Chapitre 4 (13)
- Surprise !
Royale – car c'était bien Royale - avança d'un grand bond vers le milieu de la salle. J'ai murmuré
- ...Royale ?
À l'entente de son nom elle se tourna promptement vers moi, dans un geste légèrement exagéré. Elle leva les bras au ciel et s'exclama encore :
- Ah ma chère Lyslas tu es là ! Je ne te voyais pas à ton pupitre ! Pourquoi es-tu avec Nikolaï ? Ouh là tu as mauvaise mine dis moi-
Sans attendre, elle partie s'installer à sa place en quelques grandes enjambées. Elle pouvait parler de ma mauvaise mine, mais maintenant qu'elle était éclairée par la lumière qui tombait des lampes au plafond, je pouvais distinctement voir que la sienne était encore plus atroce. Elle était d'une pâleur cadavérique, sa peau était perlée de sueur, exsangue, ses mains tremblaient - je pouvais le voir de là où j'étais- , ses lèvres étaient mauves et ses yeux étaient brillants, comme voilés par la fièvre.
Elle alla s'installer d'un air léger, mais alors Monokuma annonça de nouveau.
- Nous allons procéder au vote.
- Mais nous n'avons pas besoin de voter !
S'écria Violaine.
Monokuma garda le silence une seconde, puis reprit :
- Il faut voter pour désigner le coupable du meurtre de Royale.
Violaine insista :
- Mais s'il n'y a pas vraiment eu de meurtre, il n'y pas vraiment de coupable, pas besoin de voter !
Encore une silence. Le temps me paraissait suspendu et j'avais du mal à détacher mes yeux de Royale, en piteux état, qui s'efforçait de le cacher, de faire bonne figure - et elle était très douée pour ça, mais pas assez pour moi.
Et puis Monokuma annonça encore, relâchant sur nous encore le poids de l'angoisse et de la peur qui s'était allégé en voyant les morts revenir à la vie.
- Il y a eu un meurtre. Le meurtre de Royale Flush.
On s'est regardé sans comprendre. Mizuki s'énerva :
- Elle est devant ton nez le grille-pain !
Un autre long silence suivit, comme si la machinerie complexe de son cerveau artificiel ne parvenait pas à comprendre la situation. Il lâcha alors d'un ton froid et haché, de nouveau très mécanique :
- Royale Flush : arrêt cardiaque de plus de 4 minutes 30, fonction respiratoire interrompue pour plus de 5min, perte de plus d'1,5 litre de sang. Déclassement parmi les candidats décédés, pas d'inversion possible. Statut décédé. Éliminée des participants.
Royale posa les mains sur ses hanches et déclara joyeusement du jeu :
- Ah enfin je ne fais plus partie des participants ! Pfiou tant mieux je détestais ça !
Mizuki frappa du poing sur la table et cracha d'un ton venimeux :
- Idiote, ce n'est pas une bonne nouvelle ! Si on ne trouve pas ton « meurtrier » on va tous y passer !
Elle n'avait pas tort. J'avait d'abord été surprise, puis incroyablement soulagée de la voir, même si j'avais encore un peu de mal à y croire, mais notre situation n'était pas beaucoup meilleure qu'il y a une minute. Nos visages s'affichèrent devant nous, attendant notre vote, sans que nous sachions qui était le coupable, et notre temps écoulé.
J'ai enfoncé mes ongles dans mes paumes, terrassée par l'incertitude. Pour qui voter ? Mizuki ? Remington ? Quelqu'un d'autre ? Une mauvaise décision amènerait à notre m-
- Oh ne cherchez pas c'est Randall qui m'a tué !
Ma mâchoire se décrocha. Trop de choc et de surprise en quelques secondes. La voix de Randall s'éleva :
- Pardon ?!
Royale baissa sur lui un regard à glacer le sang et elle prononça doucement d'une voix sonore et calme.
- Ne nie pas, on a pas le temps, je sais que c'est toi.
Monokuma nous interrompit :
- Veuillez procéder au vote.
Randall protesta :
- Je peux savoir d'où sort ton accusation ?
Elle haussa un sourcil, s'accouda contre son pupitre en posant son menton dans sa main.
- Et bien parce que j'avais déjà établie le lien entre toi et quand je me sentais malade, mais ça m'a prit du temps à cause du décalage entre l'ingestion du poison et ses effets. Ça plus le fait que tu ne places jamais le poison directement dans les aliments, tu empoisonnes la vaisselle, les couverts, les plats, tu prends des théières truquées. Malheureusement j'ai mal évalué le temps que j'avais, je n'avais pas prévu que tu remarques que je t'avais déniché, j'ai fais exprès de tout de même ingérer le poison pour que tu ne soupçonnes rien mais tu l'a quand même vu, et tu as forcé la dose. Assez impressionnant de ta part d'ailleurs.
- Veuillez procéder au vote.
- Et puis c'était complexe de t'accuser tu avais si bien dissimulé les pistes, tu t'es auto-empoisonné, tu as donné pleeein d'informations sur le poison, participé aux recherches, tu t'es assuré de toujours êtres avec tes camarades, et caetera.
Elle fit un moulinet de sa main dans le vide pour accompagner la fin de sa déclaration. Puis à notre encontre elle ajouta :
- Maintenant croyez-moi ou pas, mais je n'ai aucun intérêt à vous mentir, je ne suis plus dans le jeu, je ne sortirais pas d'ici même en commettant un meurtre, je suis revenue parce que je voulais en aider certain. Et...
Monokuma répéta une dernière fois :
- Dernier avertissement : veuillez procéder au vote.
Royale termina :
- Il se trouve, comme par hasard, que cet homme a une raison de vouloir ma mort à moi en particulier. Pas vrai Randall Worthwood ?
Il se figea à l'entente de ce nom. Puis il essaya d'avoir l'air détendu et protesta :
- Je ne sais pas de quoi elle parle, ce n'est pas mon nom, le poison a du lui retourner les idées.
Je ne le croyais pas. J'ai tenté d'influencer les autres pour le vote, pour lequel il ne restait que quelques secondes.
- Votez pour Randall !
Je n'avais pas le temps d'argumenter, mais je faisais parfaitement confiance en Royale. Et la réaction de Randall à l'entente de l'autre nom n'étais pas innocente. Si Royale le disait, Randall devait être coupable.
- Le vote est terminé.
Quelques secondes, lourde de suspense et de tension, s'écoulèrent, avant que Monokuma n'annonce les résultats :
- 6 votes pour Randall, 3 pour Mizuki.
Une autre pause passa comme une éternité. Je ne respirais plus.
- Randall coupable. Vous avez trouvé le bon meurtrier.
J'ai soufflé, immensément soulagée par le résultat. Je me sous tournée vers Royale, qui me rendit un regard pétillant et me fit un clin d'oeil. Tous mes muscles se détendirent. Mais à l'inverse, Remington, et Léo, se décomposèrent. Ils se tournèrent vers Randall.. Remington l'air blessé. Léo l'air rongé par l'incompréhension.
Léo fut le premier à demander :
- Randall... Pourquoi ?
Il baissa la tête, les poings serrés, puis répondit, la voix rauque et grave, pleine d'une colère à peine contenue.
- Vous ne savez pas qui elle est. Moi je sais.
Il redressa la tête soudain et me regarda droit dans les yeux pour me dire :
- Ça me dégoûte de voir comme tu peux l'adorer et lui faire confiance alors que tu ne sais même pas ce qu'elle a fait.
Il cracha comme si les mots le dégoûtaient :
- Comme tu as pleuré sa mort...
Royale ne décrocha pas un mot, un masque indéchiffrable la recouvrit. Alors Randall continua, plus fort, pour nous tous.
- Cette femme n'est pas l'ultime croupière. Un bon croupier est neutre, celle-là n'a jamais été neutre. Elle sa famille de dégénérés, de menteurs, de voleurs, d'escrocs ! Ils leurrent les pauvres gens désespérés dans leur casino, leur font des promesses, les rendent addicts aux jeux, puis leur prenne tout ce qu'ils ont. Mes parents étaient de pauvres fermiers naïfs ! Quand on s'est enfoncés dans la misère, qu'ils passaient leurs journées à trimer pour qu'on s'en sorte, sans aucune chance d'y arriver, que c'était à moi de chasser les rats après que nos chats s'étaient enfuis parce qu'on avait même plus de quoi les nourrir, que je n'allais en CP qu'un jour sur deux, qu'on dormait dans la grange l'hiver pour se réchauffer avec notre dernière vache, ils nous ont appâtés dans leur casino en nous promettant que c'était la solution miracle, ils nous ont laissés gagner au début, c'était trop beau, soudainement on pouvait se racheter des chaussures, des manteaux, à manger, c'était magique, merveilleux, j'ai eu un bol en porcelaine avec mon nom dessus pour noël, on croyait que tout allait s'arranger, on alors on a continuer à jouer, et puis ils ont tout pris, et plus on perdait, plus on rejouait en espérant réparer les dettes qui s'accumulaient. Et comment est-ce qu'ils manipulaient le jeu ? Que tout ça était possible ?
Il serra les mâchoires. Le calme, taciturne Randall, débordait d'une haine qui faisait trembler ses poings. Je n'avais jamais vu une émotion si forte sur son visage quand il regarda Royale droit dans les yeux pour ajouter.
- Avec elle.
Ses épaules s'abaissèrent comme en signe d'abandon, il me regarda d'un air fatigué :
- Ta Royale a mené des centaines et des centaines de gens à la misère totale. Elle les a dépouillés en manipulant les cartes. Tout ça pour enrichir son ordure de père. Voilà en qui tu as confiance. Voilà qui tu as pleuré.
J'ai regardé Royale, cherchant sa réaction, peut-être un déni, une explication, n'importe quoi. Randall finit :
- Mes parents se sont suicidés après ça. Comme j'étais trop petit, ils ont juste pris tout ce qu'on avait pour repayer la dette et m'ont laissé tranquille, j'ai finis par être adopté. Je ne voulais pas vous tuer vous, mais je ne crois plus que nous ayons une chance de sortir d'ici de toute manière, alors quitte à mourir, je voulais que sa mort à elle soit de mes faits.
Il jeta un dernier regard à Royale, un petit sourire aux lèvres, comme si finalement la situation était drôle, mais une immense fatigue dans les yeux me montrait qu'il n'en pensait rien :
- Finalement c'est à mon tour de les rejoindre, comme ça tu auras finis d'achever la famille...
Avant qu'on puisse ajouter quoi que ce soit, ou poser la moindre question, Monokuma annonça :
- Randall tu as tué Royale à ton tour de mourir.
Violaine frappa sur la table pour protester :
- Personne n'a besoin de mourir, Royale n'est pas morte bon sang !
Monokuma ne réagit pas. Il se contenta d'indiquer encore une fois, comme complètement privé de sa simulation de personnalité :
- Royale : éliminée des participants.
Nikolaï chuchota dans mon dos :
- Il ne l'a voit pas plus, il l'a rayé de la liste et donc ne la détecte plus, il ne la cherche même pas.
Le fonctionnement de Monokuma m'échappait, mais il semblait que Nikolaï avait raison : Royale était comme invisible à l'œil du cyclope.
Avant qu'on puisse vraiment encaisser la situation, une cuve fut amenée au centre de notre cercle, les plaques de verre s'élevèrent, et Randall fut éjecté de son pupitre par une grosse pince qui le souleva du sol. La pince le maintint au dessus de la cuve pendant un instant. Monokuma termina sa phrase, froid et inhumain :
- Royale a été rongé de l'intérieur par le poison, tu seras rongé de l'extérieur par l'acide.
J'ai eu le temps de voir la pince s'ouvrir et le début de la chute de Randall mais très vite l'obscurité recouvrit tout. Puis j'ai réalisé que c'était Nikolaï qui avait couvert mes yeux avec ses mains de géants toute râpeuses, qui me rappelait un peu les miennes. Mais malgré la protection de ses mains j'ai tout entendu.
Le bruit de l'acide, le mouvement pour rester à la surface, et surtout les cris.
Je n'ai pas envie de vous décrire les cris. Je n'ai pas envie de me replonger dans les détails de l'exécution de Randall. C'était trop violent, c'était trop cruel. Je me souviens avoir souhaité ardemment la mort du responsable de l'empoisonnement de Royale, j'ai voulue la violence.
Mais pas cette violence là. Je ne pouvais pas souhaiter à qui que ce soit cette mort là.
Je ne peux pas vous dire combien de temps cela prit pour que les cris s'arrêtent. Peu. Mais je n'ai pas tenu de toute façon, mon esprit est vite parti se réfugier dans un état second, détaché de la réalité, ou j'entendais ce qu'il se passait mais comme si cela se produisait à la télé dans un film particulièrement gore qu'on évite de regarder et dont on baisse le son.
Sans les mains de Nikolaï pour me protéger de la vision l'accompagnant, je ne sais pas comment je l'aurais vécu. Je ne sais pas qu'elle autre cicatrice j'en aurais gardé.
J'étais au plus bas. J'avais seulement une fois dans ma vie j'avais été autant au fond du gouffre.
Le poison m'avait terriblement affaiblis, le sang alcoolisé de Violaine rendait mes pensées embrumées et mes réflexes lents. L'ascendeur émotionnel de voir Royale mourir, puis la voir revenir, puis apprendre ces sombres vérité sur elle me laissait dans un état de confusion profond. Je ne savais plus quoi penser ni ressentir. Je me suis recroquevillée.
Nikolaï m'a porté hors de la salle de jugement. Ensuite Cassiopée à pris la relève une fois chez moi. Je ne sais pour la suite, je n'avais pas envie de savoir.
Je n'avais qu'une seule envie, c'était de m'endormir et ne plus jamais avoir à me réveiller, car mes cauchemar étaient moins atroces que la réalité à laquelle je devrais me confronter une fois éveillée.
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