Chapitre 7 (8)
Je suis rentrée dans le chalet de Nikolaï, épuisée et désabusée, et il fallait l'avouer avec une pointe d'agacement que je ne savais pas vraiment vers qui ou quoi tourner. La hache dans ma main me paraissait trop lourde et je la laissais traîner derrière moi, m'attendant de toute façon à tomber sur une pièce déserte.
Mais ce ne fut pas le cas.
Violaine que j'avais cru ne pas revoir avant un moment était assise sur un tabouret, à côté de la cheminée où brûlait un petit feu, notre dernier espoir. Avait-elle eu trop froid pour se rendre ailleurs ? Maintenant que les sources n'étaient plus chauffées, elle avait perdu son refuge.
Elle me regardait, ou plutôt regardait la hache toujours tachée qui traînait derrière moi. Mi-effrayée, mi-fatiguée, elle reporta ses yeux sur moi avec une question dans ses prunelles : "qu'est-ce que tu fais encore avec la hache ?". Elle n'avait pas besoin de le dire pour que je le sache.
J'ai lâché le manche en bois, laissant l'outil tomber avec un bruit sourd sur le parquet. Je sentis que la meilleure façon d'empêcher cette conversation de dégénérer était de la commencer de façon apaisante :
- Pardon Violaine, je sais que j'ai dû te blesser, je ne savais plus quoi faire et ce plan était débile.
- Ça pour être débile, je ne sais même pas ce que vous cherchiez à faire, et c'est... c'est du vrai sang tout ça ?
c'est vrai que ça n'était pas que la hache qui était badigeonnée d'une couche brunissante et craquelée par la coagulation, je l'étais encore moi aussi.
J'ai tiré une chaise et je m'y suis laissée tomber. Elle chuchota
- Tu as l'air tellement à bout...
- Tout va toujours de travers et je... je me sens piégée.
- Comme nous tous.
- Je sais...
Elle se tut un petit moment et demanda :
- Alors c'était quoi le but de ce projet stupide ?
J'ai soupiré en me passant une main sur le visage, hésitant sur quoi dire, pouvais-je lui révéler l'existence du traître ? Le doute n'était toujours pas dissipé, elle pouvait très bien l'être, j'ai cherché une excuse qui tenait la route, mais hésiter trop longtemps aurait été suspect alors j'ai finis par misérablement lâcher :
- Et bien... On s'est dit, peut-être que... que Monokuma penserait qu'un meurtre avait été commis mais ne trouvant pas de vraie victime et donc pas vrai coupable, peut-être qu'il ferait un procès sans exécution ? Et qu'on pourrait sortir ?
Elle fronça les sourcils, l'air confus, mais me croyant vaguement (j'ai eu un peu honte devant la confiance qu'elle avait en moi) avant de me répondre :
- C'est encore plus stupide que ce je pensais. En fait ça n'a même aucun sens. Vous auriez du nous en parler... Tout ça pour une espèce d'hypothèse qui ne tient même pas la route ?
J'ai senti sa colère revenir un peu, alors j'ai essayé de me dédouaner avec une excuse mentale pour Nyx :
- Royale m'a convaincue, elle dit avoir beaucoup observé Monokuma et était convaincue qu'on pouvait le faire "court-circuiter".
Elle ne sembla pas convaincue mais sa colère parut se reporter légèrement sur Nyx plus que sur moi. De toute façon Nyx se fichait d'être appréciée de Violaine. Moi moins.
Elle se leva d'un coup d'un air rageur et me dit, sur un ton qu'elle voulait fâché mais qui manquait de conviction pour que qui que ce soit y croit vraiment :
- La prochaine fois pour ce genre de coup tu peux me prévenir, tu peux m'en parler, je t'aiderais, tu le sais quand même !
Je l'ai fixé en silence. Elle prit plusieurs seconde à l'interpréter.
- Tu doutes encore de moi ? Tu penses que je pourrais tuer quelqu'un
Mon front s'est plissé, suivant mon sentiment :
- Je suis désolée.
Elle se laissa retomber dans la première chaise et renversa ta tête en arrière en soupirant. J'ai tenté de lui dire :
- Je ne pense pas que tu me trahirais... mais je ne pensais pas que Anoushka ou Cassiopée non plus le ferait... tu comprends ?
- Cassiopée n'était pas... elle était juste... tu sais
Désespéré, acculée, piégée, pétrie de douleur et de peur ? Oui, mais au fond de moi je ne pouvais pas m'empêcher de me sentir trahit qu'elle ne m'aie rien dit de ses problèmes. Et je devais me forcer de me rappeler qu'elle n'avait pas eu le droit de me parler de ce qu'elle avait vu dans la salle de spectacle. Celle où j'avais vu la tombe de mon père.
- Elle ne pouvait pas parler de ce qu'elle avait vu dans la salle de spectacle. Nous non plus, on ne peut pas le partager. On doit enfermer ses problèmes en nous jusqu'à ce que ça nous fasse céder. Et elle a cédé.
Elle, sursauta, comme piquée au vif. Je me demande ce qu'elle y avait vu. Est-ce qu'elle craquerait à cause de ça ? Où bien étais-ce déjà trop tard, comme pour moi ?
Elle se racla soudain la gorge :
- Tu devrais te laver, je ne sais pas où vous êtes aller chercher tout se sang mais ça empeste
- La viande était probablement avarié
Elle grimaça simplement, mais son expression m'arracha un faible sourire. Je me suis levée en grognant comme si j'avais le triple de mon âge. J'étais toujours percluse de douleur en ce moment, entre ma peau à peine cicatrisé qui me grattait et me tirais, et ma cheville qui ne me laisserait jamais oublier ma course contre les drones pour sauver une femme déjà morte de toute façon.
Je suis entrée dans la petite salle de bain qu'on se partageait tous maintenant. L'eau courante était toujours là, mais si gelée qu'à vrai dire personne n'avait le courage d'être propre tout le temps. Seulement quand l'odeur ou l'inconfort devenait trop fort, on serrait les dents et on se frottait à l'eau glaciale.
J'ai commencé à enlever mes bandages, petit à petit, bande après bande. Ma peau habituellement blafarde avait au moins une dizaine de teintes différentes, selon le niveau de brûlure et de cicatrisation. Quelques zones légèrement épargnées par miracle étaient d'une blancheur maladive sous les croûtes de sang séché. J'ai laissé dans un coin la boule de mes vêtements sales et je me suis assise sur le rebord de la baignoire, pour passer avec lenteur mes jambes de l'autre côté.
Après un long frisson j'ai enfin pris mon courage à deux main pour tourner la molette de la douche. Et puis avec un gant de toilette propre, j'ai entrepris de me laver. Comme me frotter était douloureux, je devais y aller très lentement. J'ai dû passer au moins 1h dans cette douche, sinon plus.
Une fois que j'eus terminé, j'étais frigorifiée jusqu'à l'os. mes lèvres étaient bleuies et tout mon corps tremblait, mais au moins j'étais propre. J'ai pris mon temps pour sortir sans glisser sur le carrelage mouillé, et j'ai passé encore une demi-heure à me sécher posant plus la serviette sur ma peau plus que me frottant. Encore une fois, tout était terriblement lent.
Une fois parfaitement sèche, car je ne pouvais pas enroulée mes blessures restantes dans des bandages humides dans lesquels les bactéries se développeraient, j'ai pu commencer à enrouler de gaze et de bandages ce qui n'était pas assez soigné.
Quand je fus propre et rhabillée, au moins 2h plus tard, je suis enfin sortie de la salle de bain. Tout était calme, et personne n'était dans la pièce.
Je me suis réchauffée un peu devant le feu, jusqu'à ce que le silence me pèse trop. J'avais pris l'habitude d'être constamment entourée. Le bavardage des autres remplissaient ma tête, empêchait les autres pensées de s'y glisser.
Ne sachant pas où aller, je me suis dirigée par réflexe chez Nyx. Notre plan foireux n'avait pas fonctionné, mais elle allait certainement essayer d'en tirer quelque chose d'une manière où d'une autre. La connaissant, peut-être même qu'elle en déduirait le MM sans même avoir assisté à la réaction des autres.
J'ai ouvert la porte sans même frapper, et une tornade rose et violette se jeta sur moi
- Lyslas j'ai faillis aller te chercher dans la salle de bain par la peau du cou, Violaine m'a dit que tu te lavais mais ça fait au moins 3h ou 4 je ne sais plus enfin c'était interminable, j'ai tellement de choses à te dire, et toi aussi tu as certainement des choses à me dire je dois savoir ce que tu as vu, on a une enquête à mener.
Le flot de parole ne s'arrêtait pas, une idée après une autre et une autre et une autre. Nyxle faisait toujours, mais habituellement elle était plus silencieuse, de plus en plus avec moi elle osait exprimer à voix haute les cents idées par minutes qui traversait son crâne.
- Je n'ai rien vu qui nous aide, je suis désolée.
Nyx balyait mes paroles d'un geste :
- Ne t'en fais pas si tu ne sais pas comment les interpréter, je veux juste savoir ce que ton œil à vu, je saurais quoi en faire.
j'ai retenu un soupire et pour lui faire plaisir, j'ai fini par raconter :
- Violaine était... désespéré. Elle se battait contre ça, contre la partie d'elle qui croyait à ma trahison. Une partie d'elle y croyait - elle avait la preuve sous les yeux - et l'autre refusait d'y croire. Elle a cherché du réconfort, que je lui démente ce qui s'était passé.
J'ai passé en revu le second visage.
- Remington était... déçu... et dégoûté. Il a projeté sur moi l'image d'une héroïne, pour expliquer et accepter le sacrifice de Léo. Chaque fois que je ne fais pas preuve d'héroïsme, il me compare à lui, il pèse nos existences, et sa conclusion est que j'aurais dû mourir à sa place.
Enfin je me suis remémorée la réaction de Nikolaï.
- Nikolaï.... je ne sais pas s'il y croyait vraiment. Je ne crois pas qu'il y croyait vraiment. Il avait plus l'air d'avoir peur pour moi, des conséquences, ou d'une raison extérieure, une forme de danger qui m'aurait poussé à mentir ainsi. Ou peut-être te cherchait-il toi. Je ne sais pas.
Nyx inclina la tête :
- Tu sembles incertaine sur Nikolaï, tu as beaucoup d'interprétation différentes...
- Il était plus discret que les deux autres, et les choses sont arrivées très vite. Je n'ai pas eu le temps de bien regarder.
Nyx laissa passer un silence avant de lâcher soudainement :
- T'en pinces pour lui ?
J'ai un peu sursauté. Automatiquement mes pensées allèrent vers Cassiopée, avec honte. Comme si je commettais une trahison.
- Je ne crois pas...
C'était la vérité, mais je ne suis pas entrée dans les détails. Je n'ai pas expliqué que malgré ma réponse, il était la seule personne qui m'offrait encore une forme de réconfort ici. Que même avec elle, je n'avais pas tout à fait le même sentiment de paix et de sécurité. Elle m'offrait de l'espoir et de la vie, lui m'offrait le droit à la vulnérabilité, de me faire toute petite, de disparaître dans ses bras et d'oublier le monde entier, de relâcher toute ma fatigue de vivre qui s'était accumulé jusque dans mes os.
- Alors pourquoi tu le protèges plus que les autres ?
- Parce que. C'est comme ça Nyx. Je suis fatiguée, s'il te plait, je ne veux pas t'expliquer. Je ne veux pas réfléchir.
Elle sembla comprendre soudainement qu'elle poussait trop. Malgré son intelligence, parfois Nyx était complètement aveugle à la façon dont les autres se sentait et la conséquences de ses paroles ou de ses gestes. Elle avait l'air de tout affronter tellement mieux que moi, peut-être était-elle si forte qu'elle oublier que les autres étaient plus faibles.
Elle hocha la tête en signe de compréhension et peut-être de pardon, et me demanda soudainement plus douce et plus calme :
- Est-ce que ça va ? Est-ce que tu veux discuter ?
J'ai secoué la tête, la gorge nouée. C'était trop tôt et trop confus dans ma tête. Rien n'allait et je ne savais pas comment exprimer le torrent d'émotions qui m'étouffaient.
Nyx posa une main légères sur ma tête, un geste maladroit et désolée :
- Tu sais que tu peux me dire non... Si je vais trop loin, ou que tu n'aimes pas ce que je dis ou ce que je propose... ?
J'ai opiné de la tête.
Oui je savais mais j'avais besoin d'avoir l'impression d'avoir quelque chose à faire pour changer les choses. D'avoir un plan, une solution, un rôle, une tâche, n'importe quoi. Je ne lui ai pas dis ça. J'étais trop épuisée pour expliquer quoi que ce soit.
Nyx vint se placer devant moi :
- Je... je...
Elle déglutit. Devant moi elle cessait un peu de se dissimuler :
- Je vais trouver un moyen de nous faire sortir. Je vais trouver ce traître je te le promet.
Elle savait qu'elle ne pouvait pas faire Cassiopée ou Nikolaï, qu'elle n'était pas faite pour consoler les gens où leur faire de câlin, ou leur dire exactement les mots qu'ils faut pour les apaiser. La seule chose qu'elle pouvait faire, c'est faire marcher son incroyable cerveaux et user de sa chance pour résoudre les problèmes. Éliminer ma tristesse à sa source.
Dans un geste d'abandon, j'ai appuyé ma tête contre son épaule. Elle ne bougea pas, ne sachant pas comment réagir.
Jusqu'à ce que soudain un cri résonne, appelant mon nom dehors.
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