Chapitre 15
- Je suis désolé, j'ai été un peu sec à ton arrivée.
Yuta marqua un temps d'arrêt, interloqué de recevoir des excuses de la part du châtain. Il s'était attendu à plein de choses, mais certainement pas à cela. Cependant un sourire se dessina sur ses lèvres et il rattrapa SiCheng qui continuait à avancer sans lui, le regard perdu dans le vide. Son regard accrocha le dos du châtain, le costume lui allait parfaitement et les hormones de Yuta s'agitèrent, frétillantes après son abstinence forcée des deux derniers mois. Le jeune homme grimaça, il allait devoir contenir son envie de sauter sur le trentenaire et de l'embrasser au risque que tout ne finisse très mal.
- Ce n'est pas grave, mais est-ce que j'ai fait quelque chose de mal ? Je croyais que ça allait au téléphone cet après-midi mais j'ai eu l'impression que tu ne voulais plus me voir quand je suis arrivé, avoua le rouge.
- Ce n'est pas toi, enfin pas vraiment.
- Qu'est-ce que tu veux dire ?
SiCheng soupira lourdement et se décala pour le laisser entrer dans une salle assez spacieuse, occupée par des tables hautes, des tabourets et des machines à café.
- Je ne sais pas encore quoi penser de toi, j'ai envie de te croire mais en même temps j'ai toujours cette crainte que tu te fiches de moi. J'ai pas envie de revenir en arrière et de revivre le même enfer. C'est stupide, nous ne sommes plus des enfants pourtant.
Yuta encaissa l'aveu avec difficultés, et il s'appuya sur une table pour camoufler ses jambes qui tremblaient. Son aîné avait toutes les raisons possibles pour douter de lui, il ne pouvait certainement pas lui en tenir rigueur même s'il avait espéré que les dernières semaines lui avaient permis de gagner quelques points de confiance et d'affection.
- Je t'apprécie Yuta, confessa difficilement SiCheng. Mais je n'arrive pas à réellement croire que tu éprouves de tels sentiments envers moi, j'y arrive juste pas. J'essaye pourtant, je t'assure, mais c'est difficile.
- Je comprends, dit le plus jeune la gorge nouée. J'ai été horrible, je t'ai blessé, c'est normal.
- Quand je t'ai vu arriver avec YukHei, vous aviez l'air déjà proches alors que vous veniez de vous rencontrer et, je sais pas, ça m'a vexé je crois. Parce que je sais qu'il plait, il a du succès et rares sont ceux à lui dire non. Nous sommes les opposés, pourquoi est-ce que quelqu'un me choisirait moi qui suis incapable de faire un pas vers l'autre sans m'effrayer alors qu'il pourrait avoir YukHei ? Je m'attache à toi Yuta, et j'ai du mal à l'avouer mais j'ai eu peur que tu ne te rendes compte qu'il y a des personnes bien mieux que moi, que tu décides d'abandonner.
SiCheng se détourna pour lancer deux cafés, et Yuta renifla, les yeux humides. C'était la première fois depuis des années que l'autre s'ouvrait à lui et ça le touchait autant que ça lui faisait mal au cœur, parce que c'était de sa faute si le châtain s'était renfermé et ne parlait plus de ses sentiments. Yuta essuya les larmes qui menaçaient de couler avec sa manche et il prit une profonde inspiration, le châtain ne l'aimait peut-être pas comme lui l'aimait, mais il ressentait quand même quelque chose et c'était un progrès incroyable. Maintenant c'était à son tour de se montrer à cœur ouvert.
- Tu sais SiCheng, commença difficilement Yuta, ça fait presque quinze ans que je ne vois que toi, mes sentiments ne sont pas aussi faibles que ça. Oui YukHei est certainement plein de choses que tu n'es pas, mais l'inverse est également vrai. Je sais que je vais encore devoir faire mes preuves pour te prouver ma sincérité alors s'il te plait, crois en moi.
Les joues rouges, le regard fuyant, Yuta regardait partout sauf dans la direction de son aîné. C'était la première fois qu'il se confessait, jamais il n'avait eu besoin de parler de sentiments avant d'entrer dans une relation, son physique et un sourire suffisaient. Le trentenaire était différent, il l'aimait, il voulait le lui prouver et s'il devait se mettre à nu pour ça alors il le ferait. Il serait gêné, embarrassé, un peu mal à l'aise, mais pour conquérir le cœur et la confiance de SiCheng il était prêt à tout.
Pendant un instant seul le vrombissement de la machine faisant couler les cafés fut audible, et le jeune homme commença à trouver le temps vraiment long. L'atmosphère était étrange, sans être tendue elle n'était pas tranquille pour autant, elle était juste étrange. Le plus vieux vint déposer un gobelet cartonné fumant devant lui, et Yuta vit qu'il avait reprit son masque impénétrable de tous les jours.
- Je vais aussi essayer de faire des efforts, s'engagea le châtain. Je ne sais pas ce que ça va donner, mais je vais faire de mon mieux.
- Merci, murmura Yuta.
SiCheng haussa un sourcil pour manifester son incompréhension et le plus jeune se racla la gorge.
- Pour me laisser une seconde chance et... pour t'être occupé de moi lorsque j'étais malade. T'étais pas obligé, mais ça m'a vraiment fait super plaisir.
- De rien. J'avais envie de te voir, j'étais déçu de l'annulation de notre rendez-vous alors j'ai pas vraiment réfléchi.
- SiCheng je-
- Enfin, trêve de bavardages j'ai du boulot qui m'attend, le coupa le châtain en jetant son gobelet dans une poubelle proche.
Yuta fit la moue, déçu que leur discussion s'arrête ici. Pour une fois qu'il y avait de la communication entre eux, il aurait aimé que ça dure un peu plus longtemps. Il fit le chemin inverse en compagnie de son aîné et ils rejoignirent YukHei qui terminait de dévorer l'un des plats chinois. Le blond leur fit un signe de main, de la sauce plein la bouche et Yuta rit en entendant le grognement dégoûté de SiCheng.
Ils se réinstallèrent, mais cette fois-ci le châtain fit signe à Yuta de prendre la chaise la plus éloignée de YukHei, à côté de lui. Le rouge s'exécuta en camouflant un sourire heureux, et il observa avec attention le travail des deux autres. C'était bien différent de ce que lui faisait, et en apprendre plus sur le métier de l'homme qu'il aimait était intéressant. Il ne comprenait pas vraiment ce à quoi correspondaient les différents nombres et graphiques affichés, tout lui était inconnu et constituait une source de curiosité.
SiCheng remarqua l'intérêt qu'il portait à son travail, et il se décala légèrement pour lui permettre de mieux voir. Yuta étira le cou, curieux et glapit en sentant des mains lui saisir la taille. Il n'avait pas porté attention à YukHei pendant ce temps-là, et le grand blond en avait profité pour se lever et passer derrière lui. Yuta se sentit être légèrement soulevé, et avant de comprendre ce qu'il lui arrivait il fut assis sur la cuisse de SiCheng. Ils échangèrent un regard choqué, avant de tourner la tête comme un seul homme en direction du fauteur de troubles.
- Faites pas cette tête, grogna YukHei. Il allait se dévisser la nuque pour regarder, et si je l'avais mis sur mes genoux tu m'aurais décalqué. Ne dis pas le contraire, t'es cramé mon vieux.
SiCheng gronda et se tendit, son regard noir fusillant silencieusement son collègue hilare. Yuta se sentit tout petit et allait pour se lever mais la main du châtain appuya doucement sur sa hanche pour lui dire qu'il pouvait rester en place. Il n'insista donc pas et profita de cette proximité aussi nouvelle qu'inattendue. La chaleur du corps de SiCheng se propageait contre son dos, passant à travers leurs vêtements, et un frisson dévala sa colonne vertébrale. Le jeune homme capta le regard moqueur du blond et il se força à se concentrer sur les documents pour ne pas se ridiculiser encore plus.
SiCheng répondit patiemment à ses questions sur son métier, YukHei ajoutant un élément complémentaire de temps à autre, et progressivement Yuta perçut que le corps sous lui se détendait. Pas au point qu'il puisse croire qu'il était à l'aise, mais suffisamment pour que le rouge n'ait plus l'impression d'être un élément indésirable et cette impression étira un sourire heureux sur son visage.
- N'empêche, bailla YukHei au bout d'une bonne heure, c'est fou de voir à quel point t'es différent avec Yuta. C'est amusant.
- Qu'est-ce que tu veux dire ?
Le ton froid de SiCheng tendit le jeune homme, mais le blond ne sembla pas percevoir la menace sous-jacente ou du moins il décida de l'ignorer complétement.
- C'est la première fois que je te vois avoir un contact physique non forcé avec quelqu'un, même les poignées de mains tu essayes de les esquiver au maximum et là tu as un mec sur tes genoux et tu ne dis rien.
SiCheng siffla face au jeu de sourcils provocateur de son collègue, et il lui frappa le crane à l'aide d'un des dossiers qui trainaient sur la table. Le blond gémit douloureusement et Yuta pouffa.
- On se connait depuis l'enfance, on a grandi ensemble.
- Mouais, je suis pas convaincu.
- Je m'en fiche. Essaye plutôt d'être convaincu par ton travail, il est déjà vingt et une heure passées et on en a encore la moitié à faire.
- Tant que ça ? gémit YukHei.
Le châtain ne répondit pas, et ils se replongèrent silencieusement dans l'analyse de leurs documents, parlant uniquement pour planifier ensemble une stratégie de marketing efficace. Yuta laissa traîner ses yeux un peu partout et il eut une pensée pour Chittaphon en découvrant des esquisses dans l'un des dossiers ouverts. Il était certain que son ami aurait adoré pouvoir découvrir la collection Automne/Hiver de la société de son frère, dommage qu'il ne soit pas là.
Deux heures plus tard ils étaient toujours en train de travailler activement, même si avec moins d'énergie qu'au point de départ et Yuta bailla discrètement. Il commençait à être fatigué et ne rien faire ne l'aidait pas à rester éveiller. SiCheng remarqua son état d'endormissement et lui caressa le dos si légèrement que Yuta pensa l'avoir imaginé.
- On n'en a plus pour très longtemps, tu peux tenir encore un peu ? Je te ramène chez toi après.
Yuta hocha la tête et se concentra sur les paroles des deux autres, il était fatigué, finalement il était moins rétabli de sa semaine qu'il ne l'avait pensé. Une honte pour un fêtard comme lui. Il fallut attendre deux autres heures avant que YukHei ne pose le stylo et s'exclame en s'étirant qu'ils en avaient terminé avec leur plan. Tout était fait, il ne restait plus qu'à le déposer sur le bureau du patron, mission pour laquelle se dévoua le bond. Resté seul avec SiCheng, toujours sur la cuisse de celui-ci, Yuta se cambra pour détendre son dos.
- On devrait y aller, il faut juste penser à laisser ton badge à l'accueil. Il n'y a plus personne depuis longtemps mais il sera rangé demain matin.
- C'est vrai qu'il est tard, marmonna le Japonais. Je suis crevé.
Il se leva doucement et la main de SiCheng frotta le dessus de sa tête pour l'encourager. Yuta bailla et suivit mécaniquement le Chinois jusque dans l'ascenseur, puis à l'extérieur du bâtiment. Le châtain le conduisit jusqu'au parking attenant à l'entreprise et il se dépêcha de monter dans la voiture, là où il était protégé du vent. Mars approchait et il n'avait pas hâte que la pluie se mêle aux rafales.
- Tu vas réussir à monter jusqu'à ton appartement ?
- Du moment que Chi répond à mon message ça devrait aller, bailla Yuta.
- Mon frère ? Qu'est-ce qu'il a encore fait ?
- Lui rien, mais ma serrure a décidé de reprendre sa liberté en début de soirée, je ne peux plus ouvrir la porte depuis l'extérieur. Du coup Chi est censé m'ouvrir quand je rentre.
Le mouvement de sourcils froissa le visage inexpressif de SiCheng et il tapota du bout des doigts sur le volant. Yuta le trouvait magnifique comme ça, à conduire dans son costume de travail. Ses hormones jusque-là en veille se manifestèrent une nouvelle fois et il tourna la tête pour masquer la teinte nouvellement vermeille de ses joues. Avoir ce genre de pensées juste à côté de SiCheng était vraiment très embarrassant.
- Tu lui en as déjà envoyé un ?
- Oui, juste avant de partir de l'entreprise mais je n'ai pas encore de réponse. J'espère que cet idiot ne s'est pas endormi devant une série.
- Et si c'est le cas ?
Yuta soupira lourdement et se renfonça dans le siège, l'air abattu. Il espérait sincèrement que ce ne soit pas le cas, car sinon il ne savait pas où il allait pouvoir dormir. DoYoung n'était pas une option, et il se voyait mal débarquer à la soirée de Shotaro pour quémander un lit. TaeIl serait prêt à l'accueillir, il en était sûr, mais aller l'embêter alors qu'il avait une vie de famille et un enfant en bas-âge ne lui plaisait pas du tout, il préférait trouver une autre solution.
- Si c'est le cas je lui tords le cou, grommela le rouge. Parce que je sais pas du tout où je pourrais aller pour la nuit.
SiCheng ne dit rien, se contentant de conduire avec le trafic agréablement moins dense qu'en pleine journée. Le trentenaire s'était accoudé à sa vitre, l'autre main posée fermement sur le volant et Yuta se retrouva à l'observer. Il trouvait les veines apparentes jolies, sexy même. Il se tapota les joues pour se forcer à penser à autre chose sans voir le regard surpris du châtain sur lui.
Arrivé en bas de son immeuble, il renvoya un message à Chittaphon pour l'avertir de sa présence, et en l'absence de réponse décida de passer aux appels. Ils se soldèrent tous par un échec cuisant, laissant un goût amer dans la bouche du Japonais. A cet instant il détestait son meilleur ami et son sommeil ultra lourd.
- Pas de réponse ?
Yuta secoua négativement la tête, il avait déjà passé un sale temps la semaine précédente en plein air, il ne pensait pas revivre une telle situation aussi vite. Le vrombissement du moteur le fit sortir de ses pensées, et il tourna les yeux vers son aîné alors que celui-ci rejoignait la route. Sentant un regard sur lui, SiCheng tourna le visage dans sa direction, imperturbable.
- Je t'emmène chez moi, à moins que tu n'aies une meilleure option ?
- T'es pas obligé tu sais, objecta timidement Yuta.
- Bien sûr que si idiot, je ne vais quand même pas te laisser dehors, gronda le Chinois en retour. Manquerait plus que tu retombes malade.
Le jeune homme sourit, touché de l'attention, puis son cerveau entra en ébullition en même temps que son corps entrait en fusion. Il allait dormir chez SiCheng, chez l'homme qu'il aimait depuis des années. Il n'était absolument pas prêt psychologiquement, et en même temps il avait la sensation d'avoir attendu ce moment toute sa vie. Le visage rubicond, il se colla contra la vitre fraîche pour se calmer. Tout allait bien se passer. Ce n'était qu'une soirée innocente chez un ami qui avait la gentillesse de l'héberger dans un moment de détresse. Rien de plus.
Nda :
Ce chapitre est un tout petit peu plus long que les autres mais tranquille ^^ Un énorme merci à Salia qui m'a beaucoup aidé, j'ai une bêta-lectrice au top ! Un peu plus et vous vous retrouviez avec un retournement de situation qui n'avait strictement aucun sens et qui allait à l'opposé des caractères de mes persos. J'avais craqué ce jour-là mdr. Bref, j'ai tout effacé et voici le bébé, je l'aime plutôt bien pour être honnête donc j'ai espoir que vous avez passé un bon moment :)
Dalion~ Kiss :3
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