Chapitre 8 (5)
Petite musique, pas obligé de l'écouter mais je l'aime bien, donc voilà cadeau ! Et bonne lecture
https://youtu.be/7cnyGScs0Ho
J'ai resserré ma prise sur le manche, mon souffle douloureux mais si lent et faible qu'il était parfaitement silencieux. De derrière mon siège, je fixais ma cible sans sourciller. À ce moment, aucune des pensées qui aurait dû me traverser l'esprit ne me venaient. Pas de "aurais-je la détermination de le tuer ?" "est-ce que cette action me hanterait ?" "Devrais-je vraiment rendre ma propre justice ?". Il n'y avait pas d'après, il n'y avait que ce but et ensuite rien du tout.
Et je ne voulais pas simplement me débarrasser de lui, ou défendre ma vie, je voulais l'exterminer avec brutalité, je voulais m'acharner sur lui. J'avais accepté la mort, je voulais simplement finir ce que j'avais à finir, et enfin je partirais avec soulagement.
Ce n'était pas non plus le désir de lui faire payer. Je ne voulais pas par mon geste incarner les gens dont il avait ruiné la vie, figure vengeresse et haineuse et pleine de rage qui rétablirait une forme de justice, discutable, mais que tout le monde trouverait bien méritée. Non.
Je voulais le tuer par haine de moi-même plutôt que par haine de lui. Je voulais le tuer pour tuer les restes d'estime que j'avais envers moi-même. Son sang sur mes mains finirait de sublimer toute la rancœur et l'amertume que je ressentais envers moi d'avoir passé ma vie à gâcher tout ce que j'avais, de n'avoir jamais été à la hauteur, de n'avoir que fait me décevoir au final.
Je me décevrai encore une dernière fois, j'égorgerais ce qu'il me restait d'admirable. Je finirais de rendre justifié cette rage impuissante d'être qui j'étais. De vouloir me fuir sans jamais y parvenir, condamnée à être moi et rien d'autre.
J'ai serré très fort les mâchoires, revenant sur mon but, des larmes aux bords des yeux mais le cœur plus dur qu'il ne l'avait jamais été. J'ai enlevé mes chaussures, et calmé les battements de mon cœur.
J'ai attendu qu'il bouge, parfaitement immobile, tournant ces pensées en boucle dans ma tête, luttant pour rester consciente, malgré mon sang s'échappant de la plaie déchiquetée dans mon corps, les os de ma main brisés, le sang à peine coagulé à mes innombrables coupures, ma peau ravagée par le feu, et mon esprit brisé par le manque de sommeil.
Enfin il sauta du rebord de l'estrade, s'épousseta, prêt à venir recueillir mon corps où il l'avait laissé dans la neige. Il commença à marcher d'un pas tranquille vers la porte. Dès qu'il eut dépassé la rangée de sièges parmi lesquels je m'étais accroupie, dissimulée par l'ombre de la pièce à peine éclairée par la scène, je me suis glissée en dehors des fauteuils, dans l'allée derrière lui.
Là je me suis redressée, et j'ai marché de quelques pas pour le rattraper, mes pieds nus parfaitement silencieux sur le sol en moquette.
Un seul essai. Une seule chance. J'ai contemplé la situation l'espace d'une seconde, prenant du réconfort dans quelques enjambés silencieuse et pleine de contrôle.
J'ai levé la hache tranquillement, pour ne pas faire de vent, ne pas faire de bruit.
Il avait déjà presque la main sur la poignée de la porte.
J'ai contracté mes muscles et j'ai abaissé la hache de toutes mes forces. L'arme fendit l'air avec un petit sifflement, Remington tourna la tête dans ma direction mais trop tard, le métal lourd fracassa son épaule, frôlant sa tête et arrachant son oreille au passage, lui arrachant un cri de douleur. Il s'enfonça dans sa chair dans un craquement retentissant, et envoya une giclée de sang dont une bonne quantité sur mon visage. Son geste lui avait évité de se la prendre en plein crâne, mais au moins cette fois il ne pourrait pas ignorer cette blessure comme les autres. Il serait incapable d'utiliser son bras droit, et le sang coulait déjà abondamment jusqu'à ses pieds.
En s'appuyant vers l'avant, il enclencha la poignée et la porte s'ouvrit, le faisant basculer avec et il tomba au sol dans un seul mouvement.
J'ai fait un pas en avant, et il se recula, traînant sur ses coudes pour s'éloigner de moi, sans franc succès. Je l'ai laissé se tortiller au sol sur quelques mètres, avant de poser un pied de chaque côté de lui et de le surplomber ma hache à la main.
Sa main pressée sur la plaie béante, il commença à me murmurer la voix essoufflée :
- Je devais mourir après toi de toute façon... pourquoi te donner autant de mal.... ?
Je n'ai pas réagi. Immobile et silencieuse. Le fixant sans expression.
Il déglutit, et essaya de se redresser un peu.
- C'est bon... tu as gagné Lyslas, je ne peux pas faire plus.... j'ai tout tenté.... Se battre est inutile de toute façon.... Toi aussi tu le découvriras bientôt....
Il ferma les yeux, l'air d'accepter la suite, d'attendre ce qui était inévitable maintenant. J'ai serré le manche de la hache. Il se laissa retomber dans la neige, et croisa ses mains contre son torse. Puis il dit d'une voix lasse, plus à lui-même qu'à moi, un sourire amer aux lèvres. Ça y est c'était la fin. Je l'ai laissé finir sa phrase, je ne sais pas pourquoi. Peut-être par curiosité.
- Je crois bien que j'ai ouvert une boîte de Pandore... j'ai fait l'inverse de ce que je voulais... J'aurais dû savoir, qu'il y a des choses qu'il ne vaut mieux pas ouvrir.
Je l'ai fixé sans un mot. C'était maintenant, il n'essayait même plus de se battre. La mollesse, de son corps alors qu'il attendait la douleur et la mort, la tranquillité sur son visage était telle, que je me suis surprise un instant à le trouver beau, à vouloir le contempler une seconde. Un bref moment je me suis demandée comment je serais moi, avant ma mort. En pleurs et luttant pour la fuir ? Où est-ce que je l'accueillerais à bras ouvert, un sourire au visage ? Puis d'un coup j'ai levé la hache, interrompant mes propres pensées.
J'ai frappé juste cette fois, bien au milieu du crâne. Son expression dans la mort n'était pas lisible, son visage en bouillis, la tête fendue en deux. Je me suis arrêtée un instant, le regardant, presque prête à l'entendre encore monologuer sur son désespoir face à l'humanité, et les mains un peu tremblante.
Et puis plus aucun bruit humain. Plus que les ricanements du vent, la nature partout présente qui chantait à sa manière. J'ai sentis mes boyaux se tordre, un mélange d'émotions indescriptibles me traverser, et j'ai levé brutalement encore la hache pour l'abattre de plus bel, une fois, encore une fois, et puis encore une autre.
J'ai frappé jusqu'à ne plus pouvoir le reconnaître. Jusqu'à ce que les os soit en miettes, que la chair et le sang se mélange avec la neige et la terre en dessous. Enfin j'ai lâché l'arme complètement, à bout de souffle, et des larmes que je n'avais pas senti arriver coulant sur mes joues, du dégoût et du soulagement au cœur, et encore du dégoût d'être soulagée.
J'ai lutté pour prendre encore quelques inspirations, fermant mes yeux, essayant de prendre conscience de la situation, sans vraiment y arriver, l'impression que le monde tournoyait autour de moi.
Peut-être le vertige de ne pouvoir imaginer aucun futur, d'avoir commis quelque chose d'aussi ignoble, ou bien peut-être est-ce juste la perte de sang, peu importe.
Remington avait raison sur un point : je voulais être libre et seule la morte me libérerait.
Mais c'était une récompense que maintenant je n'osais même plus m'accorder. Sans moi, cet endroit et tout ce qui s'y était passé disparaîtrait. Sans moi la mort des autres n'aurait aucun sens, aucune valeur, la puissance de leur douleur, les vies ruinées, tout cela serait englouti et disparaîtrait.
Je suis tombée à genoux, et j'ai tâtonné pour toucher le bois lissé par les mains de Nikolaï de la hache. Je l'ai prise trop délicatement, la berçant dans mes bras, la serrant contre moi, me ratatinant autour de l'arme souillé de sang, et j'ai pleuré encore. Le bruit de mes sanglots était noyés par le vent, toujours aussi glacial, m'enfermant encore plus dans ma solitude sans fond.
Ces pleurs-ci furent les derniers, ils durèrent le plus longtemps aussi. La seule raison pour laquelle je ne suis pas morte je crois, fut que le froid avait gelé mon sang et arrêté l'hémorragie de ma plaie. J'ai fini les yeux et le cœur sec, anesthésié à tout ce qui était autour de moi, seule dans ma tête avec mes souvenirs.
Je me suis levée comme un zombie. Je ne sais pas combien de temps s'était écoulé, mais la tempête était passée, et maintenant un ciel bleu lui avait laissé la place. Je crois qu'il était tôt. Je ne sais pas pourquoi. Le matin a une température particulière. Un soleil cuisant dans un air glacé.
Je suis retournée dans le chalet de spectacle et traversé l'allée de moquette rouge, jusqu'à la trappe qui menait vers la station souterraine. J'ai traversé la seule de procès désertique, je me suis enfoncée dans les couleurs à l'aveugle, en étalant plus de sang sur les murs. Puis je me suis arrêtée dans la chambre froide où la faible lumière blanche filtrait encore des carré encastrés dans le mur.
J'ai touché une poignée, sans regarder le nom affiché sur le tiroir, et j'ai tiré d'un coup sec pour la déloger du mur.
Un flot de lumière froide s'en déversa avec un nuage de condensation. Le tiroir coulissa lentement, révélant un corps rigide, posé sur une surface tout aussi froide. J'ai posé mes yeux sur le visage pâle devant moi, martyrisé, brisé, plein de bleus et de croûtes de sang noircies, les yeux encore vulgairement ouverts, encore vêtu de ses loques figées, que Monokuma n'avait même pas pris la peine d'arranger.
J'ai posé une main sur le front sans vie d'Anoushka, lui demandant pardon intérieurement, incapable de faire sortir un son d'entre mes lèvres tremblantes d'émotion et de honte.
Puis j'ai glissé une main sur ses épaules et une autres sous ses jambes. Elle était privée de sa souplesse, rigide comme du bois, ne m'aidant pas dans mon projet, mais je l'ai quand même soulevée comme j'ai pu, et j'ai commencé à marcher vers la surface.
Je suis retournée à la lisière de la station, devant la crevasse où Royale était morte. Je l'ai posé là et je suis retournée sur mes pas. J'ai ouvert un autre tiroir.
En voyant le visage, presque paisible, presque souriant, de Cassiopée, je me suis arrêtée plusieurs minutes, à tourner en boucle tous mes regrets la concernant, toutes les occasions perdues d'être plus claire sur mon amour, d'être plus décisive, moins renfermée et silencieuse, de dormir avec elle et de tenir sa main et, puis bien sûr j'ai repensé à la promesse que je lui avait faite, et que je tiendrais coûte que coûte, même s'il fallait un troisième meurtre pour en arriver là. Puis j'ai aussi passé mes bras sous son corps, et je l'ai amené à côté d'Anoushka.
J'ai fait ça avec tous les corps occupant les tiroirs, les uns après les autres.
Puis j'ai encore pris la hache, mon seul outil, et j'ai frappé la terre gelée. Chaque coup n'entamait presque rien. Je ne sais pas combien de temps j'ai du frapper, et combien de temps j'ai du poussé avec mes doigts frigorifiés les mottes glacées de terre que j'avais réussis à briser avant d'avoir une forme légèrement en creux, juste assez longue pour y coucher un corps.
Je n'ai pas chercher à les enterrer complètement (je n'étais pas sûre de vivre assez longtemps avant que mes blessures où le froid ne m'emportent), juste assez pour poser leurs corps et les recouvrir d'une fine couche de terre et de neige mélangés, juste assez pour que de l'extérieur ce la ne forme pas de monticules venant gondoler le sol.
Je savais que ça ne serait pas assez pour qu'une fois la neige fondue leur corps repose à l'abri des regards, mais personne ne passait par ici, et l'enterrement me rendait triste de toute façon, la solitude, l'obscurité que cela représentait. Au moins quand le ciel serait dégagé, et que le soleil viendrait réchauffer la terre et les exposer à l'air de nouveau, ils seraient face au ciel, avant que le temps ne finisse de les les désagrègent pour de bon.
Je sais que c'était stupide de réfléchir à ça. Ils étaient morts après tout, il n'y avait plus rien dans ces pantins que je manipulais avec la délicatesse et la lenteur qu'on réserverait à des enfants endormis. Mais peu importe qu'il n'y ait rien, je n'avais rien de toute façon, il ne me restait que l'idiot respect que je donnais à leur dépouille, même celles de ceux que je n'avais pas aimé.
Pourquoi avaient-ils eu à mourir ? Pourquoi avait-on été forcé à vivre ça ? Qu'est-ce que j'avais fait ? Pourquoi est-ce que rien n'allait jamais bien ? Pourquoi est-ce que j'étais toujours malheureuse ?
J'ai recouvert le dernier visage, laissant vides les tombes là où je n'avais rien eu à ensevelir. Puis j'ai ramené une pile de planches ramassées dans les décombres, et de la ficelle arrachée à des vêtements que personne ne porterait jamais de toute façon. J'ai confectionné des croix, que j'ai planté délicatement devant chaque tombe que j'avais faite. Je ne sais pas pourquoi des croix, je n'étais même pas croyante. Je crois que c'était juste le seul signe assez évident que j'avais pour montrer à quiconque passerait ici qu'il s'agissait d'un cimetière. Je ne voulais pas qu'on les piétine.
Je suis restée là, désœuvrée.
Assise au milieu des tombes, sous un ciel d'un bleu insultant. Mes mains était posés sur mes genoux, ma tête courbée par le poids de mon existence, mes cheveux de la même couleur que la neige maintenant, rincé de leur couleur par la souffrance.
J'ai attendu comme ça, perdue, incapable de bouger, réfléchir, comprendre. Je crois que inconsciemment j'attendais la mort. Je l'attendais confusément car que je n'avais rien à faire d'autre sur ce monde, mais elle ne venait pas. Et au fond de moi, je n'en voulais pas. C'était trop simple. Ils étaient morts et pas moi. Ce n'était pas juste. Ce n'était pas juste. Si je mourrais maintenant, alors qu'eux s'était battus pour vivre, quelle insulte je leur ferais. Ce n'était pas juste pour eux.
L'injustice m'étouffait soudain. J'ai crié d'un coup, en frappant plus fort le sol de mon poing. En frappant encore et encore, comme je n'avais rien frappé dans ma vie, j'ai hurlé encore une fois, sans même qu'un son sort réellement de ma gorge ruinée, je ne savais même pas qu'il me restait encore des choses à faire sortir, je croyais avoir déjà exorcisé toutes émotions en moi, mais l'humain est surprenant, il n'en finis pas d'encore et encore se préoccuper de tout, de s'impliquer dans ce qui l'entoure, de ressentir, trop et mal et encore et encore et encore jusqu'à l'overdose.
Mes mains saignaient, ma voix n'était plus qu'un souffle sifflant, un cri silencieux. Et le silence, oh le silence, comme il était présent. Dans chaque milimètres carré m'entourant, sous mes ongles, sous ma peau, dans l'air niché dans mes poumons, le silence s'était engouffré jusque dans mes os, jusque dans mon crâne, pernicieux, tout-puissant, victorieux, cruel. Il pesait sur mes épaules, il pesait sur mon âme. Il avait toujours été là mais c'était maintenant son triomphe. Incapable de l'ignorer, incapable de le chasser, mon pire ennemi, mon fardeaux de toujours, il était là et il me narguait, me rappelant à quel point il était synonyme de mort, et que la mort était toujours proche, tapie dans les recoins de ma vie, prête à surgir pour emporter tous ceux qu'il ne fallait pas.
J'ai levé la tête au ciel, comme je pouvais atteindre un dieu quelconque par la même, et j'ai j'ai encore crié dans sa direction, j'ai lâché toutes mes insultes et mes pires injures, pour que, je ne sais pas, une punition divine s'abattent sur moi.
Il fallait que je souffre encore, il fallait que quelque chose m'arrive, je ne pouvais pas m'en tirer comme ça, tout ne pouvait pas être fini ici comme ça, il ne pouvait pas y avoir d'après, il n'y avait pas d'après, ça ne prendrait jamais fin, je ne serais jamais libre, je ne pouvais pas l'être, je n'en avais pas le droit et même si je l'obtenais, qu'en ferais-je ? Je n'étais rien du tout en dehors d'un martyre, d'un échec, j'avais besoin que le sort continu de s'acharner sur moi pour que j'encaisse et que je lutte, car c'était ma seule forme d'existence.
Non. J'avais une autre façon d'exister, une autre voix pour m'exprimer.
J'ai couru, une seule idée en tête. Je savais qu'il n'était pas perdu dans les flammes, je savais qu'il était encore là quelque part, parce que je l'avais mis de côté, exprès pour la fête, pour jouer le morceaux que j'avais inventé pour Cassiopée.
J'ai traversé le chalet de spectacle, montant sur la scène, courant vers les coulisses, fouillant au milieu des objets, du bric à brac de choses ridicules, jusqu'à ce que je manque de trébucher sur une boîte noire. Je l'ai attrapé fébrilement et j'en ai sorti un violon au vernis chaud, presque rouge selon la lumière, son archet sagement à ses côtés.
L'instrument entre les mains, je me suis apaisée immédiatement. Comme un remède magique. Pourquoi ne l'avais-je pas récupéré plus tôt ? Pour éviter de repenser aux notes que j'avais écrite pour Cassiopée. Et pourtant j'avais besoin de la musique, peu importe les souvenirs qu'elle évoquait, c'était mon antidote.
Je suis retournée encore une fois vers les tombes, beaucoup plus calme.
Je me suis assise au bord de la crevasse, les jambes dans le vide, évitant de jeter un coup d'œil au corps que je n'avais pas pu enterrer des dizaines de mètres plus bas, et une quinzaine de tombes derrière moi. J'ai levé l'archet, me mettant en position. La douleur irradiait déjà dans tout mon corps, partant de mes mains et se répercutant dans chaque blessure, littéral et métaphorique. J'ai ressentis une immense satisfaction d'avance en pensait à la torture que serait de jouer avec mes mains dans cet état. Quelle sublime ironie, enfin une punition digne de ce nom. Subir pleinement la douleur à chaque fois que je voudrais utiliser ma vraie voix. Endurer la souffrance à chaque moment où je m'accordais mon seul réconfort. J'ai inspiré longuement, bizarrement en paix.
Et j'ai joué.
***
Elle n'était plus vraiment là, c'est pourquoi nous diront elle et non pas un autre pronom plus adéquat, plus intime, plus précis. Elle, donc, n'était plus réellement là. Un pied ici, un pied ailleurs. Elle ne voyait plus rien, elle ne pouvait pas bouger, elle ne ressentait ni le froid, ni la douleur. Alors me demanderez vous, pourquoi dis-je plus "vraiment" là, comme s'il y avait encore un petit quelque chose ici, quelque chose d'encore parmi nous ? Et bien parce que même presque entièrement dans cet ailleurs fait de rien, une dernière chose lui arriva. Une mélodie perça le vide de l'ailleurs et lui parvint jusque dans le presque-néant dans lequel elle s'enfonçait. Des notes lancinantes, une plainte musicale, des pleurs qui ne sortaient pas de cordes vocales mais de cordes de violons. La lamentation de Lyslas la berça un moment encore, gardant une parcelle de sa conscience ancrée dans l'ici. Jusqu'à ce que, interrompant ses sanglots, un vacarme ne surgissent. Un bruit de machinerie terrible descendu du ciel. Le vacarme vint titiller sa petite partie encore là, et elle lutta encore une seconde pour comprendre le monde d'ici. Elle voulait la musique, c'était tellement plus beau que ce bruit là. Alors elle ouvrit un œil, et cherchant à comprendre l'information qu'il lui envoya.
Elle aperçut du bleu. Un bleu très intense, presque indigo. Elle aimait ce bleu, il lui rappelait celui des yeux de Lyslas. Et puis soudain, venant le gâcher, une vilaine tâche noir, comme une grosse mouche, d'où sortait le vacarme, s'imposa au milieu du bleu, le traversant comme un intrus. Dans le cette tâche noir toutefois, elle crut apercevoir une petite tâche de blanc immaculée et de rouge. Cela ne dura qu'un instant. Elle aurait pu l'imaginer.
Le vacarme disparut. La musique aussi. Le silence retomba. Et comme plus rien ne la retenait ici, celle qu'on appelait Royale se laissait tomber dans l'ailleurs.
Et le rien recouvrit le tout.
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