3. le presque ami

3. le presque ami

chanson écoutée durant l'écriture :
without you – avicii

HEAVEN

— Ah bah voilà ! je m'exclame en voyant le nouveau se redresser. Tu vas mieux ?

Il grimace et se tient la tête. On dirait qu'il a peur de la perdre. Un sourire se dessine sur mes lèvres.

Chuuuut, il me supplie. Arrête de hurler.

— Je ne hurle pas, imbécile. C'est juste que t'as une gueule de bois en pleine après-midi.

Le brun, encore trempé, se tourne vers moi. Il a dormi environ deux heures, et pendant ce temps, j'ai compté tous les carreaux qui sont au plafond. 126. J'ai aussi eu le temps de sécher (plus ou moins), et j'ai examiné les tatouages du nouveau pendant qu'il était dans les vapes. Ses bras sont remplis de dessins et d'inscriptions, il y a des logos aussi, et des trucs complètement débiles. Qui se fait tatouer : « 1+1=11 », sérieux ?

— Mal de tête ? je lui demande, amusée.

Il a l'air de vouloir m'étrangler.

— Pire que ça. (Il touche l'arrière de son crâne et grimace). Putain, c'est quoi cette bosse ?

J'éclate de rire.

— Tu ne te rappelles de rien ?

Il fait mine de réfléchir. Maintenant qu'il n'y a plus de buée et qu'il a les yeux ouverts, je remarque qu'ils sont d'un bleu foncé qui m'est étrangement familier. J'ai l'impression de connaître ses yeux, et ça me trouble. Bordel.

— Euh... (Il a l'air gêné, maintenant). Tu es Madame Paradis ?

— Exact. Bordel, t'étais vraiment déchiré. Tu t'appelles comment déjà ?

— Wazter. Wazter Kal.

Je me rappelle de Frist Reynolds et de ses joues rouges dans le couloir quand le directeur a écorché le nom du nouveau. Enfin, Wazter. Original, comme prénom.

Il me scrute et je ne me gêne pas pour faire de même. Son regard, son expression... j'ai l'impression de le connaître.

N'importe quoi, Heaven. Tu n'as jamais vu ce gars de toute ta vie.

— Moi c'est Heaven. Heaven Drad.

À l'entente de mon nom, le brun se fige et semble paniquer. Quoi ? Mon prénom n'est pas assez original, c'est ça ? Son regard devient rapidement fou, et je me demande s'il est encore bourré. S'il a bien bu ces deux bouteilles de whisky comme le disait Cameron, il doit être encore un peu perché.

— Ça va ? je l'interroge, désormais confuse.

Il revient à lui et cligne plusieurs fois des yeux. J'ai l'impression qu'il a vu un fantôme. Vraiment bizarre, ce gars.

— Je dois y aller, il dit précipitamment en se redressant.

Je me lève vite, m'attendant à ce qu'il se casse la gueule une nouvelle fois. En se mettant debout, Wazter titube et s'accroche au mur comme il peut. On dirait qu'il essaie de fuir. Bordel, mais il a quoi ce mec ?

— Je vais pas te manger, tu sais, je lance, refroidie par son comportement.

Il tient le mur comme si sa vie en dépendait.

— Ouais je sais, désolé. (Je vois dans son regard que c'est le cas). C'est juste que... merci de ne pas avoir balancer où j'étais.

Son changement de sujet ne passe pas inaperçu mais je décide d'oublier son comportement du moins étrange. Après tout, il est encore sous l'influence de l'alcool.

— On est enfermé, je l'informe. Mon meilleur ami m'a séquestré ici.

Wazter se tourne vers moi en haussant les sourcils, désormais amusé. Il croise ses bras tatoués sur son torse, calé contre le mur. Je crois qu'il a encore la tête qui tourne, car il n'a pas l'air de vouloir s'en séparer. Quant à moi, je me rallonge sur mon banc, pieds nus.

— Mon meilleur ami m'a aussi séquestré ici. Tu penses qu'il y a d'autres personnes qui se sont faites enfermées par leur meilleur ami dans ces vestiaires ?

Je ne peux pas m'empêcher de sourire. C'est bien la première fois depuis trois semaines que je souris autant dans la même journée. Je l'aime bien, ce nouveau.

— Je sais pas, je rétorque. Je n'ai trouvé que toi, Ivre-Mort.

— Moi, complètement bourré, il soupire. J'me rappelle de quelques trucs, mais... attends, je t'ai vraiment dit que j'étais mort ?

Je hoche la tête, riant de plus belle. Son visage se décompose.

— Merde. Plus jamais je ne touche à du whisky, il promet, laissant tomber sa tête en arrière.

— On dit tous ça, je remarque, en levant les yeux au ciel. Mais ce n'est jamais vraiment la dernière fois.

Le nouveau plisse les yeux en me regardant puis chuchote quelque chose que je n'entends pas. Il a l'air troublé, peut-être autant que moi. Je suis sûre de t'avoir vu quelque part, Wazter Kal.

— Tu devrais peut-être te changer, je suggère en pointant ses habits trempés. Tu vas te faire encore plus remarquer, comme ça.

— Et je les sors d'où, les vêtements, Madame Paradis ? Je suis nouveau ici, j'te rappelle.

Dans un soupir, je me lève pour chercher le casier de mon demi-frère, Maxwell. Il ne m'en voudra pas d'avoir prêter ses affaires. De toute façon, il fait croire à Papa qu'il fait du basket, mais je ne l'ai jamais vu aux entraînements de l'équipe. Ce qui me vaudrait d'ailleurs une discussion avec lui. Je pourrai très bien le balancer, mais j'aime bien ce gamin. Sa mère est sympa, et elle me défend toujours quand mon père en fait des caisses.

Je m'approche de son casier et attrape le cadenas à code. Ce gamin est tellement prévisible que ça me donne envie de me jeter d'un pont. Qui met encore son propre anniversaire en guise de code, de nos jours ?

J'attrape un t-shirt et un jogging qui ont l'air légèrement petits pour Wazter. Il va devoir faire avec.

— Qu'est-ce que tu fabriques ? il demande quand je reviens.

Je lui jette les vêtements à la gueule et m'installe une nouvelle fois sur mon banc. Le brun les attrape de justesse.

— Euh... merci.

Je lui jette un coup d'œil.

— Y'a pas de quoi.

L'air de rien, le nouveau se met à se déshabiller devant moi. Heaven, tu es en couple. C-O-U-P-L-E. Ne tourne pas les yeux vers le mec canon qui enlève son t-shirt à ta gauche...

Trop tard, j'ai déjà tourné les yeux. Et bordel, je ne regrette pas du tout de l'avoir fait. Wazter est musclé. Ouais. Très musclé. Et ses tatouages lui recouvrent tout le torse et les bras. Sur ses côtes, une plaie qui semble être en pleine cicatrisation attire mon regard.

— Tu t'es fait quoi ? je demande, curieuse.

Le brun, qui ne s'était pas vraiment rendu compte que j'étais entrain de l'épier, me jette un regard qui en dit long. Un regard qui dit : « T'étais entrain de me mater, c'est ça ? ». Je suis sur le point de rougir, chose qui m'arrive très rarement, quand il me répond.

— Je me suis fait mal.

— J'avais pas remarqué, je lui réponds sarcastiquement.

Le brun enfile le t-shirt de mon demi-frère – à mon plus grand regret – et descend son pantalon trempé sur ses chevilles. Ne regarde pas, Heaven.

— Peut-être qu'un ours m'a attaqué ? Ou peut-être bien que je me suis battu contre un gang de rue ? Peut-être, aussi, que mon meilleur ami a tenté de me tuer avant de me séquestrer ici... Il y a beaucoup de possibilités, Paradis, il énonce d'une voix mystérieuse.

Son regard se fait amusé, tandis qu'il enfile le jogging trop petit pour lui.

Ce mec va me rendre dingue, avec ses devinettes à la con. J'ai bien envie de lui foutre une claque.

— Tu es passé de Madame Paradis à seulement Paradis ?

— Tu n'as retenu que ça ?

— Faut croire que oui.

Wazter soupire, toujours avec ce putain d'air rieur qui me donne envie de sourire aussi. Je vous l'avais dis, qu'il serait aussi sympa en étant – plus ou moins – sobre.

— J'ai eu un accident, il déclare à voix basse.

Je ne trouve rien à répondre, car je crois que je suis sur le point de faire une crise de panique. Le mot « accident » apparaît, là, dans mon cerveau, en grosse lettres rouges, clignotant tel un néon qui me rappelle les événements du mois dernier. J'ai du mal à respirer quand je hoche la tête discrètement.

Une fois habillé, Wazter s'assoit sur mon banc et regarde dans le vide quelques instants avant de prendre la parole.

— Encore merci pour les fringues, Paradis, je te les rendrai demain.

Je balaie sa phrase de la main.

— T'inquiète pas. C'était ma bonne action du mois.

Un petit rictus apparaît sur ses lèvres rosées.

— Et bien, je suis ravi d'avoir été ta bonne action du mois. C'était un honneur. Hé mais, enfaite, comment on fait pour sortir ?

Ah. Ça. Pendant ces deux heures à réfléchir, j'ai essayé de trouver une solution pour que l'on puisse s'évader sans avoir de problèmes, mais il n'y a pas tellement d'options.

— Soit on attend l'entraînement de l'équipe de basket dans... (Je jette un coup d'œil à ma montre.) deux heures, soit on hurle, ou soit...

Je suis arrêtée en pleine phrase par un cliquetis de serrure. Quand Jack, l'agent d'entretien pénètre dans les vestiaires et m'aperçois, affalée sur le banc, sa réaction ne m'étonne pas.

— Pas possible, cette gamine, il marmonne en ressortant.

Wazter me regarde sans vraiment comprendre, tandis que j'éclate de rire.

Ouais, Jack et moi, on se connaît très bien. C'est lui qui finit toujours par me retrouver, dans le lycée. Que je sois cachée dans les toilettes des mecs à fumer, ou sur le toit avec les garçons, il parvient toujours à découvrir mes planques. À la longue, Jack est devenu mon complice, si bien qu'il m'arrive de lui glisser un billet de cinquante entre deux produits ménagés sur son chariot pour m'assurer qu'il est bien de mon côté. La première fois qu'il s'est rendu compte de mon manège, le cinquantenaire a secoué la tête, l'air incrédule puis m'a dit, je cite : « Le jour où tu te retrouveras dans la merde, gamine, tu n'as pas intérêt à ressortir mon nom ». Promesse que je tiens encore aujourd'hui.

— Vous vous connaissez ? il demande, visiblement confus.

— Ouais, on peut dire ça comme ça, je réponds, encore hilare.

* * *

Quelques minutes après l'intervention de Jack, je décide de bouger mon cul de ces vestiaires. La situation devient très vite gênante quand je me rends compte que je ne sais absolument pas comment dire aurevoir à mon presque ami, Wazter...

...ou plutôt, Ivre-Mort.

— Bon et bah, à plus, je me contente de dire, me balançant sur mes deux pieds.

Merde. C'est bien une première pour moi, de perdre autant mes moyens devant un gars. Faut que je me reprenne, bon sang.

À plus, Paradis, il répond, moqueur.

Argh. Il a très bien vu ma gêne, le salopard. Et il ne fait rien pour m'aider.

— Un conseil, je lance, une main sur la poignée maintenant déverrouillée, ne bois plus autant, Ivre-Mort. Tes neurones vont finir par griller, si tu continues.

Le beau brun me fait un clin d'œil, toujours assit sur le banc.

— Je crois que j'ai retenu la leçon.

Je lève les yeux au ciel, n'y croyant pas du tout, et sors des vestiaires non sans me retourner une dernière fois pour m'apercevoir qu'il me mate ouvertement. Gros lourdaud, celui-là.

J'ai perdu tout mon début d'après-midi à être enfermée avec ce gars à cause de Clark. Bon, c'est clair que c'était beaucoup plus amusant que d'être en cours, mais pour tout avouer, maintenant que je marche vers le lycée, je regrette de ne pas être restée un peu plus avec le nouveau. Juste un peu plus.

Machinalement, d'un geste que je répète plusieurs fois dans la journée, j'attrape mon poignet pour toucher mon bracelet... mon bracelet qui n'est plus à mon poignet, bordel ! Ce n'est pas possible ! Je ne peux pas l'avoir perdu... Paniquée, je regarde au sol. Peut-être qu'il vient de tomber, je n'en sais rien... Putain ! C'est Amethyst qui me l'avait offert pour Noël, l'année dernière. Je ne m'en sépare jamais.

Je me retourne rapidement et reviens sur mes pas. Il faut que je le retrouve. Il faut que je le...

Merde. Il doit être dans les vestiaires. Je ne sais plus si je dois me réjouir de l'avoir fait tomber ou en pleurer comme une tapette, mais, c'est d'un pas assuré que je rentre une nouvelle fois dans le gymnase. Voilà, je l'ai eu, mon « juste un peu plus »...

Quand j'entre dans les vestiaires très discrètement, je ne sais pas si le nouveau y est encore. J'espère secrètement qu'il est toujours là. Secrètement. Mais je ne dois pas oublier ma mission première : retrouver mon bracelet. Mes yeux sont rivés vers le sol, et je décide de commencer par les allées de casiers dans lesquelles je me suis baladée sans aucun but précis durant mes deux heures d'ennui mortel. Un petit scintillement m'interpelle, et c'est à la limite de l'euphorie que je le ramasse.

Victoire ! j'ai envie de crier.

Mais mon élan est vite coupé par une voix, oh oui, une voix, quelques rangées avant celle dans laquelle je suis planquée. Merde. Maintenant que je suis ici, je n'ai aucune idée de comment je pourrais lui reparler. Ai-je seulement envie de lui reparler ? Oui ! Bordel, c'est un grand oui ! Est-ce que je devrais m'en vouloir ? Putain, absolument ! Est-ce que je m'en veux ? Absolument pas, merde !

— Oui putain, c'est promis... Mais j'étais pas dans mon état normal... Ouais bon, arrête ça, tu sais très bien que j'étais défoncé, pousse pas le bouchon hein... T'inquiète pas, je suis un solide moi, mon épaule va très bien... Putain, carrément !... Demain soir ?... Et contre qui ?... Mouais, j'apprécie pas vraiment que tu joues aux énigmes avec moi... Ouais bon, j'te laisse... Beurk, mec ! Je t'embrasse pas, moi !

Le nouveau est visiblement au téléphone. Bon, je vais ressortir d'ici, c'est mieux comme ça. Je me mets à marcher sur la pointe des pieds, en essayant de faire le moins de bruit possible, quand... merde... non, pas maintenant !

— Ananas, ananas, ananas... je chuchote en essayant de m'empêcher d'éternuer.

Mon nez me démange, et ouais, les gars, je suis officiellement au bout de ma vie.

— Y'a quelqu'un ? s'exclame la voix de Wazter.

J'éternue d'un seul coup, dans un bruit affreux. Pourquoi est-ce qu'il faut que j'éternue comme un éléphant, moi aussi ? Putain de bordel de cul, je ne suis qu'une petite merdeuse. Une grosse merdeuse.

Je commence à paniquer. Il va croire que je l'espionne, le con !

— Non ! je lance en me croyant intelligente. Y'a personne !

— Ah ouais ?

Et le voilà qui est devant moi. Double putain de bordel de cul.

Il se retient d'éclater de rire, visiblement.

— Ouais c'est bon, tu peux te moquer de moi, j'dirai rien hein, te gênes pas.

— T'es complètement atteinte, il chuchote, incrédule.

— Ferme la. S'il te plaît, ferme la.

Son sourire moqueur. Maudit sourire moqueur.

— Je vais y aller.

Je le bouscule, mais il me rattrape rapidement par le bras.

— T'es une bonne distraction, il souffle.

Je fronce les sourcils, pas sûre de comprendre ce qu'il raconte.

— Une bonne distraction ? je répète tout bas.

— Oublie, il dit rapidement. J'espère qu'on se reverra vite, Paradis.

— Ouais, moi aussi, je marmonne.

Wazter me lâche le bras, mais ses yeux ne quittent pas les miens. Ma respiration se bloque soudainement. Il faut que je sorte d'ici.

Je tourne les talons rapidement et claque la porte derrière moi.

Ce mec. Je ne dois plus jamais l'approcher. Jamais.

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chapitre très court, mais le voilà !

dites moi tout les amieeeeees !

des bisous, ❤️

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