Chapitre 2 (3)


3 jours passèrent depuis l'incident avec Violaine, et depuis j'étais encore plus terrifiée de la croiser, jusqu'à inventer des raisons stupides pour quitter chaque pièce où elle entrait, faire demi-tour chaque fois que sa chevelure bleu-paon se profilait à l'horizon.

Lors du dîner, je me mis à baisser les yeux autant que possible et ne faire que regarder vers la gauche pour éviter de croiser le regard de Violaine en face à droite. Je pense que Remington le remarqua mais il ne fit aucun commentaire. Anoushka aussi le remarqua, puisqu'en allant toutes les deux finir la soirée chez elle, comme nous en avions pris l'habitude, elle me questionna :

- Il s'est passé quelque chose avec Violaine ?

- ...

- Tu peux me le dire.

- Elle me pense... coupable de quelque chose ? Enfin elle me soupçonne, pense que je suis une menteuse... Et que je vais "déjouer" ses plans...

Anoushka me coupa alors :

- Sans vouloir te vexer Lyslas, c'est bien la seule à le penser, tu es un véritable livre ouvert. Un livre écrit dans une langue un peu étrange et inconnue, mais ouvert en grand tout de même.

- Le problème c'est aussi que je l'ai surpris discuter avec Aimana, et visiblement ils ne voulaient pas être vus ou entendus, et maintenant elle pense que je l'espionne.

Lyslas haussa un sourcil :

- Elle est parano.

- Dixit toi, dis-je en rigolant un peu.

Elle fronça les sourcils, l'air de ne pas être d'accord :

- Quoi, je ne suis pas parano, moi, juste prudente.

- Bien sûr, c'est par prudence que tu continues de te balader avec un couteau caché dans ta veste - oui j'ai remarqué - et que tu as installé un système d'alarme avec un fil tendu et une clochette à l'entrée de ta chambre ?

Elle me jeta un petit regard de haut en bas, et rétorqua avec un petit sourire narquois :

- ...Tu t'intéresses à ma chambre ?

J'ai sentis mon visage chauffer et elle mis fin à ma torture en continuant, l'air fière de son effet :

- Et donc qu'est-ce que Violaine faisait avec Aimana au juste ?

J'ai sauté sur l'occasion pour changer de sujet :

- Je ne sais pas, je n'ai rien entendu, mais Royale m'a dit qu'ils parlaient d'organiser quelque chose, et se demandaient quelle heure ou lieu pour faire quelque chose.

Anoushka eu l'air de réfléchir un moment :

- Ils ne sont pas du tout assez discret pour que ça soit quelque chose de vraiment dangereux.

- C'est ce que je me disais aussi, c'est trop suspect pour être suspect.

- On devrait quand même faire attention, ajouta-t-elle.

J'ai hoché la tête en signe d'approbation. Ce soir là je suis rentrée chez moi.

Ce qui me réveilla fut un bruit violent de claquement sec. Je me suis redressée d'un coup, sortie brutalement de mon sommeil par une montée soudaine d'adrénaline. Des flash d'images passèrent à l'accéléré dans mon crâne, me replongeant à une époque que j'avais si difficilement enfouie dans les tréfonds de ma mémoire. Après quelques minutes de panique et de brouillard, je me suis enfin reprise. D'où venait ce bruit. J'ai sortie le couteau de sous mon matelas, et le cœur battant, encore bousculée par mon réveil récent, je suis allée inspecter le bruit.

En rentrant dans mon salon, je me suis calmée immédiatement. Deux de mes volets avaient visiblement été ouverts de force par le vent. Rien que le vent. J'ai pressé mon visage contre la vitre épaisse et glacée. Dehors le vent soufflait en bourrasques violentes.

J'ai frissonné face à la température assez basse malgré le chauffage et je suis retournée entre mes draps, rangeant mon couteau sous mon lit. Peut-être pas une très bonne idée de le mettre là, mais ça m'aidait à dormir.

Le temps s'était violemment gâté, alors j'ai préféré de pas sortir du tout ce jour là, sachant que Anoushka comprendrait, car nous nous étions déjà accordée sur ce genre de situation. Cassiopée et Axel sont venu prendre de mes nouvelles en fin de matinée. On a prit un thé ensemble, et partagé nos inquiétudes sur le temps, et je leur aie fait part de l'épisode entre Violaine et Aimana.

Axel sauta sur l'histoire pour critiquer Violaine, mais le résultat de la conversation fut le même qu'avec Anoushka : bizarre, mais ils n'en auraient pas parlé à l'extérieur de leur chalet comme si de rien était s'il s'agissait de quelque chose de vraiment grave, comme un meurtre.

Puis j'ai passé le reste de la journée dans mon atelier.

Enfin l'heure du dîner arriva et je fut obligée de sortir. Le vent et le froid étaient épouvantable. Il ne neigeait pas, mais le ciel était couvert, et il ne serait pas surprenant que cela arrive vite.

Ce fut Mélanie qui proposa en premier l'idée, mais presque tout le monde la rejoint très vite : pourquoi ne pas passer la journée de demain dans le chalet principal ?

Monokuma, bien que refusant de nous répondre clairement, nous avait à demi-mot avoué que la météo ne ferait qu'empirer dans les jours prochains, et que cela ne serait pas joli-joli. Avec quelques volets déjà cassés, et avec la difficulté que serait le fait de se déplacer, il était plus prudent de rester en groupe dans le bâtiment le plus solide et protégé.

La décision fut approuvée. Ce soir là j'ai décidé de rester chez Anoushka, le froid me décourageant, et j'ai dormis sur le canapé comme je l'avais déjà fait plusieurs fois depuis notre arrivée ici.

Le lendemain matin, comme nous le craignions, le vent avait encore augmenté en puissance, et le froid se faisait de plus en plus mordant, perçant les vêtements et venant s'infiltrer jusqu'aux os. Je quittai Anoushka devant le chalet principal, décidant de faire un crochet pour aller chercher plus d'affaires chez moi avant de me réfugier avec les autres.

Une fois mon petit sac prêt, prête à passer la journée - voire plus si nécessaire - dans le chalet principal improvisé en abri anti-tempête, je suis retournée sur mes pas, pour rejoindre ce dernier.

À mi-chemin, en passant à l'angle où se trouvait le chalet de Randall, je vis ce dernier en train de lutter contre le vent en clouant des planches sur ses fenêtres. J'ai hésité, mais en le voyant rattraper au dernier moment une planche emportée par les éléments, j'ai décidé de m'arrêter pour l'aider un instant. En m'approchant, je lui aie lancé d'une voix forte pour couvrir le bruit des bourrasques :

- Un coup de main ?

Il hésita un peu et me tendis le marteau pendant qu'il tenait la planche en place. On a fait le tour de toute les fenêtres, et je lui aie demandé :

- Tu ne nous rejoins pas ?

- Non.

Une fenêtre plus tard, j'ai osé demandé :

- Pourquoi pas ?

- J'ai pas envie de voir certaines personnes.

- Qui ? Si je peux demander...

Il me jeta un regard en coin, l'air un peu mécontent de devoir faire la conversation, mais répondit tout de même.

- Mike. Hier ils se sont fâchés, et il a traité Aimana de "tapette" et de "pd". J'aime pas trop l'homophobie, mes mamans étaient homosexuelles.

J'aurais voulu lui poser plus de questions, notamment sur l'usage du passé, mais il s'agissait certainement d'un sujet sensible et je l'avais déjà poussé à me répondre plus qu'il n'en avait visiblement envie. Le garçon de café était discret et silencieux, et je ne savais au final presque rien de lui. Mais nous avions déjà recouvert toutes ses fenêtres, il me remercia et je me préparais à repartir, mais il ajouta soudain, toujours la voix forte pour se faire entendre :

- Est-ce que tu sais si Aimana et Mike sont réconciliés ?

- Non pas vraiment. Je sais juste que Aimana était avec Violaine hier.

Il hocha juste la tête, pas l'air d'être surpris le moins du monde, n'ajouta pas un mot, me re-remercia et rentra chez lui. Perturbée, j'ai repris mon chemin et je suis rentrée dans le chalet principal. Il était comme dans mes souvenirs, d'il y a quelques semaines. Je n'y était pas entrée depuis le premier jour où je m'étais réveillé ici. Pourtant cette pièce immense, douillette, pleine de livres, jeu, tapis et fauteuil, était un lieu très agréable. Sa façon d'être compartimentée avec les étagères permettait de facilement s'isoler en petit groupe, bien que l'espace du milieu où les gens s'étaient réunis était plus vaste.

Dans la pièce, j'ai vu que nous étions presque tous au complet. Il ne manquait que Randall, Aimana, Royale, et Mizuki. En repérant la chevelure bleu-vert de Violaine je me suis immédiatement tendue, mais heureusement Cassiopée, qui venait de remarquer mon arrivée vint tout de suite à ma rencontre et m'aida à me débarrasser de mon épaisse couche de vêtements.

Ensuite elle me tira en me tenant la main vers le petit groupe habituel, composé d'Axel, Mélanie et elle, mais je ne voulais pas laisser Anoushka seule. Je me suis donc relevée et je suis allée la voir :

- Tu viens avec nous Anoushka ?

Elle était assise en tailleur dans un fauteuil, un casse-tête en bois sur les genoux. Elle releva les yeux vers moi, puis jeta un coup d'oeil vers le petit groupe qui m'attendait :

- Hm, je ne suis pas sûre d'être vraiment à ma place avec eux...

Il est vrai qu'elle n'avait jamais eu l'air très à l'aise en leur présence malgré mes efforts pour l'intégrer...

- Moi je suis là et t'es à ta place avec moi, donc c'est pas grave si tu t'entends pas trop avec eux, t'es pas obligée de participer à la conversation....

Je conclus ma réponse sur un petit sourire. Après hésitation, elle finit par se lever, soulever son fauteuil - qui faisait 2 fois sa taille et semblait beaucoup trop lourd pour sa carrure - comme s'il ne pesait rien, et nous rejoint.

Je réalisais qu'à part moi, Anoushka ne parlait à personne d'autre, mes amis n'étaient pas amis entre eux... Cela me faisait bizarre de découvrir ces nouveaux problèmes d'amitiés, moi qui n'avait jamais entretenu de liens avec les autres... Mes seules "amitiés" étaient mes rapports cordiaux que j'entretenais avec mes clients, et les quelques conversations un peu plus régulières que je tenais avec certains d'entre eux par message, mais c'était tout.

Pendant ce temps, nous discutions comme d'habitude.

- Autant Royale je comprend, vu qu'elle semble vouloir tout faire le plus différemment possible des autres, et à la limite Mizuki aussi vu comme c'est une solitaire, mais pourquoi est-ce que ni Randall ni Aimana ne sont là ?

Axel demandait à Mélanie qui répondit calmement, un carnet sur les genoux et un feutre à la main, en train de travers fluidement des lettres et des arabesques.

- Je ne sais pas, chacun a ses raisons. Du moment qu'ils sont en sécurités...

J'ai intervenu :

- Apparemment Mike et Aimana se sont encore disputés.

- Ça arrive souvent ses derniers temps... fit remarquer Cassiopée.

- Depuis la semaine dernière oui, ajouta Axel, et tu sais quel était le problème Lyslas ?

J'ai secoué la tête négativement : 

- J'ai croisé Randall qui m'a juste dit que Mike avait lâché des insultes homophobes à Aimana et que c'est pour ça qu'il ne nous rejoignait pas, il ne veut pas le voir. J'imagine que c'est pareil pour Aimana. 

- Je croyais que Mike était réceptif aux avances d'Aimana...

Cassiopée commenta l'air pensive :

- C'est pas surprenant en même temps, Aimana devait s'y attendre, ça se voyait qu'il le draguait ouvertement, même aux diners, et il n'aurait pas dû faire ça, ça a du mettre Mike mal à l'aise, vu que...

Anoushka intervint brutalement :

- "Pas surprenant" ? "S'y attendre" Tu penses qu'il l'a cherché ? Qu'il le méritait ?

Cassiopée sursauta l'air piquée à vif :

- N-non ce n'est pas ce que je voulais dire c'est juste que...

J'ai voulut calmer le jeu, alors j'ai lancé :

- Hey, du calme Anoushka, je ne pense pas que Cassiopée voulait dire du mal d'Aimana.

Anoushka souffla, l'air encore plus agacée après ma piètre tentative d'apaisement :

- Vous ne faites que déverser vos ragots et vos petites histoires sur les autres, comme une bande de commères...

La remarque me fit un pincement désagréable au coeur. Ce n'est pas comme ça que je percevais nos conversations, et son ton froid et désapprouvant me laissa un goût amer dans la bouche. Sans vraiment plus y réfléchir j'ai rétorqué, déversant mon amertume :

- Bien sûr toi tu es une sainte qui ne juge personne...

Je n'aurais sut décrire le regard qu'elle me jeta. Peut-être étais-ce de la trahison qui s'y cachait, mais l'armure indéchiffrable de mystère qui recouvrait ses yeux couleur de nuit, que j'avais petit à petit vu s'affiner en la côtoyant, se fit soudain aussi épaisse qu'au premier jour. Elle répondit juste :

- Je vois.

Elle se leva, laissant son siège en place, et se dirigea vers la sortie. Je voulais immédiatement me lever pour la suivre, mais j'ai sentis une petite main froide se poser sur mon bras. J'ai tourné la tête, c'était Cassiopée.

- Je pense que dans l'état des choses ça ne ferait qu'empirer la situation...

J'ai hésité, serrant les mâchoires, mais au fond, je savais qu'elle avait raison. Lui parler maintenant ne serait que jeter de l'huile sur le feu.

J'ai pris sur moi et je me suis rassise, tout mon sentiment de paix désormais envolé....


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