Chapitre 12
Il me tend l'enveloppe. Je vois mon nom et prénom écrit d'une manière assez élégante, raffinée. L'écriture montre souvent comment sont les gens... A en juger, c'est...enfin, c'était une belle personne.
Mes mains tremblent. Caleb me regarde sans broncher, je n'ose pas lire ses dernières phrases, ses derniers songes.
Je m'en veux déjà terriblement et je dois admettre que même si c'est égoïste, je ne veux pas savoir si je suis réellement responsable de ce drame. Je croise son regard, il m'encourage silencieusement.
Ai-je vraiment le choix ?
Je me hais déjà, alors me haïr un peu plus n'ajoutera pas de différence. J'en ai connu des crasses mais je pense que je suis la pire. Dois-je encore me considérer comme quelqu'un ? Puisque je ne suis plus qu'une épave dégoulinante de regret et de culpabilité.
Le cœur au bord des lèvres, j'ouvre l'enveloppe parfumé de lilas. Mes mots restent accrochés aux premiers mots, se refusant de lire la suite.
« Ma très chère Nahèle, Pardonne-moi....
Pardonne-moi pour ma lâcheté, pour t'avoir bombardé de conneries sur les bienfaits de ce Dieu...
Je t'en prie, pardonne-moi de t'avoir abandonnée....
J'ai cru un moment que je pourrais y arriver et puis tu es apparue ; avec tes beaux cheveux et tes yeux expressifs. Tu ressembles tant à ma Suzy, elle aussi avait l'esprit torturé.
J'ai toujours su que quelque chose clochait quand ma douce enfant est née. Dès son plus jeune âge, elle était souvent triste, elle pleurait souvent et se plaignait que Dieu l'avait oublié...
En grandissant, ce ressentiment s'est intensifié. Tout a basculé le jour où on a appris la mort tragique de ma plus grande fille, Carmela. Elle a eu un terrible accident de voiture, un chauffard ivre l'a percuté.
Ça a été terrible pour ma Suzy... Elles étaient inséparables, fusionnelles. Un mois après, ma petite fille s'est donné la mort. Elle s'est tranchée les veines dans la baignoire.
J'avais le jour et la nuit. Carmela était souriante, pétillante, pleine de vie. Et Suzy était triste, meurtrie, blessée par la vie. Sur un point, elle avait raison...
...Vous êtes des âmes perdues...Renié par le Père Tout Puissant et abandonné des anges...
Comment en serait-il autrement puisque le malheur s'est abattu sur vous?
Suzy me disait que le diable l'appelait, qu'il la désirait ardemment. Qu'elle ne serait jamais débarrassée de lui, que si elle ne cède pas il lui prendrait tout...
Et il lui a tout prit....
En te voyant aujourd'hui, j'ai su mettre des mots sur la souffrance qu'a endurée ma petite fille. J'ai compris qu'on ne se leurre pas avec de belles paroles, qu'il ne suffit pas de croire en quelque chose très fort pour qu'il se réalise.
Je te remercie de m'avoir ouvert les yeux. J'étais si fatigué... Je n'avais plus envie d'attendre pour rejoindre mes deux petits anges. Merci pour ta gentillesse, pour ces moments de complicités.
Nahèle... Je te libère... Je te libère de ce fardeau... Je me suis offerte au diable... J'ai passé un pacte mais il ne durera qu'un temps....Alors... Vie mon enfant, vie avant qu'il ne vienne te prendre...
Mais prend garde, il peut prendre différente forme pour te séduire, t'embobiné...N'oublie pas ... N'espère rien... Profite avant qu'il ne soit trop tard...
Prends soin de toi, ma belle amérindienne...
Ton amie Magda »
Les larmes ruissellent sur mes joues. J'ai envie de hurler à m'en déchirer les cordes vocales. Mes poumons me brûlent, mes sanglots m'étouffent.
Caleb me prend dans ses bras séparant la distance qu'il y avait entre nous jusqu'à présent. Ses bras musclés me serrent si fort, abattue, je me laisse aller contre lui. J'évacue cette peine, cette haine de l'avoir perdue...que ce soit de ma faute.
Je peine à reprendre mon souffle entre deux sanglots. Suis-je vraiment en droit d'essayer de lutter pour survivre or qu'involontairement j'ai donné la mort ?
Je n'ai jamais cru aux histoires de démons, d'anges ou même celle concernant le Diable. J'en viens à douter, devrais-je remettre mes croyances en question? Ce n'est que pur hasard ce qu'il m'arrive. Enfin, je pense...
La raison me prouve que personne n'a la force ni le pouvoir de me nuire de la sorte en supprimant un à un ceux qui comptent pour moi. Mon côté irrationnelle me crie de fuir n'importe où mais de fuir avant qu'il ne m'attrape lui-aussi.
Caleb pose son front sur le dessus de mon crâne. Il me caresse les cheveux espérant sûrement m'apaiser. Ca fonctionne entre autre mais mon esprit divague bien au-delà du raisonnable.
Comment peut-on détruire une foi qui en apparence avait l'air inébranlable ? Comment peut-on se fourvoyer autant sur un soit disant Dieu et Diable ? C'est techniquement impossible .... Mais alors qu'en est-il de mon Elyas... Lui qui me parle dans mes rêves... Cette impression qu'il est toujours à mes côtés...
Je vais perdre la tête si ça continue !
Je dois être raisonnable. J'aime les faits, je suis comme Jean, je ne crois que ce que je vois... Mais alors qu'en pensez de tout ça ?
J'ai besoin de repos. Quand j'aurai les idées claires, je rationaliserai ce qu'il s'est produit. Si je crois ou non à une force supérieur dont nous n'avons pas connaissance...
Caleb me soulève le menton, nos regards se croisent. Instantanément, un incendie s'allume dans ses prunelles. Il se fait violence pour ne pas m'arracher un baiser, brûlant, passionnel.
Malgré cette situation des plus incongrues, je dois avouer que moi aussi j'ai une envie folle de me pendre à ses lèvres, de les lui aspirer et de les mordiller à mon bon vouloir.
Je suis surprise de sentir un brasier s'allumer en moi. La puissance avec laquelle il m'envahit me coupe le souffle. Je n'ai jamais rien ressenti de pareil. Que se passe-t-il ? Et pourquoi maintenant ? Or que je suis si mal...
...Mais si bien dans ses bras...
Je le déteste de me faire ressentir des choses que je ne devrais pas. Et je me déteste d'aimer ces choses qu'il me fait ressentir ! Ce revirement de situation me perturbe beaucoup trop pour que je sois clair avec lui et moi-même.
Dilemme...Incertitude... quand tu nous tiens !
- Tu devrais partir, Caleb...
- Mais... Dit-il avec un regard d'incompréhension.
- J'ai besoin d'être seule...
- S'isoler et ruminer est une très mauvaise idée...
- Et qu'en sais-tu ? Lui crachais-je mauvaise.
- Je le sais c'est tout... Dit-il le regard sombre.
Je sens que mes paroles l'ont chamboulé. Malheureusement, je ne pouvais pas juger de l'impact qu'ils auraient...
- J'y vais ! Dit-il en se relevant de mon lit.
Je le regarde penaude.
Bon sang, il faudrait que j'apprenne à tourner sept fois ma langue dans ma bouche !
- Attends, dis-je avant qu'il ne sorte. Je suis désolée... J'ai besoin de digérer tout ça....
- Parfois tu devrais réfléchir avant de parler ! Dit-il en claquant la porte.
Je reste là en position de tailleur stoïque. Je viens de me faire rabrouer en beauté ! J'ai l'impression que c'est le monde à l'envers ! C'est moi qui viens de perdre une amie et c'est lui qui prend la mouche !
Quelle génération de dingue !
La magie du moment s'est évaporée avec lui. Il n'a pas tort sur un point : je me sens seule, terriblement seule. Sa présence n'aurait pas été de trop...
Cette infirmière chelou décide à cet instant de faire son apparition.
- Comment vous sentez-vous mademoiselle ?
- Mal, dis-je d'une voix rauque à cause de mes pleurs.
- J'ai une très bonne nouvelle !
- Je vous écoute, dis-je d'une voix terne.
- Demain vous allez pouvoir rentrer chez vous !
Ensuite, elle me dépose mon plateau sur ma table et part. Je reste là, interdite.
Où allais-je aller puisque je n'ai plus de chez moi ? L'option de retourner chez mes parents est tout bonnement INENVISAGEABLE !
Je les adore mais supporter mon frère est au-dessus de mes forces ! Sinon, je crois que je vais faire un meurtre ! Et la case prison ne me tente pas vraiment.
Désespérée, j'envisage même de retourner chez mon ex ! Si ça ce n'est pas une preuve de désespoir, je ne sais pas ce que c'est ! Et puis, j'ai encore mon adresse chez lui, certes plus pour longtemps mais elle est toujours là.
Il n'y a qu'un miracle qui puisse me sortir de ce pétrin !
Mon téléphone sonne, je décroche.
- Allô, Nahèle ?
- Oui ? Qu'est-ce qu'il y a Kira ?
- Ton stupide de frère nous a dit avec Connor...
- Oh, dis-je simplement ne sachant quoi dire.
- En attendant que tu retrouves un logement, j'ai le plaisir de t'annoncer que tu es la bienvenue chez nous !
Bordel ! C'est incroyable ! On m'a envoyé un signe ! Seule ombre au tableau...Je vais devoir cohabiter avec Gavin...
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