Chapitre 8 (4)



- Je renonce.

Remington sembla s'adoucir d'un coup. Un sourire soulagé apparut sur son visage.

- Je te promet que ça ne sera pas si terrible et tu seras enfin li-.

- Non, je ne veux pas que ça soit rapide.

Il fronça un peu les sourcils, méfiant soudainement.

- Je veux souffrir. Je le mérite, je leur dois ça.

- ... Ils sont morts ça n'a pas d'impor-

- Ça en a pour moi. Ils sont tous partis dans la douleur, moi aussi. Je sais que tu sais comment faire le durer.

Il hésita encore un bon moment avant d'admettre :

- Je pourrais, mais je ne veux pas que tu agonises, crois-le ou non si je peux l'éviter je ne veux pas vous faire souffr-

- Je te le demande... c'est mon dernier souhait....

Et j'ai ajouté avec tout l'épuisement en moi :

- S'il te plait.

Maintenant que je ne semblait plus vouloir me battre, il s'était calmé. Pour un peu, on aurait pu croire que c'était le même Remington que depuis le début, enfin, ça l'était techniquement mais... vous comprenez ce que je veux dire.

Il s'approcha doucement :

- Alors ainsi soit-il.

Je n'ai pas réagi quand il se rapprocha à quelques pas de moi. J'ai fermé les yeux, comme prête à accueillir la mort. Il posa doucement sa main sous ma nuque, et me tira un petit peu vers lui, appuyant mon front contre son épaule. Je n'ai pas bougé, luttant contre la crispation qui précède l'accueil de la douleur. Il inspira profondément, et un choc suivi d'une sensation de brûlure me traversa, pas aussi douloureux que je l'aurais cru.

Il me relâcha et j'ai senti un flot de sang chaude couler de mon ventre d'où dépassait le manche de couteau. Je me suis demandé s'il venait vraiment de me poignarder, si j'étais vraiment blessée à ce point... Il tourna le couteau dans la plaie, et d'un coup la douleur explosa. J'ai serré mes dents, mon souffle sifflant, mais m'empêcher de pousser un cri. Il s'est un peu reculé et je me suis laissé tomber à genoux, les mains contre mon ventre. Il a fait quelques pas en avant et j'ai rouvert les yeux pour le regarder, relevant la tête vers lui. Mes mèches presque aussi blanches que la neige battant dans l'air autour de mes épaules, obscurcissant ma vision.

Il me demanda :

- Tu es sûr ?

J'ai hoché difficilement la tête. Il eut l'air d'hésiter sur la suite. J'ai pris le risque de lui demander :

- À ton tour ?

Il s'agenouilla devant moi.

- Je ne veux pas laisser ton corps comme ça. J'attendrai pour vous enterrer. Ou préfères-tu la crémation ? Dis-moi.

J'ai senti un frisson me remonter l'échine. Est-ce le froid qui me traversait de plus en plus, ou le sentiment d'horreur en re-pensant au feu ? Tout ce qui y touchant, la simple idée des flammes, de l'odeur de la fumée, me donnaient la nausée, venaient avec encore plus de force que les souvenirs de la forêt me hanter, brûlure cuisante dans mon esprit.

Essoufflé, luttant pour parler malgré le bruit du vent, j'ai réussis à lui demander.

- ...Peu importe. L-Laisse-moi seule pour l'instant... Je ne veux pas... que tu me vois mourir.

Il inclina la tête, l'air triste encore une fois.

- Si c'est un plan pour fuir ça ne marchera pas, tu vas te vider de ton sang...

- Ferme-la et fous-moi la paix.

J'ai fini ma phrase avec un léger essoufflement, y ayant mis trop d'énergie. Il recula doucement de quelques pas encore.

- D'accord, très bien.

Il lâcha le couteau qui se ficha dans la neige d'un maigre centimètre avant de tomber sur le côté.

- Je te le laisse, si tu veux aller plus vite. C 'est celui d'Anoushka d'ailleurs, j'ai pensé... peut-être, symboliquement tu voudrais... enfin bref...

Il s'est retourné, et il a disparu dans la tempête.

Au moment où je ne l'ai plus vu je me suis redressée. J'ai enlevé mon pull, me laissant en tee-shirt dans le froid glacial. J'ai déchiré une manche et je l'ai entouré fermement autour de mon ventre pour limiter le flot de sang. Puis j'ai pris le couteau.

Hm. Non. Je l'ai glissé dans ma ceinture improvisée et j'ai cherché la hache. Elle était encore au bord de la crevasse. Je me suis dressée au bord du vide, hésitant un instant. Il n'était pas trop tard... Je pouvais peut-être...

Non. Une rage glaciale me l'interdit. C'est ce que Remington voulait, et Nyx m'en aurait voulu. J'étais la dernière porteuse de leur souvenir, de leur douleur, de ce qu'on leur avait infligé.

Où Remington avait-il pu aller ? Il ne devait pas être loin, mais il fallait que je le prenne par surprise.J'ai fait un petit détour, l'adrénaline et la colère m'aidant à ignorer ma blessure.

Après une petite marche, je me suis appuyée contre un chalet. Où ? J'ai réfléchi un instant, me mettant à sa place, imitant ce que je savais de son modèle de pensée.

J'ai marché vers le chalet de spectacle. L'endroit des procès, l'endroit des annonces, le refuge de Monokuma.

Une fois devant la bâtisse, je l'ai encore fixé un moment, plongée dans mes choix calculés. Comment ne pas me faire repérer, comment le prendre par surprise de sort à être sûre de l'avoir. Il me battait en terme de force, de vitesse, de maîtrise de ses armes. C'était ma dernière chance.

J'ai tourné autour du bâtiment, qui n'avait ni fenêtre, ni cheminée. Si j'entrais par la porte, impossible qu'il ne me remarque pas. Si j'attendais qu'il sorte, je risquais fortement de me vider de mon sang ou mourir de froid avant. Si je l'attirais dehors, il serait de nouveau conscient que j'étais encore déterminée à me battre, et il serait prêt à riposter.

Il fallait que j'entre autrement.

J'ai réfléchis. La salle des procès se situait sous nos pieds, si seulement je pouvais en sortir par surprise et l'avoir, mais nous y étions toujours entrés par l'intérieur du chalet, et je n'avais aucune garantie qu'une autre porte connectée à l'extérieur existe.

Pourtant il devait y en avoir une non ? Ou du moins je soupçonnais son existence. Il me paraissait logiquement que Monokuma prévoit une autre porte, et probablement une autre salle. Il emportait les corps, les autopsie brièvement, mais nous ne les revoyions jamais pour autant. Pas de fumée de crémation, pas d'enterrement visible.

Et Monokuma ne disparaissait pas de long moment, réapparaissait dans le chalet de spectacle pour rien. J'étais certaine qu'il en cachait plus, et que ça se passait sous mes pieds.

Mais où était l'entrée ?

Pas en plein air, trop facile de le surprendre. Le chalet de restauration était toujours visité par surprise. Le chalet principal avait trop régulièrement fréquenté par des lecteurs cherchant le calme. Le SPA était hanté par moi et Violaine a n'importe quelle heure. Le chalet de vêtement était à l'opposé, petit, et je l'avais parcouru une centaine de fois avec Cassiopée.

Il ne restait que nos chalets individuels, mais on l'aurait su si Monokuma nous visitait pour prendre des passages secrets cachés dans nos logement qu'on avait habité près d'une année entière.

Alors celui de Remington.

J'ai pris un léger virage, passant entre les habitations jusqu'à celle de Remington.

Bien sûr je n'avais aucune preuve que Remington n'y était pas au lieu du chalet de spectacle, mais j'étais sûre de moi. J'avais l'impression de parfaitement pouvoir prévoir son comportement, sans faille, sans doute.

J'ai poussé la porte, qui n'était pas vérouillée. Aucun bruit. L'espace était légèrement mal rangé, mais assez peu encombré, impersonnel, comme s'il savait que ça ne servait à rien de vraiment s'installer mais que le séjour avait tant duré qu'il avait bien dû s'étaler un petit peu. Tant de signes auraient pu me faire comprendre plus tôt. Mais l'esprit humain était un maître imprenable dans l'art de se protéger avec un théâtre de déni.

J'ai commencé à fouiller, à chercher une trappe, un levier, un bouton. j'ai bougé les livres des étagères, j'ai soulevé les tapis, appuyé sur les lattes et les clous.

Enfin une fois rendu dans son atelier j'ai trouvé quelque chose. Un trait trop pâle sur le sol, dans un coin. Je me suis penché, l'observant de plus près. Sur une dizaine de centimètre, le sol était légèrement gratté, une griffure un peu plus claire, de quelques centimètres de long, se détachait du parquet sombre.

Bien sûr, ça aurait pu être une rayure comme une autre, mais le début de courbure qu'elle décrivait était trop net, trop lisse.

J'ai commencé à inspecter le mur et le sol autour de la marque. Très vite j'ai remarqué que les lattes sur mur adjacent s'arrêtaient en une ligne parfaite pour qu'une porte puisse coulisser. En tant normal j'aurais cherché un mécanisme et une partie de mon cerveau s'y attelait déjà (une poignée ? Un bouton ? Non, le connaissant une serrure cachée ou quelque chose se déverrouillant était plus probable) mais la lassitude qui avait petit à petit grignoté ma patiente, ma douceur, et tout ce genre de chose, me fit lever haut la hache et l'abattre sur le bois.

J'ai commencé à frapper, jusqu'à former un gros trou dans le bois. j'ai tiré sur une latte fendue qui se brisa en faisant voler des éclats. Puis j'ai passé mon bras dans le trou, cherchant une poignée. Rien.

J'ai recommencé à frapper jusqu'à avoir l'espace nécessaire pour m'y glisser, et j'ai suivi le couloir qui descendait devant moi, s'enfonçant en une série de marches qui disparaissait dans l'obscurité.

J'ai posé ma main détruire sur le mur. Il n'y avait visiblement aucun système d'éclairage, Monokuma n'en avait pas besoin et si Remington utilisait ces couloirs, il devait emporter avec lui de quoi s'éclairer.

Mais peu m'importait, j'ai commencé à marcher dans le couloir noir d'encre sans hésitation, ma main sur le mur glissant sur la paroi, d'abord de bois puis assez vite de béton, y étalant une longue traînée écarlate, seul témoin de mon passage.

Je ne sais plus si j'ai fermé mes yeux, qui ne me servait pas de toute façon, je me suis fiée à ma perception de l'espace. Dans quelle direction était la salle de procès ? les couloirs s'ouvraient parfois en plusieurs embranchements. Le dédale qu'ils formaient était bien plus grand que je ne l'aurais cru, et devait mener à une base souterraine entière. je me suis demandé si finalement il n'y avait pas plus d'entrées et de sorties que je ne le soupçonnais, mais en tout cas, cela m'éclairait sur comment Monokuma pouvait arriver si vite dans des lieux après avoir été hors de vue pendant quelques heures entières.

Enfin j'ai commencé à percevoir une vague lumière, au détour d'un virage. Un peu plus loin, j'ai débouché sur une salle plus grande.

La lumière filtrait de plusieurs formes carrées encastrées dans un mur. En me rapprochant, j'ai vu les poignées, et le métal froid au lieu du béton. C'étaient des sortes de tiroirs. Des tombes.

Je savais déjà ce que je trouverais en me rapprochant encore, mais j'ai quand même fait quelques pas en avant, frissonnant en sentant l'air froid qui s'en dégageait. De petites plaques gravées ornaient chacune d'elle, marquée d'un prénom différent pour chacune.

J'ai hésité, tentée de revoir une dernière fois leur visage conservés par le gel. Mais finalement j'ai fait un pas vers l'arrière, ne supportant pas l'idée. Remplacer dans mon esprit leur visage encore vivants par des masques figés m'était insupportable. Je voulais les imaginer encore heureux, encore là, juste inaccessibles, pas être hantée par des cadavres.

J'ai quitté la salle, poussant la porte du fond. Un petit couloir s'étendait devant moi, de la lumière bien plus chaude filtrant des bords de la porte.

Très lentement, j'ai entrouvert la porte, pour jeter un coup d'oeil de l'autre côté. C'était la salle de procès, allumée, immobile, et tellement silencieuse que c'en était surnaturel. Aucun endroit ne devrait être aussi silencieux.

Je suis rentrée lentement. L'arène de sable, était là. Les pupitres eteints et abaissés, le siège de Monokuma en hauteur, dominant le reste.

Ma tête me tournait. J'avançais avec une lenteur extrême, petit pas après petit pas, pour économiser mes forces, ne faisant pas le moindre bruit. La pièce ne me donnait plus la même impression qu'avant. Je me souvenais de l'essoufflement, de mon cœur battant trop vite, de l'adrénaline dans les veines, des visages pâles, du simple fait de voir les visages apeurés des autres simplement en tournant la tête qui décupler ma propre peur.

Si je savais une chose, c'est que les lieux portent leurs souvenirs. Cette salle précisément m'avait apporté plus de terreur que l'évènement nous y réunissant. Ironiquement j'ai pensé que sans cette salle, sans le fait que chacun des procès s'y déroulait spécifiquement, et pas dans un autre lieu de vie, m'avait permis d'enfermer ses traumas sous terre et ne pas y penser une fois au milieu des autres.

Maintenant que c'était trop tard, que c'était fini, elle ne représentait plus rien. Pas d'autres souvenirs, pas d'autres émotions. Le reste de la station devenait ma salle de torture. Ce silence assourdissant, ce vide anormal, me rassurait presque. J'aurais pu aller m'asseoir quelque part, au centre de l'arène, à mon ancien pupitre, au siège perché de Monokuma, et juste attendre des heures, ne penser à rien, exorcisé ce qui s'était passé ici.

Mais j'avais à faire. j'ai monté les marches du petit escaliers caché qui remontait vers la surface et la salle de spectacle, et j'ai posé mon oreille contre la porte. Aucun bruit, à part le battement sourd de mon sang qui cognait à mes oreilles. Il fallait que j'ignore encore un peu la blessure.

La porte de la salle du procès était dans un recoin de la salle de spectacle. S'il était sur scène, il ne verrait pas. J'ai misé sur le fait qu'il soit sur la scène, et j'ai ouvert très doucement la porte, puis j'ai glissé derrière un siège en velours, m'y cachant.

Jetant un œil au dessus d'un accoudoir, j'ai cherché Remington. Il était bien là, sur la scène, les jambes pendante de l'estrade de bois surélevé, jouant avec ses trois clefs, perdu dans ses pensées.

Il attendait probablement d'être certain de ma mort, avant de nous enterrer et de se donner la mort. Et ces trois choses allaient se produire, sans l'ombre d'un doute. Simplement, pas dans cet ordre là, mais plutôt dans l'inverse.

J'ai resserré mes mains sur la hache. Il fallait que je me freigne. Je n'aurais droit qu'à une attaque. Il fallait qu'elle le surprenne, et qu'elle soit fatale.

Un dernier coup. Et tout serait fini.

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