Chapitre 7 (1)

(je préviens encore une fois au cas où tw pensées suicidaires)



Je suis sortie de la pièce sans regarder derrière moi, sans réfléchir à ce que je venais de leur crier, sans repenser à la porte que je venais de claquer.

Je tremblais de tout mon corps et je ne savais même pas quelle était l'émotion qui en était l'origine. Je voulais juste partir d'ici aussi loin et aussi vite que possible. Je voulais quitter cet endroit, peu importe pour aller où.

Alors j'ai couru, aussi vite que ma jambe me le permettait, je suis passée à côté des chalets vides, et de la station déserte, et je suis partie. Après tout, il n'y a aucune barrière ici, pas de douves, ni de barreaux.

Mais alors que j'avais à peine quitté la station j'entendis des pas derrière moi. Forcément.

Qui m'avait suivi ? Pas Nikolaï (je reconnais le rythme plus lent et le bruit plus lourd de ses pas). Violaine peut-être ?

Je tournai la tête. Royale. Ou devrais-je dire Nyx puisqu'il y a personne autour.

Elle ne m'appela pas mais malgré moi je ralentis un peu trop, et elle me rattrapa, avec ses jambes maigres et fines qui vont toujours trop loin devant elle comme si elle voulait avaler le sol sous ses pas.

Une fois à mon niveau, elle ne me toucha pas. Je remarque alors que mes points étaient si serrés que mes ongles étaient rentrés dans ma peau. J'étais tellement couverte de sang que je n'avais pas remarqué que j'avais entamé mes paumes et que je saignais.

Elle me fit m'arrêter, sans même poser une main sur moi, juste avec sa présence et son regard. Ma poitrine se soulevait et s'abaissait trop fort, j'étais encore furieuse. Mais tout le monde sait que la colère n'est qu'un vernis pour la douleur.

La seule raison pour laquelle j'acceptai de stopper ma fuite et que je me retenais de lui crier dessus, c'est que Nyx n'a pas voté de toute façon. Elle était comme un fantôme, impuissant à faire quoi que ce soit ici. Et ça ne sert à rien de s'énerver contre les fantômes.

Une fois que j'étais bien à l'arrêt, elle essaya enfin de maladroitement poser sa main sur mon épaule. Mais c'était trop tôt, je la balayai violemment d'un geste sec et puis du plat de mes paumes contre son torse je la repoussai brutalement. Elle perdit un peu l'équilibre et recula d'un pas.

Les mots étaient coincés au fond de ma gorge, ma rage m'aveuglait et m'empêchait de prendre des décisions logiques, ou des décisions tout court, et je repartis dans ma marche, sans autre but précis que de partir. Peut-être pourrais-je faire comme Anoushak, aller mourir loin dans la montagne, traquée par les drones et transie par le froid mais en faisant un grand fuck au monde.

Enfin Nyx m'appela :

- Yssi attend !

Je me retournai. Le silence maintenant brisé, les mots étaient prêts à sortir, même s'ils auraient probablement mieux valus qu'ils restent là où ils étaient, et même si je ne prenais pas de plaisir ou de soulagement à les crier :

- NE M'APPELLE PAS COMME ÇA.

- Lyslas.

- NE M'APPELLE PAS DU TOUT.

Ma voix s'était cassée de façon ridicule.

La force avec laquelle je le lui ai ordonné sembla la choquer une seconde. Elle voulut reprendre doucement, pour m'apaiser, mais je ne voulais pas être apaisée. Je savais trop bien ce qui se cachait sous la violence de mes actions.

- S'il te plait écoute-moi...

Qu'aurait-elle pu dire qui aurait amélioré quoi que ce soit ? Je ne pouvais pas concevoir des paroles qui ne soient qu'un coup de couteau supplémentaire, je savais que ça n'ajouterais qu'à ma douleur car il n'y avait rien qui puisse changer quoi que ce soit à ce qui venait de se produire.

- Pardonne-leur...

J'ai serré les dents et j'ai tourné la tête pour ne pas crier de plus belle, comment osait-elle me demander ça ? Comment voulait-elle que je leur pardonne alors qu'elle venait de mourir sous leur yeux ?

Ne vous méprenez pas, je savais au fond de moi, et je sais aujourd'hui que ça n'était pas à moi de leur pardonner. Qu'était leur crime ? Vouloir vivre et sauver leurs derniers amis ? Échapper à un sacrifice qu'on leur avait imposé ?

J'étais sur le point de dire à Nyx quelque chose de mesquin, de méchant, et surtout d'égoïste, quand elle me lâcha :

- J'aurais voté pour elle moi aussi tu sais.

J'ai manqué de répartie.

Nyx poussa un profond soupire, me sourit d'un air triste, mélancolique et continua :

- Tu crois quoi ? Que je n'aurais pas fait comme eux ? Ou tu n'imagines pas du tout ce que j'aurais fait parce que de toute façon je ne pouvais pas voter ? Je vais te le dire, j'aurais voté pour Cassiopée aussi, même si je n'aurais pas été exécuté avec vous, parce que je veux te sauver Lyslas. Toute ces...

Elle fit un vague geste autour d'elle :

- Ces machinations que je fais, c'est pour te sortir d'ici... Je...

Elle se tue, passa une main sur son visage, étalant un peu son maquillage au passage, et finit par reprendre très doucement :

- Je ne suis pas une super-héroïne, je ne fais pas les choses par magie, chaque morceau d'information je l'ai cherché, chaque repérage j'ai pris des risques, chaque arrivée grandiose je l'ai préparé. Si tu pouvais voir mon point de vue tu comprendrais que je ne suis pas infaillible comme tu le penses... Yssi, pourquoi est-ce que tu crois que je t'appelle comme ça ?

Je n'ai rien répondu, parce que si elle posait la question, c'est probablement que ça n'était pas un surnom choisi au hasard, comme je m'en étais convaincue, alors que je savais très bien au fond que la coïncidence était étrange.

- Même si tu le voulais tu ne pourrais pas me reconnaître avec... tout ça ...

Elle fit un geste pour se désigner elle-même, et tous ses artifices, le maquillage, les lentilles, le costume et (un soupçon que j'avais confirmé seulement récemment), la perruque.

- Mais... Mais on se connaissait... avant, tu te souviens ?

Avant. Je sentais dans la lourdeur de ce mot qu'elle savait. Mais ce qu'elle ne savait pas c'était que :

- Non je ne me souviens pas. Je ne me souviens de presque rien d'avant.

Quasiment tout avait été effacé, bloqué, mis hors de portée. Mis à part des bribes infimes, plus proches d'impressions que de véritables images mentales, ma mémoire commençait avec l'accident. Elle déglutit, l'air encore plus hésitante, mais elle recomposa son masque d'assurance et repris bien plus confiante, un petit sourire aux lèvres.

- Et bien ma chère, sache que nous étions amie à un moment. C'était il y a une éternité, certes, mais je n'ai rien oublié je te l'assure.

J'ai pris du temps à répondre.

- Je croyais...

Ma voix était enrouée alors je me suis raclée la gorge avant de continuer :

- Comment on a pu se rencontrer, je ne crois pas être déjà rentrée dans un casino et tu m'as dis que tu ne sortais presque pas de chez toi enfant, que c'était ta soeur qui allait à l'école...

l'évocation du souvenir la crispa, mais elle développa tout de même.

- On s'entendait parfaitement avec ma soeur. Parfois on mentait à notre père et on échangeait les rôles... bref, c'était peu fréquent parce qu'on avait peur de se faire découvrir, et parce qu'à chaque fois je devais cacher ma... différence - ne pose pas de question dessus je n'y répondrais pas - mais je sortais.

- Et tu m'as rencontré ?

Elle hocha péniblement la tête, et reprit du ton le plus enjoué qu'elle puisse :

- Entre mes 8 et mes 11 ans, je suis partie en France avec ma famille. Ma mère était française et elle avait le mal du pays aux états-unis. Ma soeur et moi étions trop petite pour participer dans les arnaques de toute façon. On ne faisait que s'entrainer. Et puis ma mère était capricieuse. Elle voulait voir du pays. On a déménagé en Allemagne, proche de la frontière d'Alsace . Il y avait un petit parc en bas de chez toi, ton père t'y amenait souvent. On jouait là-bas.

Une vague image, floue comme dans un vieux rêve, vint me chatouiller l'arrière des pensées. Nyx reprit.

- Tu n'imagines pas à quel point ces moments étaient importants pour moi. Chaque sortie était volée. Je n'arrivais pas à parler aux autres enfants, même quand je prenais la place de ma sœur à l'école, j'avais trop peur de dire une bétise et d'être découverte. Mais ma soeur ne te parlait jamais, tu étais mon secret, la seule chose que ma soeur n'avait pas mais que j'avais. Tu es la première et la seule amie que je n'ai jamais eue. J'ai tenu bon dans les moments les plus durs en pensant à la prochaine fois que je viendrais jouer avec toi.

Elle s'efforça de me cacher le tremblement de ses mains et finit par croiser les bras pour se donner bonne figure et termina :

- Un jour tu as arrêté de venir. J'étais dévastée. Pendant un moment j'ai tenté de me résigner mais ma vie était si... bref j'avais l'impression d'avoir vécu un deuil, sauf que je savais que tu étais encore en vie, quelque part. Comment faire le deuil de quelqu'un qui n'est pas mort, de quelque chose qui n'est pas vraiment perdu ? Alors je t'ai cherché. Je ne connaissais que ton surnom, Yssi. Ça m'a pris 1 an pour te retrouver. Tu étais en Nouvelle-Zélande. Inaccessible. Alors j'ai trouvé des prétextes pour te parler. Mais tu es invisible sur les réseaux sociaux, tu ne réponds à chacun mail ou message qui n'est pas professionnel. Je n'avais pas d'autres choix que de te joindre grâce à ton travail, après tout ce n'est ni l'argent ni les fausses identités qui me manquaient. Je t'ai acheté une trentaine d'instruments sous une dizaine de noms différents, j'en ai gardé quelques uns et j'ai offert les autres comme prix dans la casino. Ça m'a attiré un public différent de d'habitude d'ailleurs, après tout les instruments fait par ta main sont extrêmement recherchés et coûteux. Ce fut très rentable au final, mon père n'a rien dit du coup, et j'ai continué.

Elle se passa une main dans les cheveux, l'air dépassée par son propre discours, par la vulnérabilité qu'elle venait d'avouer.

- Nikolaï. Lui a voté pour toi.

Moi je l'ai fixé presque une minute entière confuse sur la marche à suivre. Quoi faire, quoi lui dire.... Avant que j'ai le temps de trouver une réaction adéquate, sous le poids du silence pesant entre nous, Nyx ajouta :

- Alors voilà Yssi je ne peux pas te consoler, je suis aussi en ruine que toi, va voir Nikolaï cet idiot qui était prêt à mourir parce que tu lui as demandé. Pleure dans ses bras et revient quand tu seras prête. On est pas encore sortie d'ici et j'ai besoin de toi.

Elle me jeta un dernier regard rose, détourna les yeux, déglutit, essuya une trace d'eyeliner qui avait coulé sur sa joue et me fit un grand sourire un peu tremblant :

- Regarde-moi ça, mon maquillage est foutu. Un peu plus et on pourra voir ma peau sous le fond de teint. Je vais me re-peinturlurer tout ça.

Elle ne vérifia même pas ma réaction de repartit, disparut au coin d'un chalet, comme elle le faisait si bien. Je finis par juger que c'était trop fatiguant de rester furieuse, et je suis allée vers le chalet de Nikolaï. Je devais en savoir plus sur ce que Nyx venait de m'avouer.

Une fois devant la porte en bois, je l'ai fixé en silence plusieurs longues minutes, sans réussir à trouver la force de frapper. Pourquoi est-ce que je venais le trouver de toute façon ? Parce que Nyx me l'avait dit, par curiosité, ou parce qu'au fond de moi je savais que j'avais désespérément besoin d'aide ?

Mais je n'eu pas le temps de faire demi-tour car il ouvrit soudainement comme s'il m'attendait de toute façon. Peut-être qu'il m'attendait vraiment.

J'ai pleuré, beaucoup. Crié un peu aussi. J'ai dis que je n'avais plus rien, que je n'avais jamais rien eu, que je ne serais jamais heureuse, que je ferais mieux de mourir maintenant, que ça ne servait à rien de toute manière, qu'on s'acharnait juste pour souffrir un peu plus.

Ce genre de choses, vous voyez l'idée. Quand je fus assez exténuée pour me taire, il me porta devant la cheminée, m'enroba de couverture comme dans un cocon et fit un feu pour m'empêcher de mourir de froid.

Je me suis endormie comme ça.

En me réveillant mes pensées étaient un brouillard confus. Je me suis un peu dégagée des couvertures, et je me suis péniblement mise debout. Puis j'ai fais quelque par dans le chalet et j'ai appelé :

- Cassiopée ?

D'habitude elle était toujours là à mon réveil... étrange. Et qu'est-ce que je faisais par terre de toute façon ? Pourquoi il faisait si froid ? Est-ce que j'avais oublié de fermer une fenêtre ?

J'ai repris un plaid que j'ai enroulé autour de mes épaules et je suis allée dans la cuisine. J'avais besoin de m'hydrater, j'avais l'impression que ma tête allait exploser.

J'ai cherché ma tasse dans le placard, mais elle n'était pas là où je la mettais toujours. Il manquait aussi mon café habituel, mais il y avait beaucoup de boîte de thé en tout genre.

J'ai ouvert le robinet et j'ai mis mes mains sous le flot d'eau gelée, puis je me suis aspergée le visage, en cherchant ce qui se passait. Puis je me suis soudain souvenue. Mon chalet avait brûlé, je devais donc être dans celui de Cassiopée, d'où l'absence de ma tasse.

Je suis sortie de la cuisine et je suis retournée dans le salon. Mais où était-elle ? J'ai appelé encore une fois, un peu plus fort :

- Cassiopée ?

Nikolaï sortit soudain de son atelier. Nos regards se sont croisés, et j'ai vu dans le sien la pitié et l'inquiétude.

- Tu devrais te reposer... tu veux quelque chose ?

J'ai cligné des yeux de confusion, bloquant mes propres pensées dans un réflexe de protection.

Il s'approcha et pris très doucement mon poignet.

- Tes brûlures n'évaoluent pas bien, il faudra que je désinfecte et que je refasse tes bandages.

Mes brûlures ? La douleur était si répandue sur l'intégralité de mon corps que je n'y prêtais pas attention. C'était un état général montant et descendant à chaque mouvement que j'ignorais. Il me guida vers la cheminée et je me suis laissée faire.

- Tu veux du thé ?

J'ai hoché la tête, toujours muette et déboussolée. J'ai demandé encore d'une voix étranglée :

- Cassiopée ?

Il ne répondit pas et je n'arrivai plus à endiguer mes propres souvenirs plus longtemps.

L'absence de Cassiopée, une absence maintenant infinie, me frappa à l'estomac. Elle n'était plus là, elle n'était plus là.

Je me suis laissée tomber à terre, et je me suis proscrit en boule en luttant pour respirer.

Il voulut poser une main sur mon dos mais il hésita à cause des blessures en dessous. Alors il se replia sur une des seules zones épargnées, ma tête. Il caressa l'arrière de ma tête et attendit que je m'affaisse de nouveau, de nouveau vidé d'énergie.

Puis il s'absenta un moment et revint avec une tasse de thé. Il la posa devant moi alors que je fixais le feu d'un air vide.

Je n'y ai pas touché. Je l'ai entendu faire sa vie dans le salon derrière moi, mais je ne prêtais plus attention à mon entourage. Je ne savais plus quoi faire de moi.

Que me restait-il ? Si seulement j'avais pu mourir pour les faire sortir, mais je savais que ma mort n'apporterait rien, si ce n'est encore plus de désespoir et de peur aux autres.

Le feu dansait devant moi, la seule source de chaleur de la pièce. Je me suis demandée ce qui serait le pire. Mourir dans l'enfer brûlant qui m'avait laissé ce corps cloqué et douloureux, ou partir dans le froid glacial, comme Anoushka bleuie et et couverte de givre.

Le froid quand il devient trop intense ironiquement donne une sensation de brûlure, mais passé un certain point on ne sent plus rien, à ce qu'il parait, on a l'impression de s'endormir, et on ne se réveille pas.

Le feu j'ai déjà eu un avant goût. Ça fait mal. Très. Mais combien de temps aurais-je du rester encore coincé avant que tout s'arrête ? Probablement beaucoup moins que si j'étais partie seule dans la montagne pour la laisser me vider de toute ma vie et ma chaleur.

Soudain Nikolaï m'attrapa le bra, un peu trop fort, et j'ai poussé un cri de douleur. Il me lâcha immédiatement et j'a replie mon bras contre moi en gémissant, puis j'ai levé les yeux vers lui, d'un air trahis. Pourquoi avait-il fait ça ?

Soudain j'ai replacé les choses. Sans m'en rendre compte, je m'étais avant vers le feu, mon visage cuisait presque avec la chaleur qui se dégageait de l'âtre et le bout de mon plaid était sur le point de s'embraser.

Il s'empressa de l'éloigner, et il me pris les épaules pour me tourner vers lui, cette fois très doucement.

- Ne fait pas ça, s'il te plait.

Je l'ai regardé en silence. Ces derniers temps j'avais de moins en moins envie de parler. Ses yeux bleus pâle était fixé sur moi, ses sourcils pâles froncés d'un air douloureux.

Il souffrait pour moi mais ne savait pas utiliser les mots pour le dire. je pouvais comprendre ça, il n'avait pas le talent de Cassiopée pour exprimer chaque émotion par chaque pore, ni l'éloquence de Royale pour me faire des déclarations.

J'ai soupiré comme pour lui indiquer que je cédais à sa demande. Il ne fallait plus que je me laisse embarquer dans ce genre d'idée, il fallait que je prenne pour moi pour continuer, encore un peu. De toute façon ça serait bientôt finie.

J'ai hoché la tête en signe de promesse, et il me relâcha.

- Dis-moi si tu as besoin de quelque chose. Je reste là.

J'avais compris qu'il me surveillait de près. Il avait probablement peur que s'il détournait les yeux une minute je cède à mes pensées morbides. Nyx avait raison, c'était bien la personne dont j'avais le plus besoin en ce moment-même.

Après un moment à dodeliner de la tête devant l'âtre faiblissant, j'ai finis par tomber dans un sommeil agité et hanté de cauchemars.


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