Chapitre 67

Les deux colocataires avaient préparé leurs affaires et prirent la route de l'aéroport. Sicheng avait enfin retrouvé son sourire et était beaucoup plus bavard que d'habitude. Durant tout le trajet, il avait raconté des souvenirs d'enfance à Yuta, parlant à nouveau de ses frères et ses parents. Le japonais s'était montré particulièrement attentif, heureux de le voir dans cet état.

Lorsqu'ils arrivèrent à Wenzhou, ils récupérèrent une voiture d'occasion sur le parking et prirent la direction de leur hôtel. Et à peine arrivés dans la chambre, Yuta s'allongea sur le lit, épuisé.

« - Qu'est-ce que tu fais ? lui demanda Sicheng.

- Je me repose, répondit le japonais, en baillant.

- Oh non, se plaignit son ami. On a pas le temps pour ça, on a plein d'endroits à visiter.

- Mais le voyage m'a demandé trop d'énergie...

- S'il te plaît, Yuta ~ On a qu'une semaine... »

Sicheng se pencha vers son colocataire, qui avait les yeux fermés. « Allez ~ Tu auras tout le temps de dormir ce soir... Et tu m'avais promis qu'on ferait plein de choses... » Yuta ouvrit ses paupières et regarda le plus jeune, qui lui fit immédiatement des petits yeux doux, le faisant éclater de rire.

« - Bon, bon, d'accord. C'est bien parce que c'est toi, répondit le japonais en s'asseyant.

- Merci ~ On va voir ce que tu veux !

- Oh mais je ne sais pas vraiment... Si je ne dis pas de bêtises, tu aimes les musées, monuments... Tu en connaîtrais dans le coin que tu voudrais me montrer ? »

Sicheng se mit à réfléchir, puis finit par dire.

« - Il y a une galerie, à quelques minutes, qui présente des œuvres d'art locales.

- Ça me convient.

- On pourra même passer devant la maison de mon enfance, sourit le chinois.

- Génial ! Et bien, mettons nous en route dans ce cas ! »

Les deux garçons reprirent la voiture et roulèrent quelques minutes. Comme l'avait proposé Sicheng, ils s'arrêtèrent devant son ancienne maison. Yuta avait suggéré à son ami qu'ils aillent toquer pour demander aux nouveaux propriétaires la permission de refaire un tour des lieux, mais le chinois avait refusé, prétendant que c'était inutile. Ils s'étaient donc contentés de rester sur le trottoir. Sicheng raconta quelques anecdotes en désignant des zones du terrain, Yuta l'écoutant sagement. Puis, ils se rendirent à la fameuse galerie d'art dont le plus jeune avait parlé.

« - Bonjour, les accueillit en souriant une vieille femme.

- Bonjour. Nous aimerions deux tickets d'entrée, s'il vous plaît.

- Bien sûr. »

Pendant que Sicheng procédait au paiement, Yuta jeta un petit coup d'œil à l'endroit.

« - Alors, la visite commence par ici, expliqua la femme de l'accueil. Vous aurez une première pièce avec de l'art contemporain. Au premier étage, vous trouverez les sculptures et une petite salle projetant des courts-métrages, et au deuxième étage, les peintures. Les œuvres d'art changent tous les deux mois, donc n'hésitez pas à revenir. Je vous souhaite une très agréable visite !

- Merci beaucoup, répondit Yuta.

- D'accord, merci, ajouta Sicheng. »

Les amis pénétrèrent dans la première salle que la femme leur avait indiquée et commencèrent à regarder les différentes œuvres, essayant parfois de comprendre ce qu'elles pouvaient bien signifier, commentant de temps en temps celles qu'ils appréciaient ou, au contraire, celles qui n'étaient pas à leur goût. Ils étaient, par la suite, monté à l'étage et s'étaient installés plusieurs minutes dans la petite salle de cinéma afin de profiter des courts-métrages, donnant parfois quelques inspirations à Yuta, qui avait pour projet de faire des clips musicaux prochainement avec son groupe. Enfin, ils avaient atteints le dernier étage, regroupant les peintures locales. Et alors que Yuta était intrigué par l'une des techniques utilisées, une œuvre attira le regard de Sicheng.

Un enfant à la tenue jaune y était représenté au centre. Le reste du tableau avait été peint en noir, faisant d'autant plus ressortir le petit personnage. Et au-dessus de lui, deux grands yeux l'observaient, tel un loup garou assoiffé de sang. Plus Sicheng regardait le tableau, plus il avait l'impression que l'enfant se renfermait sur lui-même, prit au piège par la créature. Le chinois sursauta quand Yuta ouvrit la bouche, juste derrière lui : « C'est assez glauque... » Le plus jeune se décala pour regarder d'autres œuvres du même auteur.

La deuxième représentait un visage, la bouche ouverte et les yeux exorbités, comme s'il essayait de hurler, mais une main lui recouvrait le bas du visage, l'empêchant sûrement de faire le moindre bruit. « Le pauvre doit avoir connu un gros traumatisme... » commenta à nouveau Yuta, tandis que Sicheng reprenait sa route.

La troisième peinture était beaucoup plus joyeuse. On y voyait un petit garçon, dans les bras d'un homme plus âgé. Les deux étaient assis dans un lit, et semblaient heureux d'être ensemble, éclairés simplement par la lumière des lampes de chevet. Par la fenêtre, on pouvait voir un éclair. Le chinois sentit son cœur se serrer en voyant cela, lui rappelant sa dernière soirée auprès de son petit frère.

Et le dernier tableau lui fit encore plus d'effets puisqu'il représentait une famille, souriante, composée d'une mère, d'un père et de quatre garçons. Alors que Yuta allait ajouter quelque chose, une femme d'une quarantaine d'année, travaillant apparemment sur les lieux, s'approcha d'eux.

« - Beaucoup de personnes sont subjuguées par ces tableaux, dit-elle.

- Disons qu'ils sont à la fois sombres, touchants, intimes... commenta Yuta. C'est assez étrange comme ressentis, mais l'artiste est vraiment doué.

- Et bien, vous allez être encore plus surpris d'apprendre que c'est un enfant qui les a fait.

- C'est vrai ? »

A l'entente de cette phrase, Sicheng tourna la tête vers la dame, les yeux grands ouverts.

« - Un enfant ?

- Oui, de sept ans je crois. Son histoire est vraiment triste. En plus d'être muet, il a dû quitter sa maison car sa famille s'est faite attaquée en Corée du Sud. Ça ne devait pas être très beau à voir vu les tableaux qu'il fait... Par je ne sais quel miracle, il s'est retrouvé ici, et un couple a décidé de l'héberger. »

Sicheng voulut dire quelque chose mais sa voix resta bloquée dans sa gorge. Au même moment, Yuta tourna la tête vers son colocataire, intrigué par cette histoire. Et en voyant le visage complètement abasourdi du garçon, il se douta qu'il avait vu juste.

« - Il s'agit de Renjun... ?

- Où est-ce que nous pourrions le trouver ? demanda immédiatement le chinois, laissant la question de son colocataire en suspens.

- Je dois pouvoir vous retrouver l'adresse quelque part. »

La femme se dirigea vers une petite table, dans un coin de la pièce, et fouilla dans quelques papiers avant de revenir vers eux pour le leur tendre.

« - Voilà, c'est ici.

- On y va, Yuta ! lança Sicheng.

- Bien sûr, merci beaucoup, madame. »

Alors que le japonais saluait la dame, intriguée par leur soudain comportement, son colocataire était déjà partit en courant, en direction de la sortie. « Hé, attends-moi ! »

Les deux garçons rejoignirent la voiture et Yuta n'attendit pas plus longtemps pour démarrer et reprendre la route. Sicheng était resté silencieux tout le long du trajet, bougeant nerveusement sa jambe. Yuta se gara à nouveau devant l'ancienne demeure du chinois, et celui-ci se précipita à l'extérieur de la voiture pour aller toquer à la porte, rapidement rejoint par le japonais. Un homme fit son apparition, et leva des sourcils interrogateurs. « Bonjour ? » C'est à ce moment-là que Sicheng se rendit compte qu'il ne savait pas du tout par quoi commencer, et ce qu'il était censé expliquer. Heureusement pour lui, Yuta lui vint en aide.

« - Bonjour, nous sommes sincèrement désolé de vous déranger. Nous revenons de la galerie d'art où votre fils a exposé certaines de ses œuvres, et nous tenions à le rencontrer.

- Chérie ! lança l'homme, sans quitter les garçons du regard. Renjun a de la visite ! »

Quelques secondes après, une femme arriva à son tour, rejoignant le petit groupe devant l'entrée :

« - Bonjour.

- Bonjour, reprit Yuta. Nous étions à la galerie d'art et nous avons vu les œuvres de... Renjun, c'est bien ça ? »

La femme acquiesça, avant de porter son attention sur Sicheng, dont les jambes flageolaient :

« - Nous sommes-nous déjà rencontré ?

- Pas que je sache, répondit le plus jeune.

- Votre visage me dit pourtant quelque chose...

- Pourrions-nous voir le petit, s'il vous plaît ? insista le japonais. »

Le couple se regarda et finit par accepter, les invitant à entrer. Sicheng se sentit nostalgique lorsqu'il pénétra dans le salon, et de nombreux souvenirs refirent surface. « Renjun ! Peux-tu descendre s'il te plaît ? Deux garçons aimeraient te voir ! » Le cœur du chinois battait maintenant à une vitesse folle. Il était terrifié à l'idée de s'être trompé sur l'identité du garçon, et à la fois excité de savoir qu'il avait la possibilité de revoir son petit frère. « Il faut que vous sachiez que Renjun est muet. Mais je pourrais traduire pour vous si vous voulez » précisa la mère de famille.

Au moment où elle finissait sa phrase, des pas se firent entendre dans l'escalier et des petits yeux innocents se posèrent sur le groupe, l'enfant étant d'abord méfiant. En voyant le petit garçon, Sicheng sentit son cœur s'arrêter et sa respiration s'accélérer. « Renjun... » L'interpellé écarquilla les yeux et, sans plus attendre, courut le plus rapidement possible dans les bras de son grand frère. Le chinois s'accroupit et prit Renjun contre lui. Il craqua au moment où il sentit les petites mains du plus jeune se resserrer sur son sweat. Les joues baignées de larmes, Sicheng se recula et observa son petit frère de la tête au pied, le palpant légèrement. « Tu vas bien ? Personne ne t'a fait de mal ? » Renjun sourit et passa ses mains sur les joues de l'aîné pour lui essuyer ses larmes, avant de lui dire de ne pas pleurer, car tout allait bien.

« - Quelqu'un pourrait nous expliquer ce qu'il se passe ? les coupa le propriétaire.

- Vous permettez qu'on les laisse seuls quelques minutes ? Je vais tout vous raconter en attendant, répondit Yuta. »

Le couple parut d'abord se méfier, mais finit par accepter.

« Est-ce que tout va bien ? » répéta Sicheng à son petit frère. Ce dernier hocha la tête. « Tu m'as tellement manqué ! J'ai cru que je ne te reverrai plus ! Je n'arrive pas à y croire... Où étais-tu passé et comment as-tu atterris ici ? » Renjun répondit d'abord à l'aîné qu'il était vraiment heureux de le voir aussi et qu'il lui avait beaucoup manqué. Puis, il sortit une photo de sa poche, qu'il tendit à Sicheng. Sur celle-ci, on pouvait voir la famille Qian, quelques années auparavant, devant leur maison en Chine. Et derrière la photo, se trouvait l'adresse. Le petit garçon reprit ses gestes, expliquant qu'il avait eut vraiment peur le soir où ses frères s'étaient fait attaqué. Heureusement, l'un des méchants l'avait aidé à sortir. Il n'avait aucune idée d'où aller pour retrouver le reste de sa famille, et était bien trop effrayé pour rester près de sa maison, où ses frères étaient en train de laisser échapper leur dernier souffle. Ayant seulement cette photo sur lui, il avait entreprit un voyage jusqu'en Chine, se faisant aider, espérant ainsi retrouver d'autres membres de sa famille ou un simple endroit où rester en attendant qu'on vienne le chercher. Il s'était ensuite retrouvé face au couple, à qui il avait raconté son histoire. Ceux-ci avaient décidé de l'héberger et la femme lui avait promit qu'une fois majeur, elle l'aiderait à retrouver sa famille. Renjun sourit en disant cela et demanda à son frère s'il était venu le chercher, et s'il allait le ramener à la maison. « Oui, on va rentrer ensemble. Et on ne sera plus jamais séparé. » Le petit garçon finit par avoir les larmes aux yeux et se jeta à nouveau dans les bras de son frère, se demandant si tout cela était bien réel. « Par contre, j'ai une mauvaise nouvelle... » dit Sicheng en passant une main dans les petits cheveux bruns. « Māmā et Bà ont eu un accident de voiture et ils n'ont pas survécu... » Renjun releva la tête vers son aîné et lui demanda s'ils avaient rejoins Kun et Chenle, ce à quoi Sicheng répondit positivement. Il passa sa main sur la joue de son petit frère et lui prit ensuite la main pour qu'ils rejoignent les autres dans le salon.

La femme se rapprocha d'eux, émue, en les voyant main dans la main.

« - Renjun me parlait beaucoup de toi. Je savais bien que je t'avais déjà vu quelque part mais je n'avais pas fais le lien avec la photo de Renjun... Vous devez être content de vous retrouver...

- Je tiens à vous remercier tous les deux pour avoir pris soin de lui, répondit Sicheng, en s'inclinant.

- C'est bien normal, dit l'homme. Nous n'allions pas laisser ce petit bout d'chou seul dans la rue. Ça a été assez difficile pour se comprendre au début mais on a finit par s'adapter et Renjun est vraiment un garçon incroyable.

- Je suppose que vous allez vouloir repartir ensemble... »

Renjun hocha la tête, avant de se laisser tomber contre son frère, s'accrochant à lui. « Et c'est compréhensible... » Le petit chinois fit rapidement signe à la famille qu'il leur promettait de toujours rester en contact avec eux, faisant ainsi sourire la femme.

« - Vous allez tout de même rester un moment ici, non ? On pourrait passer du temps ensemble avant que vous ne repartiez ? proposa l'homme.

- Nous ne pouvons pas rester plus d'une semaine, par contre, expliqua Yuta. Je dois donner un concert le week-end prochain pour la fête de la musique à l'université. Mais ce serait un plaisir de passer notre petit séjour avec vous. Qu'en penses-tu ? »

Sicheng acquiesça suite à la question de son colocataire.

Le couple proposa aux deux garçons de les héberger dans la chambre d'ami. Yuta annula donc la réservation à l'hôtel et ils passèrent leur semaine là-bas. Tous les jours, ils firent des sorties tous les cinq. Yuta n'avait cessé de se répéter que son colocataire était magnifique lorsqu'il était heureux, et même s'il se le refusait, le chanteur tombait de plus en plus amoureux de lui. Sicheng, de son côté, avait profité au maximum de son petit frère et avait complètement oublié ses problèmes. Et il réalisa qu'il n'avait plus besoin de personne, excepté Renjun et Yuta...

~

Vous attendiez ce chapitre avec impatience, n'est-ce pas ? ;)
Notre Renjun est de retour et va très bien ~
Et une autre surprise vous attend la semaine prochaine...

Je vous envoie plein d'amour !!! ♡♡♡

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