-Ocre envie;ogra invidia_

Les folies sont les seules choses qu'on ne regrette jamais. _Oscar Wilde


Le vinyle décoré de rayures involontaires avait cessé de jouer les notes chimériques et déformées d'un morceau de blues. Un de ces disques à l'enveloppe défoncée et aux couleurs déliquescentes qu'on ne trouvait que dans les caisses en bois rongées par la vieillesse d'une vie lassée, et posées sur le bitume terreux d'une brocante. La fumée ocre s'était à son tour dissipée sous les attaques incessantes du vent frais. Seul le cendrier habillé de courbes céruléennes témoignait encore de la présence de cette vapeur grisante aux fragrances d'Orient.

Jimin aussi avait disparu du tableau, son corps de chérubin succombant aux doses excessives de bonheur de synthèse et son esprit se baladant à travers la prose enjôleuse mais offusquante de Voyage au bout de la nuit. Le livre, dont les pages s'étaient dorées à force d'être maltraitées, était posé négligemment sur son torse nu et immaculé. Le papier obscurci de mots abstrus léchait son épiderme florissant sous les rayons d'or, s'imprégnant au plus profond de lui.

Ses yeux embrumés de formes insidieuses se baladaient innocemment sur le papier peint défraîchi pendant aux murs, comme les fruits contraignent les branches. Ils se constellaient des fleurs autrefois carmins présentes sur les cloisons, des lignes noires récitées par dessus la voix rocailleuse des chanteurs décédés et des maux qui tambourinaient contre son âme. Jimin soupira, se laissant anesthésier un peu plus intensément, jusqu'à ce que ses afflictions se tarissent sous des pansements éphémères. Il devenait les conséquences de la décadence sous ses faux airs d'ange déchu et l'acide réalité d'une vie écourtée.

Il fallut qu'on tambourine, tel un soldat vaincu offrant sa dernière arme, contre le bois rugueux de la porte de sa chambre pour que Jimin déserte le monde des mirages. Ses lèvres craquelées s'entrouvrirent pour marmonner une injure, s'apparentant plus à un grognement plaintif, et ses bras s'agitèrent dans des mouvements décousus pour le redresser. Ses pieds raclèrent bientôt le sol, qui vibrait à chaque oscillation confuse du poing et était couvert de cendres ainsi que de croquis imbibé de courbes absconses. Il ne s'en formalisa pas, écachant ses esquisses pleine de vérité, et ouvrit la porte.

Un jeune homme, le visage peint de traits sévères et aux pupilles dilatées de tourments, lui fit face. Jimin ne le regarda même pas, soupirant comme si la croix fleuries du Christ était apposé contre son dos translucide.

–Park Jimin...

–Qu'est-ce que tu branles ici ? Déguerpis d'ici, tu ne dois pas entacher de tes couleurs doucereuses mon oeuvre. Non, tu ne peux pas. Virevolte de tes ailes ingénues ailleurs.

–Tu es encore défoncé ?

Le garçon au regard brisé ria nerveusement, frottant son pouce et son index entre eux comme si cela allait apaiser la mer faramineuse des songes qui sévissait en lui, rongeant chaque parcelle carnée.

–Oui, non, tout un tas de possibilité, d'espoirs. Je ne veux plus voir tes yeux pailletés de lubies intarissables et néfastes. Embrasse mon axiome, accepte le et pars.

–Jimin, je ne peux pas. Tu n'es pas un de ces êtres gondolant contre des individus à la chaleur des néons vermeilles, effleurant de tes doigts fuselés leurs chairs scintillantes de flux homogènes et se perdant dans un univers lugubre de chimères séductrices.

–Pourtant je le suis. Maintenant, renonces et enveloppe de tes ailes prophylactiques la carcasse d'un autre.

Le mécène labile écorcha de sa main blafarde le torse de son interlocuteur, comme si les flammes infernales, qui croupissaient et ondoyaient dans son âme, luttaient contre la lumière. Il pinça ses lèvres d'une couleur nacarat aguicheuse et s'effaça du seuil, laissant le candide gamin se noyer dans sa géhenne.

L'alcôve frémissait de nouveau. Les paroles chevrotantes insufflées par une voix aux accents asiatiques se répercutaient contre les parois déguenillées de la pièce et la fumée azurée mordait l'air environnant de ses épices sableuses. Les feuilles maculées de traits amorphes et pourtant plein de sens formaient un cercle grotesque où plastronnait Jimin, tel un hérésiarque dominant sa cours de fidèles.

Les bras de ce dernier convulsaient à travers l'étau d'ébauches, se pliant et s'étendant, comme si des marées électriques orchestraient chacun de ses gestes. Il avait des airs de Durga avec ses bras qui gesticulaient dans toutes les directions, de façon incohérente, et qui se multipliaient tant ils était hâtifs. Aussitôt, ses jambes galbée se mêlèrent à cet danse irrévérencieuse, faisant tournoyer Jimin dans sa folie. Ils se déhanchaient, murmurant de sa voix pâteuse, une suite de mots discordants.

–D'art...dans la laideur... dans la beauté... L'alcool... comme l'amour...Ah, ah ! Sans notes... sans notes c'est la Mort.. Et la vie...Un putain de bout de lumière ! Et dans quoi ? Dans quoi... ? Dans la nuit, voilà, dans la nuit...

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