Chapitre 35


Chittaphon prit à peine le temps de prévenir ses amis qu'il avait déjà enfilé ses chaussures et passer le pas de la porte d'entrée. Il avait le cœur qui battait à tout rompre, l'angoisse lui tordait les tripes. La détresse dans la voix de YongGuk ne pouvait être feinte et c'était lui que le militaire avait appelé malgré les tenants de leur dernière discussion, il ne pouvait pas le laisser tomber, c'était peut-être leur dernière chance et il ne comptait pas la laisser filer sans tenter le tout pour le tout une dernière fois. Le cerveau du jeune homme tournait à un rythme effréné alors qu'il cherchait à se souvenir du chemin qu'il avait emprunté pour se rendre chez le bouclé, et il marqua un temps d'arrêt, le souffle court. Son hésitation fut de courte durée, il reconnut rapidement les rues et il bénit intérieurement son sens de l'orientation qui lui sauvait une fois de plus la mise.

Une odeur de fumée désagréable lui irrita les sinus alors qu'il se rapprochait du but et il perçut des bruits de pétards en fond. Soupirant lourdement contre les gamins responsables, il fit attention à ne pas se retrouver dans la trajectoire de ce qui ressemblait à des mini dynamites. Il n'avait jamais été un grand fan des pétards, beaucoup de bruit pour pas grand-chose. Au moins les feux d'artifices ça avait des couleurs et les artificiers étaient même capables de faire des formes dans le ciel. Là le truc des gamins puait juste et lui piquait les yeux, rien d'agréable.

- YongGuk, t'es toujours là ?

Concentré sur sa course il n'avait pas pensé à parler pourtant il n'avait pas non plus raccroché. Seule une respiration difficile lui répondit pendant les premières secondes avant que la voix rauque du militaire ne croasse laborieusement.

- Je suis là.

- Très bien, je suis en bas de chez toi. Je vais appuyer sur l'interphone d'accord ? Tu peux m'ouvrir ?

- Je vais essayer.

Chittaphon appuya sur le petit bouton et attendit. En fond il entendait YongGuk bouger puis un bruit lourd lui indiqua une chute certainement douloureuse.

- Tout va bien ?

- Oui... j'ai juste les jambes un peu faibles. Appuie encore, je t'ouvre, bafouilla YongGuk.

- Ok...

L'argenté était mort d'inquiétude et il eut le temps de se ronger les ongles de la main gauche avant qu'enfin la porte ne cède devant lui. Il n'attendit pas qu'elle soit complètement ouverte pour foncer et grimaça en y cognant son épaule, un bleu de plus allait s'ajouter à sa petite collection. Il grimpa rapidement les escaliers puis ouvrit la porte de l'appartement, elle était déverrouillée et il put pénétrer dans l'habitation sans problème.

Le regard de Chittaphon se porta immédiatement sur la silhouette prostrée contre le mur du fond et il claqua le battant derrière lui. Il se laissa tomber à genoux devant YongGuk et l'enserra de toutes ses forces. Les mains de l'homme se posèrent dans son dos et Chittaphon sentit les larmes humidifier son haut.

- Je suis là, tout va bien, chuchota doucement l'argenté.

Il caressa avec tendresse les boucles noires, le cœur serré de voir son amour dans cet état. Il tremblait tellement contre lui, au point de donner l'impression de pouvoir éclater en mille morceaux à n'importe quel moment.

Toute la colère qu'il pouvait ressentir pour avoir été rejeté s'évapora comme si elle n'avait jamais existé, il ne restait plus que cet homme tremblant comme une feuille entre ses bras et qui l'appelait désespérément à l'aide.

- Je suis là, répéta inlassablement le jeune homme.

Il voulait être sûr que le sergent comprenne qu'il se trouvait bien à côté de lui, qu'il était là pour lui, pour le soutenir et ne pas le laisser seul dans l'épreuve qu'il traversait. Quelle qu'elle soit.

- On va tous mourir, hoqueta YongGuk en plaquant les mains sur ses oreilles. Je veux pas que tu meurs.

- Je ne vais pas mourir, toi non plus, le rassura Chittaphon. Regarde, on est tous les deux dans ton appartement. Shishi est là aussi, tu ne crains rien. On ne craint rien YongGuk, je te le jure.

- C'est pas vrai, il y a des explosions. Ils vont nous trouver et on ne rentrera jamais chez nous.

L'argenté pinça les lèvres et il resserra son étreinte autour du corps tremblant. Il avait du mal à en faire le tour, le bouclé était plus massif que lui mais ça ne l'empêcha pas de le serrer contre lui de toutes ses forces. Il comprenait que YongGuk n'était pas vraiment avec lui, physiquement oui mais son esprit était loin, dans un endroit difficile d'accès.

Chittaphon sentit le corps du militaire se tendre brusquement alors que de nouvelles détonations explosaient non loin et il sentit une veine battre nerveusement contre sa tempe. Cette bande de sales gosses, il allait les pourrir. Cependant il ne put quitter la position dans laquelle il se trouvait, l'une des mains de YongGuk l'avait attrapé par le tee-shirt et le maintenait au sol. Chittaphon renonça donc à aller casser des dents, il se contenta d'appeler la police pour les signaler et sourit de satisfaction lorsque, une vingtaine de minutes plus tard, il entendit les voitures arriver puis les cris des jeunes. Le doux bruit de leur interpellation apaisa légèrement l'envie de meurtre qu'il ressentait, l'état de YongGuk n'avait fait que s'aggraver pendant ce laps de temps et il n'avait pas réussi à le sortir de sa transe.

- C'est fini Gukie, il n'y aura plus d'explosions.

- C'est impossible, ils vont revenir...

- Je te promets que non, souffla doucement Chittaphon. Fais-moi confiance, je ne te mentirai jamais d'accord ?

Pour la première fois depuis son arrivée, plus d'une heure avant, le sergent leva son regard vers lui. Chittaphon eut un pincement au cœur, le visage de l'homme qu'il aimait était ravagé par la peur et les pleurs. Il essuya les traces de larmes à l'aide de ses pouces en souriant doucement, il voulait être le soleil après une mauvaise tempête. Les orbes noirs voilés par les souvenirs perdirent peu à peu leur état de transe et ils retrouvèrent leur lucidité. Chittaphon ne cessa pas de lui caresser le visage et de lui parler tendrement le temps qu'il reprenne ses esprits. Il était heureux que contrairement à la première fois la crise ne soit pas violente, son dos s'en souvenait encore.

- Chi ?

- Je suis là, sourit le jeune homme.

- Comment tu ?

- Tu m'as appelé, tu ne te souviens pas ?

YongGuk fronça les sourcils avant de porter la main à sa tête. L'argenté lui laissa le temps, pour être un adepte des crises d'angoisse et de panique il savait qu'il était mieux de laisser le temps de se reprendre tranquillement plutôt que de presser pour avoir des réponses.

- C'est confus, marmonna le bouclé entre ses dents. J'ai mal à la tête.

- C'est normal, tu as eu une grosse crise. Je vais t'aider à aller dans ta chambre, appuie-toi sur moi.

Chittaphon tendit la main au noiraud et YongGuk se laissa tirer, tombant presque amorphe contre l'épaule du plus jeune une fois debout. Il n'avait plus de force, toute son énergie était partie dans l'expression de sa terreur. Un pas après l'autre, Chittaphon parvint à regagner la chambre. Il en déposa le propriétaire sur le lit, soufflant de soulagement lorsque la masse cessa de peser de tout son poids sur lui. Il n'y avait pas à dire, il allait vraiment falloir qu'il se penche sur la case sport, il en profiterait pour emmener Yuta et DoYoung avec lui, ça ne pouvait pas leur faire de mal.

- Je vais te chercher un cachet pour ton crâne, tu peux me dire où ils sont ?

- Salle de bain, marmonna le noiraud. C'est quand même drôle...

Chittaphon s'arrêta sur le pas de la porte et se tourna vers l'homme alité, intrigué.

- Le cachet, c'est moi qui te l'ai apporté la dernière fois, sourit faiblement YongGuk.

- C'est vrai, j'avais oublié.

- Chi, tu ne pars pas hein ? Ne me laisse pas seul ce soir, s'il te plait.

- Je reste et puis tu n'es pas tout seul, regarde, Shishi s'inquiète pour toi elle aussi.

L'imposant berger allemand sauta sur le lit et se coucha au pied de son propriétaire, les oreilles basses. YongGuk sourit faiblement et tendit la main pour la gratter entre les oreilles. L'argenté profita qu'il soit concentré sur sa partenaire de mission pour s'esquiver et aller chercher les médicaments, il fit un détour pour récupérer un verre d'eau dans la cuisine et ramena le tout au bouclé.

- Tiens, bois ça. Ça te fera du bien.

Chittaphon posa une fesse sur le rebord du lit, observant attentivement YongGuk boire. Le noiraud se laissa ensuite retomber dans le fond du lit, sa tête allant se poser sur la cuisse du Thaïlandais. Celui-ci passa une main dans les boucles sombres, le cœur faible. Il n'aurait jamais pensé voir le sergent aussi fragile mais c'était le cas aujourd'hui. Les yeux de YongGuk étaient rouges et gonflés, son visage encore humide des larmes précédemment versées.

- Tu veux en parler ?

Il était un peu hésitant en posant la question, après tout la dernière fois qu'il avait essayé cela s'était très mal passé. YongGuk ferma les yeux et se cala mieux contre lui.

- Tu n'es pas obligé de tout me dire mais... peut-être que ça te ferait du bien de vider ton sac. Je parle beaucoup mais je sais aussi écouter.

- T'es vraiment trop bien pour moi Chi, marmonna le noiraud.

- Dis pas ça.

- Bien sûr que si, je ne te mérite pas. Je t'ai blessé et tu arrives encore à être si gentil avec moi, je ne comprends pas.

- Je t'aime imbécile, c'est tout ce qu'il y a à comprendre.

Chittaphon continua de caresser la douce chevelure ébène en souriant légèrement. YongGuk était plus calme, le gros de la crise semblait être définitivement derrière lui.

- C'étaient les pétards pas vrai ?

- Hum...

- Ils t'ont rappelé de mauvais souvenirs ?

YongGuk se tendit inconsciemment et sa joue appuya plus fort contre la cuisse de Chittaphon. Il geignit doucement et l'argenté accentua ses caresses pour l'apaiser.

- Chuuut, tout va bien, je suis là.

- Désolé, je voulais pas te déranger...

- Tu ne me déranges jamais, sauf quand tu dis que tu ne veux plus me voir mais on verra ça après, sourit Chittaphon. Je suis là pour toi, je t'aime.

- Je t'aime aussi, je t'aime tellement Chi, souffla YongGuk. Je voulais pas que tu me voies comme ça, tu mérites pas ça.

- Arrête de dire des choses pareilles, le gronda l'argenté.

Il pinça la joue à sa portée en représailles. L'étreinte du plus vieux se resserra autour de lui.

- Les pétards, commença faiblement YongGuk. Je déteste le bruit.

Chittaphon le laissa marquer une pause sans intervenir, il se doutait que l'autre avait besoin d'un peu de temps pour s'ouvrir et qu'il avait été malmené par ses émotions peu de temps auparavant.

- Je t'ai dit que j'étais parti en mission à l'étranger pendant longtemps et que je n'avais pas vu que de jolis paysages...

- Je me souviens.

- Lorsque je suis revenu de ma dernière mission, il y a dix-huit mois, j'ai dû passer un test psychologique. C'est obligatoire après avoir passé autant de temps sur le terrain. On m'a diagnostiqué un SSPT, syndrome de stress post-traumatique.

- Je suis désolé, murmura Chittaphon.

- Tu n'y es pour rien. Il y a plein de symptômes différents, chez moi ça se manifeste par une peur panique de ce qui ressemble à des détonations et des cauchemars où parfois je n'arrive pas à faire la différence avec la réalité.

- C'est ce qui s'est passé la dernière fois pas vrai ?

- Oui, souffla le noiraud. J'étais persuadé d'être en train de me battre contre un ennemi, de devoir lutter pour ma survie alors que ce n'était que toi. J'ai eu tellement peur de t'avoir réellement blessé.

- Je n'ai rien, juste quelques bleus mais je vais bien Gukie, je te le promets.

YongGuk ferma douloureusement les yeux, les traits du visage crispés. Chittaphon se tordit pour pouvoir poser ses lèvres sur sa joue et y déposer un léger baiser.

- Je vais rester près de toi, dors un peu, ça te fera du bien.

- Tu me promets de ne pas partir ?

- Promis.











Nda :

C'était donc le chapitre du vendredi, en espérant qu'il vous a plu :)
Dalion~ Kiss :3

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top