Chapitre 5 (2)


Anoushka parut surprise de me voir, puis inquiète.

- Je vois que tu as discuté avec Royale... ça s'est bien passé ?

J'ai haussé une épaule. Notre conversation était beaucoup trop personnelle pour en parler avec qui que ce soit d'autre – je lui avais même promis – alors j'ai tenté de rester aussi vague que possible.

- J'imagine que oui, en tout cas nous ne sommes pas fâchées.

Anoushka souris légèrement l'air à la fois soulagé et toujours légèrement mal à l'aise.

- Tant mieux. Avec tout ce qu'il s'est passé j'ai eu peur que... enfin bon tu vois...

Elle n'avait pas besoin de finir sa phrase pour que je comprenne. Soudain elle ajouta :

- Ça tombe bien que je te croise ici, je viens de voir Monokuma, il veut qu'on se réunisse dans la salle de spectacle, mais je ne suis pas très douée pour les annonces aux autres, je comptais demander à Violaine de le faire.

- Elle est dans le chalet commun, je peux lui transmettre si tu veux ?

Elle hocha la tête de haut en bas, et compléta :

- Il veut qu'on se retrouve après manger, vers 14h. Il a dit que la présence de chacun n'était pas facultative. Tu sais comme ses punitions peuvent être arbitraires et froides...

J'ai grimacé en repensant à la découverte de la punition réservée aux retardataires du diner. Anoushka m'a salué et elle est retournée s'occuper de Royale, qui devait probablement détester cette intrusion chez elle, mais ne pouvait rien dire étant donné son état.

Puis je suis allée retrouver Violaine. Elle m'assura qu'elle se chargerait de faire passer le message à tout le monde, et rentra chez elle en me remerciant – sans que je sache vraiment pour quoi. Je rentrée chez moi, préoccupée par quelles manigances pouvaient encore prévoir Monokuma.

J'ai fait passer le message à Cassiopée et à Léo mon voisin, et puis je suis retournée dans mon atelier. Quelque chose me poussa soudain à vouloir retourner à ce que je maitrisais de mieux. En entrant dans mon atelier je suis restée un instant face à mon violon presque achever.

Un moment j'ai songé à le laisser sur cette table et à reporter encore une fois sa finition, mais finalement je me suis assise en face de mon bureau, j'ai pris mes outils et j'ai repris sa fabrication.

Je ne supportais plus de voir cette objet inachevé. J'avais besoin de le terminer, comme pour passer à autre chose, pour avancer. Trop de choses s'étaient produite depuis que je l'avais commencé.

Au fur et à mesure que je peaufinais les derniers détails de sa conception, j'ai réalisé à quel point j'avais fait du bon travail sur cet instrument. Je crois que je n'avais fait preuve d'autant de finesse dans la fabrication d'un instrument de musique.

Certes le temps et les matériaux fournis avaient beaucoup aidée, mais ces derniers temps, j'avais construits mes instruments de façon instinctive, mécanique. Des gestes rodées par l'expérience, mais qui ne comportaient pas la ferveur du début, quand je tremblais d'excitation en voyant le résultat se profiler et déjà sentir les cordes vibrer sous l'archet dans cette plainte si pure que le violon exprimait mieux que moi et qui résonnait avec mon coeur.

Enfin l'heure de la déclaration de Monokuma arriva. Je me suis rendue avec appréhension dans le chalet de spectacle, ou Monokuma nous attendait patiemment sur l'estrade. Les autres arrivaient petit à petit et se positionnèrent sur les sièges en rang devant l'estrade.

Tout le monde fut vite là. Violaine avait bien remplit sa tache.

Monokuma prit enfin la parole pour nous annoncer sans émotion :

- Nous allons faire une fête.

J'ai écarquillé les yeux, Léo manqua de s'étouffé et j'ai entendu Cassiopée retenir une petite exclamation de surprise. Mizuki demanda grinçante :

- Et si on dit non ?

Monokuma pencha la tête. Un silence de quelques secondes suivit et alors il lâcha, à la surprise de tous, avec un voix qui grésillait comme s'il y avait des bugs dedans :

- Vous faites comme moi. Vous vous taisez et vous obéissez parce que vous n'avez et n'aurez jamais le choix de dire non.

J'ai regardé Cassiopée à ma droite, elle me rendit un regard aussi confus, puis j'ai tourné la tête pour chercher le regard de Royale. Cette dernière fixait Monokuma d'un air intense et concentré. Je n'ai pas eu plus de temps pour réfléchir à sa dernière déclaration, que le cyclope reprit.

- La fête aura lieu dans 10 jours, dans cette salle, à partir de 18h. Je m'occupe de toutes les préparations, tâchez juste de ne pas mourir avant.

Il descendit de l'estrade, un nuage de petits robots à sa suite, et sortis de la salle sans rien ajouter, nous laissant seuls et déstabilisés.

Violaine demanda au reste du groupe :

- Quelqu'un a compris ce qui vient de se passer ?

Royale s'appuya sur un fauteuil d'un air décontracté – mais je pouvais qu'elle le faisait pour se reposer.

- Monokuma veut encore plus de sang. Et il nous donne 10 jours de repos avant de réclamer son due.

- Qu'est-ce que tu veux dire par là ?

Demanda Remington d'un air inquiet, Royale haussa une épaule :

- Une fête c'est le moment parfait pour glisser entre les mailles du filet et commettre son crime. Et puis tous les évènements de Cyclope sont là pour nous pousser au meurtre.

Cassiopée essayait de nuancer ses propos :

- Ça pourrait aussi très bien se passer, si on reste tous ensemble dans la même pièce, et qu'on s'amuse ?

Mizuki leva les yeux et lui retorqua sèchement :

- Est-ce qu'une seule personne ici a envie de s'amuser ?

De l'autre côté de la pièce, j'ai vu Anoushka faire une petite grimace qui voulait dire « pas faux ». J'ai inspiré profondément. Les fêtes n'étaient pas trop ma tasse de thé. Royale reprit :

- Rester ensemble... Bonne chance avec ça.

Puis elle se dirigea vers moi et attrapa doucement mon poignet avant de me chuchoter :

- Je veillerais sur toi.

Puis elle me lâcha, me dépassa, et sortis de la pièce. Cassiopée attira mon attention en tirant légèrement sur ma manche :

- Qu'est-ce qu'elle t'as dit ?

Je n'avais pas le coeur de mentir à Cassiopée, mais j'étais un peu trop embarrassée pour dire la vérité, alors j'ai opté pour un demi-mensonge :

- Qu'elle veillerait sur nous.

Cassiopée haussa un sourcil dubitative, pas dupée le moins du monde par ma petite déformation des faits. Elle finit par me faire un sourire, étendit sa main bien haut pour m'ébouriffer les cheveux malgré nos 15 centimètres de différence, et me dit ironiquement :

- Je suis sûre que Royale prendra bien soin de nous.

J'ai très légèrement rougit, mais j'étais heureuse de voir qu'elle ne semblait pas mal prendre l'attention spéciale que me réservait Royale. Mais en parlant de cette dernière j'avais encore des questions à lui poser. Notamment sur ce regard étrange posé sur Monokuma avec son comportement étrange, et sa survie improbable.

J'avais été si bousculée par sa résurrection suivie de ses révélations que j'avais zappé les questions les plus importantes.

Une fois chacun rentrée chez soi je suis partie à la recherche de Royale. J'étais en train en train de scruter l'immensité blanche entre les chalets pour tenter d'apercevoir sa silhouette élancé, marcher à grands pas dans une direction inconnue comme elle le faisait toujours, mais comme d'habitude, ce fut elle qui me trouva. J'ai entendu dans mon dos sa voix, un tantinet moqueuse :

- Hm. Non. Visiblement je ne suis pas dans cette direction.

Je me suis retournée en sursautant.

- Oh Royale, comment tu savais que je te ch...

Ma phrase mourut sur mes lèvres en voyant son air complotiste et satisfait.

- ...J'imagine que tu ne me le diras pas ?

- Non.

Bien décidée à ne plus la laisser jouer avec moi avec ses messages cryptés, j'ai demandé en la fixant droit dans les yeux.

- Comment as-tu survécue ?

Elle sourit encore plus et croisa les mains dans son dos avant de se mettre à tourner autour de moi :

- hm... comment n'est-ce pas ? Après tout j'ai perdu tellement de sang, et mon coeur s'est arrêté si longtemps... comment ? Peut-être ne suis-je pas humaine ?

J'ai tourné la tête pour la suivre du regard :

- Que serais-tu d'autre ?

- Je ne sais pas, ton ange gardien peut-être ?

J'ai ris un peu sans pouvoir m'en empêcher en imaginant quoi que ce soit d'angélique en Royale. Elle était un feu-follet, un changelin, un diable, gardien peut-être, mais pas un ange ça non. Avant qu'elle ne me sorte encore une théorie plus emberlificotée sur sa nature véritable, je lui ai demandé :

- Qu'est-ce que tu caches sous tes lentilles Royale ? Quel est ton vrai non ?

Elle s'arrêta de tourner autour de moi et eut l'air de considérer la possibilité de répondre à mes question. J'ai attendu avec espoir qu'elle le fasse, mais elle finit par répondre en hésitant :

- Je te le dirais....

Je sentais arriver un « un jour », un « peut-être », ou un « quand » mais ce qui suivie fut un :

- ... Si tu remportes une partie de poker contre moi !

J'ai éclaté de rire franchement. Comme si j'avais une seule chance de gagner contre elle ! Je n'y avais jamais joué et elle m'avait avoué être capable de compter les cartes – chose que je croyais impossible sauf dans les films. Elle garda son sourire, l'air fière d'elle et reproposa :

- Aller, une petite partie, sans argent à la clef, ça pourrait s'avérer amusant.

J'ai levé les yeux au ciel, un sourire toujours au lèvre. Je ne me suis pas détournée de mon premier but en allant la voir.

- Peut-être un de ces jours d'accord. Mais en attendant j'ai encore des questions pour toi.

- Je t'écoute ?

- Qu'est-ce que tu sais sur Monokuma, qu'est-ce qui ne tourne pas rond avec lui ?

Elle jeta un coup d'oeil autour d'elle et me dit :

- Pas ici.

Puis elle m'entraina à l'extérieur du cercle – même si c'était plutôt un carré – des chalets avant de me confier :

- C'est comme s'il y avait deux personnes dans Monokuma...

J'avais eu un peu cette impression, mais en même temps...

- Mais c'est une machine ?! Comment ce serait possible ?

Royale haussa une épaule :

- Je ne sais pas trop mais c'est comme s'il y avait deux programmes qui s'entrechoquaient, et l'un, le froid, celui auquel on est habitué, est plus fort ce que l'autre. Le seul moyen dont l'autre peut s'exprimer, c'est en profiter des minis faiblesse du premier. Comme lorsqu'il m'a sauvé.

- Pardon ?!

Je n'étais pas sûre d'avoir bien entendu. Royale s'assit soudain dans la neige. Elle s'excusa :

- Pfiou j'ai la tête qui tourne, tu m'excuseras de m'assoir un moment. Il fait froid aujourd'hui !

- Est-ce que tu pourrais ne pas changer de sujet et faire comme si tu ne venais pas de lâcher une bombe ?

Elle détourna les yeux d'un air un peu coupable :

- Désolée c'est une vraie manie chez moi.

Elle passa une main dans sa frange droite, dévoilant un front blanc, lui elle expliqua :

- Déjà, tu m'as sauvé. Je ne m'en souviens pas bien sûr, mais Cyclope m'a dit que tu m'avais fait un massage cardiaque.

- Il te l'a dit ?

Elle hocha de la tête.

- Oui mais enfin, pas directement. Il ne m'a pas dit « Lyslas t'as fait un massage cardiaque ». Il m'a dit « Lyslas a fait un massage cardiaque à Royale pendant 3 minutes. Ça aurait presque pu lui sauver la vie ».

J'ai levé les mains au ciel rageusement, car je continuais de ne rien comprendre. Royale fit un geste d'excuse et reprit plus clairement.

- À partir du moment où je correspondais à la définition de « morte » pour Monokuma, il peut m'ignorer, et les règles ne s'appliquent plus sur moi. Mais il n'est pas stupide. Il détecte ma présence. Il choisit de l'ignorer parce que son espèce de programme ne le contraint plus à me traiter comme une participante. Mais s'il reconnaissant clairement ma présence, je pense que cela le contraindrais à m'éliminer. En claire : Tant qu'il me voit comme une « présence vivante » au même titre qu'un animal par exemple, il peut me laisser en paix. Mais s'il mettait un nom sur ma présence, je reviendrais dans le jeu.

- Alors pourquoi te parle-t-il ?

Elle eu l'air de peser ses mots un instant, avant de répondre :

- Il ne me parle techniquement pas. Il se parle à lui-même à voix haute. Il n'a pas l'air d'être interdit de faire ça. Il m'a plus où moins expliqué de cette manière que ton massage m'avait sauvé, puis il m'a administré des chocs électrique, et m'a fait une prise de sang.

Je me suis massé le front, un migraine commençant à pointer le bout de son nez entre mes sourcils.

- Attend attend attend, il t'a fait une prise de sang ?!

Elle haussa encore les épaules :

- J'imagine que rien ne l'interdit de faire des prise de sang aux morts ? J'étais officiellement morte à ses yeux.

- En quoi faire une prise de sang est t'ignorer ???

- À vrai dire...

Son regard se perdit dans le vide un moment et elle demanda l'air confuse :

- Qu'est-ce que j'allais dire déjà ?

Elle avait l'air perdu soudain. Elle me jeta un regard suppliant de ne pas poser de questions alors je n'ai pas relevé sa drôle d'absence, et je lui a ai redit :

- la prise de sang...

- Ah oui ! Et bien... Commença-t-elle, ce n'est pas exactement lui qui m'a fait une prise de sang. Il a donné le matériel, et ses robots ont plus ou moins assisté.

Je ne l'ai pas rabroué car je voyais sa bonne volonté d'enfin me partager des choses, et me confier ses secrets, mais j'avoue que j'aurais bien aimé qu'elle ne me lâche les informations dans le sens inverse de leur importance.

- Alors QUI a fait la prise de sang ? QUI a donné son sang ?

Elle ouvrit la bouche, marqua une longue pause, et prononça d'une traite :

- Je n'en ai aucune idée.

Elle essaya de se relever mais perdit l'équilibre et retomba sur les fesses. J'ai tendit la main pour l'aider à se relever. Elle était plus légère que je n'aurais crus et je l'ai tiré un peu brutalement. Elle manqua de trébucher en avant et se rattrapa de justesse sur mon épaule. Mais elle retira très vite sa main, comme si elle s'était brûlé.

C'était étrange de voir Royale d'aussi près, en général elle restait à distance. Elle sentait légèrement le shampoing, une odeur florale, discrète... de la violette peut-être ? Elle était aussi un peu plus grande que moi, d'une demi-douzaine de centimètres, ce qui n'était pas si fréquent que ça chez les personnes afab (Royale ne s'identifiant pas particulièrement à un genre ou un autre), dans la mesure où je faisais un peu plus d'un mètre 70.

Je n'avais pas non plus l'habitude de la voir prise au dépourvue. Elle se reprit bien vite, et se racla la gorge avant de m'annoncer :

- Bon, du coup, tout ça pour dire que entre ton massage, les chocs électriques et l'apport de sang anonyme, j'ai survé-

- Quel est ton groupe sanguin ?

Elle cligna des yeux et répondit sans se laisser plus longtemps déstabilisée par ma question :

- Aucune idée.

- Mince... j'aurais peut-être pu trouver le donneur en vérifiant les comptabilités...

Royale me fit remarquer :

- Le donneur savait que j'avais survécu mais n'a visiblement rien dit pendant le procès, donc ça doit être important pour iel de ne pas révéler son identité.

- Mais iel savait que tu connaissais le meurtrier ?

- Je ne pense pas, mais iel savait que j'étais en vie c'est sûr.

J'ai réfléchit un moment. Donc iel avait peut-être pensé que ça ne servait rien de faire la révélation alors qu'elle ne connaissait pas le meurtrier. Ça n'était donc dans une volonté de nuire qu'iel avait dissimulé cette information....

Royale se recoiffa un peu et m'annonça :

- Bon, je dois retourner à mes affaires. Il ne faut pas oublier qu'on ne pourra pas rester indéfiniment ici. Je continue de chercher une sortie.

Elle me salua d'un petit geste et repartie. Je trouve qu'elle s'était beaucoup ouvert à moi. Même si elle restait encore dans son personnage, elle me parlait sans faire d'énigme à chaque phrase.

Avec le cœur un peu plus léger et la tête pleine de théorie sur lae mystérieux donneur, je suis rentrée chez moi.

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