Chapitre 2 (1)


Ce qui suivie la fin du procès est confus dans ma mémoire. Tout se passa trop vite, et j'étais encore trop secouée pour être vraiment connectée à la réalité. Je me souviens que Violaine avait rageusement quitté la salle, suivie immédiatement de Mélanie. Je me souviens de l'air sombre d'Axel, qui reparti seul. Mike et Aimana, qui se regardèrent sans savoir comment se comporter, Aimana, l'air blessée, Mike, l'air honteux. Remington, Léo et Randall, quittant la salle ensemble, Royale disparaissant l'air de rien. Et puis Anoushka qui eut l'air de vouloir s'approcher de moi, nos regards qui se croisèrent longtemps, et puis qui se détourna et repartie. Nikolaï passa à côté de moi, et me lança une petite phrase, je ne sais plus quoi, je crois que c'était des remerciements. Ensuite Cassiopée me prit le poignet et m'emporta dehors.

Je ne me souviens même plus exactement lui avoir dit avoir besoin de solitude, mais un moment indéfinissable plus tard, j'étais seule dans mon chalet. En y pensant, j'y avais peut-être passé moins de temps que dans celui des autres...

Il était froid, impersonnel. Je ne me l'étais pas du tout approprié comme la plupart des autres. Je me sentais seule, mais j'en avais besoin, c'était apaisant. Le silence m'apaisait.

La première chose que je fis fut d'aller dans ma salle de bain et de vomir dans les toilettes. Cela m'éclaircit les idées. J'avais le besoin de me vider du trop plein d'images et de pensées et d'émotions qui m'envahissaient.

Sans même y penser je me suis dirigée dans mon atelier. Tout le matériel de lutherie nécessaire était là, et en essayant de repousser les dernières paroles de Min-ho, et la mer de rouge qui avait recouvert la vitre à quelques dizaines de centimètres de moi, sa main qui glissait sur celle-ci en étalant une longue trace sanguinolente, en repoussant ce qui nous attendait encore, je me suis plongée dans mon travail. Comme toujours, me concentrer sur la création de mes instruments me permettait de complètement laisser mes soucis de côté. Je n'avais plus que l'odeur et la texture du bois, la colle, les vernis, et tous mes outils en tête pour couper, raboter, scier, mesurer.

J'y passais la journée entière. Soudain, un gargouillis bruyant provenant de mon propre estomac me sorti de ma transe. Je me rendis alors compte de l'heure : déjà 19h27.

J'ai sentis mon sang ne faire qu'un tour dans mes veines.

Déjà ?!

J'avais trois minutes pour courir jusqu'au chalet de restauration, ou bien découvrir ce que Monokuma réservait aux retardataires. Et je n'en avais pas envie le moins du monde. Je n'étais pas Royale, qui jouait à arriver sur le fil.

J'ai tout lâché sur place, attrapé le premier manteau qui me tomba sous la main et je me suis précipitée au chalet restauration en courant dans la neige, manquant de peu de me manger le béton verglacé plus d'une fois.

Complètement essoufflée, j'ai quasiment enfoncé la porte, et me suis arrêtée pour reprendre mon souffle une fois à l'intérieur, les mains sur les genoux, pliée en deux.

Quand j'ai relevé les yeux, je suis tombée sur la vision de notre groupe au complet, bien que désormais avec une personne de moins, qui me fixait. Cela commençait à devenir un peu trop répétitif...

Mais cette fois, les expressions qui se tournaient vers moi étaient plus nuancées... Plus difficiles à déchiffrer aussi, et certainement moins agressives.

La premier voix qui s'éleva fut celle de Royale, avec une indignation curieusement spontanée et sincère :

- Et mais c'est à moi d'arriver en dernière juste à temps !

Monokuma prit la relève en ignorant l'intervention de Royale :

- Dépêche-toi de t'asseoir Lyslas, tu es presque en retard.

Je ne me fis pas prier, sentant mes joues rougir à la fois à cause de l'effort et l'embarras d'avoir encore une fois attiré l'attention sur moi.

Monokuma nous répéta ses frivolités habituelles, ouvra le dîner, et les plats arrivèrent sur la table. J'avais, cette fois, curieusement très faim. Probablement car je n'avais rien mangé depuis le dîner de la veille, pendant lequel j'avais à peine touché à mon assiette.

À ma droite, j'ai vu Remington commencé à frétiller sur sa chaise. Il semblait sur le point de me parler, puis soudain se tournait vers Mélanie à sa droite pour lui dire les choses les plus banales, voire stupides par moment. Les autres de leur côtés, conversaient de façon assez calme - pour une fois. La tension n'était plus aussi forte, probablement du soulagement d'avoir encore 1 mois et 1 semaine de ration, et d'avoir survécut le matin même, bien que tout le monde semblait encore secouée.

Au début je fus simplement surprise, voire même amusée du comportement de Remington, mais rapidement cela commença à devenir un peu gênant. Soudain Léo, à ma gauche, craqua :

- Bon Lyslas, Remington et moi on doit te dire qu...

- Tu veux de la salade Nikolaï ?

Remington venait d'interrompre sauvagement Léo, d'une voix bien trop forte et peu naturelle qui fit se tourner quelques paires d'yeux, en se penchant excessivement loin sur la gauche, me passant devant, pour tendre un saladier à Nikolaï, l'air confus et qui n'avait rien demandé, à gauche de Léo. Il essaya de me le cacher, mais en se penchant ainsi vers moi, je vis très bien le regard mi-paniqué, mi-incendiaire, qu'il jeta à Léo au passage et la délicate teinte coquelicot qui se répandait sur ses joues. C'était un regard qui criait "mais tait-toi !" à des kilomètres.

Léo lui, fit un magnifique lever d'yeux au ciel, et recula un peu pour laisser Nikolaï attraper le saladier que lui tendait presque agressivement un Remington de plus en plus rouge et de plus en plus transpirant.

- Euh... merci... Répondit avec hésitation Nikolaï en se saisissant du pot en verre.

- Mais de rien ! Elle est vraiment délicieuse ! Je me demande ce qu'ils mettent dans leur vinaigrette ! ah ah ah !

Remington se rassit correctement sur sa chaise, et fourra un énorme morceau de pain dans sa bouche avec lequel il manqua de s'étouffer.

J'étais mal à l'aise.

Qu'est-ce que ces deux là voulaient me dire ? À quoi est-ce qu'ils jouaient. En face de moi, Randall me jeta un regard désolée, et j'ai timidement plongé le nez dans mon assiette sans savoir comment me comporter.

Le dîner continua un peu ainsi, et j'ai remarqué la façon dont Mike et Aimana ne se regardaient plus. Aimana semblait déterminé à ne parler qu'à Randall, qui répondait par monosyllabe, avare de mot comme il en avait l'habitude jusqu'ici, tandis que Mike de son côté, s'était renfermé sur lui-même, pouvant difficilement parler à sa voisine de gauche puisqu'il s'agissait de Violaine, visiblement d'une humeur terrible. Cette dernière ne décrochait pas un mot et triturait - ou devrais-je dire torturais - une pauvre boulette de poulet du bout de sa fourchette.

Le dîner commençait à toucher à sa fin, quand finalement Léo lâcha de but en blanc :

- Pardon Lyslas...

Je me suis tournée vers lui, surprise.

- Je comprend que tu aies douté de moi. En y repensant, et en reparlant à Remington, j'étais effectivement vraiment suspect à tes yeux, et je n'aurais pas du réagir comme ça à tes accusations, qui était faites avec raison.

Il soupira et finit :

- Donc voilà, désolée de ne pas t'avoir écouté correctement. Et merci aussi.

Je déglutis, cherchant quoi répondre à ça. Je ne m'attendais pas à ce qu'il soit si honnête, ni qu'il ne me présente des excuses. La voix de Remington me fit me tourner dans l'autre sens.

Il était encore une fois, très rouge. Ses yeux bicolores, au contraste si fort que s'en était saisissant, fuyaient les miens :

- Moi aussi, je suis vraiment désolée Lyslas... J'ai honte, je me sens bête, parce que tu n'as fait que me défendre quand j'étais pourtant très suspect... Même quand tu cherchais à savoir comment Min-ho avait pu rentrer chez Léo, tu ne m'as pas accusé... Je n'aurais pas du douter de toi...

J'ai bredouillé :

- N-non, j'étais suspecte, et c'est normal de douter dans ces conditions... c'est normal...

Je ne savais pas quoi ajouter, mais un sourire rassuré naquit sur le visage de Remington qui eut l'air de se détendre.

- Merci, on t'en doit vraiment une aussi.... parce que sans toi on serait pas là...tu nous as vraiment sauvé.

Cette fois c'est moi qui me suis sentie rougir. J'ai tenté de répondre, mais mon balbutiement resta une suite de syllabes incompréhensibles sur mes lèvres. Je ne savais pas si j'étais contente ou embarrassée. Peut-être les deux... Oui, j'étais les deux.

J'ai détourné les yeux vers l'autre côté de la table, et je suis tombée sur le regard de Violaine, sombre, venimeux. Elle haussa un sourcil, et j'ai lu sur ses lèvres bien qu'elle ne le dit pas assez fort pour que je l'entende :  "notre héros..." mais son sarcasme était perceptible d'ici.

J'ai une nouvelle fois piqué du nez dans mon assiette. Soudainement douchée.

Le dîner toucha à sa fin sans autre rebondissement, et quand les autres commencèrent à se lever pour rentrer chez eux pour la deuxième nuit, je me suis levée à mon tour, prête à sortir.

C'est alors qu'une fois douce me dit doucement au niveau de mon épaule gauche :

- Est-ce que je peux te parler Lyslas ?

J'ai sursauté en me retournant. Anoushka. Elle fuyait encore un peu mon regard, mais elle n'était plus aussi étrangement distante que depuis la dispute de la veille, autour de cette même table.

- Oui... bien sûr...

- Tu peux me raccompagner chez moi ?

Je l'ai suivie dehors, et on a commencé à marcher.

- Je suis désolée...

Cela faisait beaucoup d'excuses en très peu de temps... Elle continua :

- Je sais que je....

Je la vit déglutir avant de reprendre :

- Je sais que je ne suis pas très facile à comprendre... Et j'ai du mal à m'exprimer... Mais...

Elle s'arrêta encore une fois, un long moment cette fois, mais je ne l'interrompit pas. Elle se passa une main gantée dans ses boucles pâles :

- J'avais vraiment peur qu'on se fasse accuser... que tu te fasses accuser... Alors j'ai... mal réagit...

Elle poussa un long soupire, qui fit un nuage de buée devant son visage fin. Je sentais l'effort que prenaient les mots à sortir :

- Ce que j'essaie de dire, c'est que... Je t'apprécies, et je... te fais confiance.... Alors j'aimerais bien qu'on....

Nos yeux se croisèrent une fraction de seconde, mais cela suffit à l'arrêter dans son élan. Elle fixa le ciel sombre pailletés d'étoiles et termina enfin :

- Qu'on assure nos arrières, qu'on se soutienne mutuellement, qu'on se laisse pas seule, même si je sais que parfois je réagis... bizarrement... et je deviens froide sans raison, je fais de mon mieux, je vais faire de mon mieux...

J'ai sourit. J'étais heureuse qu'elle me dise cela, et qu'elle me fasse confiance surtout. Je me rendais compte du poids qu'avait ces paroles, pour elle en particulier.

- Bien sûr Anoushka... Avec plaisir...

Je vis ses épaules se détendre, et elle put enfin de nouveau me regarder dans les yeux, avec son habituel sourire discret aux lèvres, puis elle me tendit son petit doigt.

- Promis ?

J'attrapais son auriculaire avec le mien, pour sceller notre promesse. Peut-être de nouveau accorder sa confiance à quelqu'un était la pire des idées, mais sans cela, comment tenir bon ? S'il n'y avait qu'une seule personne à qui je pouvais faire confiance ici, c'était probablement elle. Et puis cela ne voulait pas dire que j'éteignais mon sens critique. Je savais quand même réfléchir. Alors j'ai répondu :

- Promis.

Après cela, elle me proposa de rester avec elle, mais j'étais trop épuisée. J'avais travaillé la journée entière, et le surplus d'émotions avait finit de m'essorer. Je suis rentrée chez moi, j'ai commencé à faire un peu de rangement dans mon matériel, puis je suis allée me coucher.

Après avoir lutté pour trouver le sommeil, je n'aie - étonnamment - pas très bien dormis. Mes rêves, déjà houleux en général, furent hantés d'image de mains sanglantes glissants le long de vitres, de présages de mort, et de voix accusatrices me condamnant à mort, ou appelant mon nom dans des échos sans fin.

Ces cauchemars me jetèrent hors de mon lit vers 4 heures du matin. Certains auraient jugés ma nuit comme un peu courte, mais je ne dormais jamais beaucoup, et selon mes standards, c'était assez. Je me sentais bien plus reposée.

Il faisait encore nuit dehors, alors, dans le silence religieux qui m'entourait, je suis retournée dans mon atelier, continuer mon nouveau projet : un violon, comme j'en avais déjà fait tant. La familiarité du processus était d'un réconfort difficilement exprimable, bien plus efficace que n'importe qu'elle doudou, madeleine de Proust ou autre.

Quand le soleil commença à se lever, faisant rentrer un rayon rasant dans la pièce, j'ai relevé les yeux, puis posé la tête sur mains, faisant un pause.

Cela faisait 4 jours. Comment d'autres encore à venir ? Il nous restait un peu plus d'un mois de ration alimentaire, avec un peu d'espoir, cela nous ferait un mois de tranquillité avant que les choses ne se corsent... à moins qu'un autre Min-ho se cache parmi nous et n'agisse avant.

Une boule d'angoisse me prit au ventre.

J'aurais voulu me réveiller une deuxième fois, car d'une certaine façon, j'étais encore plongée dans un cauchemar.







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