Chapitre 21
"Le hasard c'est peut-être le pseudonyme de Dieu quand il ne veut pas signer." - Théophile Gauthier
— Alors ça a été?
Je demande en souriant à l'attention d'une dame âgée qui n'arrivait pas à se décider sur la part de gâteau qu'elle souhaitait commander. Je lui ai alors suggéré une part du Choco-chocorange. C'est un gâteau au chocolat, agrémenté de quelques noix de pécan et d'orange. Il n'est pas très sucré et je crois que plus on vieilli moins on aime le sucre. La dame me tend son assiette, en souriant sous son petit chapeau rose et jaune.
— C'était délicieux mon petit. Elle me répond très gentiment. Je vais dire à Georgette de passer ici. Georgette c'est ma voisine, elle ne vit pas très loin d'ici, elle est très gentille, même si son chien Barry aboie un peu trop. Elle hausse les épaules. Enfin bon, tiens c'est pour toi.
Elle me glisse un billet de vingt dollars dans la main et je la remercie en l'enfonçant dans ma poche. Elle s'en va rapidement, me faisant des signes de mains et quand elle quitte le café, je me mets à nettoyer sa table avant de vérifier s'il reste des serviettes en papier dans le petit porte-serviettes métallique.
Je retourne derrière le comptoir, dépose l'assiette dans l'évier tandis que Ludovic fait la vaisselle en chantonnant des paroles d'amour, je souris suspicieux, il le fait depuis quelques temps maintenant.
— You are the who, love is the what and this is the why... il continue.
— Tu chantes quoi? Je l'interroge.
— C'est This is why I need you, de Jesse Ruben. Tu connais? Il me regarde un instant.
— Et tu la dédicaces à qui?
— Une fille fantastique...
— Miles, on me tapote dans le dos. Tu peux prendre les commandes? C'est l'heure de ma pause. M'annonce Sara, une collègue.
J'acquiesce sans pour autant abandonner l'idée d'en savoir plus sur celle qui fait chavirer le cœur de Ludovic, que je refuse encore d'appeler Ludo. Je me retourne et me retrouve face au trio de choc. J'inspire une longue traînée d'air et les regarde en souriant.
— Salut! Alors si ma mémoire est bonne, ce sera un café américain avec une part de Cocodream pour toi, je désigne Claude, ensuite un expresso accompagné d'une part de tarte au citron, je dis à l'attention de Lou, et pour finir un latté avec une part de Sweetchocolate.
Les deux premiers me regardent épatés mais ce n'est pas le cas de Taylor qui secoue timidement la tête. Je la détaille attentivement, attendant qu'elle s'exprime. Je sais qu'elle prend toujours un latté avec une part de Banamon mais je souhaite juste entendre sa voix. Elle me sourit en fermant légèrement ses yeux verts et se tournant vers ses amis.
— Un latté avec une part de Banamon pour moi. Elle hoche la tête.
— C'est noté, vous pouvez aller vous installer, je vous apporte ça bientôt.
Il s'en vont et je me concentre sur mes préparations, en pensant un peu à Taylor et beaucoup à Jen. Je travaille ici depuis plus de deux semaines et j'ai pu en profiter pour encore mieux cerner la personnalité de Taylor. Elle n'est pas vraiment différente de Jen. Physiquement elles ont des yeux verts et des cheveux blonds mais n'ont aucun trait en commun et puis Jen était petite alors que Taylor est grande. Mais elles ont un peu le même caractère, elles tiennent énormément à leurs amis. Même si Taylor semble bien moins bout-en-train que ma chère Jen.
Je dois faire deux allés-retours pour déposer la commande de leur table située juste sous la climatisation et j'ai très bien senti que dès que je m'approchais ils faisaient soudainement silence. Ils parlent certainement de quelque chose de très privé. Ou alors ils parlent de moi.
Je fais comme si je n'avais rien remarqué et retourne sans rien ajouter derrière le comptoir. Je rejoins Ludovic en souriant.
— Alors c'est qui cette fille qui retient toute ton attention joli-cœur? Je le nargue.
— Parle pas trop fort! Elle est ici.
— Quoi? Je manque je m'étrangler. Elle est dans le café, là-maintenant? C'est qui? Accouche!
Il chuchote quelque chose mais je n'arrive pas à entendre. C'est vraiment un enfant, il n'est jamais timide mais là quand il s'agit d'une fille, il perd tous ses moyens.
— Ludovic! Je hausse le ton.
— Lou... il finit par souffler.
— Non! Je pouffe. Lou? Celle du trio d'amis? Celle avec la peau matte et les longs cheveux noirs bouclés?
— Et avec de magnifiques yeux marrons profonds... il fait totalement amouraché.
— Non mais sérieusement?
— Ouais, à chaque fois que je la vois mon cœur s'emballe et mon ventre gargouille. T'as déjà ressenti ça toi?
— Hum... un raclement de gorge se fait entendre dans mon dos.
Je me retourne alors et découvre Taylor. Ludovic et moi partageons un regard perplexe, tandis que la jolie blonde garde un sourire resplendissant sur son visage. Elle porte son regard sur mon torse et je fais de même avant de constater que non, elle n'observe pas ma musculature, mais cherche plutôt à connaître mon identité.
— Miles, c'est ça? Elle plisse ses yeux
— Oui exact, je m'approche du comptoir.
— Je m'appelle Taylor, elle sourit en hochant la tête.
— D'accord, Taylor, un problème avec le latté et le Banamon?
— Non, elle secoue la tête, c'est parfait comme toujours.
Je hoche la tête passablement gêné mais elle continue de me sourire.
— Alors en fait, mes amis, Claude c'est le roux et Lou la brune sont persuadés que tu leur fais du rentre dedans.
— Quoi? Je rigole nerveusement.
— Oui, elle lève les yeux au ciel, j'ai beau leur dire qu'ils se font des idées, ils ont quand même voulu que je te demande si...
— Si?
— Si t'es intéressé par les filles ou par les gars, elle se mord nerveusement la joue, et puis si tu es en couple.
— Filles et non. Je réponds brièvement.
Je jette en coup d'œil vers Ludovic, il fait mine qu'il n'a rien entendu et fait semblant de s'activer. Je vois aussi qu'il évite mon regard.
— D'accord. Elle passe sa main dans ses cheveux. Je fête mon anniversaire dans trois jours et ce serait cool si tu pouvais passer faire un tour, tu pourrais faire un peu plus connaissance avec Lou, elle est super sympa tu verras.
— Dans trois jours... mon sang se fige, ma voix s'embrume. On sera...
— On sera le 3 Octobre!
Je baisse la tête. Pourquoi suis-je surpris qu'elle et Jen partagent la même date de naissance alors que c'est sur ce critère que je l'ai trouvée? Mais j'aurais dû fêter avec Jen ses dix-huit ans... elle aurait dû être là, j'aurais dû la regarder souffler ses bougies. Mais non, au lieu de ça, je suis à Sacramento tentant de faire connaissance avec cette inconnue avec qui nos chemins auraient dû se croiser plus tôt.
— Miles? Elle me ramène sur Terre. C'est d'accord pour la fête?
— Oui...
J'entends le claquement d'une tasse contre une surface métallisée. Je me retourne, Ludovic, il vient de me dire qu'il est amoureux de Lou... c'est lui que Taylor aurait dû venir voir, elle ne m'intéresse pas du tout. J'aime encore Jen... ce n'est pas juste.
— Je peux venir avec un ami? J'hésite.
— Oui, bien-sûr. Je te laisse l'adresse du club, c'est à partir de 20h, si tu ne trouves pas, je te laisse mon numéro.
Elle me tend un papier, je le lis, il y a toutes les informations dessus. Elle me sourit une dernière fois avant de s'en aller vers ses amis et je m'appuie, dos au comptoir, absorbant une grande bouffée d'air histoire de me remettre de mes émotions.
Ludovic m'ignore totalement et me contourne sans cesses pour attraper des ustensiles dont il a besoin. Il n'aborde pas son air adorable habituel, ses sourcils fournis sont froissés, sa mâchoire est serrée et il respire bruyamment.
— Mec! Je l'interpelle.
Il continue de faire abstraction à ma présence et je m'approche de lui.
— Mec, j'y suis pour rien, tu m'en veux?
— Non, t'y es pour rien bien-sûr! C'est pas de ta faute si t'es beau comme un dieu grec, si ta musculature fait rêver toutes les filles et tous les hommes aussi, c'est pas de ta faute si ton accent anglais met tout le monde à tes pieds. Putain, non, c'est pas de ta faute si la fille que j'aime craque sur toi, mais t'aurais pu au moins avoir la décence de refuser, de dire qu'elle n'est pas ton genre!
— Mais c'est toi l'ami qui m'accompagnera, je me défends, et puis elle ne m'intéresse pas ta meuf.
— Prouve-le.
— Taylor, j'admets, j'y vais pour Taylor.
— Non?! Il met sa met devant sa bouche tant il est surpris.
— Si. Je suis pas amoureux ou quoi comme toi, mais physiquement c'est mon style et elle est bonne. Bref, essaye de te faire beau pour dimanche, passe chez le coiffeur avant et puis voila.
Je coupe court à la discussion en m'en allant débarrasser des tables. Au moins ça m'occupe l'esprit et ça m'empêche de penser que je devrai certainement me mettre à draguer Taylor. Je n'aime pas ça, ce n'est pas comme si je n'étais pas déjà perdu avec Jen. Mais je crois que c'est la seule solution. Je sais que si je me lance uniquement sur le terrain de l'amitié, elle ne se confiera pas totalement à moi, elle a déjà Lou et Claude à qui se confier... ou alors ça prendra trop de temps. En amour la confiance est plus rapide et on a tendance à s'abandonner plus facilement.
Je crois que Jen voudrait que je trouve quelqu'un de bien, mais certainement pas Taylor sur qui j'enquête. Je l'imagine bien me dire que tout ça c'est malsain en fronçant ses sourcils tandis que ses oreilles d'elfes seraient camouflées par ses cheveux un peu abîmés.
Je vais ensuite débarrasser le trio, non sans stress. Je sais très bien que Ludovic me surveille de loin. J'empile les assiettes les unes sur les autres, avant d'en faire de même avec les tasses.
— A dimanche! Me lance Lou.
— Il y aura aussi Ludovic, je réponds en le désignant depuis derrière le comptoir.
— Plus on est de fous plus on rit! S'enthousiasme-t-elle alors. Bon on paye l'addition et direction la fac!
Ils se lèvent tous tandis que je passe une éponge sur la table. Alors que je crois qu'ils sont partis, je continue de sentir une présence à mes côtés. Je relève doucement les yeux et ils croisent ceux de Lou. Elle se mord la lèvre et joue avec une mèche de ses cheveux. Je surprends ses amis à nous observer depuis l'extérieur du café et Ludovic depuis le comptoir.
— Salut, elle sourit. Je sais que Taylor m'a déjà présentée... mais, je m'appelle Lou.
— Enchanté, moi c'est Miles.
— J'adore ton accent. Tu es anglais?
— Oui, hum, désolé, j'ai plein de tables à débarrasser, je suis assez pressé. On se verra hors d'ici dimanche dans tous les cas.
— J'ai hâte!
Je hoche la tête en camouflant une grimace et retourne porter compagnie à Ludovic. Il est un peu tendu, mais je crois qu'il comprend lui aussi que je fais comme je peux.
***
Je rentre sur les rotules dans la maison de mon frère. Moka vient rapidement se glisser dans mes jambes et je m'accroupis pour caresser le petit jack russel. Austin n'est pas là, il m'a averti qu'il dînait avec Brandy ce soir, qu'il rentrerait certainement tard et que je devrai me débrouiller pour le repas.
N'ayant pas vraiment le courage de cuisiner quoi que ce soit, je décide d'utiliser le billet donné par la gentille femme de ce matin pour me commander une pizza.
Je rangeais le carton de pizza au pepperoni dans le réfrigérateur quand mon téléphone se met à sonner depuis le salon. J'accélère alors la cadence et me rends en vitesse dans le salon, soulevant les oreillers et fouillant entre les coussins. Quand je mets la main dessus, je décroche immédiatement sans faire gaffe au fait que je viens tout juste de répondre à un appel de Derek.
Je me maudis. J'évite à tout prix de lui parler au téléphone, le malaise est d'autant plus perceptible. Mais je relativise, en me disant que ça aurait pu être mes parents et là, là ce serait pire. Je prends une grande inspiration et colle le téléphone à mon oreille. Il y a beaucoup de bruits mais j'entends tout de même sa voix rauque:
— T'aurais dû lui dire! Sa voix est lente. T'aurais dû lui dire. Il répète encore une fois.
— De quoi tu parles? Derek?
— T'aurais dû! Il insiste. Lui dire, fallait lui dire.
— Je comprends que dalle... j'expire. T'es bourré?
L'appel s'interrompt et c'est cet instant précis que choisi mon frère pour rentrer. Je le détaille rapidement, il est plus élégant que d'habitude. Il porte une chemise qu'il a fait rentré dans son pantalon, seuls ses tatouages présents sur son cou et sur ses mains sont encore perceptibles. Il me salue et me raconte Ô combien son rendez-vous avec Brandy était génial avant de me demander comment s'est passée ma journée. Je lui raconte les grandes lignes, feins d'être fatigué et m'éclipse dans ma chambre.
Là, je téléphone à Derek. On décroche de l'autre côté de la ligne mais ce n'est pas sa voix.
— Oh! Miles la maman poule! Se met à ricaner Froy, un de ses "frères".
— Où est Derek?
— Désolé mon chou, il est trop occupé à vomir ses boyaux pour te parler, je peux prendre un message?
Je raccroche sans une réponse et envoie mon téléphone sur mon lit. Il est bourré ça sert à rien de lui parler maintenant, je tenterai demain. Mais bon, ce sont certainement des mots dépourvus de sens qu'on balance trop rapidement quand on a l'esprit en vrac.
Je récupère le journal de Jen que je dissimule sous mon matelas et l'ouvre à la page où je l'avais laissé.
"18 Avril 2011
Cher journal,
Désolée de ne pas t'avoir écrit pendant un long moment, mais je t'oublie parfois. Enfin, non, je ne t'oublie pas mais je n'ai pas forcément envie d'écrire tout ce qui se passe dans mes journées, parce que souvent il ne se passe rien et je ne vais pas juste te dire: Cher journal, je me suis ennuyée aujourd'hui, jusqu'à ce que Milou arrive et qu'on s'amuse comme des fous. Alors je vais juste t'écrire quand je le voudrai, quand je trouverai que ces souvenirs valent la peine d'être notés dans l'Histoire, ok?
Depuis plusieurs semaines à l'école, toutes les filles de ma classe ont des colliers ras-de-cous, en perles colorées, sauf moi. Mes parents me disait tout le temps que c'était trop cher et que j'ai déjà été gâtée à Noël, mais c'était déjà l'année dernière!
Milou en avait vu dans une boutique pas loin du café de son père. Il m'a dit que le propriétaire est un vieux, vieux-jeu et qu'il n'a pas de caméras de surveillances, alors, hier soir on a menti a nos parents et dit que l'on allait voir Derek jouer au basket mais on y a été. On avait vu sur une vidéo comment ouvrir une porte sans clé, alors ça a pas été compliqué. Mais au lieu du collier que toutes les filles ont, j'ai volé un collier en argent, avec un pendentif en goutte qui s'ouvre dans lequel on peut cacher une photo, parce qu'il était juste trop beau et que Milou le préférait aussi.
En le montrant à mes parents ils m'ont grondé et je leur ai demandé si je devais dire au monsieur que j'ai volé un de ses colliers, ils m'ont dit que si on ne me pose pas de questions, je ne dois rien dire sur ce sujet.
Le plus dur est passé, mais je ne sais pas encore quoi mettre comme photo à l'intérieur... Tu n'as pas d'idées?"
Je plaque le carnet contre mon cœur. Je ferme les yeux et j'y vois Jen, Jen, Jen. Elle n'a jamais mis de photo à l'intérieur parce qu'elle n'avait jamais trouvé la photo parfaite. J'ouvre le pendentif qui pend autour de mon cou et observe la tête innocente de Jen, ses yeux verts, ses oreilles d'elfes. J'ai trouvé la photo parfaite.
*******
Hey!
J'espère que vous allez bien,
Et que ce chapitre vous a plu!
Je sais pas si je suis la seule dans ce cas mais j'ai l'impression que les semaines passent supers vite! Mais bon ça veut aussi dire que Noël (et les vacances) arrivent ❤️
Qu'est-ce que vous voulez faire comme métier plus tard??? Oui parce que moi je suis un peu pommée dans ma vie... vous croyez que ça existe un métier dans lequel on regarde des séries toute la journée pour faire un résumé à notre boss, mais que comme on aime pas avoir un patron notre propre boss c'est nous-mêmes? Ah, le chômage ok merci...
x(
Merci pour tout! Cœur cœur ❤️
Noémie =)
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