Chapitre 6 - Quiproquo
Gracie
C'est la reprise de ces petites vacances qui ce sont plus ou moins bien passées. Anna arrive en retard, heureusement que notre professeur de Chimie n'est pas arrivé.
— J'ai eu peur que vous soyez entré. Me dit-elle toute essoufflée.
— Je t'aurais envoyé un message.
— Alors racontes-moi !
— Il est encore absent! Nous coupe une fille de la classe. A croire qu'il est partie du lycée.
Nous descendons tous vers la permanence. Anna et moi nous installons au fond pour n'être entendu par personne.
— Vendredi avant les vacances, Dan et ses amis m'ont invités à passer l'après-midi avec eux, c'était génial !
— Super, super, super ! Se réjouit Anna. Le plan prend enfin forme Grac' !
Je souris. Le plan, son plan... Un plan ? J'en ai oublié que c'était à la base pour Anna et son futur copain.
— On fait quand d'autres sortie avec eux ?
— Euh doucement, on a rien fixé et puis c'était juste une façon de me remercier, rien de plus.
Son visage passe de la joie au désespoir en une seconde.
— On verra Anna, patience.
Dan entre alors à cet instant.
— Salut, je lui lance !
— Salut, alors t'as passé de bonnes vacances ?
— Plutôt bien et toi ?
Je ne vais pas lui dire que j'attendais un message de sa part pendant deux semaines pour que l'on se revoit... Mais il ne faut pas que je tombe dans cet horrible piège, celui de l'attachement, sinon je n'en sortirai jamais intacte. Puis je ne vais pas non plus l'effrayer avec ma vie de famille qui ne roule pas vraiment. A quoi bon, ce mensonge n'est pas si méchant.
— Super, tranquille.
Il prend une chaise qu'il pose au milieu d'Anna et moi.
— Salut Anna du coup.
Elle lui sourit et retourne à l'intérieur de son écran. Pendant plus d'une demi-heure Dan et moi discutons de choses et d'autres. C'est vrai qu'il est très gentil et plein de vie. Il a également un bon sens de l'humour et une bonne répartie. Tout ce que je ne retrouvais pas chez... Il faut que je cesse de le comparer. Il est différent et au fond, ça ne me déplaît pas.
*
— Bon alors, comment vas-tu t'y prendre pour que son pote et moi puissions parler ?
— Je sais pas encore... Faut que ça se fasse naturellement sinon il va se douter de quelque chose...
— Se douter de quoi ?
— Que je «lui» parle, pour que mon amie soit en couple.
— Calme, on se fait ami-ami au début.
— Tu devrais parler avec Dan aussi ! Pas que moi, merde Anna !
— J'suis moins sociable que...
— Te cherches pas des excuses ! Pour sortir avec un mec d'un coup t'es sociable ?
Le bus arrive enfin.
— Aide-moi, Grac' ! Son ton devient agressif.
— Et moi, tu m'as pas aidé !
— Je suis désolée Gracie, mais ça va je te demande plus. C'est qu'un gars. Laissons tomber.
A cet instant nous montons dans le bus et j'aperçois un de ses amis derrière-moi. Oui il a tout entendu... Il va rabâcher n'importe quoi je présume et tout sera fichu en l'air.
**
J'arrive chez moi en marchant rapidement. L'agacement brûle dans mon cerveau et je n'arrête pas de cogiter sur Dan, Anna et moi.
Anna : Veut élaborer un plan en me prenant moi pour cobaye.
Dan : Va sûrement apprendre que nous élaborons un «plan» avec lui comme clé.
Et moi : Je ne sais plus quoi faire.
Je ne veux plus m'attacher et finalement tout perdre par malentendus, quiproquo... Amour. Les sentiments me font peur. Ils s'empreignent en moi comme de l'eau dans une éponge. Mais même une fois essorée il reste encore l'humidité...
Je ne veux plus pleurer pour un garçon, me battre pour un garçon. Je ne veux plus être détruite par un garçon. On les croit gentils et finalement ils deviennent les pires imbéciles que la terre puisse porter. Et je suis tombée dessus. Et aujourd'hui j'ai peur de retomber... Retomber amoureuse me met en panique.
J'ai peur de finalement m'attacher alors que le seul but ici est de trouver un meilleur garçon pour Anna. Après ce n'est pas vraiment pour moi que l'on élabore ça. Et puis je n'ai qu'à penser que c'est par pure amitié que je parle à ce Dan. Puis, je ne ressens absolument rien pour lui ! Ce serait de la folie de retomber aussi vite amoureuse alors que je ne me remets toujours pas de l'affreuse douleur que l'autre a percé en moi.
*
Je dépasse la porte de l'immeuble et prend l'ascenseur. Lorsque je m'apprête à insérer la clef, j'entends des cris. Des bruits de verres au sol. C'est pas possible qu'est-ce qu'il se passe encore ! J'entre à toute vitesse et découvre dans le salon un vase étalé par terre, l'eau gisant partout sur le tapis blanc où est posé la table basse. Mon frère est figé contre le mur mon père le regard noir braqué sur lui.
Ma belle-mère entre à cet instant. Découvrant le scénario, elle se rue vers sa chambre et y passe plus de trente minutes. Mon père la rejoint en jetant un dernier regard de travers à mon frère qui reste toujours autant muet et paralysé contre le mur. Je me dirige vers la cuisine pour y prendre un balais et nettoyer tout ce désastre. Mon frère me voyant accroupie se joint à moi, tout tremblant.
— Tu n'en parleras dont jamais ? Finis-je par demander tout en brisant le silence qui règne entre nous.
Il continue à ramasser les petits bout de verres accrochés au tapis. Ils sont plus ou moins transparents mais il tapote le tout et le verse dans la pelle que j'ai apporté.
— Matt bordel !
Il finit par soupirer puis se lève.
— Vous pouvez pas me laisser un peu ?
Puis la porte de sa chambre se met à claquer si fort qu'elle en fait bouger les cadres accrochés au-dessus du canapé. Lorsque je finis de tout nettoyer, les cris continuent depuis bien une heure mais cette fois entre ma belle-mère et mon père.
Ma belle-mère sort de leur chambre suivit d'une valise à roulette. Mon père la suit en la suppliant.
— Je suis désolée Marc, mais c'est trop... Tu es toujours derrière ce petit depuis quelques temps, tu n'es plus agréable à la maison, plus aucune marque d'affection ne serait-ce qu'un peu parfois envers moi, tu n'arrêtes pas de travailler... Je ne peux plus continuer.
Les yeux de mon père se mettent à briller et je revois alors ce moment où j'avais huit ans et que ma mère l'avait foutu à la porte lui disant que c'était fini.
— Julie ! Je t'en prie, dis-je en me rapprochant d'eux qui se trouvent à l'encadrement de la porte. Ne nous laisse pas...
Elle me fixe, les larmes roulant sur ses joues. Elle remet dans les mains de mon père ses clef et descend les marches.
Je ravale mes sanglots et m'éloigne un peu de la porte où mon père y reste encore quelques minutes.
*
Je range les assiettes et les couverts dans le placard. Mon père est allongé dans son lit et je ne préfère pas le déranger pour le moment. Ce qu'il vient de se passer est bien trop difficile. Si pour Julie la situation était bien trop dur, pour nous aussi elle l'est mais nous avançons. Mais pour ainsi dire elle n'a pas à subir les confrontations de mon débile de frère envers mon père.
Je décide d'aller taper à la chambre de mon frère.
— Rentre pas Gracie.
J'ouvre la porte en grand et m'assieds sur son lit. Il a le regard rivé vers la fenêtre où les étoiles se mettent à briller.
— Julie est partie. Je lâche dans le vent pourvu qu'il se rende compte d'à quel point la situation s'accentue.
Il ne se tourne pas.
— Tu vas me parler à moi Matt bordel ?
Aucun son ne sort de sa bouche.
— Tu dois en parler ! Tu n'avanceras jamais !
— T'as rien dit avec C...
— Stop. J'ai rien dit ouais et je te jure que parler m'aurait fait du bien ! Mais maintenant c'est trop tard Matt, alors à toi de pas faire la même connerie.
Il se tourne enfin vers moi.
— Je n'ai pas envie d'en parler Gracie.
Son visage reste ferme. Aucune émotion ne transparaît.
— Et pourquoi ça ? Dis-je en haussant le ton. A cause de toi Papa se retrouve seul, la femme qu'il aimait l'a quitté parce qu'il s'inquiète pour son fils, mais que celui-ci reste muet comme une tombe et le rend nerveux ! Tu crois pas qu'il a assez à gérer avec un merdeux comme toi ? Maman s'en contre-fou de nous ! La preuve si elle te donnait un minimum d'intérêt elle saurait que tu n'es pas bien ! Or là regarde qui s'inquiète pour toi Matt, ouvre les tes petits yeux !
Son expression devient tout à coup surprise.
— Je ne veux pas en parler et encore moins avec toi.
— Pourquoi ça ?
— Je n'ai pas à recevoir de conseil d'une personne qui n'a rien dit quand ça n'allait pas.
*
J'allume mon ordinateur et y fait de simples recherches pour un devoir de français sur les mythes et héros. En chercher un, donner une définition et expliquer ses exploits. Après avoir fini mes devoirs, je me dirige dans le salon où mon père mange un bol de soupe.
— C'est la meilleure solution pour oublier une mauvaise soirée dans un décor hivernal. Dis-je en m'installant sur la chaise en face de lui.
Il sourit. Mais ce sourire et rempli de désespoir et de tristesse.
— Tu sais, Julie était une femme bien Gracie.
— Je le sais Papa. N'en doute pas. Elle nous a beaucoup apporté.
— Mais je comprends son choix. Avoir un homme qui s'énerve tout le temps, ça doit pas être facile à vivre.
Du haut de mes petits dix-sept ans, je ne connais rien des disputes d'adultes ni même de l'amour en général. La seule expérience était un désastre et ce que j'ai vu n'a pu que confirmer mes doutes : l'amour ça fait mal.
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