Chapitre 4 (4)
Le lendemain, en milieu d'après-midi, Cassiopée vint me trouver dans mon atelier.
La veille, comme j'étais épuisée, et voyant que j'étais encore embarrassée à l'idée de la rejoindre dans mon lit, mais ne voulant pas rentrer chez elle, elle s'était endormie sur le canapé. Je m'étais sentie un peu mal à cette idée, mais il y avait trop de non-dit entre nous, je n'osais pas l'inviter, et j'étais trop exténuée par mes heures de marche avec Anoushka pour lui laisser mon matelas.
Elle me dit que ça n'était rien quand je m'excusai, et pour une fois, je dormis presque une nuit complète.
J'étais donc dans mon atelier quand elle arriva derrière moi, et sans prévenir colla son front au derrière de ma tête. J'ai un peu sursauté, j'avais été si adsorbée par ma fabrication que je n'avais pas remarqué qu'elle était entrée dans la pièce.
- Cassiopée, tout va bien ?
J'ai immédiatement sentis que quelque chose clochait. Elle me répondit avec un faible gémissement :
- Je me sens un peu nauséeuse. Et je suis très fatiguée.
Un élan de remords me traversa. J'aurais du lui laisse le lit. J'ai tourné ma chaise pour lui faire face et j'ai écarquillé les yeux. Sa peau halée était pâle, et elle avait atroce mine.
Soudain elle se laissa tomber à genoux et posa ses bras et sa tête sur mes genoux dans un autre gémissement.
- Je crois que j'ai mangé quelque chose d'avarié.
Je me suis mordue la lèvre en posant doucement les mains sur sa tête, en réfléchissant quoi faire contre les intoxications alimentaire. En général, boire beaucoup, et manger des choses faciles à digérer faisait l'affaire... non ? À moins que ça soit pour les indigestions ? Je ne savais plus.
Une idée me vint immédiatement : la soupe que Mizuki m'avait fait l'autre jour en guise d'excuse ! Honnêtement j'avais d'abord hésiter à la jeter sans la goûter, mais la flemme d'aller me chercher à manger m'avait pousser à la boire, et elle s'était avéré délicieuse et je n'avais eu aucun problème. Ça devrait lui faire du bien, j'imagine.
Malheureusement je n'avais aucune idée de comment faire de la bonne soupe. Mon alimentation en général était assez désastreuse et je cuisinais très peu.
L'idée me vint alors que je caressais doucement les cheveux de Cassiopée, toujours prostrée sur mes genoux, avec un peu de maladresse mais autant de tendresse que possible.
Mais discuter avec Mizuki n'était pas exactement une partie de plaisir...
Quand Cassiopée releva son visage délicat, tiré par la fatigue et la nausée vers moi, je me suis dit que le dérangement valait probablement le coup.
Après l'avoir allongé dans mon lit (encore), et donné une bouillotte et une grande gourde d'eau fraîche, je suis sortie en direction de chez Mizuki.
Une fois devant la porte, j'ai inspiré profondément, me demandant une seconde ce qui me prenait de faire un truc pareil, puis je me suis forcée à me rappeler que Mizuki, après tout, était une humaine tout comme moi, et que je n'avais rien à craindre. Enfin je l'espérais.
J'allais toquer à la porte quand celle-ci s'ouvrit brutalement, sur une Mizuki, une cigarette aux lèvres qui me regardaient d'un air plutôt hostile. Elle me lâcha sans une once d'amabilité :
- Qu'est s'tu veux ?
- J-euh-la-voudrais, je-je voudrais....S-soupe.
Elle fronça un sourcil et haussa l'autre.
- Tu veux Soupe ?
- L-la recette...
Un ricanement la secoua une brève seconde et elle retira sa cigarettes la jeta dans la neige et l'écrasa avec son pied.
- C'est un secret de famille, je peux pas te la révéler.
Elle se pencha en avant :
- Sauf si je te tue après.
Et elle conclue sur un sourire carnassier. J'ai déglutit me demandant encore une fois pourquoi diable j'avais eu cette idée déjà. Elle éclata soudain de rire.
- Si tu voyais ta tête ! Je déconne, aller rentre, on va faire de la soupe. Je m'ennuyais justement.
Elle se décala pour me laisser de la place pour entrer. Au moment où je suis passée à côté d'elle en passant le seuil, elle s'exclama :
- BOUH !
Accompagné d'un geste brusque. J'ai sursauté si fort que je crois que mes pieds se sont décollés du sol, et que mon cœur a fait un mini arrêt. Elle rit encore une fois et se dirigea vers la cuisine, où je l'ai suivie en hésitant.
J'avais déjà vu l'intérieur de son chalet, mais je fus frappée de nouveau par l'ordre et la propreté qui y régnait. Je savais que seul la salle de bain n'était pas dans cette état, mais je ne fis bien sûr pas le moindre commentaire là dessus.
Elle sortie une grande casserole, une plaque en bois et commença et prendre et soupeser des légumes dans ses mains et me demanda :
- C'est pour qui ta soupe ? J'imagine bien que c'est pas juste pour le goût, même si ma soupe est excellente.
- Euh, c'est Cassiopée qui se sent mal et à des nausées.
Elle hocha la tête l'air de réfléchir et conclut d'un air savant :
- Je vois, on va partir sur une soupe bien verte. Épinard, persil, courgette, un peu de lait de coco, ou de chèvre.
Elle hocha la tête l'air satisfaite.
- Ça va être bon.
Elle me jeta une courgette que j'ai rattrapé de justesse.
- Nettoie moi ça, puis tu pèles et tu coupes.
On a commencé à faire cuire les légumes. J'étais maladroite, et chaque fois que je ne faisais pas ce qu'elle voulait, ou pas assez vite ou pas assez bien, elle me m'assénait un coup de cuillère en bois sur la tête.
À la fin de la préparation, j'étais sûre d'avoir une grosse bosse sur la tête.
- Aller là, un peu de nerf !
Elle s'énerva alors qu'elle faisait rissoler des oignons.
Elle chercha dans ses tiroirs, mais visiblement il lui manquait quelque chose. Elle jura abondamment et se tourna vers moi, l'air agacé :
- J'avais oublié que je n'avais plus de lait de coco. Va m'en chercher.
Pour un peu, je me serais presque mise au garde à vue et dit « oui chef » mais au lieu de ça j'ai juste opiné énergiquement avant de foncer vers le chalet de restauration.
Alors que je marchais à bon pas vers le chalet de restauration, un autre bruit de pas dans la neige craquante rejoins les miens. J'ai tourné la tête pour tomber sur le costume étincelant de Royale, qui venait de joindre à mon trajet comme si de rien était, et qu'elle marchait à mes côtés depuis tout à l'heure. Elle me salua d'un geste, retirant un chapeau invisible :
- Bien le bonjour gente dame, quelle affaire urgente allonge donc autant votre pas en ce petit matin.
Un peu essoufflée, grimaçant à cause des courbatures que je gardais de la veille, je lui ai expliqué en deux mots :
- Cassi se sent pas bien, je fais de la soupe avec Mizuki.
Elle haussa les sourcils et pencha un peu la tête dans un geste surpris :
- Tiens donc, une phrase que je ne m'attendais pas à entendre.
Puis elle mit une main dans son dos et se caressa pensivement le menton avec l'autre :
- Justement moi aussi je me suis sentie un peu nauséeuse ces derniers jours.
J'ai tourné la tête vers elle, peu surprise. J'avais déjà constaté qu'elle semblait patraque. Elle effet, elle aussi avait le teint un peu cireux, et le maquillage qu'elle avait mis ne suffisait pas à dissimuler ses cernes.
- Je crois qu'on doit avoir un truc pourrie dans nos réserves...
Elle hocha la tête, et commenta :
- Il faudrait comparer avec Cassiopée pour identifier la source d'intoxication.
J'ai approuvé, et nous sommes toutes les deux entrées dans le chalet de restauration. Craignant de me prendre encore un coup de cuillère en bois, j'ai pressé le pas et j'ai débarqué en coup de vent dans les cuisines, Royale sur les talons.
Nous sommes tombées sur Remington et Léo, tous les deux penchées sur un livre de cuisine.
Ils tournèrent la tête dans notre direction, et leur joues à tous les deux prirent une douce teinte rosée, malgré le fait que leur position n'étais pas si compromettante. Il était un peu proche, mais rien de scandaleux, puis j'ai remarqué que Léo avait passé son bras derrière la taille de Remington pour l'appuyer contre le plan de travail à leur gauche, ce qui formait une sorte de câlin sans contact et les rapprochaient presque épaule contre épaule. Royale derrière moi, en rajouta une couche et s'exclama d'un ton indigné :
- Seriously ?! Right in front of my salad ?!
Léo sauta en arrière comme s'il venait d'être brûlé, bafouilla profusément une sorte de "q-quoi?!", et moi-même sentant mon visage chauffer, j'ai refermé la porte devant moi en claquant. Royale avait les mains sur les hanches.
- C'est très peu sanitaire ce qu'ils font là. Tu devrais rouvrir pour qu'ils sortent. Et puis t'as besoin de lait de coco non ?
- Peu sanitaire ? Il ne se touchait même pas vraim...
J'ai tourné la tête vers elle, bouche-bée.
- Comment tu sais que j'ai besoin de lait de coco, je te l'ai pas dit...
Elle me fit un clin d'oeil.
- Un bon magicien ne révèle jamais ses secrets.
J'ai cligné des yeux en cherchant comme elle avait fait, mais la porte se rouvrit sur le visage écarlate de Remington. Ses yeux bleus bicolores, l'un très pâle, l'autre très sombre, se posèrent sur nous à tour de rôle, puis il conclut :
- Vous n'avez rien vu.
Et il sortit et s'enfuit très vite. Je suis restée devant la porte quelques longues secondes avant de rentrer.
Léo était au centre de la pièce, debout, une main sur la hanche, l'autre recouvrant son visage d'un air terriblement embarrassé. J'ai lâché un petit :
- Désolée...
Royale avança comme si de rien était et commença à inspecter les aliments d'un œil inquisiteur. Léo enleva son visage de sa main pour me dire :
- Non c'est rien, j'ai pas été très malin sur le... contexte de toute façon.
J'ai hésité un moment avant de demander :
- Et alors... ça... s'est bien passé ?
Il rit un peu nerveusement :
- Oh euh rien ne s'est passé. Vous êtes entré avant.
Fit Royale du fond de la pièce :
- Oupsi !
J'ai grimacé et je l'ai encouragé :
- Tu devrais peut-être... lui en parler...de façon claire...
Il resta les bras ballants avant de soupirer.
- Peut-être oui... Mais je, je suis encore un peu confus sur tout ça...
- Aller courage mon grand ! Tu peux le faire, on croit en toi !
s'exclama Royale, le poing levé en signe d'encouragement, en fixant avec beaucoup d'intensité une pomme de terre.
Il hocha lentement la tête, et avec à peu près autant de malaise que Royale avait de confiance, il sortit de la pièce.
Royale me lança soudain une conserve que j'ai attrapé de justesse avant qu'elle ne touche le sol, en manquant de peu de m'effondrer au passage :
- Lait de coco droit devant !
J'ai serré dans ma main la canette sur laquelle une grosse image de tropique et de cocotier s'étalait, et je l'ai remercié. Elle me fit un petit geste d'au revoir, secouant la main de gauche à droite.
- Tu demanderas à Cassiopée ce qu'elle a mangé que les autres n'auraient pas prit ces 3 derniers jours. Allez maintenant vas-y, ne fait pas attendre le dragon Mizuki !
Je suis repartie précipitamment, la laissant à son inspection. En franchissant la porte de l'ultime démineuse, je reçu un grand coup de cuillère.
- Ça t'en a mis du temps ! Qu'est-ce qui t'as retardé ?
Je ne pouvais pas lui dire « oh trois fois rien, j'ai juste cockbloqué deux de mes amis et Royale joue à la magicienne, mais sinon tout va bien ». Alors j'ai juste haussé les épaules en souriant de façon assez peu convaincue, ce qui me valut un autre coup de cuillère sur le crâne.
J'ai rentré la tête dans les épaules en lâchant un « ouille » qui laissa Mizuki parfaitement indifférente, et nous avons enchaîné sur le reste de la recette.
Recette assez simple, mais Mizuki était parfaitement organisée dans sa préparation, et rajoutait plein d'étapes que je n'aurais jamais crut intervenir dans la fabrication d'une soupe. Elle finit tranquillement, l'air curieusement plutôt joyeuse, beaucoup moins amère que de coutume. Elle semblait aimer cuisiner.
Enfin quand ce fut terminé, elle attrapa une grande louche, et remplit une bouteille en verre d'un geste expert, sans mettre une seule goutte à côté.
- Tiens pour ta copine. Il y en a peut-être assez pour toi. Pas sûr. Bref, ouste maintenant !
Elle me menaça de sa cuillère et j'ai vite déguerpie, non sans la remercier avant de partir. Je ne suis pas sûre de si je l'ai imaginé, mais il me semblait avoir vu un léger sourire sur son visage sévère avant de sortir de chez elle.
S'il y avait bien un leçon à tirer de cet endroit, c'est que les gens ne sont jamais ce qu'ils semblent.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top