Chapitre 29
Martin.
Ma jambe tremble. Ma tête repose sur le casier pendant que mon esprit s'égare au rythme de la musique. Je ne sais même pas quelle chanson défile dans mes écouteurs. Je me perds avant le début du match.
Thibaut parle avec la nouvelle photographe. Johanna, je crois. Je ne m'en souviens plus. Il m'a rapidement présenté, sauf que je n'étais pas le plus concentré. Elle l'a compris et n'était pas non plus enchantée de me rencontrer. Pourrais-je lui en vouloir ? Absolument pas.
Mes coéquipiers discutent, évacuent la pression à leur manière. Certains joueurs essayent même de m'intégrer dans leurs échanges. En vain. Je reste hermétique.
J'effectue un tri dans mon esprit.
J'ignore les actions d'Henry. Il a ses raisons que je ne parviens pas à digérer. C'est ma faute, après tout. Pourtant, il n'avait pas à procéder ainsi. Et ma décision est prise.
Je supprime le retour de mon père. Quel idiot ai-je été en imaginant une seule seconde qu'il revenait pour moi ! Même pas un message pour maman, rien.
Axelle hante à son tour mes pensées. Je ne sais même pas si elle regardera le match. C'est très peu probable. Mais je veux la rendre fière de ce match, de cette victoire.
C'est l'unique chose qui compte. Une option s'offre à moi, à l'équipe : les trois points. Qu'importe ce qu'il se passera après, nous devons gagner la rencontre.
— Allez les gars ! nous motive l'entraîneur avant l'échauffement.
Par automatisme, mes mains bouclent les lacets de mes chaussures. Je range mes écouteurs dans leur étui. Un souffle s'échappe de ma bouche. Mes jambes me portent vers le terrain. Je n'ai plus besoin de réfléchir, je connais par cœur le couloir. Les yeux fermés, je m'avance. La musique fait vivre la salle. Les spectateurs sont en place, parés à suivre la rencontre sans en rater une miette. Les Blue Fox, le groupe de supporters du club mettent l'ambiance. À peine nous apparaissons, les acclamations s'intensifient, la playlist devenant insignifiante. Mon cœur s'accélère.
— Prêt pour ton retour dans le grand bain ? me taquine Thibaut.
— Et comment !
— Pour rendre fière une certaine fille aussi, non ? Je suis sûr que de là où elle est, elle regardera le match.
— Tu penses ?
— Évidemment, et j'espère bien que la prochaine fois, elle sera dans les tribunes !
Je me détourne de lui pour observer les gradins. Je cherche ma mère. Elle a négocié ses horaires pour être au match, je compte bien ne pas la décevoir. Assise dans la tribune familiale, j'effectue un signe dans sa direction qu'elle me rend. J'imagine sans effort Axelle, à ses côtés. Ce serait le tableau idéal. Vraiment. Je continue d'épier les personnes présentes. Comme si seulement mon père pouvait se trouver ici. C'est impensable. Surtout vu comment la discussion s'est terminée. Je serre mon poing. Dire que j'ai cru qu'il venait me voir. Peut-être que s'il était venu aujourd'hui pour se racheter, j'aurais considéré sa proposition. Mais il n'a même pas daigné se présenter.
Thibaut scanne aussi les gradins dans l'espoir d'y croiser ses parents. En vain. Son visage reste neutre, pourtant, je sais que ça lui pèse autant que moi. Si mon père avait une excuse — certes, très bancale —, eux n'en ont pas. Jamais ils n'en ont eu. Il n'a pas le droit à l'erreur et fait tout pour les satisfaire. Pour qu'en retour, il ne reçoive rien. Ou alors, seulement des remarques parce qu'il n'est jamais suffisant.
Je pose ma main gauche sur son épaule. Quoi qu'il arrive, ce sera toujours nous deux contre le reste du monde. Le voile de tristesse qui a rapidement traversé ses yeux laisse place à la concentration. Chaque rencontre à domicile, c'est la même chose. Il espère les voir, comme j'ai espéré recevoir un signe de vie de mon père. Pour rien, si ce n'est de la déception.
— Allez, on commence l'échauffement ! crie le coach sur le bord du terrain pour se faire entendre.
Sans encombre, tout se déroule pour le mieux. Je retrouve mon binôme avec Thibaut et nous exécutons les enchaînements parfaitement. La confiance règne dans l'équipe. Nous sommes capables de prendre l'avantage. Et nous le ferons.
Le temps s'écoule rapidement. Il ne reste plus qu'une dizaine de minutes avant le coup d'envoi. L'entraîneur nous renvoie dans les vestiaires pour les dernières mises au point. J'échange mon t-shirt d'échauffement pour le maillot du MHB. Toujours avec le numéro 18, je ne sais même pas pourquoi je continue de le porter. Après tout, c'était celui de mon père. Mais je le conserve, comme pour conserver un lien avec cette personne que j'ai tant idéalisée enfant.
Le coach nous scrute tour à tour. Le marqueur dans ses mains, il attend que notre attention soit focalisée sur lui. Non loin de lui, les autres membres du staff se concentre sur le match et les derniers réglages à effectuer.
— Pas de précipitations, jouez simple. Pas de risques pour le moment, faites ce que vous maîtrisez le mieux et la victoire sera pour nous, explique l'entraîneur. Ale tu commences aux cages, et sur le terrain avec toi, Nico, Thibaut, Lukas, Elo, Ivan.
Il reste une place sur le terrain. Mon poste. Il nous observe. Il s'arrête un instant sur moi. Je déglutis en repensant aux paroles d'Henry. Le club en a marre de mes écarts. Je ne me fais pas d'idée quant à ma titularisation. Après tout, je pallie l'absence de Diego, pourquoi serais-je donc choisi face à un autre ? L'équipe a très bien su tourner sans moi.
— Et Martin, conclut-il.
Thibaut me donne un coup d'épaule alors que je me remets de ma surprise. Je bois une gorgée d'eau et je rejoins le groupe qui s'est avancé, plus que jamais prêt à tout donner dans le match.
— Gomez, au premier écart, je te sors et tu ne rentres plus, me menace le coach. J'ai plus le temps pour tes bêtises.
J'acquiesce. Décevoir l'équipe une nouvelle fois n'apparaît pas dans mes plans. Si je suis là, ce n'est pas grâce à mon père. C'est pour mes longues heures d'entraînements, pour mes sacrifices. Personne ne peut le remettre en cause, et les avis extérieurs n'ont plus d'importance.
Dans le couloir, j'attends, en file indienne avec les autres handballeurs. Le commentateur chauffe la salle. Le cri et les acclamations des supporters se font ressentir jusqu'ici. Des frissons parcourent mon corps. Cette sensation m'avait manqué.
— N'oublie pas de respirer, ce serait con quand même.
Je tire la langue vers Thibaut avant de me recentrer sur le match. Les joueurs du Paris Saint-Germain sont appelés. Un à un, ils rentrent sur le terrain en position. Je sautille pour garder du rythme avant le début du match en patientant.
— Notre capitaine et numéro 24, Nicolai...
— Jensen, hurlent les spectateurs.
Chaque joueur est nommé, dans l'ordre de nos maillots. La pression monte de plus en plus alors que je suis le prochain à être annoncé. Un instant, je ferme les yeux. J'oublie tout. Mon seul objectif est la victoire. Je dois jouer au maximum. Le temps des regrets n'est pas encore venu.
— Il est revenu cette semaine, accueillez notre numéro 18, Martin...
— Gomez ! scande la foule.
Les applaudissements marquent mon entrée et mes battements de cœur. Je tape dans les mains de mes coéquipiers déjà en place. Les noms continuent de défiler sans que j'y fasse attention. Mon esprit se concentre sur la prochaine heure qui arrive avec pour unique issue possible : la victoire.
— Dès le début, mettez du rythme ! On est à domicile, on ne doit pas leur laisser une chance de prendre le dessus, ordonne l'entraîneur pour les dernières directives.
Les arbitres sifflent une première fois. Nous rejoignons le milieu de terrain pour commencer la rencontre. Nous avons l'avantage de marquer dès les premières secondes, il ne faut juste pas se faire surprendre par la défense parisienne.
Thibaut mène notre attaque. Il n'a pas de temps à perdre. Il effectue une passe en direction de Nicolai qui lui redonne aussitôt engagé dans l'intervalle libéré par le pivot. L'un des adversaires essaye d'intervenir, mais il est trop en retard pour empêcher le tir. Seul le gardien pourra les sauver. En vain. Le ballon a filé droit dans la lucarne gauche trop rapidement pour que quiconque ne puisse réagir.
1—0 au bout de dix secondes de jeu.
Le ton est donné. Le PSG a l'habitude de jouer vite, une fois le but encaissé, quand la défense adverse est encore désorganisée. Dommage pour eux, nous sommes bien en place avant même que l'arbitre siffle pour lancer leur offensive.
Le coach a privilégié une attaque en décalée. Cinq joueurs derrière et un plus en avancée pour gêner les passes, voire faire une interception. En temps normal, c'est Nicolai qui se retrouve dans cette position, après tout, il n'a plus rien à prouver. Un des meilleurs joueurs, si ce n'est le meilleur, à ce poste et a permis de nombreux buts au Danemark sur ces attaques. Pourtant, le coach m'a demandé de prendre sa place. Du moins, pour tester. Si ça ne fonctionne pas, il aviserait par la suite. Mais je ne peux pas le décevoir.
Face à moi, Hugo Kaplan. Beaucoup attendaient le duel entre lui et Nicolai. Les éternels rivaux. France et Danemark. PSG et MHB. Toujours en compétition. Toujours l'un contre l'autre. Sauf qu'aujourd'hui, c'est moi. Ce n'est pas la première fois que je joue contre lui, j'ai déjà eu cette chance la saison dernière, mais jamais je n'ai eu la responsabilité de le jouer en un contre un.
Le demi-centre dribble et donne ses directives à ses coéquipiers. Il commande l'attaque sans se formaliser du reste, pas même déconcerter du changement. Imperturbable, il continue de faire tourner le ballon alors que je tente de suivre la course, voire même d'anticiper un mouvement. Je ne dois pas me louper. Je dois être sûr de mon coup si je modifie mon rythme. Derrière, ils profiteront pour marquer le but. Et si, ce n'est que le début, il n'est pas question de leur offrir sur une erreur de jugement.
Ils n'attaquent pas. Ils n'y arrivent pas. Les secondes s'écoulent sans que les parisiens parviennent à prendre le dessus. Les arbitres décident enfin de lever le bras. Il ne leur reste plus que quatre passes à réaliser sinon le ballon nous revient. L'ailier arme son bras et effectue un tir forcé que Ale arrête sans difficulté.
Sans nous précipiter, nous préparons notre nouvelle attaque. La salle continue d'applaudir notre défense et nous encourage pour la suite. Je m'éloigne d'un pas du parisien qui me fait face. Une meilleure vue s'ouvre devant moi pour prendre en considération les différentes options. Thibaut n'a pas encore réceptionné la passe que je débute déjà ma course. Nous n'avons plus besoin de parler. Même sans un regard, nous nous comprenons. J'ai déjà anticipé la prochaine action. Mon coéquipier m'envoie le ballon que j'attrape beaucoup trop facilement en me faufilant rapidement le mince intervalle. L'un des adversaires tente de couper ma route. Trop en retard. Je lâche mon tir sans difficulté. Mon bras gauche se rabat à droite avant que le ballon ne quitte ma main.
2-0.
Je retombe dans la zone sans perdre l'équilibre et m'empresse de repartir de l'autre côté. La foule hurle mon nom sous les paroles du commentateur qui encense mon retour. Mon cœur se gonfle de joie d'entendre de nouveau cette euphorie qui m'a manqué. Je frappe dans la main de Thibaut et me replace à ma position.
Les buts s'enchaînent. Les arrêts aussi. Le rythme s'accélère progressivement. Les parisiens reviennent dans la course, sans pour autant nous rattraper. Nous conservons notre avantage de deux buts. Toujours en avant, j'essaye de gêner le demi-centre, mais c'est compliqué d'analyser ses mouvements. Voire impossible. Malgré les nombreux visionnages de ces matchs, il reste imprévisible, modifiant régulièrement ses actions. Un instant d'égarement de ma part et il trouve le décalage idéal pour réduire l'écart d'un petit but. Ce n'est rien. C'était évident que cette situation arriverait, mais je rage.
11-10, encore une dizaine de minutes avant la mi-temps.
Le temps s'écoule alors que la chaleur ne cesse d'augmenter sur le terrain. Mes pensées s'embrouillent de fatigue. Le maillot me colle à la peau. Je passe mon poignet sur mon visage pour dégager quelques mèches de mon front en sueur. Malgré tout, je tiens bon. Je pourrais mieux respirer dans quelques instants. Ce n'est pas le moment de lâcher. Pas maintenant.
Thibaut se repose sur le banc. Mathias le remplace. Et même si la connexion n'est pas la même, son travail me permet de trouver une nouvelle fois les filets adverses pour préserver cette avance.
— Martin est en forme pour son retour ! s'exclame le commentateur alors que je reviens en défense.
Paris décide également de faire tourner les joueurs. Hugo laisse sa place à Aurélien Martinez. Je lance un coup d'œil en direction du banc de touche, à la recherche du regard de l'entraîneur pour savoir si je conserve cette place ou non. Il valide ma question silencieuse. Je capte rapidement le pouce levé de Thibaut qui m'envoie de la force. Il a conscience qu'entre lui et moi, ce n'est pas l'amour fou. Loin de là, même. La première fois que j'ai perdu le contrôle lors d'un match, c'était sa faute. Il n'avait jamais cessé de me chercher, il a fini par me trouver. Continuellement. Lors de toutes les rencontres effectuées plus jeunes, il a toujours pris un malin plaisir à me provoquer. Ce soir ne fera pas exception. Mais je ne lui donnerai pas ce qu'il espère tant.
— Après ton père, c'est ton club qui ne veut plus de toi, t'imagines, murmure-t-il, un sourire narquois sur son visage.
— Pourtant, je me tiens devant toi.
— Et pour combien de temps encore ? Tu crois que c'est pourquoi si tu défends là ?
Pour réussir un test. Savoir si l'équipe peut me faire confiance. Si j'ai le niveau qu'on attend de moi. Être un joueur professionnel en toute circonstance.
— Je t'ai connu plus bavard.
— Tu devrais rester concentré sur le jeu, aux dernières nouvelles, ce n'est pas moi qui perds, répliqué-je.
— Te voir perdre le fil vaut plus qu'une victoire.
Il poursuit son monologue sans que je réagisse. Il essaye juste de me déstabiliser, de me pousser à bout. Il s'énerve tout seul alors que je reste focus sur le jeu. Le ballon va revenir au centre pour redonner du rythme. J'en suis certain. Bingo. L'arrière lui fait la passe. Malgré la fatigue, je force sur mes jambes pour l'intercepter. Plus rapide que lui, je parviens à le dérober en partant seul pour la contre-attaque, Aurélien sur mes talons pour m'arrêter. Un temps d'avance sur lui, il ne pourra pas me rattraper. C'est moi contre le gardien. Et je n'ai pas le droit à l'erreur. C'est l'occasion de laisser le PSG encore plus derrière nous.
Pourtant, si j'étais proche de la zone, prêt à m'engager pour mon duel, je me retrouve au sol, poussé par Aurélien qui me fait perdre l'équilibre. L'arbitre ne cherche pas plus loin. La sanction est tombée : deux minutes pour le parisien et deux minutes en notre faveur. Je grimace en tenant ma cheville. Elle me lance légèrement. Je me relève sous le regard noir du fautif. Il n'écoute même pas les remontrances de son entraîneur. Les spectateurs ont retenu leur souffle en voyant l'action. Certains sifflent leur mécontentement, jugeant qu'il mériterait un rouge pour jeu dangereux.
— Ça va ? m'interroge Nicolai.
J'accepte son aide sans rechigner pour me remettre sur pieds. Un joueur parisien vient également aux nouvelles et s'excuse du comportement de son coéquipier. Honnêtement, je m'en fiche un peu. Ce qui m'importe le plus pour le moment c'est ma présence sur le terrain quand il est suspendu pour deux minutes, même si la sentence risque d'être plus longue. Son geste n'a pas plu sur son banc, je doute que leur coach le fasse rentrer de sitôt dans la rencontre.
— Martin, t'y vas.
Surpris, je me fige alors que je tendais le ballon en direction de mon coéquipier, adepte des pénaltys. Notre entraîneur ne veut tout de même pas que j'aille tirer ? Son visage ne laisse transparaître aucune émotion.
— Pas de pression, on a encore l'avantage.
Je remercie Nicolai d'un geste de la tête. Je sais très bien que ça ne changera pas le cours du match. Derrière, il reste encore trente minutes. Sauf que je ne peux pas décevoir la confiance qu'il place en moi. Même si au fond, s'il agit ainsi, c'est suite à mon altercation avec Henry. L'entraîneur n'en pouvait plus de mes écarts. Son avis n'a pas pu évoluer le temps de la rencontre. Évidemment que non.
Je peux marquer ce pénalty. Je DOIS marquer ce but. Après tout, j'allais faire ce duel quelques minutes avant, il ne change pas. Je suis seul face au gardien. Un regard en direction des tribunes, je vois ma mère. Elle me sourit, fière de moi. Inquiète aussi, pour ma cheville.
Le pied droit sur la ligne des sept mètres, j'attends le coup de sifflet de l'arbitre. J'analyse le goal devant moi. Il en impose avec sa grande taille qui prend beaucoup de place dans les cages. Je n'ai pas beaucoup d'angles de disponibles. Pourtant, je n'ai pas le choix. Je vais devoir trouver cette ouverture.
J'inspire. J'expire. Je forme une bulle silencieuse autour de moi. Plus rien n'existe. Je suis en paix avec moi-même. Plus rien ne se mettra sur mon chemin.
Mon bras gauche armé est prêt. Mon choix est pris. Je n'ai qu'à réaliser le but maintenant. Je laisse mon corps partir vers la gauche et amène le gardien dans ma direction avant de changer au dernier moment la direction du ballon. Avec un petit effet, il finit sa course derrière la ligne. Les spectateurs, qui retenaient leur souffle, acclament le but pendant que je me rattrape sur les bras pour ne pas rencontrer une nouvelle fois le sol.
13-10, cinq minutes à tenir, dont deux en supériorité numérique.
Paris décide de sortir le gardien pour être à égalité en attaque. Tir raté, Ale en profite pour un but depuis ses propres cages. Nouveau tonnerre d'applaudissements. Le PSG commence à couler. Ils ne parviennent plus à passer notre défense. Ils courent après le score sans plus nous inquiéter.
Quinze secondes.
Dix secondes.
Cinq secondes.
Le ballon dans les mains, je m'élance. Un pas et je saute. Je domine le défenseur face à moi. Le tir résonne jusqu'à en faire trembler le poteau, mais la chance me sourit, car c'est un poteau rentrant juste au moment où le buzzer annonce la fin de la première mi-temps.
Aurélien passe à côté de moi pour rejoindre les vestiaires en faisant bien attention à me bousculer. Je me contente de l'observer partir en me désaltérant sous les paroles lointaines de Thibaut. Il me fusille encore du regard avant que Hugo ne passe à son tour et le pousse vers l'avant. Je n'entends pas ce qu'il dit, mais ça ne plait pas au plus jeune qui détourne son regard, vexé. Furieux. Mais il a voulu jouer, à lui, de se brûler les ailes maintenant.
— Bien. Très bien même ! Vous avez fait un très bon début de match, vous ne vous relâchez pas maintenant ! s'exprime l'entraîneur. Vous les avez bien canalisés, mais ils ne sont pas en reste.
Il poursuit sur des tactiques. J'écoute d'une oreille distraite. Même si c'est important, je garde mon esprit concentré sur le match et ça fonctionne plutôt bien pour l'instant. On mène. Mon match est pratiquement impeccable. Tout est en autre faveur.
— Martin, tu souffles un peu, conclut le coach après avoir donné la liste des joueurs qui débuteront cette deuxième mi-temps.
J'ai envie de contester l'ordre. Pourtant, je sais que je le regretterai en forçant. Il ne le fait pas non plus par gaieté. Ce sont les recommandations du médecin. Alors que mes coéquipiers regagnent le terrain pour se remettre dans le rythme, je reste avec le staff quelques instants pour ma cheville.
— C'est rien, dis-je, j'ai déjà plus mal.
— C'est pas parce que tu n'as plus mal que ce n'est pas grave, me gronde le docteur. Ta cheville a été fragilisée. Effectivement, ce n'est qu'un petit coup, mais il valait mieux être sûr. Et non, ça ne change pas ta position. T'as joué trente minutes à fond, ton corps a besoin de se reposer un peu.
Je soupire. Il a raison. Sauf que je veux continuer à jouer. Je veux continuer de montrer qui je suis réellement. Et c'est en étant sur le terrain que je pourrais le faire, pas sur le banc de touche.
Je rejoins l'équipe quelques secondes avant le coup d'envoi du second round. La pression ne baisse pas. Les supporters sont toujours aussi présents pour nous encourager.
15-10.
Certes, nous avons une avance confortable, pourtant, les parisiens se battront pour revenir. Et ils y arriveront au moindre flottement de notre part. Ils profitent souvent de ce moment de latence en deuxième période et cette baisse de régime pour rattraper le retard et clouer le match. Sauf que je ne les laisserai pas faire. Même seul, je me battrai pour remporter ce match et les prochains.
— T'en fais pas, tu rentres bientôt Martin, juste le temps de poser le début et tu repars sur le terrain. Comme en première mi-temps. Tu canalises Kaplan et tu balances des tirs comme t'en as l'habitude, OK ?
J'acquiesce d'un signe de la tête, n'attendant plus que le prochain changement.
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