Chapitre 4 (3)
Encore 3 jours passèrent, durant laquelle la vie dans notre petit enfer personnel reprit, s'adaptant au nouveau trou laissé par nos anciens camarades, et les chalets de plus en plus vides où personne n'osait aller même s'ils restaient ouverts et vacants.
Ce matin-là, j'avais décidé avec Cassiopée d'aller voir le trio formé par Randall, Léo et Remington pour se prêter à leur exercices théâtral dont Remington et Léo se plaignaient abondamment tandis que Randall comptait à les traiter d'incultes avec un ton plus amusé que sérieux.
Me sentant mal de laisser Anoushka en dehors je lui avait proposer de nous rejoindre, mais elle préféra me proposer un autre plan à la place.
Une fois tous réunit dans le salon de Randall, ce dernier nous fit assoir dans son canapé, et commença à sortir des liasses de feuilles reliées, puis se posta devant nous et commença de son habituel ton neutre :
- Devant nous j'ai mis une de mes pièces préférée : Lorenzaccio, d'Alfred de Musset. Est-ce que ça dit quelque chose à quelqu'un ?
Remington attrapa une des liasses et s'exclama d'un ton soulagé :
- Tant que c'est pas Shakespeare ou Molière ça me va !
Puis en jetant un coup d'oeil conspirateur à Léo :
- Ras-le-bol de ces deux là, pas vrai ?
Ce dernier hocha la tête avec approbation. Je savais qu'il aurait probablement hoché la tête avec autant de conviction s'il n'en avait pas pensé un mot. Je lui aie jeté un regard amusé et il détourna la tête en rougissant légèrement.
Mais Remington, et nous tous à vrai dire, étions déjà en train de nous pencher sur le texte. C'est Cassiopée qui répondit avec enthousiasme à la question de Randall.
- Oui c'est ce que Musset appelait son « théâtre dans un fauteuil » pour essayer de faire un théâtre qui serait fait pour être lut plus que joué. D'ailleurs cette pièce a longtemps été considéré comme étant « injouable », elle dure plus de 3h et il y a tellement de personnages et de changements de décors que c'est insupportable à mettre en scène.
- Mais nous on va juste s'amuser à le faire dans notre petit salon, dons pas de pression.
Commenta Randall.
Léo demanda en lisant les premières lignes :
- Il est bizarre le début. Pourquoi on passe du duc à des marchands ? C'est qui ces persos ? Je croyais que le personnage principal s'appelait Lorenzaccio pas Lorenzo.
Cassiopée lui repondit avant que Randall ne le fasse :
- Ça vise à donner un côté « roman » à la pièce, tout en permettant d'introduire un peu l'ambiance et les thèmes, avec deux marchands qui se racontent des ragots. C'est à la fois une critique de la société, la vraie et celle du roman, et un moyen de faire passer les informations.
Léo hocha un peu la tête en haussant les sourcils en signe de compréhension.
Randall reprit.
- Aujourd'hui exercice de lecture. Qui veut faire Lorenzo ?
On s'est regardé comme des collégiens devant leur professeur se suppliant des yeux que l'un d'entre nous se sacrifie. J'ai soupiré et j'ai levé la main.
- Merci Lyslas. Le Cardinal et Pierre ? Léo ? Très bien, Marie pour Cassiopée, et Remington pour Philippe et le duc ça vous va ? Moi je ferais ce qui reste et éventuellement je vous redistribuerais d'autres rôles.
Cassiopée leva la main poliment :
- Je peux faire Philippe ?
- Euh, Philippe est un vieil homme, tu sais ? Mais sinon oui tu peux.
Elle hocha la tête l'air satisfaite. Puis nous avons commencé. Chaque fois Randall nous sortait des costumes complètement improvisés pour faire les personnages. Je trouve que nous nous débrouillions pas mal, ne connaissant pas notre texte et devant lire nos répliques sur les liasses de feuilles dénichées par Randall.
Au début nous étions très embarrassés et maladroits. J'ai bafouillé au moins une dizaine de fois sur ma première réplique :
- « Nous n'avons avancé que moitié. Je réponds d-de la petite. Deux gras -pardon- grands yeux languissants, cela-cela ne trompe pas. Quoi de plus curieux pour la connaissan- pardon, le connaisseur que la débauche à la m-mamelle ? Voir dans une enfant de quinze ans la rouée à venir – quinze ans ! Mais c'est de la pédophilie !
J'ai grimacé et Randall, les bras croisés comme un professeur intransigeant commenta :
- Oui c'est bien le principe, il faut montrer comme le duc, et Lorenzo, sont des personnes méprisables et corrompus.
J'ai encore grimacé et j'ai repris :
- Étudier, ensemencer, infiltrer paternellement le filon mystérieux du vice dans un conseil d'ami, dans une-une caresse au menton ; tout dire et ne rien dire, selon le caractère des parents ; habituer doucement l'imagination qui se développe à donner les -pardon des- corps à ses fantômes, à toucher ce qui l'effraye, à mépriser ce qui la protège! Cela va plus vite qu'on ne pense; le vrai mérite est de frapper juste. Et quel trésor que celle-ci ! tout ce qui peut faire passer une nuit délicieuse à Votre Altesse! Tant de pudeur!
- Belle imitation de Monokuma Lyslas, tu mets presque autant de vie que lui dans tes paroles. Reprend mais avec un peu de conviction cette fois.
L'exercice n'était pas facile, loin de là, surtout qu'incarner un personnage comme Lorenzo faisait rougir mes joues d'une belle teinte cramoisie.
Petit à petit le temps passa, et plus le texte avançait plus nous absorbions dans notre jeu. Arriva alors l'acte 3 et le dialogue entre Pierre et Lorenzo. Randall résuma l'action :
- Donc ici Pierre veut absolument agir et se rebeller avec les Républicains car ses enfants sont dans les prisons du duc après avoir voulu défendre leur sœur du duc Alexandre. Philippe qui a toujours fait confiance en Lorenzo malgré son comportement méprisable. Et dans les scènes qui suivent, Lorenzo tente de convaincre Philippe de ne pas agir en lui révélant tout son plan. C'est bon ? C'est clair ?
On a hoché la tête en accord.
La scène commença et je fut frappé encore de l'implication de l'émotion brute que mettait Cassiopée, malgré sa différence avec le personnage qu'elle jouait :
- « Ô ciel et terre, oui ! C'est là tout. Presque rien, deux enfants de mes entrailles qui vont s'asseoir au banc des voleurs. Deux têtes que j'ai baisées autant de fois que j'ai de cheveux gris, et que je vais trouver demain matin clouées sur la porte de la forteresse ; oui, c'est là tout, rien de plus, en vérité. »
Je lui donna la réplique et m'assit à côté d'elle comme le dicta ma didascalie. Puis elle reprit avec un mélange de rage et de désespoir qui venait du corps. Sa voix portait comme celle d'une oratrice. Elle qui d'ordinaire prononçait tout dans un filet de voix, elle déclara sans hésitation :
- « Que je laisse mourir mes enfants, cela est impossible, vois-tu ! On m'arracherait les bras et les jambes, que, comme le serpent, les morceaux mutilés de Philippe se rejoindraient encore et se lèveraient pour la vengeance. Je connais si bien tout cela ! Les Huit ! Un tribunal d'hommes de marbre ! Une forêt de spectres, sur laquelle passe de temps en temps le vent lugubre du doute qui les agite pendant une minute, pour se résoudre en un mot sans appel. Un mot, un mot, à conscience !
Elle se tourna vers moi, les sourcils froncées, les yeux mouillés de véritable larme, mais une rage dans la voix :
- Ces hommes-là mangent, ils dorment, ils ont des femmes et des filles ! Ah ! Qu'ils tuent et qu'ils égorgent ; mais pas mes enfants, pas mes enfants ! »
Ce n'était plus une petite jeune femme un peu timide à l'histoire difficile devant moi, c'était ce vieil homme, ce père prêt à tout pour ses enfants. Il me fut difficile de restant dans mon personnage et garder calme et assurance. Puis le reste de la scène se déroula :
- « Tel que tu me vois, Philippe, j'ai été honnête. J'ai cru à la vertu, à la grandeur humaine, comme un martyr croit à son dieu. J'ai versé plus de larmes sur la pauvre Italie, que Niohé sur ses filles. »
À ce moment j'ai croisé le regard de Remington, qui me regardait avec une expression complexe et intense. Il s'y mêlait admiration et intérêt, et peut-être encore d'autres émotions que je n'ai pas sut déchiffrer, mais je me suis sentie grisée, et je l'ai invité à me rejoindre dans la peau du anti-héros :
- « Suis-je un Satan ? Lumière du ciel ! Je m'en souviens encore ; j'aurais pleuré avec la première fille que j'ai séduite, si elle ne s'était mise à rire. Quand j'ai commencé à jouer mon rôle de Brutus moderne, je marchais dans mes habits neufs de la grande confrérie du vice comme un enfant de dix ans dans l'armure d'un géant de la fable.
J'ai marqué un courte pose pour mettre plus de ton dans ma voix :
- Je croyais que la corruption était un stigmate, et que les monstres seuls le portaient au front. »
Remington enchaîna reprenant mon rôle avec fiévreur :
- « J'avais commencé à dire tout haut que mes vingt années de vertu étaient un masque étouffant ; à Philippe ! J'entrai alors dans la vie, et je vis qu'à mon approche tout le monde en faisait autant que moi ; tous les masques tombaient devant mon regard ; l'humanité souleva sa robe et me montra, comme à un adepte digne d'elle, sa monstrueuse nudité. J'ai vu les hommes tels qu'ils sont, et je me suis dit : Pour qui est-ce donc que je travaille ? »
Nous sommes échanger le texte avant qu'il ne conclue avec la fin de la tirade, incarnant pleinement son personnage comme un seconde peau :
- « j'ai avalé entre deux baisers les armes les plus vertueuses ; j'attendais toujours que l'humanité me laissât voir sur sa face quelque chose d'honnête. J'observais comme un amant observe sa fiancée en attendant le jour des noces. »
Cassiopée se levant soudain, reprit nous regardant à tour de rôle et avec conviction, les mains croisées sur son coeur :
- « Si tu n'as vu que le mal, je te plains, mais je ne puis te croire. Le mal existe, mais non pas sans le bien ; comme l'ombre existe, mais non sans la lumière. »
Oh surement j'exagère notre capacité d'acteur. Aucun d'entre nous ici n'étais un véritable comédien, mais quelque part, incarner cette histoire pleine de drame et d'émotion avait un effet étrange et cathartique sur nous, faisait briller nos yeux et bouger nos mains. Randall nous rejoint soudain lors que de la tirade la plus longue :
- « Tu me demandes pourquoi je tue Alexandre ? Veux-tu donc que je m'empoisonne, ou que je saute dans l'Arno ? Veux-tu donc que je sois un spectre, et qu'en frappant sur ce squelette -
il frappa sa poitrine comme la didascalie lui indiquait :
- « il n'en sorte aucun son ? Si je suis l'ombre de moi-même, veux-tu donc que je m'arrache le seul fil qui rattache aujourd'hui mon cœur à quelques fibres de mon cœur d'autrefois ?
Il ferma les yeux un court instant dans une expression torturé et reprit en se tournant vers nous tour à tout :
- Songes-tu que ce meurtre, c'est tout ce qui me reste de ma vertu ? Songes-tu que je glisse depuis deux ans sur un mur taillé à pic, et que ce meurtre est le seul brin d'herbe où j'aie pu cramponner mes ongles ? Crois-tu donc que je n'aie plus d'orgueil, parce que je n'ai plus de honte ? Et veux-tu que je laisse mourir en silence l'énigme de ma vie ? »
Remington pris la suite, et continua la longue réplique, et puis enfin ce fut à moi de terminer la tirade, hantée par une énergie qui venait de quelque part profondément en moi :
- « - et l'humanité gardera sur sa joue le soufflet de mon épée marqué en traits de sang. Qu'ils m'appellent comme ils voudront, Brutus ou Érostrate, il ne me plaît pas qu'ils m'oublient. Ma vie entière est au bout de ma dague, et que la Providence retourne ou non la tête, en m'entendant frapper, je jette la nature humaine à pile ou face sur la tombe d'Alexandre ; dans deux jours les hommes comparaîtront devant le tribunal de ma volonté. »
Cassiopée termina la scène et puis on a fait une pause. On s'est regardé, agréablement surpris de s'être autant amusé. Randall nous regarda satisfait les bras croisés.
- Alors, pas mal ?
Cassiopée a lever les bras vers le ciel en s'exclama :
- Oui !!
Mes deux autres camarades acquiescèrent et j'ai avoué que moi aussi je m'étais amusé.
- On continue ?
Demanda Cassiopée. J'ai voulue lui faire plaisir, mais j'étais assez fatiguée de toute ma lecture.
- On est qu'à acte 3, et il y en a 5.
Remington me sauva en répondant à notre place :
- Je suis un peu fatiguée, et je pense que les autres aussi, mais on pourra reprendre demain si tu veux.
Elle eu l'air déçue une seconde, puis se reprit avec un grand sourire nous avions terminé l'après-midi ensemble.
Le lendemain, j'ai retrouvé Anouska, comme convenu. Elle m'avait donné rendez-vous devant chez elle, et j'ai marché entre les chalets pour rejoindre le sien jusqu'à la voir. Elle était accoudée à sa fenêtre, l'air de m'attendre. Il faisait particulièrement beau aujourd'hui, bien que très froid. Quand elle m'aperçut, son visage s'éclaira soudain, et elle disparut de la fenêtre, pour venir à ma rencontre.
- Salut.
Je lui ai répondu.
- Salut.
Un petit blanc suivi, pendant lequel elle chercha à dire quelque chose. Anoushka en général n'avait aucun problème à trouver ses mots. Et si elle n'avait à dire elle se taisait, mais là, devant moi, elle semblait s'empêtrer dans des émotions qu'elle ne savait pas gérer. Ses gestes étaient un peu impatients, étrange mélange d'excitation et de crainte.
Cela m'intrigua un peu, et elle me rejoignit dehors avec un gros manteau dans les mains et un gros sac sur le dos, ferma sa porte, et me tendit le manteau.
- Met ça, je veux te montrer quelque chose mais il faut qu'on s'éloigne un peu, tu me fais confiance pour me suivre ?
J'ai remarqué qu'il y avait aussi des moufles avec les gants. Et puis elle commença à s'éloigner des chalets.
- A-Anoushka ? Où est-ce qu'on va ?
- T'inquiètes ! Suis-moi !
Et ce que je fis, malgré le chemin bizarre qu'elle emprunta.
Cela faisait des mois et des mois que je n'avais pas quitté la petite station, et je devais avouer que cela me fit bcp de bien de prendre un peu l'air et changer de paysage.
La pente était par moment très pentue et j'avais un peu de mal à suivre la ramoneuse qui évoluait dans ce paysage comme si elle le connaissait par coeur.
Soudain je me suis demandée combien de fois elle l'avait fait.
Et en me souvenant du discours de Royale j'ai commencé à me demander qui d'autre était sortis explorer l'extérieur de la station.
Sa silhouette fine mais athlétique se découpait devant moi, pâle sur la neige, et elle ne semblait pas dérangée le moins du monde par l'épaisse couche de neige. Elle y circulait comme si elle avait toujours fait partie de ces paysages d'une beauté sauvage, dangereux et libres à la fois. J'ai soudain réalisé à quel point cette description lui allait bien.
Elle jetait régulièrement des coups d'œil joyeux derrière son épaule pour vérifier que la suivait bien. Je ne doutais pas un instant qu'elle aurait pu aller encore plus vite, mais qu'elle faisait attention à ne pas me semer.
Au bout de presque deux heures de marche à la fin de laquelle j'étais complètement épuisée on a atteint la lisière des bois, et elle s'arrêta , ouvra son sac, essuya un peu de neige sur une grosse pierre plate et m'invita à la rejoindre. Une fois installée je lui aie enfin demandé.
- Pourquoi est-ce qu'on est là ? Pourquoi on est parti aussi loin !
Je lui avait déjà demandé au cours de notre « promenade » mais elle continuait de me répondre de lui faire confiance et de ne pas s'inquiéter. Cette fois, elle sembla plus encline à répondre.
Elle a sortit des jumelles de son sac et me les a tendue.
- D'où tu sors des jumelles ?
- Le chalet de vêtements, il y a plein d'accessoires cool dedans.
J'ai pris les jumelles et elle se sortit sa propre paire, et m'expliqua enfin :
- Tu vas voir, ce qui est bien ici c'est qu'on est tellement paumés qu'il y a plein d'animaux !
Elle colla les jumelles sur son nez et avec un grand sourire enthousiasme m'indiqua :
- Il suffit d'attendre et ne pas faire de bruit.
Grâce à son manteau et ses gants, je n'avais pas froid, et je me suis tut et j'ai commencé à regarder autour de moi. Au bout d'un moment interminable où je commençais un peu à m'ennuyer, Anoushka secoua mon épaule en silence et m'indiqua du doigt vers le haut.
J'ai cherché un long moment avant d'enfin trouver ce qu'elle m'indiquait.
Une grosse chouette blanche mouchetée de noirs.
J'ai chuchoté très doucement :
- Qu'est-ce que c'est ?
Elle me répondit sans détacher ses yeux de ses jumelles, l'air émerveillée comme une enfant :
- Aucune idée. Mais elle est trop belle.
J'ai continuer à l'observer. Plus le temps passait et plus nous trouvions de la vie autour de nous, comme ci la nature elle-même se réveillait autour de nous, ou comme si nos yeux s'habituait au mouvements subtiles de la vie de la même façon qu'on peut se faire à l'obscurité. Petit à petit, sans m'en rendre compte, j'ai commencé à me laisser aller à trouver un réel intérêt dans cette observation.
J'ai vu une petite forme bouger au loin et je me suis empressé de montrer à Anoushka ma découverte. Un petit renard blanc, quasiment invisible à cause de son pelage.
Plus tard, nous avons aussi découvert un groupe de chèvre blanches, encore des oiseaux, et un grand animal peut-être un élan, ou un caribou je ne savais pas la différence.
Vers midi Anoushka sortit de son sac des sandwich qu'elle avait fait elle-même. Le résultat n'était pas fameux mais elle y avait mis du coeur, et puis de toute façon j'étais trop investit dans mon observation animalière pour faire attention au goût.
À vrai dire, ce fut elle qui dut se relever en première et me faire ranger les jumelles.
- Il faut y aller, on est vraiment loin et ça va prendre plus de temps dans ce sens là vu qu'on remonte la pente. Il ne faudrait pas être en retard pour le dîner.
J'ai frémit en repensant à la découverte de Royale.
- Non, en effet.
Nous avons repris le chemin dans le sens inverse, effectivement bien plus pénible. Mais cette fois sur le chemin, j'ai posé quelques questions à Anoushka.
- Mais... qu'est-ce qui nous empêche de nous enfuir comme ça ? Prendre des provisions et partir ?
Anoushka prit du temps à répondre.
- J'ai faillis le faire. Ne rien dire et juste disparaître.
J'ai sentis un pincement au coeur en réalisant qu'elle avait songé à partir seule, et à nous laisser, me laisser derrière :
- Mais je pouvais pas te laisser ici. Et puis je ne pense pas que ça soit si facile...
- Comment ça ?
- Notre zone a l'air d'être très isolée, je ne pense pas qu'il y a la moindre habitation humaine même si on arrivait à descendre toute la montagne, en admettant qu'on ne se perde pas, qu'on ne tombe pas dans une crevasse, qu'on ne se fasse pas attaquer par un lynx ou un grizzli - et j'en ai vu ce n'est pas de la paranoïa pour une fois – ou que le temps se gâte et qu'on soit pris dans une tempête.
Mais une partie de moi avait envie de croire qu'on puisse le faire. Anoushka mis fin à mes espoirs.
- Tu as l'impression qu'on a beaucoup marché aujourd'hui ? On a fait qu'une toute petite distance en vérité, et l'espace sur lequel s'étend la montagne sans la moindre habitation humaine doit être immense. En plus, regarde comme cette petite marche t'as épuisé, tu crois que tu pourras faire ça toute la journée, plusieurs jours ?
Mes épaules se sont un peu affaissées. Elle avait raison. Mais comme pour me consoler elle ajouta plus doucement :
- Non, partir comme ça, c'est impossible. Mais peut-être qu'on trouvera une solution si on explora petit à petit, on pourrait essayer de faire des petits campements pour aller de plus en plus loin, faire une chaîne de réapprovisionnement et-
- On ne peut pas manquer le dîner. Monokuma tuera les absents.
Elle me regarda s'arrêtant un instant.
- Comment le sais-tu ?
J'ai hésité, puis j'ai décidé qu'elle était digne de confiance, et j'ai révélé :
- C'est Royale qui me l'a dit.
Elle fit une petite mou :
- Tu lui fait confiance ?
J'ai opiné avec force.
- Oui. Complètement.
Elle sembla réfléchir et puis soupira.
- Okay. Si toi tu lui fais confiance alors je veux bien lui faire confiance aussi.
Ses yeux impénétrables me fixèrent soudain, un éclat sombre scintillants sous ses longs cils pâles :
- Mais si elle te trahis je lui ferais regretter cent fois.
J'ai déglutis, un peu effrayé par les menaces contenues dans sa voix. Parfois Anoushka s'émerveillait en regardant des chouettes, et parfois elle me donnait des frissons dans le dos. Je l'ai remercié, et nous avons repris notre ascension. Presque 4h plus tard, complètement épuisée, presque poussée par Anoushka, nous avons enfin aperçut les petits formes groupées de nos chalets.
Il était 17h30.
Anoushka s'essuya le front, comme si ça n'avait été qu'un petit effort pour elle, tandis que j'étais exténuée, soufflant comme un bœuf et les jambes en compote.
- Bravo Lyslas tu t'es bien donné, et on est large dans les temps pour la maudite réunion du dîner.
Elle me tapota l'épaule en guise de félicitation. Puis elle passa dans mon dos d'un air espiègle et me dit l'air de savourer son effet :
- J'ai une dernière surprise pour toi.
J'ai essayé de me retourner pour la regarder, mais avant que je ne le puisse, elle accrocha quelque chose à mon cou. J'ai à peine retenu un frisson quand j'ai sentis ses fins doigts râpeux et froids effleurer mes clavicules, soulever ma chevelure et toucher ma nuque pour refermer l'objet.
J'ai baissé les yeux sur ma poitrine où pendait un triangle blanc au bout d'une corde décorée de perles. C'était un collier, avec un un dent, ou une griffe au bout. Des perles en bois peintes l'encadrait. Anoushka expliqua :
- J'ai attrapé un renard, il était déjà blessé et serait mort de toute façon, et j'ai pris une de ses dents pour te faire ça. Les perles je les aies taillé moi-même.
Je me suis complètement retourné pour lui faire face. Cette fois, elle n'avait plus la même assurance. Elle eu l'air d'avoir du mal à soutenir mon regard et frotta sa chevelure bouclée pour me demander.
- Hm j-j'aimerais bien te parler d'un truc.
J'ai penché la tête en attendant. Je m'attendais à ce qu'elle me le dise imméditament, mais à ma surprise totale, elle rougit, ce que je n'avais jamais vu faire, puis elle fit un vague geste de la main et compléta :
- Mais pas maintenant. Ce soir. Non demain soir. Demain soir après le dîner, c'est bien.
J'ai hoché la tête intriguée.
- D'accord alors. Demain soir après le dîner.
Elle sourit légèrement l'air soulagée, et retrouva en un éclair son expression habituelle, c'est à dire un air de conspiratrice :
- Même pas un peu de méfiance ? Ça pourrait être un rendez-vous pour te tuer...
J'ai souris, heureusement de retrouver l'Anoushka à laquelle j'avais l'habitude.
- Mais bien sûr, c'est très commun d'inviter ses victimes picniquer et leur offrir des colliers fait maison.
Elle souffla du nez et conclut :
- C'est pour mieux tromper les autres.
J'ai rit et à peine un instant plus tard, elle avait disparut de nouveau. Je suis repassée dans mon chalet - où Cassiopée s'était quasiment installée et m'attendait - et on s'est préparées pour le diner.
La journée avait été éprouvante, mais quelques idées avait germé dans mon crâne et une nouvelle énergie avait remplacé mon profond découragement des dernières jours.
Finalement nous n'allions peut-être pas tous mourir ici.
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