Chapitre 36
Ils avaient fini par coucher une nouvelle fois ensemble mais Chittaphon était incapable de se souvenir qui de YongGuk ou de lui avait fait le premier pas. Peut-être que le noiraud avait glissé sa main sous ses vêtements ou alors Chittaphon s'était baissé pour l'embrasser à pleine bouche, il ne se souvenait plus et cela ne revêtait pas la moindre importance à ses yeux.
Blottis l'un contre l'autre, ils avaient dormi une poignée d'heures avant que les cauchemars de militaire ne les réveillent. Depuis ils parlaient à voix basse, Chittaphon allongé dos au torse du bouclé et l'imposant chien à leurs pieds. Shishi était revenue pendant qu'ils dormaient et ronflait à présent tout ce qu'elle pouvait.
- Parfois je l'envie de pouvoir dormir aussi bien, on dirait que rien ne la traumatise elle, souffla YongGuk contre l'épaule nue de l'argenté.
- Les animaux ne réagissent pas pareil que nous, c'est vrai qu'ils ont de la chance. Comment vous vous êtes rencontrés avec Shishi ?
Chittaphon sentit que le bouclé se réinstallait mieux derrière lui puis la joue chaude de l'homme appuya contre sa peau. Dans le même temps, les longs doigts dorés dessinèrent de petits ronds sur le ventre du Thaïlandais qui se détendit immédiatement.
- Mon père est un militaire de carrière, il était maître-chien alors j'ai grandi avec ses équipiers. Lorsque l'un d'eux devenait trop vieux pour partir avec lui il restait alors à la maison avec nous.
- Tu as des frères et sœurs ?
- Hum, un jumeau et une sœur aînée. Au départ on se disputait souvent parce c'était ma sœur qui avait hérité du chien de notre père et on avait l'impression d'être mis de côté, ce qui était stupide.
- Mais vous étiez des enfants, sourit l'argenté.
- Exact, on était persuadés avec Nam qui si on n'avait pas d'animaux c'était parce qu'elle était la préférée. On ne comprenait pas alors que c'était beaucoup de temps et d'investissement, en plus d'être un coût financièrement.
- Qu'est-ce qui s'est passé alors ?
Chittaphon sentit un sourire léger s'étirer contre sa peau.
- Je devais avoir douze ans lorsque mon père est revenu d'une mission avec deux chiots dans les bras, un pour mon frère et l'autre pour moi. Le mien c'était la mère de Shishi, elle aurait dû être formée par mon père mais elle a été diagnostiquée malvoyante donc ce n'était pas possible. Huit ans plus tard elle a donné naissance à Shishi et voilà, fin de l'histoire. Quand j'ai rejoint l'armée ma mère s'est occupée de la chienne qui se faisait vieille et ce jusqu'à ce qu'elle nous quitte.
L'argenté se retourna dans les bras de son amant et il posa à plat sa main sur le torse nu. Les traits du visage de YongGuk étaient détendus, pour autant la fatigue était bien présente.
- C'est à cause de ton père que tu as rejoint l'armée ?
Chittaphon était avide d'informations, il comptait bien profiter de l'ouverture subtile qui lui était offerte.
- Oui, ça a toujours été mon héros, je voulais être comme lui. J'ai fait mon service militaire à mes dix-huit ans et j'ai décidé de poursuivre en tant que maître-chien après. J'ai enchaîné les missions à l'étranger depuis.
- Ca a dû être dur, souffla doucement l'argenté.
YongGuk hocha faiblement la tête, le regard lointain. Ses doigts trouvèrent ceux de Chittaphon et il les serra.
- Oui, je crois qu'on n'est jamais vraiment prêts. J'étais persuadé d'être assez fort tu sais mais... lorsque je me suis retrouvé dans cette embuscade j'ai compris que j'avais tort. Personne n'est préparé à affronter ça, ce qu'on apprend en théorie, ça ne sert à rien parce tu sais, quand t'es face à la situation tu...
- Tu ne peux pas réagir ? essaya Chittaphon avec douceur.
Le noiraud acquiesça une nouvelle fois, lentement. Une barre soucieuse barra son front et ses lèvres se pincèrent. Le plus jeune libéra sa main pour lui caresser la joue et lui manifester son soutien silencieux.
- C'est ça. T'es figé par la peur. J'avais l'impression que mes pieds étaient coincés dans de la glace, qu'ils pesaient une tonne. J'entendais les cris, les déflagrations mais je ne pouvais pas réagir. Ce jour-là DaeHyun m'a sauvé la vie, sans lui je ne serais jamais revenu de ma première mission.
- C'est ton meilleur ami pas vrai ?
- Oui, on ne s'est jamais quittés après ça. On se doit la vie un nombre incalculable de fois.
- C'est à cause de ça ton SSPT ?
YongGuk fronça les sourcils, Chittaphon l'embrassa au coin des lèvres.
- Oui, non, peut-être.
- C'est pas très clair Gukie, plaisanta légèrement le jeune homme.
- C'est difficile à dire, je n'ai pas eu de symptômes en revenant la première fois, ni la deuxième ou troisième d'ailleurs, avoua le bouclé du bout des lèvres. Le psychiatre n'avait rien repéré non plus avant que je ne vienne le trouver, ça ne s'est déclenché que deux mois après mon dernier retour. C'est la difficulté de ce genre de traumas, ça peut éclater n'importe quand et tu peux rien prévoir. Tu peux juste subir les crises et espérer que ça passe...
Chittaphon piqua un baiser sur sa bouche.
- Tu en as déjà parlé ?
- Oui, je vois un psy toutes les semaines et ça va déjà beaucoup mieux mais...
- Mais ?
YongGuk ferma douloureusement les paupières.
- Mais on se rapproche de la date, chuchota le bouclé.
L'argenté continua de lui caresser le visage avec tendresse, il était une véritable éponge à sentiments et ceux de son amant le heurtaient de plein fouet.
- Quelle date Gukie ?
- La date de la disparition de Jae, murmura le noiraud.
Une larme roula silencieusement sur sa joue que Chittaphon essuya à l'aide de son pouce. Le sergent semblait sincèrement affecté. Il posa sa bouche sur le coin de la bouche de YongGuk, il ne savait pas ce qu'il pouvait ou devait dire.
- Tu peux tout me raconter Gukie, souffla le Thaïlandais.
- Je veux pas te faire sombrer avec moi Chi, t'es un mec lumineux.
Chittaphon sourit tristement.
- Je ne suis pas aussi solaire que ça tu sais. Je t'en parlerai aussi mais aujourd'hui c'est toi, tu parles et je t'écoute. On verra le reste plus tard.
- D'accord, déglutit le noiraud.
Il prit une profonde inspiration pour se donner du courage.
- La semaine prochaine ça fera deux ans que YoungJae a disparu, c'était un des gars de mon unité et on s'entendait bien. On bossait depuis six ans ensemble.
- Qu'est-ce qui s'est passé ?
- C'était une mission de routine, on devait simplement aller faire un tour pour vérifier que tout se passait bien et que la base était en sécurité. On a cru voir quelque chose un peu plus loin alors on a décidé d'aller vérifier pour en avoir le cœur net, ce n'était que quelques kilomètres plus loin, on n'allait pas dépasser notre périmètre de beaucoup.
Chittaphon ne comprenait pas toutes les informations qui lui étaient données en raison de sa méconnaissance du monde militaire alors il se contenta d'hocher silencieusement la tête en attendant la suite du récit.
- Il faisait vraiment très chaud, on transpirait comme pas possible dans nos uniformes. Le véhicule soulevait de la poussière qui gênait un peu notre visibilité. On n'a pas vu la herse qui avait été mise sur notre passage. On a fait une embardée et des tonneaux. Je crois que j'ai perdu connaissance quelques secondes, j'avais le goût du sang dans la bouche et ma tête tournait tellement.
- Tu as été blessé ?
- Oui, mais je ne l'ai pas compris tout de suite. J'entendais un échange de tir mais mes oreilles sifflaient. C'est quand j'ai vu DaeHyun inconscient que j'ai repris mes esprits. Je nous ai extrais de la voiture en passant par la vitre brisée, les balles fusaient de tous les côtés. Je ne voyais rien, je n'ai pas vu tout de suite que YoungJae n'avait pas pu sortir.
- Il était resté coincé dans la voiture ? murmura Chittaphon mortifié.
- Oui, souffla YongGuk. J'étais tellement focalisé sur Dae et a essayé de nous trouver un abri que je ne m'en suis rendu compte que bien trop tard. DaeHyun avait repris connaissance, on était planqués derrière un rocher à tirer pour essayer de sauver nos vies. Une balle a traversé mon épaule et j'ai lâché mon arme. Quand je me suis baissé pour la récupérer c'est là que je les ai vus. Ils faisaient sortir Jae du véhicule et le traînaient sur le sol. J'ai crié mais ça n'a rien fait.
Chittaphon n'avaient aucune idée de qui étaient les « ils » en question mais les souvenirs se lisaient dans le regard vitreux du militaire. Il revivait la situation qui l'avait brisé et l'argenté ne savait pas quoi faire pour l'aider, alors il l'embrassa doucement et lui caressa la nuque avec tendresse.
- Les renforts ont fini par arriver mais c'était trop tard, ils n'ont pas pu le récupérer. J'avais perdu trop de sang, je me suis évanouis sur le chemin du retour. Quand je me suis réveillé j'étais dans l'avion de rapatriement avec les membres de mon unité, les blessures étaient trop importantes pour qu'on reste sur place. J'avais un traumatisme crânien assez important, j'ai eu besoin d'une semaine à l'hôpital pour reprendre complètement mes esprits mais même encore maintenant il y a des choses qui restent floues dans ma mémoire.
- Tu culpabilises pas vrai ? chuchota doucement Chittaphon.
- Je n'arrête pas de me dire que si j'avais été plus attentif j'aurais pu le sortir de cette voiture et qu'il serait rentré avec nous à la maison.
- Ou alors vous seriez morts tous les deux et possiblement DaeHyun avec.
- Je sais, c'est pour ça que je vais pas trop mal le reste de l'année. Les séances avec le psy m'ont aidé à l'accepter mais dès qu'on s'approche de cette foutue date je n'arrive pas à me contrôler. Je suis en colère, j'ai peur, et mes crises réapparaissent.
YongGuk attrapa la main du plus jeune dans la sienne et celui-ci se sentit être aspiré par le regard de nuit. Il voyait bien qu'il y avait autre chose, quelque chose que YongGuk n'arrivait pas encore à lui dire mais qui revêtait une importance capitale pour leur avenir à tous les deux.
- Il y a encore autre chose pas vrai ? murmura Chittaphon sans lâcher son regard.
- Parfois il faut affronter ses peurs et réparer ses erreurs pour pouvoir avancer, souffla YongGuk.
Un frisson glacé dévala la colonne de l'argenté qui perdit de ses couleurs, il avait peur de comprendre ce que son amant voulait dire par là.
- Tu ne vas quand même pas ?
- Si. J'y pense depuis des mois en fait, c'est aussi pour ça que je t'ai repoussé. Je ne voulais pas te faire de mal mais entre mes crises et ça... c'est loin d'être idéal pour une relation, je ne veux pas te faire souffrir.
- Tu vas vraiment retourner sur le terrain ? Quand ? Pourquoi tu ne m'en as pas parlé ?
- Je peux pas le laisser là-bas Chi, je dois aller le chercher. Et même si c'est trop tard, je veux le ramener à la maison, c'est un mec cool il ne mérite pas de rester tout seul loin de chez lui. Avec mon syndrome je ne pourrais pas reprendre place dans une unité tout de suite mais j'ai vu avec mes supérieurs pour être intégrer en tant que conseiller interne, j'ai de l'expérience et ils ont besoin d'aide.
Chittaphon s'éloigna et quitta le lit pour faire les cents pas dans la chambre. Shishi couina en sentant le changement d'ambiance mais le jeune homme ne lui accorda pas d'attention, son cœur était tout chamboulé par la nouvelle. Il avait eu l'impression que les choses s'amélioraient, qu'ils avaient une chance puisque YongGuk s'ouvrait à lui pour quoi ? Pour qu'il lui annonce qu'il allait partir à l'autre bout du monde et risquer de ne jamais revenir. Le Thaïlandais se sentait un peu honteux de penser aussi égoïstement mais il ne voulait pas le perdre, il ne parvenait pas à être altruiste ou rationnel. Il l'aimait, il voulait le garder en sécurité près de lui.
- Chi...
- Et moi dans tout ça ? Je ne compte pas pour toi ?
- Bien sûr que si ! Je t'aime Chi mais je dois y aller. Si je n'y vais pas je ne guérirai jamais et tu crois vraiment qu'on s'en sortira tous les deux si on ne règle pas nos traumas ? On va juste se détruire, je veux être heureux avec toi, souffla tendrement YongGuk. Pour ça je dois me soigner et le sauver, je veux t'aimer sans qu'on se fasse du mal. Je ne veux pas te quitter mais c'est pour que notre futur soit meilleur tu comprends ?
Chittaphon détourna les yeux. Sa tête comprenait ce que son amant lui disait mais son cœur refusait de le voir partir, même avec de belles promesses. Les larmes aux yeux il quitta la chambre pour aller se réfugier dans la salle d'eau non loin.
Nda :
C'était donc le chapitre du vendredi, je n'ai pas grand-chose à raconter donc je vous dis juste à la semaine prochaine :)
Dalion~ Kiss :3
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