CHAPITRE IV
Mai 1685, 51 rue de Montmorency...
- Pourquoi maman est morte ?
Pernelle Flamel tourna si violement sa tête que son cou produisit un affreux craquement. Nicolas Flamel eût un hoquet de surprise et lâcha sa cuillère qui tomba dans son écuelle, éclaboussant sa robe de soupe. C'était la première phrase que le petit Hector prononçait en plusieurs semaines. Depuis la mort de sa mère, la veille de son cinquième anniversaire, il n'avait plus dit un mot. Pas même à Harald, un gros corbeau qui était venu s'installer dans sa chambre, et avec qui il avait pris l'habitude de faire la conversation. Pernelle et Nicolas bafouillèrent de concert mais ne parvinrent pas à trouver comment répondre à une telle question.
- Pourquoi maman est morte ? Répéta Hector en regardant les deux alchimistes comme si la réponse allait s'inscrire dans leurs yeux.
- Parce que la mort est une étape naturel de toute vie, hasarda Nicolas perplexe.
- Alors pourquoi vous êtes encore en vie ? Demanda Hector. Il n'y en a pas des vieux comme vous dehors. Et maman elle n'était pas vieille comme vous quand elle est morte. Hector avait un ton étrangement neutre, calme, très troublant.
- Pourquoi cette question, mon fils ? Répondit Pernelle avec le ton le plus doux dont elle était capable en lui posant une main sur le visage.
Hector la regardait, de ses yeux sang et kaki, mais il n'avait pas l'air d'un enfant. Il avait le regard d'un adulte plus grand et plus mûr que n'importe quel enfant de son âge.
- Parce que Harald ne m'a rien dit. Répondit Hector dont le regard redevint alors celui d'un enfant. Il reprit sa cuillère et finit son assiette sans un mot.
Comment les Flamel pourraient-ils jamais lui dire qu'eux même ignoraient les causes du décès de sa mère. Elle avait semblée épuisée après son accouchement et Nicolas avait du l'aider dans tous ses efforts à grand renfort de potions. Orphée avait fatigué plus vite qu'à l'accoutumé et sa beauté s'était atténuée au profit d'une pâleur maladive qu'aucun traitement, magique ou non, n'avait pu arranger. Elle avait élevé son fils de son mieux, lui apprenant marche, parole et magie. Sur ce dernier point, il s'était révélé étonnamment peu doué. Il comprenait très bien mais ne parvenais pas à faire quoi que ce soit de magique avec ses mains. En revanche, il avait prit goût à la préparation de potions avec Nicolas qui les conservait dans une étagère dédiée. Il avait aussi été instruit à la lecture par Pernelle et avait bientôt essayé de lire tout seul n'importe quel livre lui tombant sous la main. Ainsi, sa culture des créatures magiques, de l'Histoire de leur monde et divers contes et légendes magiques grandissait à fur et à mesure des pages qu'il déchiffrait. Mais ces connaissances ne lui servaient à rien, il les retenaient, sans rien en faire.
Quand il eût fini de manger, Hector se leva et remonta dans sa chambre, sans mot dire. Pernelle et Nicolas se regardèrent sans bouger, hébétés qu'ils étaient. Lorsqu'il referma la porte de sa chambre, Hector jeta un regard à Harald, endormi en haut d'une armoire et se replongea dans la lecture que son dîner avait interrompu. Il lisait difficilement, en en murmurant les mots, les pages d'un traité sur les propriété des pierres de Lune :
- Les... pierres... de...Lune... soient... d'une... rare... et... précieuse... efficacité... quand... elles... soient... plongées... dans... du... sang... de... dragon... bullant... à... gros... bouillon...
- Croaa !
Harald claqua de son bec, descendit de son armoire et vint se poser lourdement sur le traité des pierres de Lune.
- Pousse-toi, Harald. Dit Hector en joignant le geste à la parole.
Mais le corbeau ne se poussa pas. Il resta là, à fixer le jeune garçon qui tentait de le faire bouger.
- Bon, tu vas t'en aller, oui ! dit Hector d'une voix forte. Soudain, les pages du livres s'embrasèrent et Harald battit des ailes pour se mettre hors de porté des flammes violette. Hector poussa un hurlement en voyant le livre se réduire petit à petit en cendres et s'écarta de son lit en sautant. A cet instant, Pernelle ouvrit la porte et fût stupéfaite. Elle se saisit de sa baguette, la pointa vers le livre enflammé qui cessa aussitôt de se consumer et regarda Hector, qui paraissait à la fois terrifié et fasciné. Nicolas arriva quelques secondes plus tard, essoufflé d'avoir monté un étage et interrogea sa femme sur l'origine du cri.
- Il a fait de la magie, lui répondit-elle avant de lui raconter ce qu'elle avait vu...
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