Chapitre 14
Je ne sais pas vraiment vers quelle heure j'ai trouvé le sommeil mais une chose est sure : je hais l'obscurité qui inonde ma chambre. J'ai l'impression de voir des ombres se mouvoir en d'étranges créatures peu amicale.
Mon subconscient aime bien me jouer des tours néanmoins, même si je sais que tout cela découle de mon imagination je peine à me rassurer. Il n'y a ni diable ni monstres, ce ne sont que des légendes, des contes pour enfants.
Le lendemain matin, les vestiges de la veille me reviennent en mémoire. J'en ai un frisson. Je plisse les yeux, une rose rouge foncée est posée sur le siège au fond de la pièce.
Mon cœur s'emballe. Je me lève péniblement, titubant avec mon plâtre. La douleur à mon flanc est encore bien présente. Je me penche puis la prend entre mes doigts, il n'y a aucun mot à mon intention.
Est-ce mon Caleb ? Enfin, je veux dire juste Caleb...
Je ne peux me résoudre à me réjouir. Je dois à tout prix l'effacer de ma mémoire, s'en est vital pour sa survie !
A contre cœur, je me dirige vers la poubelle, j'appuie sur le pied et le couvercle s'ouvre. Je contemple l'intérieur, je pèse le pour et le contre : je la jette ou pas ?
Je ferme les yeux et inspire profondément. Soudain, l'image d'un sourire démoniaque se dessine sur mes paupières ; instinctivement, je la lâche.
Mon choix est fait.
Elle se dépose en silence dans ce sac noir, je relâche la pression sur le levier.
Le couvercle se rabat avec un grincement strident, les larmes coulent le long de mes joues. Je me suis faite une promesse, je ne veux pas qu'il lui arrive quelque chose...Et pour cela, il faut que toute trace de lui dans ma vie disparaissent.
Ce début de matinée a été très pénible, j'ai eu droit aux soins d'une infirmière, à la visite du stupide médecin me donnant son accord pour moi sortir. Après son départ, j'ai mis mes effets personnels dans mon sac de sport. J'ai prévenu ma meilleure amie que j'allais pouvoir enfin sortir de cette prison. Lorsque midi pointe son nez, la tempête qu'est ma meilleure amie, Kira, débarque.
- On s'enfile un truc avant de partir ?
- Tu veux vraiment mangé un truc dégoûtant que sert la cantine ? Moi, j'ai besoin d'une bonne crasse !
- Adjugé ! Allez viens, je t'emmène manger une bonne pizza !
Voyant la difficulté que j'ai de porter mon sac qui pèse trois tonnes, elle me l'arrache des mains et le balance sur son épaule.
- Hé, c'est bon, je ne suis pas en sucre je sais le porter ! Me plaignis-je.
- A d'autre ! Achète-toi un muscle !
Je ronchonne. Lorsqu'on franchit le seuil de l'hôpital, l'air frais me fait un bien fou. Ces derniers jours ont été éreintant et éprouvant. On se dirige jusqu'à sa Mini Cooper Paceman de couleur rouge. Elle met le sac dans son coffre d'un geste désinvolte.
Cette fille est la grâce même ! J'ai l'impression que quoi qu'elle fasse et dans n'importe quelle situation, elle sera toujours au top.
En fait, nous sommes des extrêmes opposés.
Elle adore les sensations fortes, je hais toutes les attractions qui ne se trouvent pas sur le sol. Elle adore le sport, j'aime glander et manger comme un porc. Elle fait attention à manger sainement, moi je fais des concours pour voir qui a mangé le plus de calories. Elle aime les grands chiens et moi les petits.
J'adore le jaune et elle le noir. Je suis plutôt jean, elle robe. Bref, tout nous oppose mais c'est ce qui fait notre force : la différence.
Sans son sale caractère et sa persévérance sans faille, je ne serais déjà plus de ce monde puisque je suis chétive, peureuse, hostile et faible. Elle met la joie de vivre dans mon cœur qui en a tant besoin.
Elle démarre d'un coup et fonce jusqu'à la sortie. Nous avons toujours aimé la vitesse, ça nous fait vibré que ce soit de plaisir ou de liberté. Cette sensation étrange, cette soif inassouvissable, l'adrénaline qui prend le dessus pour soumettre notre raison à apprécier le voyage.
Cet instinct qui aiguise les sens, cette pression qui grimpe au fur et à mesure, le bruit frénétique du cœur qui bat, je ne m'en lasserai pas !
Mon amie zigzague entre les voitures, elle sait ce qui peut me remonter le moral. Vitesse, encore de la vitesse. Certains diront qu'on joue avec nos vies, sûrement, d'autres diront que nous sommes inconscientes, ça c'est sûr, mais eux ne connaîtront jamais cette plénitude que l'on ressent.
Cette soif de contrôle sur ce qui nous entoure, ce jeu du chat et de la souris avec d'autres inconscients, ce sourire victorieux lorsqu'on laisse sur place son adversaire ou ce rire amer lorsqu'on essuie une défaite.
Après il y a les routes propices, l'heure, un flux de circulation néant pour le faire. Alors oui, on met nos vies en périls pour une stupide accélération mais quitte à mourir autant le faire en se faisant une dernière fois plaisir.
Jamais au grand jamais je n'impliquerai quelqu'un dans ma descente, si je veux pousser du pied l'accélérateur, ce sera seul.
- Kira, ralentis s'il te plaît...
- Tu n'aimes pas ? me dit-elle surprise.
- Si, si...
- Mais quoi alors ?
- Je préfère le faire seule...
Je vois une lueur indéchiffrable passer sur son visage. Instantanément, elle décélère. J'apprécie le risque qu'elle a pris pour me faire plaisir mais je ne veux pas avoir le fardeau de sa mort en plus sur ma conscience.
Je tiens trop à elle pour la perdre.
Tout le chemin se passe dans un silence de mort, lorsqu'on se gare devant la pizzeria elle se décide à ouvrir la bouche.
- Nahèle, je sais que ton pseudo accident n'en était pas un...
- J'ai voulu éviter une biche et j'ai glissé alors si ça en est un, dis-je vaguement.
J'ai honte de devoir lui dire qu'elle a raison ; que j'ai eu envie d'en finir. Que je suis une sale égoïste ne pensant qu'à moi, que si je n'avais pas été si faible pour tourner la page rien de tout cela ne se serait produit.
Mais elle le sait déjà.
- Tu peux faire croire ça à qui tu veux mais pas à moi, d'accord ? Je sais quand tu mens...
Je ne réplique rien.
Que voulait-elle que je lui dise après tout ? Que je suis désolé d'avoir voulu mourir ? Je ne le suis pas car au fond ça m'a permis de rencontrer Caleb.
On sort de la voiture. A l'intérieur, l'odeur alléchante fait gargouiller mon estomac. J'ai une faim de loup. On commande deux pizzas barbecue et deux sodas.
- J'aimerais que tu me parles... Tu sais depuis mon mariage, tu es distante...
- Ce n'est pas contre toi...
- Je sais...Dit-elle en soupirant. Mais tu dois accepter que maintenant je sois sa femme et qu'il fait partie de ma vie.
- Ouais, marmonnais-je.
- Nahèle, fais un effort pour moi, s'il te plaît. J'ai besoin de vous deux dans ma vie.
- Fallait qu'il y pense avant de laisser mourir son meilleur ami ! Dis-je à deux doigts de m'emporter.
- Ça suffit maintenant ! dit-elle en haussant le ton. On ne reviendra pas en arrière, le passé est le passé. Savoure la chance que tu as d'être en vie et de pouvoir profiter des douceurs de la vie.
- Toi tu as la chance de le faire avec la personne que tu aimes et moi ? Je vais devoir le faire seule !
- Ouvre un peu ton cœur aux autres, tu verras ça ira déjà mieux plutôt que de te morfondre.
- Et si toi tu avais perdu Gavin, qu'aurais-tu fais ? Dis-je en l'affrontant du regard.
Ma question lui fait mouche. Elle fronce les sourcils cherchant surement quoi me répondre mais rien ne vient. Soudain, je vois une lueur de tristesse dans son regard.
- J'aurais peut-être fais comme toi ... Seulement, ce n'est pas dans mon caractère de me laisser abattre si facilement.
Prends ça dans ta tronche, on sait que toi tu es nul, Nahèle. Mais l'entendre dire de ta meilleure amie c'est bien pire, pensais-je.
- Je sais que je suis une lâche, une faible...
- Ne me fais pas dire ce que je n'ai pas dit !
- Tu le penses si fort !
- Tu sais quoi ? Débrouille-toi ! Reste dans ton coin si ça te chante ! Moi j'en ai ma claque de devoir te rebooster, d'être toujours derrière toi ! Tu n'as plus besoin d'une nounou, tu es une grande fille ! Dit-elle en se levant de table.
Elle enfile son manteau à la hâte puis part en direction de la porte.
- Va retrouver ton lâche ! Lui criais-je.
Elle me fait un splendide doigt d'honneur. Le serveur arrive avec notre commande. Par le carreau, je la vois démarrer. Bon tant pis pour mes affaires. Je mange calmement ma pizza, demandant qu'on m'emballe l'autre.
Je paie puis sors. Le froid d'hiver s'insinue dans tout mon corps, je frissonne. Je vais devoir marcher avec mon plâtre qui ne me facilite pas la tâche. Seulement où irais-je ? Je n'ai plus de chez moi...
Je resserre les pans de mon manteau contre moi puis affronte le vent piquant qui me fouette le visage.
Le seul avantage de repartir à pied est qu'aujourd'hui, je ne vais pas partir en fumée à cause d'un accident de voiture!
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Coucou,
Je veux prendre quelques minutes pour remercier les personnes qui me lisent et qui font découvrir mon histoire à d'autres. Ça me touche énormément de voir l'engouement que provoque la lecture de mon livre.
J'espère vous faire vibrer avec mes prochains chapitres.
Un très grand merci encore!
Maïté. D
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