Chapitre 2 (8)
J'ai passé les heures suivantes avec Anoushka, dans son chalet. Nous n'avons ni parlé de l'incident d'un peu plus tôt, ni de quoique ce soit lié au meurtre. À vrai dire, nous n'avons quasiment pas parlé, comme souvent avec Anoushka en fait. On s'est enveloppé dans de gros plaid et Anoushka a sorti un plateau d'échec.
J'étais très mauvaise, et elle me battait à chaque partie. Et encore je la soupçonnais de se retenir pour faire durer un peu les parties. C'est vrai que je la voyais souvent des casse-tête en main, et qu'elle avait l'air d'aimer les énigmes en général.
En plein milieu d'une nouvelle partie que je savais déjà perdue d'avance, j'ai finis par me lasser et je lui ai demandé :
- Je pense qu'on devrais retourner auprès des autres. Ils vont se poser des questions. Peut-être même nous chercher.
- Ça m'étonnerait, lâcha-t-elle d'un ton détaché en avançant une nouvelle pièce. À toi.
J'ai machinalement avancé un pion sans me rendre compte que le sacrifiais à sa tour au passage.
- Je peux savoir ce qui te fais dire ça ?
- La dernière fois que quelqu'un est partie chercher quelqu'un d'autre, nous sommes tombés sur un cadavre.
- Et alors ? Justement, raison supplémentaire de s'inquiéter.
Anoushka prit un peu plus de temps pour répondre.
- Oui mais là ce sont nous deux qui manquent. Et ils nous ont vu sortir tu sais.
J'étais encore un peu dubitative, car je pensais à Mélanie et Axel qui devaient avoir finis leur conversation, et Mélanie qui devait m'attendre. J'ai continué :
- Et donc ? Tu penses qu'il te croit incapable de me tuer ? Sans vouloir te vexer je ne crois pas que tu sois celle en qui ils aient le plus confiance...
Cette fois, elle interrompit son geste en plein air, et releva les yeux vers moi. Prise au dépourvu, j'ai rajouté presque pour me justifier :
- Je veux dire avec un second meurtre les gens risquent encore plus de se méfier.
Un petit sourire naquit lentement sur les lèvres d'Anoushka qui termina son geste et baissa les yeux avant de répondre :
- Comme je le disais, ils nous ont vu partir ensemble, que crois-tu qu'il se passerait si je te tuais ? Échec et mat.
J'ai d'abord crut que sa dernière phrase était une réponse à sa propre question, mais en baissant les yeux je remarquai que c'était également vrai sur le plateau. Elle venait de coincer mon roi sans même que je ne m'en rende compte - bien que je n'étais pas très impliquée dans la partie. Anoushka se leva alors, et fit le tour de la table basse pour venir s'assoir à côté de moi. Je l'ai regardé, mi-surprise, mi-curieuse, et celle-ci se pencha soudain vers moi, pour prendre délicatement mon menton entre ses doigts fins.
- Tu sous-entends qu'ils se méfient mais pas toi, peut-être que tu devrais ?
Elle se pencha encore et je me mis à loucher, en ne pouvant retenir un léger mouvement de recul, mon coeur battant un peu plus vite.
- Je pense que ce serait facile de te tuer. Je pourrais le faire tout simplement au couteau et viser la gorge, le cœur, les poumons, je pourrais aussi essayer de t'étrangler, avec mes mains.
sur ces mots elle laissa glisser sa main qui tenait mon menton sur ma gorge. Un frisson m'a parcourut sans que je puisse trop en identifier la nature.
- Tu te débattrais certes, alors ce serait un peu dur mais je finirais pas prendre le dessus parce que je suis plus forte que toi. Je pourrais aussi chercher le produit vaisselle et te forcer à le boire, ou fracasser ton crâne avec... je ne sais pas moi, cette lampe tient par exemple.
J'ai bredouillé quelque chose d'incompréhensible et elle laissa échapper un petit rire cristallin, dont le son joyeux était en contradiction avec les paroles qu'elle venait à peine de prononcer.
- Tout le monde sait que je peux faire ça, physiquement j'entends, mais mentalement ils le croient aussi. Pourquoi est-ce qu'ils ne s'inquiètent pas à ton avis ?
j'ai finit par rassembler assez mot pour répondre, la voix moins assurée que je ne le voudrais :
- Parce que tu serais beaucoup trop suspecte... Tu es trop intelligente pour ça...
Toujours avec un petit sourire, elle fit descendre encore un peu sa main en se penchant encore d'un cran. Je commençais à avoir chaud, et je ne pouvais pas me reculer plus sans tomber bizarrement en arrière.
- C'est peut-être vrai, mais ce n'est pas que maintenant, il ne s'inquiète pas même quand je pourrais facilement m'innocenter...
J'ai essayé de chercher pourquoi les gens ne soupçonnerais pas Anoushka alors que personne mis à part moi ne lui fait confiance. Voyant que je ne répondais pas, elle rit encore et répondit :
- Lyslas, enfin, comment une personne aussi observatrice que toi peut-être aussi aveugle ?
J'ai encore bredouillé ne sachant pas quoi rétorqué à cela.
- Observatrice ?
- Lyslas personne ne pense que je te tuerais parce que tout le monde peut voir que j'ai d'autres intentions à ton égard-
Elle conclue sa phrase avec un regard me balayant des pieds à la tête. Cette fois-ci je fis une imitation plutôt ressemblante d'un poisson hors de l'eau pendant une solide dizaine de secondes, mon visage ma chauffant comme si j'avais mis la tête dans un four. J'étais peut-être aveugle mais je savais recevoir un sous-entendu.
À mon immense soulagement elle se redressa d'un coup, quand quelqu'un frappa d'un coup à la porte d'entrée.
- Ah tu vois que t'avais dit qu'on viendrais nous chercher.
Elle ne fit pas attention à ma remarque et se leva pour aller répondre à la porte d'entrée. Mais je la vis d'abord jeter un coup d'oeil à la fenêtre.
- Cassiopée.
À l'entente de ce nom j'ai sauté sur mes pieds, mon plaid toujours enroulé autour de moi, pour me rapprocher de la porte. Anoushka ouvrit et sur le pas de la porte, au milieu des bourrasques de neige se tenait une petite silhouette, qui paraissait minuscule enroulés dans un énorme manteau couleur bordeau bordé de fourrure.
De cette masse de tissu émergeait le visage rougit de Cassiopée, auréolé de sa chevelure brune, détachée pour une fois, agité par les éléments. Ses yeux verts ressortaient particulièrement et elle avait l'air inquiète, apeurée même, comme souvent lorsqu'elle était entourée des autres.
Je me suis précipitée en avant pour la faire rentrer en voyant les flocons qui s'accumulaient sur ses épaules et sa tête.
- Rentre Cassiopée ! Qu'est-ce que tu fais ici toute seule ?!
Au milieu ou je la tirai à l'intérieur, j'ai crut voir un élan de protestation venir d'Anoushka, mais celle-ci ne dit rien au final.
- J-j'ai pas o-osé demandé aux au-autres de v-venir...
Elle grelottait, claquait des dents, les lèvres bleuis. Je l'ai amené à côté du feu, en lui en enlevant son manteau dont la neige commençait déjà à fondre, et je lui aie posé mon châle sur les épaules.
- C'est dangereux de sortir dans ces conditions enfin !
- O-oui mais vous ne r-reveniez pas et j'avais peur avec le-le m-meurtre... tout ça...
Anoushka nous doubla pour aller remettre une buche dans le feu et répondit avec sa délicatesse habituelle :
- On ne risquait rien, tu es venue pour rien.
Elle rétorqua avec une toute petite voix :
- ...On ne sait jamais.
Anoushka se tourna vers elle. D'un air froid, elle se contenta de rétorquer :
- Et tu t'es dit que toi tout seule, frigorifiée et terrifiée, tu changerais quelque chose dans le cas où on serait vraiment en danger ?
J'ai vu Cassiopée se recroqueviller et j'ai pris sa défense en voulant calmer le ton.
- Ça va Anoushka, elle s'est inquiétée et elle a voulue venir vérifier, pas besoin de l'agresser.
Elle haussa juste les épaules et alla se laisser tomber dans le fauteuil en croisant les jambes.
- Je ne l'agresse pas, je dis juste la vérité.
Cassiopée baissa un peu la tête honteusement :
- C'est vrai que c'était un risque inutile. Je suis désolée je n'aurais pas du venir.
Elle se leva sur ces mots et retourna vers la porte. Je me suis levée aussi et j'ai attrapé son poignet.
- Attend, tu n'as même pas eu le temps de te réchauffer et tu veux repartir dans le froid ?
Elle avait encore les lèvres bleuies. Elle tourna la tête pour éviter mon regard et répliqua :
- Je n'aurais pas du venir de toute façon, je vais juste... rentrer au chalet...
J'ai jeté un regard suppliant à Anoushka, qu'elle m'aide, me soutienne, fasse quelque chose. Elle soupira et puis lâcha.
- Non reste Cassiopée, je voulais pas te chasser. Et Lyslas ne veut pas que tu partes.
L'ultime coiffeuse déglutit et retourna un peu à l'intérieur, toute tendue et terriblement gênée. Après ça Anoushka alla se reposer dans sa chambre, prétextant qu'entre le meurtre et la tempête, elle était épuisée. Je la soupçonnait juste de ne pas aimer voir Cassiopée gesticulée assise au bout du fauteuil, sursautant au moindre de ses mots.
- Est-ce que tu as peur d'Anoushka ?
Elle était nerveuse encore, n'osant quasiment pas me regarder dans les yeux.
- ...Elle m'intimide.
J'ai haussé un sourcil :
- Ça je comprend.
Elle n'ajouta rien pendant un long moment puis changea de sujet.
- On a pas beaucoup de temps pour trouver le meurtrier le temps passe et on a pas avancé.... Vous avez... trouver quelque chose avec Cassiopée ?
J'ai déglutit au souvenir de ma crise, mais j'ai pris sur moi pour finalement répondre :
- Pas grand chose...
Elle regarda devant elle, les yeux perdues dans le vide. Elle porta un ongle à sa bouche et je remarquai soudain que le bout de ses doigts était complètement rongé, presque jusqu'au sang. Sans réfléchir à ce que je faisais, j'ai porté la main à la sienne pour l'empêcher de mordre ce qu'il en restait.
Elle se tourna vers moi, ses sourcils fins froncés à la fois par la réflexion et le stress.
- Qu'est-ce qu'on va faire Lyslas ?
J'ai tenté un maigre sourire.
- Prier pour que l'autopsie nous donne un peu plus de détails.
J'ai serré un peu plus fort sa main.
- Et surtout ne pas abandonner.
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