canal Flamel et de sa fontaine, se dressaient des gradins où ils prirent place. Le temps était maussade, une bruine bouchait le ciel et le crachin aurait vite raison de la foule et de son enthousiasme. Quand tout le monde fût installé, le commentateur se leva dans la tribune du jury, et porta sa baguette à sa gorge :

- VOX SONORI ! Cria-t-il, sa voix résonnant dans tout le parc. Bonjour à tous, chers élèves, et bienvenue à la première tâche du tournoi des trois sorciers ! Une exclamation d'enthousiasme secoua la foule. En ce jour, au temps incertain, continua le commentateur en regardant le ciel, nos trois champions vont s'affronter dans une lutte acharnée pour la victoire. Chaque point gagné sera un pas de plus pour distancer les autres dans la course au trophée !

Une nouvelle exclamation retentit. Dans la tente où les champions trépignaient, Achille se rongeait les doigts, assailli de toutes parts par des voix, des sons et des pensées qui n'étaient pas les siennes. Paniqué à l'idée de ce qui l'attendait, il observa ses adversaires dans l'espoir de les voir dans un état pire que le sien. Lorsque le discours du commentateur fut terminé, des trompettes résonnèrent et les deux premiers concurrents furent appelés.

- Venu des lointaines forêts du Nord, champion de l'Institut Durmstrang, voici Ivan Karkaroff ! Un tonnerre d'applaudissements résonna, accompagné d'encouragements quand le frêle et blême petit garçon de douze ans sortit de la tente. Et, venu des landes d'Écosse, Clegane McGregor, le champion du collège Poudlard ! Les acclamations des anglais furent plus fortes encore que celles des bulgares quand la montagne de muscle haute d'un mètre quatre vingt cinq et âgé de dix-sept ans émergea des tentures.

Achille n'eût pas a attendre très longtemps avant de se faire appeler. Après leur sortie, il n'y eut plus un bruit jusqu'à ce qu'un long et puissant : « Ah ! » ne résonne dans le parc suivi d'un gros : « Plouf ».

Il monta sur son destrier, plus nerveux que jamais, espérant qu'il l'emporterait face à l'immense écossais. Il voyait, au milieu du canal, Karkaroff se débattre pour gagner la rive. Il prit ses armes, et son écuyer flanqua une grande claque sur la croupe de sa monture qui hennit, se cabra, et d'un puissant coup de ses sabots arrières, décolla sans crier gare. Achille, les pieds à l'étrier et le rênes entre les doigts, filait aussi vite que le vent. Plus léger que son adversaire, il l'esquiva quand celui-ci le chargea. Il l'esquiva une seconde fois, puis une troisième, puis une quatrième... McGregor commençais à perdre patience et à l'injurier. A ce moment là, Achille eut une idée, Il prit sa corne de licorne marine tête en bas, arma son bras et la lança comme un javelot.

Il y eut un silence, et, la corne plantée dans le crâne, l'Abraxan piqua vers le canal, emportant son cavalier dans sa chute. Achille hoqueta mais ne réagit pas. Il était paralysé d'horreur. McGregor et sa monture tombèrent longtemps avant de s'écraser dans l'eau dans un grand fracas. Cinq professeur furent nécessaire pour sauver le champion de Poudlard tandis que la foule laissait éclater sa joie ou sa déception. Des trompettes résonnèrent, le commentateur annonça les résultats, mais Achille n'écoutait pas. Il était hébété, effrayé par son geste.

Il ne se détendit pas de la journée, même après les banquets du dîner et du souper, ni quand ses condisciples lui firent une fête dans la salle commune des cinquièmes années. Il ne sortit de sa torpeur que quand une fille, au cheveux noir de jais et aux yeux pareillement noir ne s'approcha de lui pour l'embrasser.

- Magnifique performance, Achille. Dit Jade Lestrange avec douceur quand elle retira ses lèvres du champion. Achille eut un sursaut, se recula et s'essuya furieusement les lèvres. Jade lui adressa un sourire, pour la première fois sincère, balança ses cheveux en arrière et repartit dans un défilé de regard ébahis et envieux.

Achille était complètement désemparé. D'un côté, le souvenir de ses blessures lui rappelait sa colère contre elle, d'un autre, son regard et sa voix n'avaient jamais étés autant sincère, tendre et doux. Et puis, son baiser était chaud, agréable, un peu humide, et lui procurait dans le ventre des sensations étranges. Il en tremblait. Il en tremblait fort. Trop fort. Si fort qu'il tomba par terre, convulsant, l'écume au lèvres.

Alors que Jade s'enfuyait en courant, Hector apparut à l'entrée de la pièce. Il vit Achille au sol, Jade s'enfuir Julius, Gontran et les autres affolés. Il ne lui fallu pas une seconde pour comprendre. Il désigna Julius et Gontran :

- Emmenez le à l'infirmerie !  Puis, en grondant un tonitruant : « LESTRANGE ! » s'élança dans le couloir.

Quand Hector ouvrit les portes de l'infirmerie, il était amoché. Amoché, mais debout. Il avait la lèvre fendu, un œil au beurre noir, des bleus partout, et un filet de sang coulait de sa narine droite. Achille, lui, tremblait de tout son corps, trempé de sueur et sanglé à son lit pour ne pas en tomber. Julius et Gontran se tenaient à son chevet, conversant à voix basse tandis que les elfes s'activaient à grands renforts de linge humide et d'eau salée pour le faire vomir.

Hector attrapa par un bras le premier elfe qu'il croisa et lui tendis une fiole.

- Voilà ce qui l'à empoisonné. Faites votre travail. La créature prit la fiole, s'inclina et partit en courant vers l'autre extrémité de l'infirmerie. Hector s'approcha d'Achille, le regarda tristement et s'approcha de son oreille.

- S'il te plaît, reviens vite... Il se leva et sans un regard il repartit comme il était venu.

Achille se remit rapidement, grâce aux elfes et à leurs soins. Quand il fut de retour dans sa classe, il fut accueilli en héros, ovationné par ses camarades et félicité par ses enseignants. Mais il restait très marqué, et il se tint à distance de tout le monde pendant un temps.

Jade ne reparu plus pendant trois longues semaines. Quand elle revint, elle dut subir les regards, insultes et cracha des soutiens d'Achille avant qu'ils ne cessent tous du jour au lendemain. La rumeur voulait qu'Hector n'y soit pas pour rien. Mais pourquoi, nul ne le savait vraiment... Toujours est-il qu'elle se tint loin des autres et surtout d'Achille pendant longtemps.

Hector devint rapidement un sujet de conversations sous capes, qui cessaient dès qu'il passait dans les couloirs. Mais, fidèle à lui même il n'y prêtait pas attention, disparaissant souvent au cinquième étage d'où il ne redescendait que tard dans la nuit.

Un soir cependant, il eut la surprise de trouver quelqu'un en conversation avec les portraits de la bibliothèque quand il y parvint. Achille, assis dans un fauteuil défoncé riait de bon cœur avec De Vinci et Gutemberg. Quand Hector entra, il se turent tous instantanément et Achille se leva.

- Merci, dit-il, merci de m'avoir sauvé la vie.

- Ce sont les elfes qui t'ont sauvé, je n'ai fais que m'occuper de...

Achille se jeta dans ses bras. Hector ne sut comment réagir, désemparé. De Vinci lui adressa un clin d'œil et quitta le cadre avec Gutemberg, les laissant seuls.

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