2. ivre-mort
2. ivre-mort
chanson écoutée durant l'écriture :
everybody hates me – the chainsmokers
WAZTER
quelques heures avant
— Waz ! Putain mais sors de ce buisson !
Une voix lointaine, que je reconnais pourtant, interrompt mes rêveries. Un buisson ? Je croyais pourtant avoir sauté dans un nuage, tout à l'heure. Il était douillet, moelleux, et... un chatouillement sur mon bras me fait pouffer de rire. Oh, une chenille. Elle est verte, et elle rigole. Sacré chenille. J'adore les chenilles. Une fois, quand j'avais six ans, j'ai mangé une chenille. C'était pas très bon, mais c'était une chenille quand même. Je ne suis jamais devenu un papillon, et le petit garçon que j'étais en avait chialé pendant trois jours.
Quelqu'un me tire par les pieds. Peut-être que je suis mort ? Et si mon tueur me traînait jusqu'à sa table de boucher ? Peut-être que dans deux jours, des parties de mon corps seront à vendre sur eBay. J'aimerai donner mes muscles d'Apollon à tous les maigrichons de cette planète, pour qu'ils puissent se sentir beau-gosse au moins une fois dans leur vie. Mais peut-être que mon tueur n'est pas du genre commercial. Et s'il me jetait au fond d'un fossé ? Bon, au moins, là-bas, je garderai toutes les parties de mon corps. C'est déjà ça, en soit.
— Waz, arrête de faire semblant de dormir, connard.
Merde. Je suis cramé. Mon tueur connaît mon prénom. J'ai envie de me faire pipi dessus. Prudemment, j'ouvre un œil, puis l'autre. Je suis parterre, comme prévu, mais ce n'est pas un homme cagoulé qui me tire les pieds. C'est Frist. Quel farceur ! Il ne rate pas une occasion de faire une blague, celui-là ! Je trouve ça bizarre qu'il veuille faire des jeux de rôle avec moi, genre lui le criminel et moi la victime sans défense, j'ai déjà fait ça avec mon ex Carmela, mais c'était moi le criminel et il y avait des menottes et puis...
— Putain mais tu te fous de moi ou quoi ?! C'est la rentrée, espèce de mongole, et tu te bourres la gueule comme un imbécile ! il s'exclame en lâchant mes jambes.
Je lève les yeux au ciel, encore sur mon petit nuage. Ah oui, je parlais de Carmela et des menottes et de cette soirée où...
— J'en ai marre. C'est bon Waz, t'as gagné. J'suis à bout et ça fait que trois semaines que t'es là. Tu sais quoi ? (Il réfléchit et j'imagine une bulle à côté de sa tête, mais comme je ne sais pas à quoi il pense, elle est vide). Viens.
Comme je reste parterre à faire des anges de neige (il n'y a pas de neige, mais je fais comme s'il y en avait, c'est plus marrant comme ça), Frist attrape une nouvelle fois mon pied pour me traîner parterre. Ma tête cogne contre le bitume, et honnêtement, j'trouve ça marrant.
Boum... Boum... Boum...
Je crois que j'ai une bosse, mais c'est pas bien grave. Carmela fera peut-être l'infirmière si je repars la voir, à New-York. Ouais, l'infirmière, ça me parait bien...
— Euh, il va bien ? interroge une voix que je ne connais pas.
Un mec parle avec Frist. Il a l'air... humain. C'est un mec quoi.
— Ouais, il pète la forme, marmonne mon meilleur ami.
L'humain pouffe de rire. Moi aussi, je pouffe de rire, quand ma tête fait boum boum sur le sol. C'est un point en commun que j'ai avec cet humain. On pouffe de rire. Je me demande si j'ai d'autres points en commun avec lui quand je me rends compte que j'ai perdu ma chenille. Dommage, elle était plutôt sympa, cette chenille.
— Bon, voilà, s'exclame Frist en lâchant mon pied pour ouvrir une porte.
Je crois que nous sommes dans un gymnase, ou peut-être une salle de mariage, je sais pas trop. En plus des jeux de rôles, Frist veut se marier avec moi ? Wouah. Ça fait beaucoup à encaisser, là tout de suite.
La seconde d'après, ma tête recommence à faire boum boum sur le sol. À cette allure, ce n'est pas une bosse que je vais avoir, mais une colline.
Au bout d'un moment, en tournant la tête, je remarque des casiers. Ce sont des vestiaires. Donc, nous ne sommes pas à un mariage. Je commençais tout juste à me faire à l'idée d'être marié à Frist. Zut.
— J'aime pas les maths.
Je ne sais pas pourquoi je viens de dire ça. C'est marrant.
Je rigole. En fait, non, j'éclate de rire.
— Moi non plus, figure toi, marmonne encore Frist.
Il marmonne tout le temps. Franchement, il est aussi chiant que ces théorèmes de maths que l'on doit apprendre par cœur. Tiens, et s'il s'appelait Pythagore ? Bon, je dois l'admettre, ce n'était pas le théorème le plus chiant, mais c'est le seul dont je me rappelle. Alors maintenant, Frist s'appellera Pythagore.
— Psht, Pythagore ! je chuchote. Ne fais pas de bruits, le tueur arrive.
Ma bouche est pâteuse quand je parle. J'ai l'impression d'avoir rouler des pelles à quelque chose de périmé. Beurk.
— Bon, ici, personne ne te trouvera avant l'entraînement de basket de ce soir. D'ici là, tu seras revenu à toi. Enfin, je l'espère. (Frist me fout une claque). Tu me fais de la peine, Waz. Vraiment. J'aime pas te voir comme ça.
Le nuage d'alcool dans lequel je suis se dissipe légèrement – très légèrement – à l'entente des mots de mon meilleur ami. De Pythagore. J'ai encore envie de pouffer de rire, mais il a l'air sérieux. Je pince les lèvres.
— Tes parents et ta sœur n'auraient pas voulu que tu te mettes dans cet état, il chuchote.
Le rire que je retenais disparaît aussitôt. Je crois être passé du mec bourré et heureux, au mec bourré et désespéré. Je me redresse lentement, en titubant légèrement. J'ai l'impression que les casiers rouges se renversent sur moi, qu'ils m'écrasent et qu'ils m'empêchent de respirer.
— Waz, je... Ça va ? se précipite Frist, en essayant de me tenir le bras.
Je grogne et me détache de sa poigne. Je ne veux plus parler de chenilles, ni de tueurs en série, ou même des jeux de rôles avec Carmela. Je veux juste rester seul.
— Tire toi, je lance méchamment.
Frist sursaute.
— Tire toi ! je crie, cette fois-ci.
Le blond soupire avant de quitter les vestiaires. J'entends ses pas sur le terrain de basket, qui résonnent et qui s'éloignent.
D'un seul coup, j'ai trop chaud. Beaucoup trop chaud. Et ma bouche est encore plus pâteuse et bizarre qu'avant. Il faut que je...
Des douches. Nom de Dieu. Des douches.
Je me précipite sous un pommeau, appuie sur le bouton, et les jets se déversent sur moi. Merde. Il n'y a que de l'eau chaude. Brûlante. Ça n'arrange rien, mais je m'y habitue. Bientôt, je me laisse glisser contre le mur, trempé, et je laisse les larmes que je retenais couler sur mes joues.
Pleurer sous une douche, c'est comme allumer une bougie dans une pièce déjà éclairée. Ça ne se remarque pas. Et ça ne sert pas à grand chose. Alors je continue à pleurer. Parce que, de toute façon, je ne sers pas à grand chose non plus.
* * *
Je
suis
toujours
bourré.
Mes pensées ne sont que des fragments de mots, et pour tout vous dire, à force d'essayer de réfléchir, je ne sais plus si je suis entrain de rêver, si je suis dans un coma éthylique ou si je suis simplement con. Je crois que c'est un peu des trois options, pour être honnête.
Ça doit faire... une heure et demie que je glande dans ces douches ? Peut-être plus, j'en sais foutre rien. Mes doigts sont tous fripés, et je ressemble certainement à un vieux. Mes vêtements ne sont plus qu'une masse mouillée que je porte sur moi, et j'ai encore chaud. Trop chaud. Sûrement parce que l'eau est encore bouillante et que je ne bouge pas depuis que Frist m'a laissé là. Je me demande quelle sera la réaction de l'administration du lycée quand ils verront la facture d'eau. J'crois bien avoir utiliser toutes les ressources de la planète.
Alors que je me résous à enlever mon t-shirt, non sans pouffer de rire tout seul à la vue de mes doigts fripés, un claquement de porte me surprend.
Putain. Je suis grillé. Voilà, c'est la fin. Je suis complètement déchiré dans les douches du lycée et celui qui va me trouver va tout balancer. Merde. Re-merde.
— Je suis mort. Je suis mort. Complètement décédé, je répète, paniqué.
Darren va péter un câble s'il sait dans quel état j'me suis foutu pour la rentrée. En réalité, j'en ai pas grand chose à foutre. Mais c'est la dernière personne qui n'a pas l'air déçue de moi et qui me soutient. J'ai encore merdé. Voilà.
— Il y a quelqu'un ? s'exclame une voix lointaine, presque angélique.
Je suis vraiment mort. Dans le vrai sens, j'veux dire. Tout ceci n'est qu'un rêve. À tous les coups, je vais me réveiller dans ma petite cellule, avec Kevin, sur ma couchette toute dure, et avec le dos complètement pété. Ouais. C'est qu'un rêve. L'accident n'a jamais eu lieu, je n'ai jamais été recueilli par Frist et Darren, et je ne me suis jamais pointé à la rentrée des cours complètement bourré. Franchement, quelle idée de faire ça ! J'y aurais jamais pensé.
La voix venant du Paradis redemande une nouvelle fois s'il y a quelqu'un. Alors voilà, les amis, un ange est venu me chercher, mais vu mes mauvais rapports avec Dieu, il doit sûrement me faire une blague. Bientôt, l'ange me jettera en Enfer. J'en suis putain de sûr.
— Ouais, je suis là. Moi. Que moi. Wazter. Tu viens du Paradis, c'est ça ? Ça fait un bail que j'attends qu'on vienne me chercher, c'est pas trop tôt, bordel. Votre service « venir chercher les morts », il est pas très efficace. Y'a le remboursement ou pas ? Je suis indigné, je lance d'une voix traînante mais rapide.
Une ombre s'assoit à côté de moi sous l'eau chaude.
— Euh ouais. Je m'appelle Heaven, rétorque la voix de tout à l'heure d'un air amusé. T'es devin, dis-moi.
Je tourne la tête vers la fille assise à côté moi. Elle a les cheveux courts, coupés aux épaules. J'aimerai voir la couleur de ses yeux mais toute cette buée m'en empêche. Elle aussi, est complètement trempée de la tête aux pieds. C'est un ange sous apparence humaine, Wazter. Ne te fais pas avoir.
— Je suis devin autant que je suis déchiré.
Elle rigole doucement avant de lever la tête vers le pommeau de douche, laissant couler l'eau sur son visage. Wouah.
Finalement, elle se retourne vers moi.
— T'es le nouveau, c'est ça ? elle m'interroge en jouant avec son bracelet.
— Ouais, c'est bien là-haut ? Je viens de mourir, donc ouais, j'suis le nouveau. Est-ce qu'on a le droit à une visite guidée des nuages ou pas ?
— OK. Je crois qu'il va falloir que tu décuves très rapidement, Ivre-Mort, elle dit en secouant la tête, consternée.
— Ivre-Mort ? (Je pouffe de rire). J'aime bien ce surnom.
Ma tante Sophia était française, et chez elle, à New-York, elle m'a apprit le français durant toute mon adolescence. Tiens tiens...
— Toi, tu seras Madame Paradis, j'articule de mon plus bel accent français.
— Wouah. C'est du français ? Je suis impressionnée, elle dit, un sourire dans la voix.
Après nous être regardé dans le blanc des yeux quelques secondes, Madame Paradis fini par se lever.
— Tu as mis l'eau chaude exprès ? elle demande, en regardant le robinet du pommeau.
Je hausse les épaules. J'en sais rien, moi. J'ai juste appuyer sur le bouton.
Madame Paradis tourne le robinet, et maintenant, de l'eau glacée se déverse sur moi. Bordel de cul.
Je me redresse rapidement, les os gelés. Mais trop rapidement pour eux, je crois, puisque c'est lamentablement que je me ramasse sur le carrelage des vestiaires.
Ma tête fait boum, comme tout à l'heure sur le sol, et puis, Madame Paradis est au-dessus de moi et me fout des petites claques. Je les sens. Mais mon esprit part ailleurs, et puis, c'est tout noir.
* * *
HEAVEN
Il est tombé dans les pommes, le con. Ce mec est vraiment bizarre, j'veux dire, il se bourre la gueule le jour de la rentrée et se cache dans des douches ? Qui fait ça, sérieux ?
Je n'ai pas pu m'empêcher de constater qu'il était mignon... Bon, ok, très beau. Et sexy. Je fais vite disparaître ces pensées de mon esprit, le visage de Luka s'y incrustant rapidement. Il a prit Darla dans ses bras. Sérieusement ? Elle venait de dire ces choses horribles, et j'étais en colère, et puis... merde ! Je suis toujours en colère, putain !
Un gémissement m'arrête brusquement. Le nouveau est entrain d'agoniser sur le sol. Quel boulet, celui-là. J'ai bien l'impression qu'il va m'entraîner dans la merde, si ça continue. En espérant qu'il soit revenu à lui-même une fois qu'il se sera réveillé. Manquerait plus que je doive le traîner à l'infirmerie.
— Psht, Ivre-Mort ! Allé putain, reveille-toi !
Aucune réponse.
Bon. Plus qu'à attendre qu'il se réveille. Je pourrais peut-être me barrer et le laisser ici... Il ne se souviendra de rien, de toute façon. Mais... la porte est fermée à clé. Merci, Clark. Et puis, si j'arrive à me barrer, qu'est-ce que je vais faire ? Retourner chez moi ? Faire une balade à moto ? Autant rester ici. C'est divertissant, de parler avec ce mec. Je suis sûre qu'il doit être aussi sympa quand il est sobre.
Je m'allonge sur un des bancs du vestiaire, et contemple le plafond. Mes vêtements sont encore trempés. Tant pis.
Amethyst aurait dit un truc du style : « Ça n'arrive qu'à toi, les choses comme ça, Hell ». Et j'aurais levé les yeux au ciel. Mais voilà, ma meilleure amie n'est plus là. Et ça me donne le tournis.
nombre de mots dans ce chapitre : 2300.
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coucou, vous !
alors voilà le deuxième chapitre de cette réécriture !✨
c'est avec un très grand regret que j'ai dû retirer le délire bizarre de Wazzy avec Charlemagne. c'est pour le réalisme et la cohérence, et croyez-moi, ça me déchire le cœur aussi😔
en tout cas, j'espère que la fameuse rencontre de nos heazter vous aura plu ! comme vous pouvez le voir, c'est une réécriture, donc des choses changent et sont rajoutées/retirées.
aussi, j'ai déjà commencé à écrire le chapitre d'après, donc il arrivera vite ! j'ai l'impression de vous gâter, ces temps-ci😏
qu'en avez-vous pensé ? (j'aimerai vos avis les plus honnêtes sur ce début de réécriture, car si vous ne le saviez pas, et bien, je compte peut-être envoyer cette version réécrite à une maison d'édition et j'aimerai vraiment savoir si c'est à la hauteur de vos espérances avant de faire quoi que ce soit !)🙈
des bisous, 💜
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