CHAPITRE VI
Août 1690, bords de Seine, Paris Sorcier...
Les quais de Seine étaient bondés en cette matinée. Des étales aux échoppes, le Paris des sorciers était très animé. Sur les pontons, des bateaux de toutes tailles transportaient des marchandises ou les emmenaient vers l'extérieur des remparts. Hector qui suivait Dame Pernelle avançait d'un pas vif. Lorsqu'ils eurent dépassé la forteresse que les Profanes nommaient "Le Louvre", Pernelle guida Hector jusque sur un ponton. Là, elle sortit sa baguette et l'agita comme elle l'aurait fait avec une clochette. Aussitôt une barque vide émergea de l'eau et Pernelle grimpa à bord. Elle enjoignit son jeune protégé à le suivre et au moment où ce dernier posa son pied dans l'embarcation, celle-ci tangua violement. Sans attendre que l'embarcation ne soit stabilisée, Pernelle en tapota le flanc et la barque s'avança jusqu'au milieu de la Seine.
- L'île de l'Escolle ! Annonça Dame Pernelle en montrant un îlot minuscule devant eux.
Hector lorgnait le rivage qui se rapprochait. Sur un ponton en bois, un elfe, bardé d'un pagne crasseux faisait les cents pas, le dos vouté, traînant des pieds. En débarquant, Hector l'observa de près, n'ayant jamais vu une telle créature auparavant. L'elfe eût un hoquet de terreur et sembla vouloir s'enfuir, mais les ordres qu'il avait dû recevoir l'en empêchait. C'est en regardant les yeux d'Hector que Pernelle sut ce qui n'allait pas. Elle était partie de chez eux en ayant oublié d'appliquer un charme de mystification à l'œil rouge sang d'Hector ! Laissant l'elfe de côté, elle s'accroupit en face du jeune sorcier. Ce dernier offrit un visage déconfit, boudeur.
- Je sais que c'est ce n'est pas commode, mais il est important que ton œil soit dissimulé Hector... Dit-elle d'une voix rassurante. Appliquer un charme de mystification sur un œil était une expérience des plus désagréables. Elle donnait la sensation d'avoir un voile trouble sur le globe oculaire et picotait autant qu'avoir des fourmis dans les mains. Apposant avec douceur ses vieilles mains usées sur le visage d'Hector, Pernelle marmonna une incantation étrange. Lorsqu'elle eut fini, elle se releva et regarda son petit protégé. Ce dernier se frottait l'œil pour dissiper le picotement. La sorcière se tourna vers l'elfe, le jaugea et lui tendit les 10 Carreau de Fer que coûtaient la traversée puis ils quittèrent le quai.
La ruelle qui remontait en pente douce déboucha sur l'artère principale. Colorée et baignée de soleil, elle ne ressemblait à aucune rue de Paris qu'Hector connaissait. Les multiples échoppes débordaient de produits en tous genres. Pourtant, cette rue semblait étrangement calme. Personne ne s'y promenait, Hector se demanda pourquoi. Les rares passants qui y déambulaient s'étaient rassemblés devant la vitrine d'un magasin de Quidditch pour admirer le « Merveilleux kit de fabrication pour balai personnel ». Son enseigne, un écu de bois brillant au soleil, se balançait doucement. Il représentait un balai avec inscrit au-dessus : « EUSTACHE MCAARON, équipement de Quidditch depuis 1392 ». Juste en face se dressait une librairie assez récente : « MAGILLARD, Plumes et Tomes depuis 1614 ». Des livres de toutes les couleurs s'étalaient sur des tables le long de la vitrine. Hector jetait des regards tout autour de lui. Ses yeux, tous deux verts et normaux grâce au charme, s'émerveillaient devant toutes ces boutiques. Surexcité par tant de nouveauté, il demanda :
- Par où commence-t-on ?
Pernelle fut surprise, mais pas par la question. Hector n'était pas du genre loquace en temps normal. Et l'entendre décocher une phrase ne relevait pas du banal. Elle regarda le jeune homme et répondit :
- La clé du savoir se trouve dans les livres, alors je te propose de commencer par aller à la librairie.
Pénétrant dans l'échoppe, les deux sorciers se rendirent directement au comptoir. Assise sur un haut tabouret bancal, une jeune femme semblait les attendre avec le sourire de celle qui sait tout. Ni l'un ni l'autre des deux sorciers ne s'en formalisèrent.
- Bienvenue chez Magillard. Que puis-je faire pour vous ?
- Nous aurions besoin des livres demandés sur cette liste. » Demanda Pernelle en tendant une feuille de parchemin. Sautant de son assise, la toute petite sorcière les conduisit dans le dédale des étagères pour trouver les ouvrages requis. Il y avait autant de thèmes qu'il y avait de couleurs, de tailles et d'épaisseurs de livres. Tout en consultant la liste fournie avec la lettre, la libraire sortit une dizaine de livres qu'elle fit léviter jusqu'au comptoir. Avant de payer le tout, l'alchimiste et le jeune homme les énumérèrent un à un, accompagnés de la liste.
- Alors, commença Pernelle, le Livre des Sorts, Enchantements, Charmes et Maléfices, de Enguérand Garde, il est ici. Les Manuels d'Alchimie, de Chimie et autres Potions, ils sont là. L'Encyclopediae Floralis, également. Le Bestiaire de Leonasius Ridgebit, c'est bon. Le livre d'Histoire de la Magie en le Royaume de France, aussi. Un Dictionnaire de Bienséance, et un Dictionnaire extraordinaire et fabuleux de la Langue Française, les voici. L'Art Méticuleux et Rigoureux de la Divination, nous l'avons. Le Guide des Forces de l'Obscur et la Magie Noire, c'est bon aussi. Et enfin Les Histoires de Georges le Conteur, y est. Parfait, nous avons tous les livres requis.
La sorcière sortit de sa poche 1 Pique d'Or et 10 Trèfles d'Argent, paya le tout, puis les deux sorciers sortirent de la boutique. Ils remontèrent la rue et continuèrent leurs achats au rythme de la liste de fournitures.
Après être passé à la Maison Capenoir pour acheter l'uniforme standard bleuté de l'Académie ainsi qu'un manteau aux multiples poches, deux paires de bottes et deux capes sombres seyant parfaitement à la silhouettes d'Hector, ils passèrent un long moment chez Luna et Aurore Jumelle pour les affaires d'astronomie. Ensuite, ils allèrent chez Monsieur Sanfin pour y trouver chaudron et consorts et enfin ils passèrent chez l'apothicaire Aziz Branchiflore pour y trouver le nécessaire à potions. Leurs multiples paquets en main, le jeune sorcier et l'alchimiste se posèrent sur un banc situé dans l'une des rues menant aux quais. Face à eux, faisant l'angle de la rue, se tenait Le Corbeau Mystique, l'animalerie magique.
- Va mon garçon, va te chercher un animal, lui dit Pernelle avec un sourire fatigué.
Hector ne se le fit pas dire deux fois. Il posa ses achats sur le banc et se dirigea vers la boutique. L'enseigne de bronze présentait un corbeau qui regardait le nom de l'échoppe. Peint en bronze sur fond noir, le nom cadrait bien avec la boutique. Sombre de façade, elle l'était tout autant à l'intérieur. De multiples créatures et animaux magiques attendaient dans des cages ou sur des étagères, un Croup aboya quelque part dans la boutique, des chouettes piaillaient du haut de leurs perchoir, un chat gris-vert courait après un rat à deux têtes et un Parloquet insulta copieusement le vendeur et son visiteur. Un joyeux capharnaüm régnait dans la boutique.
Hector, guidé par le marchand chercha des yeux un animal qui pouvait l'intéresser. Le vendeur lui présenta divers oiseaux, félins et autres reptiles. Un serpent attira le regard du jeune homme si bien qu'il manqua de percuter une cage où dormait un hibou. Il ressortit du magasin sans avoir trouvé d'animal à son goût. Soudain, au moment où il passait la porte, il entendit un croassement semblable à un rire. Il leva la tête. Perché sur l'enseigne de l'animalerie, un énorme corbeau le fixait. Hector jura qu'il lui avait fait un clin d'œil. Une idée lui traversa l'esprit. Il se retourna et demanda au commerçant :
- Le corbeau, perché sur l'enseigne, il est à vous ?
- Le corbeau, quel corbeau ? demanda le brave homme prit au dépourvu.
Hector regarda l'enseigne, l'oiseau avait disparu. Il retourna voir Pernelle, intrigué. Il reprit ses paquets et la vieille dame se leva.
- Allez, on rentre à la maison.
- Ma baguette ! On a oublié ma baguette ! s'écria soudain Hector.
- Rassure-toi, tu en recevras une à ton arrivé à l'école. C'est l'Académie qui fournit les baguettes de ses élèves, à causes des restrictions du Magistère, une vieille tradition. Répondit la matriarche avec un sourire aux lèvres.
- Je ne comprends pas... interrogea le jeune homme.
- Ce n'est rien. Viens, maintenant Nicolas et Arturus nous attendent.
Repartant les bras chargés, les deux sorciers arrivèrent sur le petit débarcadère. Ils remontèrent dans une barque, qui s'enfonça sous leurs poids et celui de leurs achats, et retraversèrent la Seine. Trois quarts d'heures plus tard, essoufflés, ils étaient de retour Rue de Montmorency.
Ils entrèrent dans leur logis et posèrent leurs paquets dans un coin. Hector, relevant la tête après avoir posé ses livres, aperçu par une fenêtre le gros corbeau qu'il avait vu tout à l'heure. L'oiseau, posé sur le toit d'en face le fixait du regard. C'était Harald ! Il croassa bruyamment avant de s'envoler. À peine s'était-il débarrassé, que le directeur avait commencé à expliquer au jeune homme qu'ils partiraient tous deux pour le château dès que possible.
- Lorsque nous y arriverons Hector, tu iras te faire choisir par ta baguette. Ensuite, tu visiteras les lieux Après cela, tu souperas avec tes condisciples et tu iras te coucher. Voici ton emploi du temps, tu commences dès demain, lança le directeur en lui tendant un morceau de parchemin où figurait la liste des horaires de cours.
Tout en étudiant attentivement son emploi du temps, Hector observait le directeur à la dérobé. Ce dernier ne parvenait pas à le regarder fixement. Ses yeux fuyaient constamment l'endroit où se posaient les siens. Reportant son attention sur le parchemin, Hector se perdit dans ses pensées. Il imaginait déjà le château, maintes fois décrit par ses deux tuteurs. Un immense château construit par magie sur les contreforts d'une montagne, entouré par de sublime et gigantesques jardins à la française. Une fontaine au nom des Flamel trônait en son centre. Sortant de ses pensées, le jeune garçon monta à l'étage préparer sa valise. Dans le salon, le directeur avait repris ses vas et viens sur le plancher inégal. Les époux Flamel se consultaient sans cesse du regard sans rien oser dire devant Arturus. Cinq heures sonnèrent à un clocher au moment où Hector, pressé par le directeur salua ses tuteurs. À peine le jeune homme avait-il dit au revoir aux vieux sorciers qu'Arturus l'attrapa par le bras, les affaires du jeune homme flottant derrière eux. Le directeur tourna sur lui-même, ses pieds quittant le sol, ils disparurent...
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