Harry

Cinq ans déjà. Cinq ans que je n'ai pas revu les membres du groupe dans lequel j'ai chanté pendant plus de quatre ans. Le monde du showbiz et des paillettes a bien souvent hanté mes rêves mais maintenant que j'ai Gabriel, mon fils de cinq ans et demi auprès de moi, j'ai dû renoncer à la scène ainsi qu'à la musique. Au départ, ça a été incroyablement pénible de devoir abandonner tout ce que j'avais réussi à construire en cinq longues années mais au bout de quelques mois et après être devenu complètement gaga de mon fils dès sa naissance, tout s'est évaporé. J'ai construit ma propre image des célébrités et croyez le ou non, dire que je hais ce monde dans lequel j'ai pourtant passé plusieurs années de ma vie, c'est employer un euphémisme.

Alors voilà où j'en suis, à vingt-cinq ans, père célibataire. J'ignore encore tout de la mère de mon fils puisque, aussitôt qu'elle avait accouché, elle n'a pas hésité une seconde à me le refourguer comme on donnerait un paquet express à un type qui l'attendait depuis neuf mois. Je sais simplement son prénom, Lauren, et je sais aussi qu'elle a de grands yeux chocolat et des boucles blondes. Pour le reste, je n'en sais rien, il m'a fallut une simple nuit passée avec elle pour me retrouver avec Gabriel.

« Les passagers du vol 1254 en partance pour Londres sont demandés sur le tarmac de l'aéroport. »

C'est pour nous. J'abaisse mon regard sur Gabriel qui serre énergiquement ma main avec un léger sourire.

-On va y aller, tu te sens prêt à prendre l'avion comme un grand ?

-Bah oui, c'est pas très compliqué ! S'exclame-t-il en lâchant ma main pour venir claquer les siennes contre ses cuisses, mimique qu'il m'a bien sûr empruntée.

Je lui offre un petit sourire et je pose ma main dans son dos pour lui intimer d'avancer en direction du tarmac où se sont regroupées une cinquantaine de personnes.

-On va pas mourir nous ? Même que mamie elle m'a montré un film qui faisait trop peur !

Ma mère qui n'a conscience de rien, il ne manquait plus que ça !

-Non, ne t'inquiète pas. Et j'aurais une petite discussion avec mamie en rentrant parce qu'elle n'a pas l'air de très bien écouter mes recommandations en ce moment.

Gabriel plaque aussitôt sa main contre sa bouche en me jetant un regard horrifié.

-Il fallait pas le dire ! Je suis désolé mamie, c'est un secret et je l'ai dit !

Je pouffe de rire et je le prend dans mes bras pour éviter de le perdre au milieu des nombreuses personnes qui s'agglutinent près de l'avion qui nous accueillera dans quelques minutes. Les hôtesses de l'air débarquent dans la minute, de grands sourires scotchés au lèvres et des bras tendus en direction de l'avion pour nous inviter à nous y installer. Je repose Gabriel qui fait attention de toujours garder sa main accrochée à la valise histoire de ne pas me perdre dans la foule. Nous entrons dans l'avion en dernier et je suis bien heureux que nous ne nous soyons pas fait bousculer. Je pose nos valises dans les soutes à bagages et j'installe Gabriel dans son siège en m'assurant de resserrer sa ceinture ; on n'est jamais trop prudent. Je m'installe à mon tour et une fois que tout est prêt, je dévie mon regard sur mon fils qui arbore un grand sourire, pas du tout effrayé à l'idée de se retrouver dans les airs dans moins de dix minutes.

-C'est quand que ça fait peur, papa ? Me demande-t-il en relevant ses grands yeux vers les miens.

-Quand ça aura décollé. Si jamais tu as trop peur, tu serres ma main très fort, d'accord ?

Il a acquiescé et avant même que je n'ai eu le temps de détourner mon visage, les hôtesses commençaient les démonstrations sous le regard attentif de Gabriel.

Nous voilà en route pour un mois entier en Angleterre, un mois entier avec mes anciens camarades et un mois entier avec l'homme qui avait autrefois fait battre mon cœur.