Chapitre 5 (6)
Elle ne me jeta pas un regard. Son corps se soulevait et s'abaissait trop rapidement. Elle hyperventilait. Parfois un minuscule gémissement lui échappait.
L'urgence de la situation ne me permettait pas de prendre le temps de me poser pour réfléchir. J'ai pris le tabouret haut qui gisait dans un coin et j'ai tenté de replacer la porte autant que je le pouvais et de la bloquer avec, puis je me suis avancée vers la démineuse sans faire de geste brusque de peur de provoquer une réaction violente de sa part.
La voix étranglée, entre deux expirations tremblantes, elle me lança avec toute la force dont elle pouvait faire preuve :
- V-Va-t-en !
Je ne pouvais pas la laisser ici. Impossible d'abandonner quelqu'un à sa mort.
- Les robots viennent pour toi, tu dois venir avec moi.
- C-c'est trop tard.
J'ai constaté que les bouts de miroirs l'avait coupé d'un peu partout, sa peau était poisseuse de sang. L'odeur ferreuse me révulsa, me rappelant une scène encore trop fraîche dans ma mémoire, mais j'étais trop concentrée sur mon objectif pour laisser le haut-le-cœur monter plus.
J'ai essayé de tirer son poignet pour la redresser mais elle repoussa ma main avec des gestes frénétiques, comme pour chasser un insecte invisible.
- No-non ! Va-t-en ! Va-t-en !!
- Je ne peux pas te laisser ici, ils vont te tuer !
Elle inspira de façon hachée, entrecoupée par ses spasmes et ses sanglots, relevant à peine la tête, son visage dur strié de larmes et ses yeux perdus dans une autre réalité, ou probablement – je le devinais – dans un passé cauchemardesque, qui la tirait vers le bas comme des tentacules de kraken, lui faisait perdre pied avec la réalité et l'entrainant vers le fond.
J'avais l'impression de ressentir ce qu'elle vivait à sa place, avec mes propres monstres marins accrochant mes chevilles pour me tirer sous la surfaces.
Elle suffoqua :
- C-c'est-ce que j-je mérite-
J'ai serré les mâchoires si fort que j'ai crus que j'allais me fendre une dent. Combien de fois cette pensée avait pu traverser mes pensées "c'est ma faute". Je ne l'ai pas écouté et puis j'ai attrapé son visage pour la forcer à me regarder. Elle se débattit. Même dans cet état, la démineuse avait plus de force que moi, mais j'ai eu le temps de lui dire avant qu'elle ne se libère :
- Ce n'est pas à toi de juger de ce que tu mérites ou non.
Mais elle était engluée dans son enfer personnel, m'écoutant à peine. Elle hoqueta :
- Pourquoi suis-je encore là, pourquoi suis-je encore ici et pas eux ?!
J'ai entendu le vrombissement des robots qui venaient d'entrer dans le chalet, probablement par la fenêtre que j'avais brisé.
- Putain.
Je n'avais pas le temps de faire de la thérapie à Mizuki. Il fallait sortir d'ici et vite avant que les drones ne trouvent le moyen de nous atteindre. J'avais bloqué la porte comme je pouvais, mais après l'avoir défoncée elle était fragile et menaçait de céder à chaque instant.
Elle se recroquevilla encore en entendant le bruit des machines, ses pieds raclèrent le sol et se coupèrent de plus bel sur le miroir brisé, qui renvoyait notre image comme un kaléidoscope, dans sa tentative de se repousser encore plus contre le mur et elle s'arracha presque les cheveux de ses deux mains crispées sur sa tête.
- J'aurais du mourir avec eux avec tout le monde je ne devrais pas être ici.
Elle se mis à débiter d'une traite, sans prendre le temps de respirer :
- Ils comptaient sur moi - j'aurais du mourir à leur place - je n'ai pas le droit d'être ici alors qu'ils sont morts - je n'ai pas le droit je ne devrais pas - pourquoi suis-je encore ici - je les aient tous laissés mourir - je les ai tous tués - c'est ma faute c'est ma faute c'est ma faute - je suis un monstre -
J'ai attrapé ses épaules pour la secouer un peu, elle devait reprendre ses esprits. Soudain un vacarme assourdissant et sec me fit frôler la crise cardiaque quand de la porte jaillirent des échardes de bois. Les robots nous avaient trouvé et tirait à travers la porte.
Elle ne tiendrait pas longtemps, je l'avais trop abîmé.
Cette fois, j'ai tiré d'un coup sec sur le bras de Mizuki pour la redresser. Elle tenait à peine sur ses jambes, se laissant tomber comme un poids mort, mais j'étais parvenu à la soulever suffisamment pour passer mon épaule sous son torse et que je puisse la tracter sur mon dos.
À mon plus grand soulagement, elle ne se rebella, et resta inerte sur mes épaules. J'ai enjambé la baignoire et j'ai ouvert en grand la fenêtre en vers dépolie le cœur battant, en priant pour qu'aucun drone ne m'attende de l'autre côté de la vitre.
Voyant que personne ne me tirait dessus j'ai poussé Mizuki de l'autre côté dans la neige, et je me suis glissée à l'extérieur aussi vite que possible, puis j'ai claqué la fenêtre tant mieux que mal pour limiter la progression de l'essaim mortel.
J'ai repris Mizuki sur mes épaules, et elle se laissa faire encore une fois, mais ne m'aida pas pour autant. Son corps était trop détendue, cela me compliquait la tâche, elle manquait de glisser chaque fois que je penchais un peu trop.
Heureusement pour moi, malgré sa masse musculaire, la démineuse était suffisamment petite pour ne pas être trop lourde pour moi.
Avec toute la force restante dans mes jambes, j'ai courut vers le chalet le plus proche utilisant autant que possible le mur des autres chalet pour m'abriter de peur que les robots ne nous tire dessus.
J'étais devenu une cible mouvante : cette fois les robots n'hésiteraient pas à me cribler de plomb en visant Mizuki et je n'étais pas sûr que les balles soient toutes arrêtées par le corps de mon fardeau.
Ce qui me sauva fut que les robots n'étaient pas très futés. Une fois qu'ils furent entrés dans la salle de bain, ils avaient probablement pris du temps à ressortir du bâtiment par la fenêtre que j'avais brisé.
J'avais donc une bonne longueur d'avance lorsque les premiers vrombissements se firent entendre derrière moi.
Je venais d'atteindre le chalet d'Aimana quand j'ai entendu le premier coup de feu.
J'étais à mi-chemin, il n'y avait pas moyen que je parvienne à faire la seconde moitié sans qu'aucune balle de me touche.
Les robots étaient peut-être un peu stupides, mais ils savaient viser.
Il fallait trouver une solution, et vite.
Les 4 chalets de cette zones étaient vides. Je n'étais pas certaines qu'ils étaient ouvert, mais étant abandonnés, ils avaient de bonnes chance de l'être. J'ai tourné vers la porte du chalet d'Aimana et j'ai appuyé sur la poignet.
La porte céda devant moi et je manquai de m'effondrer au sol. Une vague de soulagement me traversa. J'ai refermer la porte derrière moi et j'ai courut dans l'atelier d'Aimana.
J'allais prendre un paris risqué, mais c'était ma meilleure chance de m'en sortir.
J'ai jeté un coup d'oeil pour vérifier que les robots se dirigeait bien vers la porte d'entrée vers laquelle j'étais rentrée. Le raffut de la porte se faisant transpercée de balle m'assura que c'était bien le cas.
Maintenant plus qu'à prier qu'ils ne tirent pas de conclusion de la fois dernière. J'ai ouvert la fenêtre et je l'ai enjambé, puis j'ai attendu d'entendre la porte céder sous les attaques des drones.
Au moment où il pénétraient dans la pièce, j'ai sauté au sol et j'ai refermé la fenêtre avant de courir de plus belle, droit vers la porte du chalet de restauration.
Si mon plan marchait, sortir du chalet retarderait les robots qui chercheraient à me suivre par la fenêtre que j'avais refermé derrière moi, avant de ressortir par la porte, et me laisserait le temps d'atteindre la salle à manger où je-
Je quoi ?
Est-ce que Mizuki se ferait quand même abattre, mais devant nous tous ? Je n'avais aucune idée de si Monokuma l'épargnerait si je la ramenais à table, peut-être pas, probablement pas.
Mais il était trop tard pour remettre en cause mon plan. Je n'aurais eu le temps de réfléchir à rien.
J'ai effacé mes doutes d'une pensée : tant pis j'échouais, au moins j'aurais essayé.
J'avais presque atteint la porte quand un choc brutal comme un coup de marteau mais en 10 fois plus violent, fit céder ma cheville sous mon poids. Je ne compris pas immédiatement ce qui s'était passé avant de voir le rouge imbiber le bas de mon jean. Petit à petit une brûlure atroce traversa ma jambe en partant de la zone rougit. Mon esprit se vida complètement pendant quelques seconde.
Puis un sifflement et la peur reprirent le dessus et me firent comprendre que les robots m'avaient déjà rattrapé et nous tiraient dessus. Je ne sais pas si Mizuki avait été touchée.
J'ai reposé le pied au sol, ignorant la douleur obsédante qui me traversait soudain. Un cri de douleur et de rage m'échappa.
J'ai vite compris que les robots n'avait pas raté leur cible en touchant ma cheville : il l'avait visé pour me faire tomber à terre.
Plus que quelques mètres, il fallait que je le fasse, quelques pas ! Juste quelques pas !
J'ai trébuché de nouveau, incapable de supporter tout ce poids sur ma jambe blessée. C'était finis, j'avais pris un risque, et je devais maintenant en assumer les conséquences. J'ai eu une pensée pour Cassiopée à qui je n'avais rien pu dire, et à-
Une main me rattrapa et me tira au dessus du sol moi et Mizuki dans une traction vertigineuse, tout ce que j'ai pu voir fut une chemise rouge à carreau.
Nikolaï. Je me suis agrippée de toute mes forces au tissu, des tâches blanches piquaient mon champ de vision comme des flocons de neige floutés par une caméra dans un vieux film.
Une chaleur me réchauffa les joues tout à coup. Nous étions entrés dans le chalet.
Quelques secondes plus tard, Nikolaï me déposa sur une chaise et je me suis redressée tant bien que mal pour rester consciente et comprendre la situation.
Monokuma nous regardait en silence, et avec toute ma force restante, malgré mon essoufflement et la douleur cuisante battant comme un deuxième cœur dans ma jambe, j'ai presque supplié le cyclope.
- Mizuki est là maintenant !
Il me jugea une seconde, l'air partagé sur sa réponse. Maintenant je le savais, je pouvais percevoir les deux partie de sa machine se battre l'une contre l'autre, mais comme je le redoutais, la partie la plus inhumaine écrasa l'autre.
- Arriver en retard, c'est quand même être en retard.
Les robots déboulèrent alors dans la pièce. J'ai eu l'impression que le temps se suspendit et les épaules de Mizuki s'affaissèrent dans un geste d'abandon. Soudain Cassiopée se leva d'un coup et cria à Monokuma :
- Attend !
Les robots s'arrêtèrent, leurs canons déjà pointés vers l'ultime démineuse, et Monokuma tourna son œil unique vers Cassiopée :
- Mi-Mizuki n'était pas en retard du tout !
Le cyclope inclina sa tête sur le côté, dans un geste interrogateur. J'ai vu Cassiopée chercher une réponse désespérément. Léo intervint pour continuer la phrase de Cassiopée :
- Bien sûr elle était là depuis le début !
Monokuma trancha :
- Je ne l'ai pas détecté, elle n'était pas à table.
La voix paisible, presque joyeuse de Royale s'éleva alors à son tour.
- C'est parce que Mizuki était sous la table !
- Sous la table ?
Répéta Monokuma d'un ton intrigué :
- Que faisait-elle sous la table ?
Remington brandit une cuillère comme Escalibure avant de déclarer :
- Elle récupérait ma cuillère ! Que j'avais fait tomber !
Le cyclope ne dit rien, et nous avons tous guetté sa réaction le coeur battant et la respiration suspendue. Allait-il accepté ce mensonge improbable ? Après tout je venais de ramener Mizuki dans la pièce d'un air paniqué et une balle dans la jambe, il était évident que nous racontions n'importe quoi.
Encore une fois, j'ai vu le dilemme interne qui se jouait dans les mécanismes de notre juge.
Le combat fut rude. On aurait presque pu voir les engrenages analyser chaque idées, le mécanisme, le bon, chercher les failles dans le second, tourner l'argument que nous avions donnés sous toutes les coutures pour le présenter à son implacable système sous l'angles idéal qui lui permettrait de ne PAS tuer Mizuki.
Et finalement, à mon immense soulagement, cette fois le bon cyclope remporta le combat.
- Je vois. Mizuki n'était en vérité pas absente. Elle n'a donc pas besoin d'être éliminée.
Une vague intense de soulagea nous traversa. J'ai enfin soufflé, et le stress intense qui m'avait animé ces dernières minutes se dissipa. En même temps la douleur, terrible, s'abattit sur moi, plus vive et discernable que quelques minutes auparavant.
Tout le monde avait l'air sous le choc de ce qu'il venait de se passer, et les regards étaient tous tournés vers moi. Je venais de leur offrir un spectacle particulier. J'imagine.
Comment allais-je leur expliquer mon geste un fou je l'admet ?
Je n'avais pas envie d'y réfléchir pour l'instant. j'avais simplement envie de dormir et que cette foutu douleur disparaisse.
Soudain Remington s'exclama :
- Nikolaï, t-ton épaule !
J'ai tourné la tête vers celui qui m'avait – encore – sauvé la vie avec un soubresaut de stress et de peur. Sur le derrière de son épaule fleurissait une grande corolle de sang rouge sombre sur le tissus de la même couleur. J'ai essayé de me lever pour m'approcher et l'aider, mais je me suis effondré en un instant. J'avais soudain oublié que j'étais blessé à la cheville obnubilé par le risque de ma décision stupide ait pus blesser, voire tuer, mon triple sauveur.
Les gens commencèrent à s'agiter autour de lui et de moi. Mizuki elle, n'était pas encore tout à fait revenue dans le monde réel et peinant à réagir à ce qui l'entourait.
Une fois s'exclama :
- C'est bon, il irait bien !
C'était Violaine qui inspectait la blessure avec le regard de quelqu'un qui avait déjà vu des blessures du genre, je ne me suis demandée où.
Soudain des bras m'entourèrent. Cassiopée venait de se jeter à mon cou. Son visage dégoulinant de larmes. Elle tremblait, visiblement de peur, ou peut-être de soulagement, ou certainement des deux à la fois.
Elle appuya son front contre le mien et me dit comme si elle voulait me gronder mais il n'y avait pas de réel colère dans sa voix :
- Pourquoi t'as fait ça ! T'aurais pu mourir !
J'ai bredouillé.
- Je-je ne sais pas c'est juste que-
Elle m'interrompit :
- Je m'en fiche en fait.
Et sur cette dernière déclaration elle plaqua ses lèvres contre les miennes.
Je n'ai pas eu le temps de comprendre ce qui m'arrivait, mes sensations brièvement accrues me donnant conscience pendant quelques secondes de tout ce qui m'entourait comme si j'avais fait un pas en dehors de mon corps. Puis soudainement l'extérieur cessa d'exister et je ne perçus que les lèvres douces de Cassiopée.
Elle se détacha de moi et me jeta un regard inquiet et heureux.
Puis derrière son épaule, j'ai croisé le regard de Mizuki, mélange complexe de honte, de ressentiment, de gratitude et d'incompréhension, une dernière fois.
Et je me suis évanouie.
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