Chapitre 7 (10)
Remington était calme. Mais pas joyeux comme je l'aurais cru. La légèreté dans son ton était plutôt une pointe de soulagement, mais ses yeux étaient bizarrement tristes.
Tout le monde le regardait, il soupira, et nous avoua :
- Je pense que ça ne sert plus à rien de mentir maintenant.
J'ai chuchoté :
- ...C'est toi ?
Il se passa une main dans les cheveux d'un air un peu fatigué :
- Oui. Je sais ce que vous devez penser...
J'ai répété doucement :
- Ce qu'on doit penser ?
Nyx me rejoint en quelques enjambées, sentant que je n'étais pas dans mon état normal (elle ne savait pas que je ne le serais plus jamais), et elle posa une main légère sur mon dos, mais je l'ignorais. Je me suis levée doucement. Nyx essaya de m'en empêcher, mais j'ai bousculé son bras.
- Ce qu'on doit penser ?
- Je ne suis pas idiot, je sais très bien que vous allez me haïr et vouloir me tuer, que vous ne comprendrez rien. Je ne vous demande pas de comprendre, moi non plus je comprendrais pas à votre place.
Monokuma nous interrompit avant que je puisse lui répondre.
- Le procès aura donc lieu ici et maintenant, pour la mort de Violaine.
- Ce qu'on doit penser ?
Remington repris :
- Je pourrais t'expliquer en détails mes raisons Lyslas, mais je doute que tu m'écoutes.
- Le procès est ouvert. Vous pouvez débattre.
Nikolaï vint se placer devant moi, poser ses mains sur chaque côté de mon visage et essaya d'attirer mon attention. Mes pensées revinrent vers lui, ignorant Remington maintenant qu'il n'était plus dans mon champ de vision, dissimulé par la silhouette de Nikolaï.
- Je l'ai tué Lyslas.
- Non, non...c'est moi...
- Je l'ai percuté trop fort, le sol est recouvert de glace, elle était morte au moment où elle a touché le sol, tu ne l'as pas tué.
- Tu n'en sais rien !
J'ai secoué la tête de gauche à droite entre les mains de Nikolaï.
- Non, non, non...
Je me suis jetée en avant dans ses bras, j'ai essayé d'y disparaître, je lui ai conjuré, la voix nouée, presque dans un sanglot :
- S'il te plaît reste avec moi, ne meurs pas, je t'en supplie.
- Je suis désolée.
J'ai reculé d'un coup, me tournant vers Monokuma :
- Je vote pour moi ! J'ai tué Violaine !
- Un vote contre Lyslas.
Nikolaï revient me prendre dans ses bras, cacher mon visage contre lui, pour me détourner de force de notre juge mécanique. j'ai fermé les yeux aussi fort que possible, espérant que le monde disparaisse autour de moi, que tout ça ne soit qu'un cauchemar dont je me réveillerai aussi vite que possible. Je l'ai imploré :
- Vote pour moi ! Sors d'ici ! Je t'en supplie je ne veux pas que tu meurs, je préfère mourir s'il te plait, je suis prête, tu dois vivre, vis pour moi, je t'en supplie c'est ce que je veux !
Je voudrais de nouveau être comme au premier jour, engourdie de froid, dans ses bras, et me réveiller confuse dans un grand chalet, avec une jeune fille acrobate et un garçon maladroit et passionnée et ses lunettes fantaisistes. À cette instant, chacun d'entre eux, même les pires, me manquaient tellement. Cette fois je ferai les choses différemment, cette fois je les sauverais tous. Nikolaï me tira de mon rêve, brisant mes espoirs et mon cœur en même temps :
- Je vote pour moi.
- Un vote contre Nikolaï.
J'ai réalisé qu'il ne restait qu'un seul vote, celui du traître, celui du menteur, celui de Remington. Je me suis échappée encore une fois de l'étreinte de Nikolaï pour me précipiter sur Remington. J'ai trébuché et je suis tombée à genoux devant lui -peu importe - je lècherais le sol s'il le fallait, je m'inclinerais, j'obéirais à n'importe quel ordre, je m'humilierais devant qui il veut. Il fallait qu'il vote pour moi, il fallait qu'il vote pour moi. Je lui ai crié :
- S'il te plait vote pour moi !
Il pencha la tête, avec regret, sans un sourire, sans joie malsaine, ni folie ni indifférence. Juste Remington. Le même que depuis le début.
- Tu ne sais même pas si tu l'as vraiment tué... Tu veux juste protéger ce que tu aimes.
- J'ai fracassé son crâne avec une hache.
- Tu aurais fait n'importe quoi. Regarde-toi maintenant...
- Elle était encore en vie !
- Je ne crois pas.
- C'est moi qui l'ai tué !
Il agita doucement la tête de gauche à droite. Nyx essaya encore une fois de s'interposer, me détourner de ce qui me faisait tant de mal, mais elle était impuissante à m'aider, elle ne me rendrait pas ce que j'avais perdu. Elle et Nikolaï ne voulaient pas me laisser souffrir ou me confronter au traître, mais il n'y avait rien à faire pour changer ça, et nous étions officiellement en plein procès. Quelqu'un mourrait à la fin de celui-ci. Nyx me chuchota en me tenant contre elle, maintenant mon corps relevé alors que je me laissais tomber front contre sol en signe de supplication :
- Je voudrais tellement pouvoir me sacrifier si tu savais mais ma mort ne servirait à rien.
Je n'ai réussis qu'à sangloter, ma voix étranglée de chagrin :
- Ne meurs pas...
Je ne sais même plus à qui je demandais ça. À eux tous. À chaque personne qui avait compté.
Remington annonça :
- Je vote pour Nikolaï.
- NON !
- Deux votes contre Nikolaï et un seul pour Lyslas. C'est votre dernier mot ?
- NON !
- Oui.
- Oui...
Je n'ai pas eu le temps de tourner la tête vers lui. Je n'ai pas eu le temps de reprendre mon souffle, je n'ai pas eu le temps de l'étreindre une dernière fois, ou d'accepter quoi que ce soit de cette situation, de dire au revoir, ou pardon, tout s'enchaîna impitoyablement :
- Nikolaï coupable.
Mon cri se bloqua dans ma gorge.
Les drones s'élancèrent, quelques robots un peu plus grands que les autres parmi eux, et Nikolaï fut tiré en dehors du carré que format notre station. Les drones s'activaient déjà à arracher les planches du toit des chalets abandonnés, à voler du bois aux bâtiments, je voyais sous mes yeux se construire un bûcher.
J'ai réussi à faire quelques pas tremblant en avant pour agripper le bout de sa manche et il me jeta un dernier regard, un dernier sourire, rassurant et triste.
- Je suis désolée de ne pas pouvoir rester avec toi plus longtemps.
Il me serra contre lui encore une fois et je me suis accroché à lui aussi fort que j'ai pu, avec toute la maigre force qu'il me restait. Il me chuchota :
- Ça va aller pour moi. Il faut que tu tiennes bon encore un peu plus. Je te promet que tout ira bien à la fin.
Des drones me repoussèrent de force, et j'ai senti la présence de Nyx derrière moi. J'ai voulu me battre contre eux, j'en ai frappé, j'en ai poussé, j'ai crié de rage, mais leurs pinces me tirèrent en arrière et leurs faisceaux lumineux se pointèrent sur mon front en lieu de menace. Je m'en fichais, ils pouvaient bien me shooter, je n'avais pas peur de mourir. Mais Nyx n'était pas de cet avis et elle passa ses bras autour de mon torse, et me fit tomber au sol avec elle. Je me suis débattue, ma respiration affolée me permettait à peine de formuler un mot et encore moins un cri.
J'ai basculé ma tête vers le ciel, les yeux grands ouverts d'horreur et de panique, cherchant de l'aide partout, n'importe où.
Tout mon être ne résonnait plus que d'une seule émotion : à l'aide.
À l'aide, à l'aide, par pitié à l'aide.
- Nikolaï pour ton meurtre tu seras brûlé vif.
J'ai re-abaissé la tête à l'entente de la sentence. Pas encore le feu.
Un murmure franchit mes lèvres en voyant les drones voletant dans une sorte de danse frénétique de mouches mécaniques tournant presque joyeusement autour du bûcher, Nikolaï était attaché fermement et la ronde de drônes se mis à faire pleuvoir de l'essence sur la scène.
- non....
Une étincelle tomba et le feu prit immédiatement.
- Lyslas, ferme les yeux, tu n'as pas à voir ça !
- Non, NON, NON !
Je me débattais si fort pour aller me jeter moi-même dans le brasier que Nyx devait consacrer toute son énergie à me retenir, et rien ne m'empêchait de tout regarder, chaque seconde du feu qui se répandait et qui venait frôler Nikolaï, puis petit à petit qui s'approchait de plus en plus et le consumait.
Il ne cria pas, moi si.
J'ai hurlé sans aucune retenue, à plein poumon, à m'en déchirer les cordes vocales, sans prendre la peine de formuler un mot ou un bruit humain. Ça n'était pas que la souffrance d'une perte supplémentaire, c'était chaque petit deuil vécu dans ma vie, c'était toute ma fatigue, ma colère et mon désespoir qui éclatait d'un coup.
Il s'est mis à neiger. Je savais que c'était trop tard. Je sais qu'il était mort, mais je ne supportais pas l'idée qu'il soit réduit à néant, qu'à la fin il ne me reste rien du tout, alors j'ai jeté un regard de supplication à Monokuma, mes joues striées de larmes, ma voix ne sortait plus, je crois que je l'avais brisé pour de bon, mais il lut sur mes lèvres : "Ça suffit, il est mort, c'est assez".
Peut-être eût-il pitié de moi, ou peut-être voulu-t-il éviter que les autres chalets ne brûlent, il fit un signe à un drone et ils s'activèrent tous de nouveau, allant cherchant de l'eau, seau après seau, ou tuyau directement depuis le chalet spa. L'incendie fut éteint.
Enfin Nyx me lâcha et je suis partie en titubant dans les cendres et les bouts bois encore fumant. Il était là, complètement calciné au niveau des jambes mais encore un peu reconnaissable au niveau de son visage.
Je l'ai détaché et il est tombé dans mes bras. Bien sûr, il n'y avait rien à sauver, il n'était plus là. J'ai posé sa tête sur mes genoux et j'ai tourné la tête en arrière cherchant le support de Nyx, mon regard brouillé croisa le sien et elle se leva, partant soudainement, comprenant probablement ce que je voulais, ou ce dont j'avais besoin.
Je me suis reconcentrée sur Nikolaï. Il n'avait fallut qu'un instant. Une seule dispute, et des mauvaises coïncidences. Une hache qu'il m'avait donné pour me protéger mais qui l'avait indirectement tué. Une plaque de glace un peu trop glissante, un jour de peur de plus, la vie ne tenait qu'à ça, la mort aussi.
Le traître, Remington, peu importe ce qu'il voulait, avait tout gagné. Il ne restait que lui et moi, il me tuerait facilement, et Nyx, affaiblie, se fait abattre au moment où son existence serait reconnue par Monokuma, juste un bug à corriger.
Nyx était de retour, elle posa une grande couvertures sur mes épaules, et couvrit le corps et le visage de Nikolaï avec un autre. Elle me donna une bouteille d'eau. Peut-être voulait-elle que je bois pour me réhydrater après le feu et les larmes, mais j'ai versé doucement le liquide sur ce qu'il restait du visage de Nikolaï pour nettoyé la cendre et le sang.
Elle ne fit aucun commentaire, puis elle s'éloigna un peu, comme pour me donner un peu de distance. Restant tout de même proche.
J'avais fini de crier, il ne me restait plus que les larmes maintenant. Alors j'ai pleuré. Qu'aurais-je pu faire d'autre ? Je ne savais que faire ça, pleurer, pleurer, pleurer. Je n'avais pas pu garder qui que ce soit en vie ici. Je n'avais même pas sauvé Nyx, quelqu'un d'autre, peut-être Remington pour des raisons que je ne voulais pas savoir, l'avait sauvé à ma place.
Alors j'ai juste pleuré, à gros sanglots moches et bruyants, un râle essoufflé à la place des mots sortant de ma gorge déchirée, coulant sur mes mains brûlées, venant s'écraser sur mes jambes qui ne me portait plus.
Après ce qui me sembla des heures, j'ai entendu Nyx quelques pas derrière réagir, et une autre voix un peu plus loin derrière moi, s'élever doucement.
- Lyslas ?
C'était Remington. J'avais vidé mon cœur de tout ce qu'il me restait de violent et passionné. Je me sentais drainée de toute ma force et mon humanité. Je n'étais plus qu'une coquille vide et épuisée. C'est probablement pour cela que je n'ai presque pas réagis à son appel. Presque pas. J'ai juste tiré une inspiration brève et sèche.
Le bruit de pas de Nyx fit crisser les cendres et la neige alors qu'elle s'interposait. Je ne me suis pas retournée mais je pouvais imaginer leur regard. Tous les deux trop calmes. Mais pour Nyx un masque devant la colère, pour Remington, un masque devant... quoi ? Le vide, l'indifférence ? Il ne semblait même pas indifférent, j'avais du mal à comprendre que c'était réel.
- Laisse-le Royale.
Ma voix était détruite, presque un souffle, si éraillée qu'à peine une ou deux syllabes vibrèrent réellement dans l'air. J'ai imaginé sa tête se tourner vers moi en hésitant, inquiète, et laissant ses traits s'adoucir quand cela me concernait, et peut-être abaissa-t-elle un bras qu'elle avait levé comme elle le fait souvent quand elle veut montrer une attitude protectrice, elle qui n'a jamais rien protéger avant dans sa vie et qui y met tant d'application pour moi. Quelque chose que je ne mérite absolument pas.
- Vas-y, fait ton petit monologue si tu veux. Tu as déjà gagné.
Je ne sais pas comment il fit pour me comprendre étant donné l'état de mes cordes vocales, mais il répondit :
- Je ne veux pas faire de petits monologues. Je voulais voir si tu étais encore en vie.
J'ai dodeliné de la tête en laissant mes paupières se fermer. Sans rien répondre. Étais-je en vie ? De toute façon même si on considérais que respirer suffise pour être en vie, combien de temps le serais-je encore ?
Il s'approcha encore quelques pas. Et j'ai finis par poser la question qui flottait dans l'air depuis l'instant où il avait cesser de se cacher.
- Pourquoi ?
À vrai dire je ne me souciais même pas tant de la réponse, ce n'était pas pour moi que je l'ai posait, c'était pour ses autres victimes.
Il pris son temps avant d'expliquer :
- Je me fiche d'ouvrir les portes. Ce qui m'intéresse ce sont les gens, et ce qu'ils cachent à l'intérieur.
- Je sais ça, abrève.
- ... Ce que j'ai découvert, c'est que les gens sont tous pourris. Je ne vais pas t'expliquer ce que j'ai vu, ce que j'ai vécu, avant d'arriver à cette conclusion, tu n'as besoin que de savoir que j'ai aucun doute sur cette notion : les gens sont mauvais.
Tant de choses n'allaient pas avec sa logique, mais je n'avais pas la conviction de corriger quelqu'un qui n'entendrait rien, qui avait condamné 13 personnes pour ses idées.
- Mais... j'avais encore espoir tu sais. Je me disais, quelque part, il doit y avoir encore des gens sincèrement bons. Alors j'ai cherché et j'ai eu cette opportunité, de voir 16 génies poussés dans leur retranchements et voir ce qu'ils cachent vraiment au fond d'eux. Trouver un trésor.
Il aurait pu en trouver ici, des trésors. Anjali, Axel, Mélanie, Cassiopée. Peut-être son trésor était-il mort assassiné ici.
- Et ça valait le coup ?
Il se tut, avant de souffler doucement :
- Non.
Il se rapprocha encore d'un pas.
- Il n'y a vraiment pas de bonnes personnes, nul part, jamais. Même toi. La dernière.
Nyx réagit d'un coup, me poussant sur le côté, me séparant du corps de Nikolaï. J'ai relevé la tête. Remington tenait un couteau dans sa main.
Sur le bras de Nyx une longe estafilade débordait déjà de sang. Elle me tira debout, nous éloignant de lui et se saisit de la hache qui traina toujours là, son manche brunit par le feu et rougit par le sang, mais toujours utilisable.
Remington soupira, il posa ses yeux sur nous et inclina légèrement la tête :
- Tout ceci fut un échec total. Si ça n'avait pas été moi, ça aurait été quelqu'un d'autre, mais qu'importe les ambitions qui nous pousse, il n'y vraiment rien à sauver. Alors...
Il commença à s'approcher de nous :
- Il est temps de vraiment mettre fin à tout ça.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top