Chapitre 5
"Une pensée originale vaut bien un millier de citations" - Banksy
Un bruit de moteur s'amplifie et me coupe dans mon sommeil. Je ronchonne, j'ai un mal de cou inhumain. J'ai passé la nuit en usant de l'épaule de Jen comme oreiller. J'ouvre difficilement les yeux en me redressant. Je masse mon cou encore endolori et constate que le bruit de moteur est dû à cette voiture venant tout juste de se parquer à nos côtés. Un homme ayant certainement la quarantaine s'en extirpe et il fait sortir un jeune garçon qui doit avoir huit ans. L'homme sort deux cannes-à-pêche de son coffre ainsi qu'un chapeau pour son fils. Je souris, petit, mon père, mon frère, Jen et moi allions fréquemment à la pêche également.
Je baille et un souffle chaud s'extirpe de ma bouche. Je pivote la tête et comme je m'y attendais, Jen dort encore. J'attrape mon téléphone et découvre trois appels manqués de Rima. Je sors de la voiture et la rappelle, tentant de faire le jour dans mes pensées.
— Allô Miles, vous êtes où toi et Jen?
— Nous sommes dans une petite ville à quatre heures de route de Corvallis, j'explique.
— Ok. Elle répond froidement.
— Quoi? T'es fâchée?
— Tu aurais pu me prévenir que vous vous octroyiez des vacances et tu aurais dû me proposer de venir avec vous.
— Désolé... je la contente. Garde-le pour toi, mais, Jen va subir une grosse opération du cœur dans pas longtemps. Je voulais le faire avant qu'elle ne se retrouve cloîtrée sur un lit durant de nombreuses semaines.
— Oh... je suis désolée, je comprends. Désolée Miles...
— Tu ne pouvais pas savoir, je soupire.
— Je dois rentrer en cours, je t'embrasse, je t'aime.
— Je t'aime aussi.
Je raccroche et vais m'asseoir sur le capot de la voiture attendant que Jen se réveille enfin. Au bout de vingt minutes, je sens son odeur de kiwi s'approcher et elle se serre bientôt dans mes bras. Je souris et passe mes mains dans son dos.
— Tu aurais pu faire un effort et avoir une épaule plus confortable, je me plains.
— T'as mal dormi?
— Oui j'ai un torticolis.
— Brocoli. Elle pouffe de rire.
— C'est pas drôle, je la repousse.
— Quand tu as mal dormi, tu es constamment de mauvaise humeur, elle se plaint, mais tu ne gâcheras pas notre journée, je te le dis.
— Tu fais quoi? Je l'interroge en l'observant fouiller dans le sac de voyage.
— Je vais prendre un bain avant qu'on ne poursuive la route.
Elle profite de la présence du sac de voyage pour avaler quelques pilules qu'elle fait passer à l'aide de gorgées d'eau avant de m'offrir un sourire.
Jen était embêtée d'avoir à se dénuder devant un jeune enfant, mais je la rassurai en répétant qu'il vit à la frontière de la Californie, qu'il a certainement déjà vu pire sur ses côtés dorées. Je me suis baigné moi aussi, reluquant de temps à autres Jen, mais dans la journée c'est bien plus compliqué d'être discret.
Nous avons ensuite roulé durant d'autres longues heures, suivant le cap du Sud. Jen avait raison, mal dormir me met définitivement de mauvaise humeur. Elle avait beau tenir la conversation, je ne faisais pas vraiment d'efforts pour l'alimenter.
— On rentre à la maison alors. Elle décide.
— Non.
Elle soupire en se remuant dans le siège passager. Elle retire son portable qui chargeait à l'aide de l'allume-cigares, pianote dessus durant quelques instants puis le colle à son oreille.
— Coucou Derek! Oui et toi? Toi aussi tu me manques... c'est ça, va te faire foutre, elle rigole puis se tait un moment. Comment tu sais? Ah... je vois. Oui mais ne t'en fais pas. Oui avec Miles on va je sais pas où. Non il ne m'a pas dit. Bah je sais pas, c'est Miles, je ne vais pas essayer de comprendre. Non. Pas du tout, arrête de dire des conneries. Non. Quand je rentre je te découpe en petits morceaux. Mais ta gueule Derek. Lalalalalalalala, je t'entends plus. Vieux con ouais. On passe sous un tunnel ça va couper je crois. Der..k... rek? Elle raccroche.
Nous sommes en pleine autoroute et il n'y a aucun tunnel aux environs. J'en déduis qu'elle cherchait simplement à se débarrasser de lui. Je la cherche du regard mais elle lâche une longue expiration et pose sa tête contre la vitre, observant le paysage et les voitures défiler sous ses yeux.
Nous passons le panneau nous souhaitant la bienvenue à San Francisco, Jen se redresse instantanément et m'observe surexcitée. Elle sait très bien ce que nous allons faire, je lui avais promis que nous le ferons un jour et je tiens toujours mes promesses.
— Tu es le meilleur meilleur ami du monde! Elle me sourit vraiment.
Je gare la voiture non loin de China Town après avoir tourné en rond durant de longues minutes. Nous descendons et Jen trépigne d'excitation. Je suis le chemin que m'indique le GPS de mon téléphone. Les routes sont bien plus larges et les trottoirs bien plus remplis qu'à Corvallis et un côté très cosmopolite est présent. Le coin est vivant et très bruyant. Beaucoup de touristes se baladent tout en observant l'architecture. Un tramway passe et Jen se met à rire.
— Qu'est-ce qui se passe? Je l'interroge.
— Le tramway, ça me rappelle ma série Girlboss, au tout début Sophia tombe en panne pile quand elle est suivi par un.
Je souris parce qu'elle m'a parlé de cette série environ un milliard de fois. Ce qui n'est pas étonnant quand on connaît le côté militante pour la cause féminine de Jen. Elle pourrait raconter ses explois féministes durant toute la journée. Il y a quelques temps, elle m'a raconté durant de longues heures comment a-t-elle pu faire changer d'avis une adolescente affirmant que les féministes ne doivent pas s'épiler en lui répondant simplement que le féminisme c'est de soutenir le fait que les femmes peuvent faire ce qu'elles souhaitent.
Le féminisme est donc la première passion de Jen. La deuxième passion de Jen se trouve être Banksy, cet artiste Britannique gardant l'anonymat. Tout le monde sait qu'il existe, il laisse des traces sur son passage mais tout le monde ignore sa vraie identité. Ses œuvres de street art sont engagées et traitent de thème comme l'immigration, avec notamment "We're not all in the same boat", situé à Calais dans le Nord de la France et montrant des migrants à bord d'une embarcation de fortune appelant à l'aide tandis qu'un yacht passe plus loin.
Mais à San Francisco, il y avait l'oeuvre préférée de Jen, "Peaceful Hearts Doctor". Il l'a réalisée en 2010 et a forcément attiré un grand nombre de visiteurs. Le propriétaire de l'immeuble avait fait installer une vitre en plexiglas afin de protéger l'oeuvre mais des vandales ont tout de même réussi à la détériorer. La fresque était en si mauvais état que les services publiques ont choisi de repeindre le mur, détruisant ainsi cette pièce d'art. Je me rappelle avoir trouvé Jen en larmes en apprenant la nouvelle, je lui avais alors promis de l'emmener sur les lieux du crime, lui permettant ainsi de faire son deuil.
La fresque représentait le signe de la paix additionné à un cœur. Le cœur était lui examiné à l'aide d'un stéthoscope par un médecin. Rien de plus, rien de moins.
Nous nous asseyons face à ce mur de briques à présent beige, pensant que l'oeuvre demeure sous les couches de peintures. Jen l'observe en silence et je sais qu'elle se représente mentalement le tag.
— J'ai presque envie de pleurer, elle souffle. Ça me révolte que des petits malins se permettent de détruire ce genre de choses. Vraiment, ça a changé quoi dans leur vie?
— Ça les a transformé en vieux cons.
— Je suis pratiquement sûre qu'ils l'étaient déjà.
— C'est possible.
— Les meilleures choses meurent toutes au final...
Ses mots me font tressaillir. Je pivote mes yeux vers elle et je n'arrive pas à sortir de mots. Alors je pose juste ma tête sur son épaule tandis que ses cheveux secs viennent chatouiller mon visage. Je serre sa main dans la mienne et la caresse.
— Je me suis toujours demandée pourquoi on représente tout le temps le cœur sous cette forme mais je pense savoir pourquoi. Elle reprend.
— Pourquoi Jen?
— Parce que le cœur dans la poitrine c'est moche, c'est tout visqueux et c'est plein de sang. Il faut toujours que la société romantise tout, or, un organe sanglant ça n'a rien de romantique. Il fallait que ce qui nous permette de vivre soit forcément beau et doux.
— Ou alors c'est bien trop compliqué de dessiner un vrai cœur.
— Ou alors c'est bien trop compliqué de dessiner un vrai cœur, elle répète pour confirmer ma théorie. Bon Milou, elle se relève. Contente que tu ais fini d'être ronchon...
— Je n'étais plus ronchon et il a fallu que tu m'appelles Milou... je m'exténue.
— Tu préfères Rosbif? Elle pouffe.
— Non Miles suffit amplement.
— D'accord Rosbif, nous sommes à San Francisco, nous ne restons pas longtemps alors nous nous devons d'en profiter comme il se doit.
Elle me tend sa main et m'aide à me mettre debout. Elle a raison, je n'ai pas conduit durant de si longues heures pour ne pas profiter de cette ville. Notre séjour se doit d'être mémorable.
En bons touristes que nous sommes, nous nous sommes promenés du côté du terrain de baseball des Giants, admirant la vue qui était, heureusement, bien dégagée aujourd'hui. Nous sommes passés prendre nos places pour la prison d'Alcatraz que nous visiterons demain et là nous venons tout juste de louer un tandem afin de traverser le fameux Golden Gate.
— Tu es certaine que ça ira? Il n'est pas comme mon vélo, ça signifie que tu dois pédaler. Je fais à Jen avant que nous n'entamions notre parcours.
— Oui j'en suis sûre! Elle souffle pour manifester son mécontentement.
— Donne-moi ton portable.
— Mais Miles, t'es lourd. Je te dis que ça ira.
— Donne-moi ton portable, j'exige à nouveau.
Elle s'exécute finalement et me le tend. Je le déverrouille et ouvre l'application "Heart Monitor" chargée de mesurer sa fréquence cardiaque. Le récepteur est placé dans sa montre et prend continuellement son poud avant de le transmettre par Bluetooth à l'application. Il ne faut pas que sa fréquence cardiaque dépasse les 140 pulsations par minute.
Je monte à l'avant et Jen monte derrière. Elle n'a pas l'air stressée mais moi c'est le contraire, je n'ai pas envie que ce séjour vire au cauchemar, pourtant, je sais que je ne dois pas l'empêcher de vivre en lui posant trop de barrières. Techniquement, si nous roulons lentement, tout devrait bien se passer.
Tout s'est bien passé, je me retournais fréquemment afin d'observer Jen et elle semblait ne ressentir aucune peine. Je suis soulagé. Nous avons rempli nos esprits de souvenirs et étions ébahis en observant un bateau de croisière au loin. Nous n'avons que des barques à Corvallis.
Préférant ne pas risquer de nous endormir en plein centre ville, nous cherchons un endroit paisible à la périphérie de la ville. Nous roulons dans ce qui semble être la banlieue de San Francisco.
— Arrête-toi là, elle m'indique, il y a une petite droguerie, j'ai faim.
— Il n'y a pas de places, je regarde autour de moi.
— Pas grave, dépose-moi, va te garer et viens me chercher.
Je freine et elle sort de la voiture, prenant soin d'emporter avec elle son odeur de kiwi et son porte-feuilles. Quant à moi, je tourne en rond, en carré et en losange à la recherche d'une place de parking. J'en trouve une après plus de cinq minutes et tente à présent de me repérer. Je suis à peu près sûr du chemin que je dois emprunter pour retrouver Jen, j'espère ne pas me tromper.
Quand j'arrive sur la rue semblable comme deux gouttes d'eau à celle dans laquelle j'ai laissé ma meilleure amie, je me dirige vers la droguerie. Je rentre à l'intérieur, salue le caissier qui est un homme âgé portant une casquette des Giants sur la tête. Il ne remarque pas vraiment ma présence tant il est absorbé par le match de Baseball qui se joue sur la minuscule télé à tube cathodique.
Je fais tous les rayons, il y en a quatre et je ne vois Jen dans aucun. Je m'approche alors de l'homme et suis soudainement tenté de voler quelque chose tant je suis certain qu'il ne le réalisera même pas. Je prends un paquet de Reese's et le fourre dans mon sweat gris. Je me racle ensuite la gorge, mais il ne réagit point.
— Hey! Je l'interpelle. Vous n'auriez pas vu un fille blonde, de petite taille? Elle porte des baskets jaunes, on ne peut pas les manquer. Il m'ignore et je perds patience. Il y a quelqu'un là-dedans? Je me rapproche de son oreille.
— Oui, ça vous fera 0.99 cents. Il finit par dire.
— Pourquoi? Pour être rentré?
— Non, pour le paquet de Reese's que vous contiez me voler. Il répond sans sourciller.
— Vous avez vu une jeune fille blonde, alors? J'insiste.
— 0.99 cents, il dit encore.
— Vieux con, je marmonne dans ma barbe en lui réglant la somme.
Je sors du petit magasin et téléphone à Jen. C'est alors que j'entends une sonnerie que je reconnais bien. Elle s'est enregistrée en disant "Miles le Rosbif" en boucle et l'a attribuée à mon contact. Je me dirige promptement vers elle et la retrouve dans la rue adjacente, elle est entourée de trois ombres baraquées.
A l'éclairage du réverbère je constate que son visage est plein de colère. La connaissant elle ne s'est pas laissée faire face à une remarque sexiste. Je l'ai pourtant déjà avertie, elle ne sait jamais sur qui elle peut tomber, elle est fragile elle ne devrait pas contracter les embrouilles comme cela.
Un des hommes passe sa main dans son dos et elle le repousse mais les autres la contrôlent.
— Jen tout se passe bien? Je lance fluidement.
— C'est qui lui? Le plus grand d'entre eux se retourne vers moi. Il doit avoir la vingtaine. Qui que tu sois, on te laisse une chance pour foutre le camps de toi même.
— Et si je refuse? Je croise les bras en me rapprochant.
— Tu cherches la merde? Ricane un et les trois molosses se rapprochent de moi, laissant Jen tranquille.
Je craque mes poings et je défie du regard le plus grand semblant aussi être l'alpha. Il sourit narquoisement, l'air de dire que je n'ai aucune chance mais je ne me démonte pas. Ils sont trois et je finirai certainement dans un mauvais état mais si ça peut permettre à Jen de n'avoir aucun problème alors c'est avec joie.
Avant que je n'ai pu asséner mon premier coup, les deux chiens de gardes me coincent par les épaules et je remue pour me défaire d'eux. Le chef de la niche sourit et je le vois sortir un couteau de sa poche. J'écarquille les yeux, mon souffle se coupe quand il le compresse sur mon cou.
Je détourne les yeux vers Jen et je panique d'avantage, elle ne se sent pas bien, elle ne respire plus et ses yeux sont figés.
— Jen! Je m'écrie.
— Laisse-la tranquille, ce soir elle est à nous.
— Vous comprenez pas putain, je suis énervé, vous êtes juste de vieux c...
Un bruit d'alerte stridente se fait entendre et ça suffit aux trois chiens pour prendre la fuite. Je reconnais cette sonnerie, c'est son portable qui sonne, elle a dépassé les 160 battements par minutes. Je me précipite vers elle. Elle a ses mains posées contre le mur, elle tente de se calmer mais sa respiration est haletante. Elle secoue la tête, elle le fait souvent quand elle demande à la douleur de s'en aller.
— Jen. Je pose ma main sur la sienne, elle est froide. Souviens-toi de ce que je t'ai dit, je parle lentement. Tout est plus beau au ralenti. Visualise un papillon, oui, tu vois il bat trop vite des ailes, on ne peut même pas observer leurs motifs. Mets tout au ralenti, voila. Cale ta respiration sur ses battements d'aile. Voila, parfait, un papillon vole lentement dans un champ de fleurs, rempli de Marguerites, de Lilas et de Bleuets, c'est un magnifique tableau. Tout est calme et paisible.
La sonnerie a cessé, sa respiration s'est calmée et nous avons évité le pire. Sa maladie cardiaque a beau être réelle, elle est aussi en partie psychologique, quand elle panique son cœur s'emballe.
J'arrive de mieux en mieux à la calmer et elle arrive de mieux en mieux à reprendre le dessus. Je la laisse se serrer dans mes bras et elle fait involontairement monter Géraldine Van sur mon pied, l'écrasant légèrement. Elle s'excuse et je souris.
— J'ai eu peur qu'ils te fassent du mal Miles... elle souffle.
*******
Hey!
J'espère que vous allez bien,
Et que ce chapitre vous a plu !
Demain c'est ma rentrée... j'ai du mal à me dire que je devrai me remettre au travail :( mais bon j'espère que votre rentrée s'est bien passée et que si elle n'a pas encore eu lieu elle se passera bien! Vous passez en quelle classe? Moi je passe en Terminale S ^^
Coeur Coeur
Noémie =)
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