Chapitre 26


Martin.


— Un compte Only Fan, ça peut être bien, non ?

Arthur continue de faire des propositions allongé au milieu des tribunes en se lançant le ballon. Debout, au bord du terrain, je drible. J'occupe ainsi mes mains pour me vider l'esprit. Les nombreux documents et le stress constant de Sylvain deviennent une évidence maintenant que j'y pense. Il était toujours le nez devant l'ordinateur à régler les dossiers et au téléphone pour trouver une solution avant l'échéance tant redoutée. Et aujourd'hui, il est face à un mur, sans savoir comment sauver son club.

— T'en as encore beaucoup des idées aussi merdiques ? se plaint Léane.

— Si t'as mieux, t'as qu'à les dire !

— Parce que tu comptes vraiment t'inscrire ?

— Bah si ça permet de gagner de l'argent facilement, pourquoi ne pas tenter ?

Léane souffle, les mains sur les hanches, désespérée par son copain. Axelle, non loin, reste silencieuse. Elle n'a pas vraiment ouvert la bouche depuis son arrivée. C'est limite si elle nous a salués. Après sa journée au cabinet, elle a fait l'effort de venir pour chercher une solution avec nous, mais pour l'instant, elle se concentre seulement sur son ordinateur sans nous adresser la parole.

Le ballon danse dans mes mains sans que je ne sache quoi faire de plus. Que puis-je apporter en complément ? Je n'appartiens même pas à leur équipe, je suis là uniquement en soutien et pour apprendre de mes erreurs, comme me déclarerait Henry.

— Axelle, Martin, dites-moi que vous avez des idées, et de préférence réalisables, s'il vous plaît, se désespère Léane.

— Merci pour ta considération ! boude Arthur.

— Pourquoi pas proposer de la nourriture sur les marchés ? suggère Axelle sans lever les yeux de son écran.

— Pas sûr que des gens achètent, renchérit sa meilleure amie.

— T'organises une matinée avec les enfants et tu vends tout, ça a bien fonctionné quand on était plus jeune pour un voyage scolaire.

— Ouai, mais ça ne rapportera pas assez.

— C'est déjà mieux que rien, si vous le faites sur plusieurs semaines ça peut donner quelque chose. Après, il faut avoir les autorisations.

— Et toi, Martin, tu proposes quoi ? finit par demander Léane en se tournant vers moi.

Le ballon rebondit devant moi alors que je me gratte la nuque. Je n'en sais fichtrement rien, moi. Qu'est-ce qui peut sauver un club ? Des sponsors ? Un rachat de la structure ? Un don d'argent ? Oui, mais jamais ça n'arrivera ici, les équipes ne sont pas assez importantes pour attirer autant d'attention malgré un niveau correct.

— Un calendrier type les Dieux du stade ? reprend Arthur.

— Tu crois vraiment que des gens paieraient pour vous regarder dans un calendrier ? soupire Léane.

— Pourquoi pas ?

— Une cagnotte via les réseaux, non ? proposé-je finalement. C'est récurrent d'en voir et si vous vendez bien le projet, il sera possible de récolter des fonds, non ?

— Ça peut être une solution, envisage Léane.

— Parce que les calendriers n'en sont pas une ? s'offusque le handballeur qui évite de justesse le ballon sur le visage.

— En complément, on peut toujours organiser une tombola ou un loto ? ajoute Axelle.

Léane prend son rôle à cœur après la demande d'Axelle. Elle a réfléchi tout le week-end d'après Arthur pour trouver un moyen de venir en aide au club. Elle a fait un tableau qui relève de toutes les informations que nous possédions pour ensuite proposer un plan d'attaque à Sylvain. Les autres joueurs ne sont pas encore au courant. Axelle n'avait pas jugé nécessaire de leur révéler, du moins, pour l'instant. Elle a dit que ce n'était pas son rôle. Elle souhaitait juste venir en aide avec Léane qui en a parlé au handballeur et qui m'a entraîné dans cette situation.

— Donc, je récapitule : vendre de la nourriture, campagne sur les réseaux, loto et tombola. D'autres propositions ? Qui ne sont ni le compte Only Fan et ni le calendrier.

— Après, le calendrier, ça peut le faire. Sans forcément jouer sur les Dieux du stade, mais prendre en photo les différentes équipes et les mettre en avant dans le calendrier, ça peut apporter un peu d'argent.

— Merci Axelle ! s'exclame Arthur.

— L'encourage pas dans des idées farfelues, soupire Léane.

— Regarde, le calendrier des pompiers, ça se vend, pourquoi pas le calendrier de Pau-Nousty handball ? argumente Axelle.

Léane semble envisager la proposition, car elle la marque sur son carnet finalise les détails. Le silence envahit la salle. Arthur continue de lancers de ballon. Axelle reste le nez plongé dans ses notes, comme s'il elle m'évitait sans que je ne sache pourquoi. Et moi, je poursuis mes dribbles pour m'occuper les mains.

Je souhaite discuter avec Axelle, découvrir ce qui la préoccupe tant. Cependant, mon corps n'ose pas réaliser de mouvement en sa direction. Je redoute qu'elle m'ignore après notre soirée. J'ai pourtant était sincère. J'avais envie d'être là avec elle, et j'en ai toujours envie. Je ne compte pas l'abandonner, mais je ne veux pas non plus la forcer s'il ne désire pas en parler. Donc, comme un idiot, je reste debout, observant la scène devant moi comme si j'étais un spectateur. J'ai l'impression de revenir quelques semaines en arrière, lors de mon premier week-end ici, où j'étais à l'écart quand ils étaient tous investis dans leur discussion. Je suis extérieur à la situation. Je ne suis pas concernée directement, ma présence est seulement due à cause de mes stupides actions.

— T'es sûre que ça va, Axelle ?

Elle fuit mon regard alors que je me rapproche d'elle pour essayer de la déchiffrer. Cette fille est une véritable énigme. J'ai l'impression que si nous avançons d'une marche, après je recule d'une dizaine, comme si mes efforts n'avaient servi à rien.

— Oui, c'est juste la course contre le temps avec les dernières mises au point avant de rentrer à Barcelone. J'ai beaucoup de choses à gérer, c'est tout.

J'ai le sentiment qu'elle ment, du moins qu'elle ne me dit pas tout. Elle se contient de m'annoncer ce qu'elle pense réellement. Pourtant, je lui ai affirmé que je ne la jugerais pas. Sur aucun sujet. Je m'en suis fait le serment. Je veux juste qu'elle soit heureuse, observer son sourire, traverser son visage. Mon cœur se serre en anticipant ce moment. C'est égoïste, mais je souhaite qu'elle reste. Du moins, tant que je suis encore dans cette équipe, je ne veux pas qu'elle retourne en Espagne. J'ai besoin de la voir, de l'avoir à mes côtés pour la rendre fière. Mais je comprends que ce n'est pas une période facile, surtout avec les messages de son ex qui désire renouer un lien. Enfin, c'est un bien grand mot au vu des SMS qu'il avait pu lui envoyer.

Son comportement me répugne. La recontacter seulement, car il n'a personne d'autre qui voir est juste abominable. Il n'y a pas à jouer ainsi avec les personnes. Je ne serais même pas étonné s'il avait été voir ailleurs alors qu'ils étaient encore ensemble, prenant pour simple excuse « tu es toi » pour mettre fin à leur relation. Il me dégoûte. Axelle vaut mieux. Tellement mieux.

Comme moi, me hurle presque ma conscience.

Sauf que je ne sais pas si je pourrais être cette personne. J'aimerais. J'aimerais l'affirmer, être aussi confiant que Thibaut, mais j'ai peur de ne pas être assez non plus, quand elle mérite le bonheur. Que quelqu'un la comprenne.

— Si t'as besoin d'aide, je suis là.

Un instant, ses doigts ne tapent plus frénétiquement sur l'ordinateur. Ils se suspendent, comme si le temps s'était arrêté quelques secondes avant de reprendre leur course sur le clavier sans se soucier du reste.

— J'ai un début de plan, vous êtes prêt à m'écouter et me donner votre avis ?

Intérieurement, je peste contre Léane qui vient d'accaparer toute l'attention d'Axelle. Si son investissement est remarquable pour sauver le club, j'aurais préféré qu'elle attende encore un peu pour creuser plus, en apprendre davantage sur le sujet qui la tracasse autant. Car je suis pratiquement certain que le problème a un lien avec moi. Elle m'évite, elle reste évasive. Pourtant, je n'ai rien fait. Pas que je sache. Et j'ai beau chercher, je ne vois pas ce qu'elle peut me reprocher.

Je suis sur le point de reprendre mes dribbles quand je sens mon portable vibrer dans la poche de mon sweat. Je fronce les sourcils. Henry m'appelle. Je n'ai pas vraiment eu de nouvelles depuis que je suis venue ici. Juste quelques messages par-ci par-là, mais rien de plus concret alors je ne comprends pas pourquoi il a décidé de me joindre, aujourd'hui, précisément. Peut-être pour lever mon prêt ? Peut-être pour me dire qu'il a besoin de moi pour affronter le PSG à la fin de la semaine ?

Je m'éloigne du petit groupe. Je sors du gymnase pour mieux écouter les informations sans entendre les échanges qui suivent les explications de Léane. Je ne sais pas combien de temps j'en aurais, mais je préfère le calme pour anticiper les prochaines minutes qui m'attendent.

Assis sur l'une des pierres à l'entrée de la salle, je ravale ma salive difficilement. Je n'arrive pas à déterminer si je suis prêt ou non pour l'annonce. Car je ne fais pas d'illusion, s'il appelle c'est que c'est important, sinon il ne m'aurait pas contacté.

— Comment vas-tu Martin ? me demande-t-il par politesse.

— Ça va, ma cheville s'est bien rétablie, et c'est pas si mal d'entraîner les jeunes, articulé-je. Et comment ça se déroule au club ?

— Justement, on a quelques soucis. Avec la trêve internationale, Diego est revenu d'Espagne blessé et nous manquons de joueurs pour ce week-end.

Il prend une pause pour me laisser le temps d'accuser le coup. Ma jambe droite bouge, l'attente devient insoutenable. Pourquoi ne peut-il pas aller droit au but pour que j'évite de me ronger les ongles ?

— Je suis certain que tu connais l'importance de la rencontre, nous affrontons le PSG, toujours premier du championnat.

Évidemment. Je ne suis pas débile. Chaque saison, le club de la capitale conserve la tête du classement quand Montpellier se bat contre Nantes pour la seconde. C'est une course contre la montre afin de gagner cette place, ticket pour jouer la Champion's League l'année suivante. Et pour le moment, nous ne sommes pas deuxièmes. Derrière le club nantais d'un minuscule point, remporter la victoire face au champion en titre, nous permettrait d'ancrer un peu plus notre position.

— J'aurais donc besoin que tu viennes en soutien.

— Et Nousty, du coup ? Eux aussi ont un match important ce week-end ?

— Si on m'avait dit il y a quelques semaines que tu serais si investi dans ce club, je ne l'aurai pas cru ! Mais j'ai échangé avec Sylvain, il est d'accord. C'est même lui qui a suggéré l'idée.

— Donc, vous voulez dire que mon prêt est levé ?

— Ça reste à voir en fonction de tes performances dimanche.

La nouvelle que j'ai tant attendu est enfin survenue. Je rentre à Montpellier ! Je vais pouvoir retrouver ma famille et rejouer à haut niveau. Pourtant, je ne peux cesser de ressentir des remords pour Nousty. J'ai l'impression de les abandonner alors qu'ils sont au fond du gouffre, sauf que je ne peux pas manquer cette opportunité. Elle est beaucoup trop importante. Je ne peux pas refuser cette proposition en or.

— Après, si tu veux poursuivre encore l'aventure ici, tu peux aussi rester. Rien ne t'oblige à revenir.

— J'accepte ! Jamais je raterai l'occasion de battre le PSG !

— J'espère te voir au plus vite au gymnase avec l'équipe alors.

Henry raccroche, me plongeant dans le silence. Quelques voitures traversent la route et brise le calme. La solitude continue de m'envahir pendant que les informations qui s'entrechoquent dans ma tête. L'impatience de retrouver les parquets professionnels me gagne petit à petit. J'en oublie presque les problèmes financiers. De toute manière, que pourrais-je faire de plus pour eux ? Je ne suis pas un super héros, je ne sauverais pas le club. Ce n'est pas de mon ressort.

Quelques gouttes commencent à tomber et me forcent à retourner dans le gymnase avant de finir trempé. Il est encore trop tôt pour que les premiers jeunes n'arrivent pour leur entraînement, voilà pourquoi Léane en a profité pour nous réunir à ce moment, avant la cohue infernale. Il n'y a que le père d'Axelle, enfermé dans son bureau au milieu des feuilles, mais il n'a pas fait attention à nous. Comme si nous n'existions pas, il s'est jeté corps et âme pour trouver une solution, coupant tout contact avec le monde réel.

Je passe la porte et rejoins les tribunes où les trois amis discutent toujours. Du moins, Arthur et Léane. Axelle est de nouveau plongée devant son ordinateur où elle mordille un crayon à papier. Concentrée sur l'écran, elle ignore la querelle qui concerne le Only Fan que souhaite ouvrir le handballeur. Si en principe, il a raison, le club gagnerait avec plus de facilité de l'argent, je reste sceptique.

— Tu me désespères par moment, soupire Léane.

— Mais tu m'adores quand même, réplique-t-il, sourire aux lèvres.

— Malheureusement...

Ils continuent de débattre sans se préoccuper de moi, ce qui m'arrange beaucoup. Je n'ai pas une grande envie de prendre part à l'échange, surtout pour un sujet si futile. À la place, je m'approche d'Axelle et tente de capter son attention. En vain. Elle ne lève pas un regard dans ma direction.

— J'ai fait quelque chose ? l'interrogé-je avant de me ronger encore longtemps l'esprit.

— Hein ? N-non, pas du tout. Pourquoi dis-tu ça ? bégaye-t-elle.

— Le fait que tu m'ignores ? Que tu m'évites ?

— Je pense à beaucoup trop de choses en même temps et cette histoire n'arrange rien. Puis c'est toujours compliqué avec mon père, donc c'est dur de gérer, mais tu n'as rien à te reprocher. C'est juste moi, pas toi et j'ai pas envie de t'embêter avec des problèmes qui ne te concernent pas...

— Je t'ai dit que je serais là, tu peux tout me dire tu le sais ça ?

— Je sais, mais ce n'est rien de grave. Je ne pensais pas être autant destabilisée, c'est tout.

— Sûre ?

Axelle marque une pause. Elle cherche ses mots, hésite sur ce qu'elle peut dire ou non. Ce qu'elle souhaite annoncer ou non. Même si elle n'a pas un réel affect avec le club, elle a grandi avec. La révélation a dû être aussi dure pour elle à encaisser, d'autant plus que ces dernières semaines, elle s'est investie dans l'équipe.

— Oui, puis Léane a mis en place un bon programme, plus qu'à militer pour le réaliser !

— Je n'en doute pas, elle a l'air... d'une leader ?

— C'est ça, une fois impliquée dans un projet, elle y va à fond et n'abandonne pas tant qu'il ne va pas jusqu'au bout. Sinon, tu te souviens de Marion ? La fille qui nous a ramenées en blablacar ?

— Ouai, vite fait. Pourquoi ?

— Elle m'a proposé de faire une sortie avec elle dimanche.

— C'est cool, fis-je sans trop savoir en quoi ça me concerne.

— Tu pourrais aussi venir, non ? Elle a voulu te contacter, mais elle n'avait aucun moyen pour t'envoyer un message.

Je regrette de ne pas avoir de ballon pour occuper mes mains. C'est l'instant que je redoutais. Lui dire que dès demain, je retourne à Montpellier. Je n'ai pas envie qu'elle me déteste, qu'elle pense que je l'abandonne maintenant. C'est faux. Enfin, elle n'aurait pas entièrement tort, mais je ne peux pas passer à côté de cette chance.

— Ça va être compliqué pour dimanche, annoncé-je en articulant difficilement.

— Comment ça ?

— Montpellier joue contre le PSG, je ne peux pas rater le match.

— On pourra toujours le voir, c'est pas un problème.

— Oui, mais non, c'est pas ça, bredouillé-je alors que je cherche les meilleurs mots pour expliquer la situation. Dimanche, je serai à Montpellier, sur le terrain.

Si Axelle a passé la majeure partie à fuir mon regard, cette nouvelle vient de capter toute son attention. Elle assimile les paroles et réalise leur signification.

— Tu-tu pars ?

— Oui, on vient de me contacter, ils ont besoin de moi ce week-end.

Un voile de déception traverse ses yeux, mélangé à un autre sentiment que je n'arrive pas à déterminer. Je garde cette sensation qu'elle ne me dit pas tout, qu'elle connaît un truc en plus que je devrais savoir et que c'est cette raison qui l'a poussée à m'éviter.

— Les jeunes, ils avaient un match important samedi, ça veut dire que tu ne seras même pas là pour eux ? réalise-t-elle.

Je me mords la lèvre. Je le sais. Ils n'ont cessé de me le rappeler, de me dire à quel point ils avaient hâte de jouer et de battre leurs éternels rivaux. Ils étaient fiers que je sois leur entraîneur. Les abandonner me fait culpabiliser, mais en même temps, je ne peux rester ici indéfiniment. Cet appel aurait retenti à un moment donné sans que je ne puisse me défiler.

— Je suis désolé, ce n'était pas prévu, sauf que je ne peux pas refuser. C'est une occasion en or...

— Du coup, c'est ainsi que l'on se quitte, je suppose ? prononce-t-elle d'une voix tremblante.

— Dis pas n'importe quoi, on garde toujours contact... non ?

— Oui... oui, affirme-t-elle.

Pourtant, son ton ne semble pas en adéquation. De la déception ressort de son comportement et elle évite encore plus mon regard. Elle comprend ma décision, je le sais. Elle a conscience de l'importance que ce match a pour moi, mais je perçois sa tristesse. Elle redoutait la fin de la semaine, car elle quitterait Pau pour retourner à Barcelone. Elle avait peur qu'une fois partie, elle ne soit plus rien pour moi. Alors l'idée que je rentre avant elle, que je l'abandonne en plein doute, n'était pas une alternative qu'elle avait prévue pour passer ses derniers jours ici.

— Axelle, je te promets que l'on se reverra. Tu me fais confiance ?

Un sourire se dessine sur son visage. Je sens qu'il est forcé, qu'il n'est pas sincère. Elle essaye de garder la face, de ne pas craquer alors que sa meilleure amie est à quelques mètres de nous.

— J'espère au moins que le plan de ton directeur sportif et de mon père a bien fonctionné..., souffle-t-elle dans un murmure à peine perceptible.

— Comment ça ?

— Tu n'étais qu'une solution pour rapporter de l'argent et rien d'autre. Qu'importe ce que t'aurais fait, t'étais juste un fichu pion dans un jeu. Et le fait qu'ils te contactent dès qu'ils ont besoin me dégoûte. Tu mérites tellement mieux...

La révélation d'Axelle me frappe comme un coup de massue. Je suis stupéfait, essayant de comprendre ses paroles. Pense-t-elle réellement que je ne suis qu'un pion dans leur jeu, un outil pour générer de l'argent, et qu'ils ne se soucient pas vraiment de moi au-delà de ça ? C'est absurde. Pourquoi Henry agirait-il ainsi ? Il aurait plus à perdre de cette situation.

— Qu'est-ce que t'en sais ? dis-je plus durement que je ne le voulais.

— Parce que c'est évident ! Parce que mon père l'a à moitié avoué ! Il te faut vraiment un dessin pour le comprendre ?

— Henry ne ferait pas ça. Il ne me ferait pas ça. Il m'a pratiquement élevé. Il est celui qui m'a donné une chance, jamais il ne m'aurait envoyé ici pour une simple histoire d'argent, pas quand l'enjeu est immense à Montpellier !

— Ne me crois pas si tu veux, mais tu ne t'es jamais dit que ton arrivée ici n'était pas un peu trop préparée ? L'appartement, le train ?

Je reste muet. Les mots se bloquent dans ma bouche. Mes pensées se bousculent. Et si elle avait raison ? Non, je ne peux imaginer une seule seconde ce scénario. C'est impossible. Henry ne m'aurait pas fait ça. Il a placé tellement d'espoir en moi, pourquoi me mettre sur le tapis de cette manière ? C'est absurde.

L'idée même d'avoir été utilisée ainsi me rend nauséeux. Je refuse. C'est irréaliste. L'argent n'est pas un enjeu suffisant pour me reléguer. Henry m'a affirmé que c'était pour mieux que je prenne conscience de mes actes. Que je ne pouvais pas toujours avoir un comportement agressif sur le terrain ! Je devais accepter les remarques sur mon père, et construire moi-même ma carrière.

— Je suis désolé, mais je pense que tu fais fausse route. Je sais que tu as une relation difficile avec ton père, mais il n'aurait pas fait ça. C'est juste une coïncidence. Et puis, je doute d'avoir rapporté plus d'argent en étant ici.

D'un geste timide, j'essaye de tendre la main vers elle, voulant la réconforter, lui affirmer qu'elle se trompe, mais elle recule, une barrière qui semble insurmontable se dresse entre nous. J'accepte son besoin d'espace, son désir de se protéger d'autres blessures. Mais ça fait mal. Mon cœur se serre à la vue de son regard déçu.

— Axelle, attends ! l'appelé-je.

— Je vais rentrer, j'ai des dossiers à analyser. Bon match, je suis certaine que tu sauras retrouver ta place. Après tout, c'est là-bas qu'est ta place.

Je l'observe partir sans rien dire. Les mots se bousculent dans ma tête, mais aucun d'eux ne parvient à franchir mes lèvres. Je suis désemparé. Cette conversation avec Axelle vient remettre en question tout ce en quoi je croyais.

Comment Henry a-t-il pu me manipuler ainsi ?

Ai-je été naïf de penser qu'il agissait dans mon intérêt ?

Mes certitudes s'effritent, laissant place à un doute lancinant.

Ai-je été un seul instant important à ses yeux ou n'étais-je qu'un simple pion comme Axelle le prétend ?

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