Chapitre 9


Yuta adorait ses deux meilleurs amis. Il pourrait faire n'importe quoi pour eux, et si un jour ils avaient besoin de cacher un corps ou d'un alibi il serait le premier à se proposer. En revanche, deux semaines à héberger un enfant qui piquait une crise à chaque fois qu'il devait poser sa console sans que ça vienne de lui-même, et un autre qui parlait sans jamais s'arrêter alors qu'il n'avait aucune raison de s'être installé ici, c'était pesant. Il avait autant envie de les passer par la fenêtre l'un que l'autre. Surtout qu'entre cet énorme détail que constituaient DoYoung et Chittaphon, et son travail sur lequel il avait pris du retard, il n'avait pas eu le temps d'aller donner son cadeau à SiCheng. 

Un mois était passé depuis le début du défi, Février était là, et Yuta avait l'impression de ne pas avoir avancé. SiCheng ne l'avait pas recontacté, il ne savait donc pas ce que le châtain avait décidé de faire concernant leur relation, et il n'avait pas eu non plus de retour concernant les trois bouquets de fleurs qu'il lui avait fait envoyer. Peut-être qu'il avait été trop insistant, il n'en savait rien, mais du coup il hésitait à valider la commande d'un quatrième bouquet. Pour un peu il regretterait les quelques heures de tranquillité dont il bénéficiait. 

DoYoung avait repris la fac et ne rentrait donc que le soir, généralement récupéré par l'un de ses aînés qui tentaient au maximum de le préserver. Yuta et Chittaphon en avaient parlé à part et ils s'étaient mis d'accord : ils ne pouvaient certes rien faire contre les rendez-vous arrangés organisés par la famille de leur cadet, et celui-ci semblait avoir réglé le souci tout seul, mais ils pouvaient gérer le pervers récidiviste qui collait le noiraud. Le Japonais leva les yeux vers son plafond, il n'était même pas certain que DoYoung ait remarqué quoi que ce soit. 

Il termina son café, affreusement tiède depuis le temps qu'il était à côté de lui, et se replongea dans son devis. Il relut attentivement ce que le traiteur lui avait envoyé, ce qui avait été convenu avec ses clients, et voyant que tout était en ordre il valida le contrat. Il s'agissait du morceau manquant à l'organisation du mariage de la fille de Mme Son et il était heureux d'avoir réussi à tout boucler avant la fin de semaine. Ses yeux glissèrent sur le dossier Lee, là aussi un mariage mais plus déroutant que celui qu'il avait traité ce jour-là et dont la date était imminente. L'un des mariés avait trouvé que le jour de la Saint Valentin était extrêmement romantique pour s'unir et son fiancé avait cédé à sa demande. Il classa tout et sauvegarda tout ce qu'il avait fait sur un disque dur par sécurité, puis ferma son ordinateur et s'étira. Il avait mal au dos d'être resté toute la journée dans la même position. 

Yuta bailla et jeta un regard à l'écran de son téléphone. Bientôt la fin d'après-midi, mais Chittaphon ne ramènerait pas le plus jeune à l'appartement avant un moment puisqu'il avait décidé de le traîner dans les boutiques. Par chance Yuta avait prétexté une montagne de travail pour ne pas les accompagner dans ce périple. Il adorait faire les boutiques, mais y emmener DoYoung était une véritable épreuve de force. Il lui restait donc encore du temps avant le retour des squatteurs et il sut immédiatement comment il allait l'occuper. 

Le jeune homme prit une douche rapide, attacha ses cheveux, et remplaça le vieux survêtement dont il se servait pour traîner par une tenue de ville. Il enfila son manteau, ses chaussures et son écharpe, glissa les cordes de guitare dans un sac cadeau puis quitta son appartement. Yuta grimaça quand la poignée vacilla alors qu'il en sortait les clés. Il fallait vraiment que son propriétaire face quelque chose ou il allait bientôt se retrouver à la porte de son propre logement. Il envoya un message pendant qu'il descendait les marches en espérant une réponse rapide, et positive, sans se faire d'illusions pour autant. 

Le métro était bondé et il grimaça en se retrouvant pressé contre la vitre. C'était dégoutant. Yuta grogna en essayant de respirer et il sauta presque hors de la rame lorsque son arrêt fut enfin annoncé. Il n'en pouvait plus, quelle idée aussi de prendre le métro en plein pendant les horaires de sortie de bureau. Il remonta tranquillement à la surface et s'arrêta auprès d'un coffee truck où il acheta deux grands cafés. Ses mains transies de froids apprécièrent le contact avec le carton chaud et il se dirigea vers sa destination finale. 

Cette fois-ci il ne se trompa pas de Kim, le nouveau nom n'ayant toujours pas remplacé celui de l'ancien propriétaire, et ce fut la voix qu'il espérait qui lui répondit. 

- Oui ? 

- SiCheng, tu peux m'ouvrir ? J'ai ramené du café, sourit Yuta comme un enfant. 

La surprise de son aîné se manifesta par un bref silence avant que le portail ne soit ouvert. Le sourire du Japonais s'agrandit, si SiCheng lui avait ouvert c'était qu'il y avait de fortes chances pour qu'il accepte de lui parler à nouveau et son excitation s'emballa à cette idée. Il refit le même chemin que deux semaines plus tôt, attendant une nouvelle fois que son aîné lui ouvre l'autre porte, et il prit l'ascenseur. SiCheng attendait, appuyé contre le chambranle de son entrée et Yuta sentit son cœur lui louper un battement. Comment cet homme pouvait lui faire autant d'effets après tant d'années ? 

Yuta tendit le café devant lui dans une tentative enfantine pour amadouer le châtain, et un micro sourire se dessina sur le visage du plus vieux. Il se décala pour le laisser entrer et le Japonais sauta sur l'occasion avant qu'il ne change d'avis. Il retira ses chaussures, son écharpe et son manteau, puis suivit SiCheng jusque dans le salon. 

Des décorations avaient été ajoutées depuis sa précédente visite, comme des bibelots et quelques cadres photos représentant sa famille. Le jeune homme alla s'asseoir à côté de l'autre en tenant fermement sa boisson d'une main et son cadeau de l'autre. 

- Qu'est-ce qui t'amène ici ? demanda SiCheng après avoir bu une gorgée de café. 

- Eh bien, hésita Yuta. Je n'avais pas de nouvelles alors j'ai voulu prendre les devants. 

Il but à son tour et manqua de s'étouffer tant sa gorge était nouée. Il se sentait vraiment ridicule, lui qui était pourtant si à l'aise en société, qui pouvait parler et draguer n'importe qui, perdait ses moyens devant cet homme que beaucoup qualifieraient d'ordinaire. 

- J'ai aussi quelque chose pour toi, avoua Yuta. 

- Pour moi ? 

- Hum, je l'ai pris il y a déjà un petit moment mais je n'ai pas eu l'occasion de venir te l'offrir, et je ne voulais pas te le faire livrer. 

SiCheng posa son gobelet pour récupérer le sachet que son cadet lui tendait et celui-ci se força à rester calme. Il observa le moindre geste du châtain alors que ce dernier ouvrait son présent. Il en sortit le lot de cordes, la surprise visible sur son visage, et Yuta se détendit légèrement en constatant qu'il ne se rembrunissait pas. Au contraire, ses traits paraissaient s'être subtilement adoucis.

- T'avais dit que tu n'avais pas le temps d'aller en acheter alors je me suis dit que ça te ferait certainement plaisir, se justifia le rouge. 

- Merci. Tu n'étais pas obligé, c'est... sympa de ta part. 

Le propriétaire des lieux passa une main sur sa nuque, maladroit. 

- Merci aussi pour les fleurs, elles sont très belles mais... tu sais Yuta, t'as pas besoin de faire tout ça. 

- Comment ça ? 

- Je me doute de la raison qui te pousse à faire ça, mais tu dois pas te sentir obligé de m'offrir des trucs pour que je prenne ma décision. J'ai l'impression d'être vénal et j'aime pas vraiment ça. 

- Pardon ! s'excusa immédiatement le rouge. Je suis désolé, ce n'était pas du tout mon intention. Je voulais juste vraiment te faire plaisir, je n'ai jamais pensé pouvoir t'acheter, je te jure. Je crois que... ça me faisait juste plaisir de me dire que ça te faisait possiblement plaisir. 

- J'ai aimé l'attention, le rassura SiCheng. 

- Mais... je dois aussi avouer que je ne sais pas vraiment comment m'y prendre avec toi. J'ai fait tellement d'erreurs que je ne sais pas quoi faire pour les rattraper. 

Yuta serra les mains autour de son gobelet et sa jambe tressauta nerveusement. Il ne voulait pas qu'il y ait de nouveau un malentendu entre eux, tout mais pas ça. 

- Je suppose qu'on peut déjà commencer par essayer de discuter et apprendre à se connaitre. Je pense qu'on a tous les deux changé depuis le temps. 

- Alors tu es d'accord ?

SiCheng plissa les yeux face à son engouement évident et le Japonais se sentit rougir, il se comportait comme un enfant à qui on venait d'annoncer qu'il allait au parc d'attraction. Il était surexcité. 

- Oui, je suis d'accord. Yuta, je ne donne jamais de seconde chance alors, s'il te plait, ne me fais pas regretter de faire de toi une exception, avoua le châtain d'une voix basse. 

- Je te le promets, assura le rouge. SiCheng, est-ce que tu as quelque chose de prévu dimanche dans deux semaines ? 

- Pour la Saint-Valentin ? 

Le Chinois fronça les sourcils, soudainement plus tendu. Yuta leva les mains devant lui pour se dédouaner. 

- Oui mais c'est pas ce que tu crois. Je sais que ce serait beaucoup trop rapide et que je dois regagner ta confiance avant toute autre chose. Le truc c'est que Chi risque de vouloir s'immiscer s'il sait que je te voie, ou de nous suivre, sauf que je sais que ce jour-là il sera trop débordé pour le faire. Pis DoYoung s'en fout donc de ce côté ça craint vraiment rien... 

- Je vais y réfléchir, je te redirai ça plus tard. Tu me passes ton téléphone ?

Yuta opina et lui tendit son mobile sans hésitation. Avant de se rappeler de son fond d'écran. A savoir une photo de SiCheng qu'il avait soudoyé à l'innocent Shotaro quelques mois auparavant et qu'il passait des heures à observer chaque jour comme une adolescente devant son premier crush. Le jeune homme ferma les yeux pour ne pas avoir à affronter la réaction de son aîné, si celui-ci ne faisait pas de remarques orales alors il pourrait faire comme si rien ne s'était produit. 

Il récupéra son téléphone sans oser croiser le regard de SiCheng, rouge de gêne. 

- Comment va ta main ? tenta t-il de se reprendre. 

- Ah ma main, ça va, ils m'ont retiré les fils hier. Je peux la bouger comme je veux, et peut-être même essayer de rejouer quelques morceaux maintenant que j'aie des cordes toutes neuves. 

Le rouge avait le cœur qui battait beaucoup trop vite et il se leva précipitamment. Il avait essayé de faire comme s'il ne venait pas de se ridiculiser devant le châtain mais c'était trop pour lui. 

- Je vais y aller, désolé du dérangement ! 

Yuta fila dans l'entrée se rhabiller en vitesse, pressé de partir et échapper à cette honte intense qui lui donnait des bouffées de chaleur. Il ne pouvait plus faire face à SiCheng, plus pour le moment. Il verrait d'ici trente ans, quand il aurait oublié cette histoire. Du bruit près de lui attira son attention et il tomba sur son aîné que s'habillait également. 

- Tu sors ? 

- Je te raccompagne. Il fait toujours froid et je te dois bien ça. 

Le jeune homme se résolut donc à suivre le châtain jusqu'à sa voiture et à faire le chemin en sa compagnie dans une ambiance étrange. Cette fois-ci il essaya de se rendre le plus petit possible sans grand succès, même avec le visage à moitié caché par son écharpe. La musique ne comblait qu'à peine le silence qui s'étendait entre eux, mais Yuta semblait être le seul gêné de la situation. SiCheng s'arrêta devant son immeuble sans un mot et le plus jeune se tourna vers lui avant de sortir. 

- Je suppose que tu ne répondras pas à ma question cette fois-ci non plus si je la repose ? 

- Rentre donc chez toi, l'apprenti stalker, ricana SiCheng avant de remettre le contact. 

Yuta rougit farouchement et claqua la portière, vexé. Son pas était raide alors qu'il s'éloignait de la voiture et pénétrait dans son immeuble, le cerveau complètement retourné. Il n'avait pas fini d'entendre les deux idiots rire de ses péripéties. Pendant un court instant il envisagea de leur cacher tout ça, avant de se souvenir qu'il avait besoin de conseils, et que même s'ils n'étaient pas les mieux placés pour l'aider ils étaient les seuls en qui il avait confiance. 






Nda : 

Bonjour à tous, c'était le chapitre 9 et j'espère qu'il vous a plu :) 

J'en profite pour vous annoncer que j'ai plusieurs chapitres d'avance (une première mdr) et donc je vais en profiter pour instaurer un rythme de publication. Je posterai un chapitre tous les vendredis après-midi  en espérant que la fiction continue de vous plaire ! Je vais en profiter pour essayer de travailler sur un autre projet à côté et, qui sait, peut-être pouvoir vous le proposer en parallèle de celui-là ^^

Un énorme merci pour votre soutien, vos lectures, vos ajouts, vos votes et vos commentaires, ça me fait super plaisir <3

Dalion~ Kiss :3




Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top