Chapitre 2 (10)
(un peu d'aide de Corneille pour ce chapitre je précise)
Je me suis réveillée péniblement, les paupières comme collées l'une à l'autre, faites de plomb, refusant de s'ouvrir. Puis j'ai roulé dans mon lit et j'ai étendu mon bras pour atteindre le petit réveil sur la table qui sonnait faiblement.
Je n'avais besoin de beaucoup pour me tirer du sommeil mais avec le procès à 11H30 je ne voulais pas prendre le risque. Nous ne savions toujours pas quelle était la punition pour ceux qui ne venaient pas aux rendez-vous fixez pas Monokuma mais je ne tenais pas à le découvrir.
Le petit écran bleuté affichait 5h39. Je fut étonné un instant d'avoir autant dormis étant donné l'état dans lequel je m'étais couché, mais j'imagine que pleurer m'avait épuisé plus que je ne l'avais pensé.
J'ai repensé à nos recherches d'hier, avec Léo. Les 4 suspects potentiels, si tant est que l'horloge n'avait pas été remise à l'heure discrètement avant que nous puissions le voir et que notre histoire d'horaire ne tombe complètement à l'eau...
J'ai replongé mon visage dans mon oreiller, mes cheveux grisâtre et abîmés retombant comme un palmier autour de mon crâne.
J'avais du temps à perdre avant le procès...
Puisque j'allais peut-être mourir dans quelques heures, que devrais-je faire ? Je n'avais pas envie de grand chose. Peut-être manger un peu ? Mais je ne stockais jamais rien dans ma cuisine. Avais-je le courage de sortir, marcher dans le froid, me préparer à manger, peut-être croiser du monde ?
j'ai poussé un long soupire et j'ai renoncé à l'idée.
Sans vraiment réfléchir je me suis traînée jusque dans mon atelier. La pièce eut immédiatement un effet apaisant sur moi. Les étagères pleines d'outils, de vernis et de solvants, le bois dans un coin, la structure du violon prenant forme sur la grande table au centre...
Si je mourrais tout à l'heure je n'aurais pas le temps de le finir de toute façon. Au lieu de ça, je suis allée me poser sur un tabouret un peu plus dans un coin et j'ai sortis mon carnet, reprenant où j'en était la liste de vocabulaire russe que j'essayais d'apprendre. Un de mes passe-temps comme un autre.
3 heures plus tard environ, j'ai vu par la fenêtre une petite silhouette passer devant ma fenêtre. J'ai posé mon carnet et je me suis levée pour regarder par la fenêtre, mais la personne avait fait le tour du bâtiment et je ne pouvais plus la voir.
Je me suie levée et je suis retournée dans mon salon, intriguée. Je me suis penchée par la fenêtre, discrètement pour essayer de retrouver la personne que j'avais vu, et j'ai constaté que sur mon palier, se trouvait, hésitant, Axel.
Il avait la main en suspension, comme prêt à frapper à la porte, mais malgré mon attente il ne le fit pas.
J'ai finit par en avoir assez et j'ai entre-ouvert la porte moi-même. J'ai eu le temps un instant de voir la panique sur son visage, alors qu'il avait l'air de considérer la possibilité de fuir, puis il se reprit et me tendit un torchon enroulé en boule.
- Hey Lyslas. Hum, je sais qu'il est encore assez tôt... mais comme on ne t'as pas vu, et qu'hier tu avais l'air assez démoralisée au dîner, je me suis dit que j'allais t'amener un petit déj.
Et il conclue sur un petit rire nerveux. Je lui aie sourit et en ouvrant la porte plus grand, je l'aie invité à entrer. Au passage j'ai pu voir que même s'il faisait toujours aussi froid, le temps était bien meilleur ce matin.
Axel remarqua mon regard vers le ciel :
- Ironique que le ciel choisissent d'être beau un jour comme celui-ci...
J'ai hoché la tête tandis qu'il entrait. Je sais que Anoushka aurait désapprouvé ça, mais je faisais confiance à Axel.
Maladroit, jaloux, émotif, mais toujours ouvert, toujours aimable, toujours délicat dans ses gestes. Il ne me faisait jamais me sentir en danger. Peut-être étais-je stupide de croire ça...
Il déplia le torchon sur la table : deux tranches de pain en sandwich sur du beurre et du chocolat. Une barquette de jus de fruit.
- Le jus a périmé hier, mais j'en aie bu avec Mélanie et Cassiopée et on a trouvé qu'il avait bon goût...
J'ai pris le sandwhich sans dire un mot et il reprit immédiatement, enthousiaste mais inquiet.
- Je ne suis pas sûre de ce que tu aimes mais en général tout le monde aime le pain le beurre et le chocolat alors je me suis dit....
- Merci Axel.
j'ai fixé la tartine. Axel ne pouvait pas savoir que c'était ce que ma mère me faisait au goûter, tous les jours, avant, quand on se voyait encore, quand tout allait bien.
J'ai vu Axel se tortiller, un peu anxieux, comme souvent. J'ai commencé à manger en essayant de combler le silence, car c'était visiblement tout ce qu'il attendait.
- Alors, tout vas bien pour toi ?
Il sauta sur l'occasion pour déverser :
- Écoute Lyslas je trouve que je ne me suis pas assez excusé pour mon comportement la dernière fois, j'ai vraiment été insupportable et-
Je l'ai très vite coupé :
- C'est rien, on oublie tout ça.
Il baissa un peu la tête et resta silencieux. Je sentais qu'il avait des choses à dire.
- Merci Lyslas. Ça va sonner bizarre mais tu es réconfortante.
Tiens, encore un nouveau qualificatif.
- On dirait que tu es en dehors de tous les dramas, de toutes les mésententes. Tu n'es au centre d'aucun conflit. Et tu pardonnes aux autres aussi. C'est... c'est rassurant d'une certaine façon.
J'ai haussé une épaules.
- Je n'aime pas beaucoup la confrontation.
- Tu n'es pas vraiment passive pourtant, pendant les enquêtes, les procès.
- J'aime encore moins mourir.
Il sourit.
- Moi non plus. Même si je le voulais à une époque.
Je n'ai pas répondu. Je ne savais pas quoi répondre à ça. Le silence a continué jusqu'à ce qu'il rajoute.
- Je peux te confier un secret ?
J'ai simplement hoché la tête.
- Mélanie...
Il rougit soudain.
- J'ai des sentiments pour elle...
- Si c'est ça ton secret, désolée de t'apprendre qu'il n'est pas si secret que ça...
- Non non, le secret c'est que... Axel déglutit en redressant ses lunettes, à vrai dire je ne sais pas si tu es au courant mais Mélanie est très active sur les réseaux sociaux, elle poste beaucoup de vidéos de calligraphie, elle fait des lives et des tutoriels etc
Bien que je n'ai pas de souvenir très précis de cela, cela me disait quelque chose, je crois en avoir entendu parler de loin. Axel eu soudain un petit rire nerveux et replia ses jambes contre lui.
- Quand j'allais vraiment mal, je regardais ses vidéos. J'étais - je suis - vraiment fan, je veux dire pas juste de son travail, de tout, de sa personnalité, de sa façon d'être. C'était la seule chose qui me calmait lorsque je n'en pouvais plus, et la rencontrer en vrai...
Il rabattit une boucle qui était tombé sur son visage. Son visage criblé de tâche de rousseur rougit encore d'une nuance plus profonde.
- À vrai dire ma première rencontre avec elle était avant ce..ça...notre arrivée ici je veux dire.
J'ai penché la tête, mais je l'ai laissé continuer :
- Je suis l'ultime opticien après tout. Ma boutique est mondialement connus, les plus grandes personnalités viennent chez moi. Mes montures sur toutes uniques, personnalisés, à la dernière mode. Le monocle de Mélanie - et ses 4 dernières montures avant - sont faites de ma main.
Mais quelque chose clochait dans ses paroles.
- Mais... Mélanie, elle t'as vu aussi ?
Il hocha doucement la tête et un voile de tristesse recouvrit son expression :
- Oui, mais...
Il passa une main sur son front, découvrant son visage écarlate :
- Elle ne me reconnait pas...
J'ai froncé les sourcils sans comprendre. J'étais sur le point de lui poser la question quand il répondit avant même que je ne lui demande :
- Je n'ai jamais officiellement montré mon visage. Dans ma boutique je travaille comme si j'étais un vendeur.
- Et alors, elle devrait quand même t'avoir reconnu non ?
- Je ne ressemblais pas tout à fait à ça...Enfin, je...
Il bafouilla alors un moment avant de réussir à maladroitement expliquer :
- Tu sais je- j'avais, j'étais pas encore... C'était avant que je transitionne donc... les gens pensaient que j'étais une fille et c'est ce que je voulais leur faire croire, j'avais peur de leur dire, d'essayer d'être moi...C'est trop dur de lutter, de dire "non je ne suis pas...ce que vous croyez". Les gens croient ce qu'ils veulent je peux pas lutter contre la marée.
J'ai simplement hoché la tête, comprenant mieux la situation. Axel se prit soudainement la tête entre les mains, et les larmes montèrent dans ses yeux. Il détourna la tête, avec honte.
- Le problème c'est que... Je ne crois pas que Mélanie aime les garçons...
Un sanglot lui échappa mais il continua quand même :
- Je ne sais plus ce que je pense, ou ce que je veux. Je ne peux pas m'empêche de me dire que peut-être, peut-être que je pourrais encore... revenir en arrière pour lui plaire. Mais je sais que c'est pas possible, au fond de moi je sais que j'en mourrais. Je ne peux pas changer ce que...non, qui je suis...aussi facilement. Sinon....pourquoi transitionner ? C'est...une question d'être, pas de vouloir.
Les mots sortaient de lui comme s'ils le brûlaient au passage, comme des hoquets douloureux qui s'échappaient de force de sa poitrine, qu'il tenait entre ses mains froissés sur son pull couleur cannelle.
- Je me sens furieux, mais je ne sais même pas contre qui. J'ai tout rejeté sur Violaine parce que je n'arrive pas à garder ça à l'intérieur.
Je me suis levée pour aller m'assoir à côté de lui.
- Quand je vois comme elle s'entend avec Violaine, comme elles ont l'air complice alors qu'elles viennent de se rencontrer...
Il ouvrit la bouche, prêt à finir sa phrase, puis posa ses lunettes sur la table et essuya ses joues avec sa manche, rouvrit encore une fois la bouche mais rien ne lui vint. Il n'eut pas besoin. En voyant son visage j'ai compris ce qu'il voulait dire.
- J'ai l'impression d'être piégé dans une cage. Dans ma propre cage que j'ai construite moi-même et dans laquelle je me suis enfermée moi-même, et je me déteste mais je ne peux pas changer.
Il n'y avait rien à lui dire, alors je lui aie juste ouvert les bras. Il s'y laissa tomber et finit d'évacuer ce qu'il lui restait de larmes. Je me vis hier à sa place, dans les bras de Léo.
- Tu ne le répèteras pas hein ?
- Non promis.
- Merci Lyslas.
Avant que j'ai le temps de réfléchir j'ai sortis, presque par réflexe :
- De toute façon on sera peut-être morts dans moins de 3 heures.
Ces mots semblèrent faire se reprendre Axel. Il se redressa, épousseta son pull et se racla la gorge.
- Bon t'as raison, on a pas que ça à faire. Je devrais te laisser profiter du temps avant le procès au lieu de te raconter tout ça.
Il avait les yeux rouges, mais il semblait aussi plus calme. Il me fit un dernier sourire et me dit en sortant :
- Profite bien de ton petit déjeuner !
Je me suis de nouveau retrouvé seule, mais avec un sandwich au chocolat en plus.
Dans les quelques heures qui restèrent, je n'ai pas osé sortir aller chercher quelqu'un d'autre. Anoushka, Cassiopée, ou Royale. Peut-être aurais-je du, et peut-être le regretterais-je, mais une boule d'angoisse m'enchainait de force dans mon chalet, dont je n'osais plus sortir.
J'ai tourné en rond pendant un long moment avant que finalement il soit l'heure d'y aller.
J'ai inspiré profondément la main sur la poignée de la porte, avant de la poser et de sentir le froid de l'extérieur sur ma peau.
C'est presque comme un zombie que je suis allée dans le chalet de spectacle, où la majorité d'entre nous était déjà rassemblée. J'ai soudain réalisé que je serrais les dents bien plus fort que je ne le devrais.
En me forçant à me calmer je suis passée devant la porte que maintenait ouverte un Monokuma toujours aussi silencieux et cryptique, son sourire carnassier mais sans une once de vie toujours aux lèvres.
Quand je me suis retrouvée face à la ronde de pupitres légèrement surélevés dans laquelle nous avions déjà du nous retrouver pour le meurtre d'Anjali, mon stress monta d'un cran.
Je me suis arrêtée d'un coup, figée de peur et d'angoisse face à cette pièce pesante et morbide, je n'arrivais plus à faire un pas de plus. La panique monta doucement mais je la sentais revenir sans que je ne puisse l'arrêter.
C'était le pire moment pour perdre pied avec ce qui m'entourait et faire une crise. Plus je luttais plus j'étais tétanisée.
Soudain une main se posa sur mon épaule et une voix douce et calme me dis à voix basse :
- Tout va bien se passer.
Qui pouvait me dire une chose pareil dans ce contexte mis à part Royale. Cette dernière se tenait à côté de moi, dans son costume de spectacle, ses ongles et ses yeux pailletés d'un rose foncé tirant sur le violet. Elle posa une seconde main sur mon autre épaule et me poussa doucement vers l'avant, m'encourageant à faire un autre pas tout en continua de son ton terriblement assuré et nonchalant.
- Je sais que c'est impressionnant mais c'est exactement leur but et on ne va pas leur donner satisfaction, respire, détend toi, et crois en tes capacités. Je sais que tu vas y arriver.
Elle me guida ainsi vers mon pupitre. Ce dernier était désormais isolé des autres par les deux pupitres noircis qui représentaient les 2 victimes depuis le début de ce cauchemar. À ma gauche se tenait le pupitre qui devait être celui d'Anjali, et à ma gauche, celui d'Aimana, désormais vide lui aussi.
Royale, avant de me quitter, me caressa la tête comme à un petit chien et me confia presque comme une confidence :
- Je crois en toi.
Elle avait l'air anormalement sérieuse lorsqu'elle prononça cette dernière phrase. Ses yeux roses me quittèrent et elle partit vers la gauche, dépassant Mike et Nikolaï pour se tenir devant son propre pupitre.
Les autres finirent de s'installer à leur tour et Monokuma alla se percher sur son siège nous surplombant. Il attendit un instant que le silence s'installe et annonça finalement de sa voix grésillante :
- Le deuxième procès visant à découvrir et juger le coupable de la mort d'Aimana est ouvert.
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