Chapitre 17
Axelle.
Je gémis en couvrant mon visage dans l'oreiller tout en remontant la couette. Mes batteries sociales m'ont quitté hier soir après le match et elles ne se sont pas rechargées à temps pour les heures qui vont suivre.
Je respire la joie rien que d'imaginer à quoi ressemblera le repas familial. Ma cousine qui aura tous les regards sur elle et sur son mariage. Ma tante qui n'hésitera pas à me demander pourquoi je n'ai toujours personne avant de tout mettre sur la faute de mon physique et/ou mon caractère. Mon père qui ignorera les remarques, préférant parler de son équipe. Ma mère qui essaiera d'expliquer que mon bonheur passe avant le reste. Et les autres membres seront les invités de ce spectacle habituel. Bref, un réel plaisir !
Toute motivation s'étant évaporée, je descends rejoindre ma mère dans le salon. Pour une fois, je ne suis pas accueillie par le silence, mais par le son de la télévision. Je me laisse retomber sur le canapé, sans énergie, sous son regard amusé.
— Je suis vraiment obligée de venir ?
Elle m'adresse une œillade compatissante. Elle sait très bien à quel point j'ai horreur de ces réunions qui se terminent majoritairement mal et pourtant, je suis constamment invité à y participer. Les exceptions étant mes trois dernières années à Barcelone, et encore. Une fois, ma cousine a insisté pour que j'y assiste en visio !
Seule dans mon petit appartement, je me trouvais face à mon ordinateur avec mon repas pendant que le reste de la famille discutait dans la bonne humeur. Que je sois en présentiel ou non ne changeait rien. Je suis ignorée. L'avantage : je n'écopais aucune remarque de ma tante, d'autant plus que Pablo était venu se présenter, le temps de quelques minutes, ce jour-là. Peut-être que c'est précisément pour ça que j'étais tranquille. Sauf que je n'aurais certainement pas ce privilège lorsque je poserai un pied dans la nouvelle maison de ma chère cousine.
Elle est gentille, là n'est pas le problème. Elle a juste toujours tout réussi et sa vie est parfaite. D'excellentes notes, des activités extrascolaires, un avenir tout tracer en tant que maîtresse d'école, un petit-ami devenu son fiancé. Et moi, je restais constamment le nez dans mes livres. Les seules fois où j'ai eu l'occasion de pratiquer une activité sportive, je me suis blessée sous les reproches de mon père qui disait que ce n'était que dans ma tête. Mes notes sont au-dessus de la moyenne sans être extraordinaires non plus. Pas de copain et deux échecs scolaires à mon actif. Pas très glamour en comparaison, d'autant plus que ma tante n'a jamais cessé de nous mettre en compétition.
— Tu vas voir, tu vas être heureuse de retrouver la famille !
Elle essaie de me convaincre, mais je n'y crois pas. Je soupire, résignée. Dans quel monde, le repas se déroulera-t-il sans accrocs ? Aucun, j'en ai bien peur.
— Il vient ?
Pas de réponse. Uniquement un haussement d'épaules de ma mère. Aucun effort de sa part. Et je suis encore étonnée. Si moi, je suis obligée d'assister à ces interminables réunions, mon père a souvent trouvé des excuses pour ne pas s'y rendre. Le hand est prioritaire, ne l'oublions pas !
Il ne faut pas laisser Martin seul, voilà ce qu'il a dû expliquer à ma mère pour justifier son incapacité à venir. Évidemment. C'est normal de devoir s'occuper d'un adulte de vingt-deux ans en pleine crise existentielle, mais quand il s'agit de sa propre fille, on est aux abonnés absents !
Je souffle, dépitée du traitement de faveur que je n'ai jamais reçu et que je ne recevrais certainement jamais. Me battre contre le hand pour avoir l'intérêt de mon père, c'est une chose. Affronter un sportif, c'en est une autre. Et même si j'ai accepté depuis longtemps ma défaite, elle n'en reste pas moins douloureuse. Je pensais obtenir un minimum d'attention à mon retour, mais elle s'est aussitôt tournée vers Martin.
Est-ce égoïste de lui en vouloir autant ? Absolument. Il n'a rien demandé, mais je ne peux m'empêcher de le jalouser. J'ai toujours tout fait pour que mon père m'accorde un peu de reconnaissance, qu'il soit fier de mes actes. Rien. Martin, malgré son comportement odieux, apparait comme un dieu vivant. OK, il est beau. OK, c'est un sportif professionnel. OK, il m'a défendue face à Élie. Mais il n'en reste pas moins un gamin immature qui prendra le large à la première occasion... comme j'ai fait en partant à Barcelone.
D'accord, nous ne sommes pas si différents tout compte fait. Mais pourquoi le faire passer avant moi, sachant que je rentrerai une fois mon stage terminé et que Martin ne restera pas, oubliant rapidement cette petite escapade ? Là est la question.
Je secoue la tête pour chasser les ondes négatives et me concentrer sur le positif, mais c'est compliqué. Rien de bon ne se profile à l'horizon : les remarques vont pleuvoir à midi tandis que l'orage éclatera lors de la séance de lundi. De quoi rêver !
Le petit-déjeuner englouti, je me précipite dans ma chambre. Du calme, voilà ce dont j'ai besoin avant l'arrivée de la tempête.
— Axelle, t'es prête ?
Allongée sur mon lit, prenant toute la place, je ne réponds pas immédiatement à ma mère. Je veux profiter de cet endroit confortable et ne plus jamais le quitter. Rester enroulée autour de mon plaid, c'est mon rêve.
Je mets mes chaussures, non sans émettre quelques réticences. J'attache rapidement mes cheveux en un chignon qui aurait pu être mieux réalisé, mais l'envie me manque. Je la rejoins enfin alors qu'elle patiente au bas des escaliers. Sans dire un mot, elle observe ma coiffure et ma tenue et même si elle n'ajoute aucun commentaire, je sais ce qu'elle pense : tu aurais pu faire un peu plus d'effort au lieu d'enfiler un simple sweat. Je me contente de hausser les épaules et de marcher la direction de la voiture. Quoi que je mette, on trouvera à me critiquer, donc à quoi bon me prendre la tête pour un repas dont je ne veux même pas aller ?
Le trajet se passe en silence, dans le calme. Ma mère se concentre sur la route pendant que je joue avec mes doigts et le bas de mon pull. Je repense encore aux paroles de mon père, hier soir, après le match. Il insistait auprès de Martin pour qu'il se joigne à nous, que ça serait bien. À croire que je ne suis pas assez satisfaisante pour se présenter avec nous et qu'il faut absolument la nouvelle star française ! J'anticipe déjà demain, ma journée de travail avec le handballeur et les potentiels remarque de mon père lorsque je rentrerais et qui souhaitera en savoir plus sur son joueur fard de l'équipe alors qu'il vient d'arriver et qu'il repartira aussi rapidement.
Perdue dans mes pensées, je ne réagis pas quand ma mère se gare au milieu des autres voitures. J'en reconnais certaines, comme celle de mon parrain ou encore celle de mon grand-père. J'avance à reculons, les mains dans les poches, retardant au maximum les retrouvailles.
Je ne suis pas parvenue devant la porte d'entrée qu'elle s'ouvre en grand laissant apparaitre ma tante. Si elle a cru être discrète en nous espionnant à travers la fenêtre, c'est raté. Ses cheveux tiennent en un chignon parfaitement réalisé. Son regard foncé m'observe, scrute le moindre de mes mouvements et un faux sourire se colle sur son visage.
— Sylvain n'est pas là ? demande Morgane après une accolade avec ma mère.
— Non, un empêchement de dernière minute, lui explique-t-elle.
Je lève les yeux au ciel face à cette excuse. Je me retiens de tout commentaire. Rester zen est mon objectif. Après tout, ce repas est le mien, non ? Non. Effectivement. Mais agissons comme si c'était le cas. De toute manière ma tante balaie d'un revers de la main l'argument pour nous inviter à l'intérieur. Elle ne se soucie pas vraiment de la non-présence de son frère. Je suis même persuadée qu'elle aurait aimé que nous restions avec lui. Je traîne des pieds, suivant les deux femmes devant moi.
J'ai passé la première étape. Je n'ai pas écopé de remarques. Du moins pour l'instant, mais c'est déjà un bon début, non ? Maintenant, le niveau suivant : garder un sourire permanent sur mon visage tout en faisant la bise à toute la famille et leur répondre aux différentes questions, même si certaines sont évidentes. Je hais cette partie. Toute leur attention sur moi pour qu'au moindre faux pas, je reçoive des critiques non fondées.
Je salue en premier ma cousine et son fiancé en pleine préparation de l'apéritif dans la cuisine ouverte. J'effectue un tour de table en paraissant le plus intéressée possible. Je déteste jouer ce rôle. J'ai l'impression d'agir comme ma tante : porter un masque pour avoir les bonnes faveurs de la famille et garder une image correcte tout en enfonçant le couteau par-derrière. Sauf que je ne cracherais jamais dans le dos de quelqu'un après l'avoir encensé pendant des heures. Mais je me dois de me comporter convenablement pour ne pas m'attirer les foudres de ma mère.
— On est heureux de te revoir parmi nous !
Moi aussi, tu n'imagines pas à quel point, tonton !
Je hoche la tête en signe d'approbation et un rire nerveux s'échappe sans que personne ne s'en rende compte. Je m'installe sur le pouf, seul siège encore libre, laissant la place sur le canapé aux hôtes de la maison. J'évite par la même occasion la place à côté de ma grand-mère qui hurlera dans mon oreille des questions dont je n'aurais même pas la réponse.
— Comment se passent tes études ?
Une interrogation qui concerne toute la famille au vu de la manière dont chacun des membres vient d'interrompre leur discussion pour mieux m'écouter. Je suis presque sûre que mes joues rougissent face à cet intérêt soudain. Merci tonton pour ta merveilleuse demande !
J'ouvre la bouche et la referme alors que tous les yeux sont désormais braqués sur moi, au désarroi de ma tante qui lance un regard noir à son frère.
— C'est parfait. Les profs sont cools, les cours hyper passionnants et j'adore l'ambiance à Barcelone !
— Et ton copain, il ne devait pas venir ? m'interrompt Morgane alors que j'expliquais mon quotidien.
Je bafouille. Les mots se bloquent dans ma gorge. Elle porte son verre d'alcool entre ses lèvres, plus intéressée par ce sujet.
— On n'est plus ensemble, articulé-je difficilement sous son regard qui me juge.
Un rictus orne son visage maquillé pour cacher ses imperfections. J'anticipe déjà la prochaine remarque : tu n'es même pas capable de garder un garçon, prends exemple sur Maéva, elle, elle va bientôt se marier.
— Je ne suis pas Maéva, je suis Axelle. On n'a pas la même vie, pas les mêmes ambitions. Elle est fiancée ? Tant mieux pour elle ! craqué-je.
— C'est pour ça que tu ne trouveras personne, insiste ma tante.
Je laisse échapper un soupir fort. À quoi bon me justifier ? Quoi que je fasse, quoi que je prononce, je ne serais jamais assez pour elle. Je ne sais même pas pourquoi elle s'acharne autant sur moi.
— Mais qui a dit que je voulais absolument être avec quelqu'un ? Si je finis ma vie seule, ça m'est égale. Je désire juste vivre comme je l'entends.
Elle lève les yeux au ciel, son verre de vin toujours à la main, prenant bien le temps de se délecter du goût.
— Quelle vie de toucher des vieux corps tout ridés !
— Au moins, je les aide à trouver leur équilibre et les faire sentir mieux dans leur peau.
Je parviens à garder contenance devant le reste de la famille, mais intérieurement, je bous. Je n'ai qu'une envie : craquer. Encaisser des remarques de tous les côtés, ça va deux minutes. Mais je ne peux pas faire un procès. Pas ici. Pas maintenant.
Ma tante me toise, elle est sur le point d'ouvrir une nouvelle fois la bouche. La joute verbale n'intéresse pas les autres invités. Ils ont vite repris leurs anciennes discussions sans se soucier de mes problèmes amoureux qui ne les concernent guère. Au moins, ils me laissent tranquille. Je ne me sens pas assailli de toute part.
— Un dernier ? me propose Maéva, plateau à la main.
Comment dire non à un mélange de tomate et de melon ? Surtout qu'elle vient également d'interrompre sa mère qui allait répliquer. Je lui adresse un petit sourire et la remercie avant qu'elle ne continue son tour, aidé par Florian, son fiancé qui commence à débarrasser les différents bols de biscuit d'apéritifs et nous invite à rejoindre la table pour le repas.
Sans surprise, je suis ignorée. Je me trouve au milieu de ces personnes, entre les enfants où je suis trop grande pour me mêler à eux et les plus vieux qui ne semblent pas prêts à m'intégrer à leur discussion maintenant que j'ai répondu à leur question concernant Barcelone. Je me contente de jouer avec mes couverts, essayant d'attraper les pommes dauphines sous les moqueries d'un petit cousin. Je grimace. Les cris des jeunes mélangés aux voix graves des adultes ne font pas bon ménage. Et je ne parle même pas de la musique en fond, choisi par les adolescents dont les paroles ne volent malheureusement pas haut pour mes pauvres oreilles.
— Après ton diplôme, tu comptes revenir ici, où tu resteras à Barcelone ?
Maéva me pose cette question pendant que je l'aide à débarrasser les assiettes pour le dessert. Je m'immobilise pendant quelques secondes. C'est vrai que je n'ai pas encore réellement réfléchi à ce sujet. Trop prise dans mes cours pour tout faire pour réussir, je ne me suis pas demandé ce que je ferai par la suite. Je ne ferme pas la porte à un retour en France, mais à Pau ? Je doute de vouloir poursuivre dans ce coin. Je préfèrerais découvrir de nouveaux horizons.
— Je sais pas encore, je verrai avec les offres que je recevrais, je suppose.
— N'écoute pas maman, tu as bien raison de vivre comme tu l'entends.
Plus facile à dire qu'à faire, surtout que je me demande constamment si ce que je fais a du sens. Oui, j'adore mes études. Oui, j'adore Barcelone. Oui, je veux bosser en tant que kiné et me spécialiser dans le sport. Mais, ai-je pris les bonnes décisions ? Ma mère ne me le dira pas, mais je sais qu'elle n'a pas accepté entièrement mon choix de devenir indépendante de cette manière. Mon père, je pensais que la situation changerait, que je lui manquerais. J'avais tort. Ma grand-mère se lamente prétextant que je délaisse la descendance pour des rêves futiles. Ma tante, je n'en attendais rien, mais je n'espérais pas continuer à recevoir éternellement ses remarques.
— Tu sais, je t'envie un peu d'avoir pris si facilement ton envol. J'aurais adoré pouvoir partir sur un coup de tête, peut-être que maman ne me mettrait pas autant la pression.
— Tu regrettes... ?
— Non, fin pas vraiment. J'aurais juste apprécié pouvoir voyager, découvrir les alentours avant de me poser même si j'aime Florian et que je suis heureuse avec lui. Tu sais, si on se marie, c'est surtout pour lui faire plaisir à elle, nous on s'en fiche un peu.
Je ne sais pas vraiment quoi rajouter. Je ne suis pas si surprise des paroles de ma cousine, encore moins sur le mariage. Mais, je ne pensais pas qu'elle prenait une place aussi importante sur la vie de sa fille. À croire qu'elle doit avoir un plein contrôle sur les autres. Peut-être est-ce pour cette raison qu'elle ne me supporte pas ? Je ne me suis jamais pliée à ses désirs, j'ai toujours agi comme je le souhaitais lorsque j'étais chez elle, sans dépasser les limites évidemment. Mais devoir tout préparer quand mon oncle et mon cousin n'avaient qu'à s'installer à table, ce n'est pas juste. Tout le monde doit mettre du sien. Sauf que ça ne lui plaisait pas et j'avais une soi-disant mauvaise influence sur Maéva.
— Si t'as besoin de discuter, n'hésite pas, la maison est toujours ouverte, me dit-elle avec un clin d'œil avant de me tendre les assiettes pour le dessert.
Je la remercie d'un sourire sans ajouter un mot. Je doute que ce soit une bonne idée. Sa mère risque d'être dans les parages et je préfère éviter de la croiser de nouveau. J'ai déjà fait un effort en me rendant ici, mais il ne faut pas trop m'en demander non plus. Ma cousine désire poursuivre la discussion, mais je coupe court à la conversation en récupérant les assiettes pour le dessert.
Je reprends ma place pour le dernier repas. Je retourne mon téléphone que j'avais laissé sur la table le temps de venir en aide à ma cousine. Je souris en voyant les notifications de Sofia et de Léane. Depuis qu'elles ont fait connaissance par appel, elles ont insisté chacune de leur côté pour que je fasse un groupe afin d'échanger. Et maintenant qu'il est créé, je me retrouve harcelée toutes les heures avec les différentes histoires qui rythment leur vie. Et malgré la barrière de la langue, elles arrivent parfaitement à interagir !
Mes deux amies discutent et critiquent ma tante avec les quelques anecdotes que Léane a envoyées. Je suis presque certaine qu'elles n'attendent qu'une chose : que je leur raconte en détail le magnifique repas et les nouveautés dans ma famille.
— Et après elle s'étonne de ne pas avoir de copain, soupire ma tante.
Personne ne relève sa remarque. Je me contente de lui lancer un rapide regard avant de le dériver de nouveau sur mon cellulaire. Elle est à deux doigts de rajouter que la génération d'aujourd'hui ne fait plus attention à rien si ce n'est les écrans, mais elle est interrompu par les premiers départs.
Sauvée d'une nouvelle remontrance que personne n'avait réclamée !
Je salue les derniers rescapés même si je sais d'avance que nous ne quitterons pas la maison tout de suite. C'est toujours ainsi avec ma mère. On dit que l'on va rentrer, mais ils poursuivent encore leur discussion devant l'entrée. Accoudée sur le mur, j'observe un peu plus l'habitation que je n'avais pas pris la peine de regarder jusqu'à présent. Le salon et la cuisine se mélangent presque, séparés par une table longue agrémentée par un meuble de rangement qui sert également de plan de travail. Une belle vue sur la terrasse et la piscine creusée s'offre à nous grâce à la baie vitrée. Dommage que l'automne a remplacé l'été, parce qu'un petit plongeon n'aurait pas été de refus ! À gauche de l'entrée, un couloir donne un accès aux chambres et bureaux, je suppose. Mais je ne souhaite pas partir à l'exploration.
— Pour les fêtes de fin d'année, on peut compter sur vous ? nous invite Florian.
— Avec les examens, je n'aurai pas vraiment le temps.
Un petit mensonge. Certes, j'aurai des tests, mais je n'ai surtout pas prévu de revenir en France en décembre. Je désire passer un nouveau Noël à Barcelone même si je dois être seule. Ma mère ne décline pas l'offre, mais c'est tout comme. Elle va en discuter avec mon père. Nous savons donc tous qu'ils ne viendront pas profiter d'un moment familial. De toute manière, je suis persuadée qu'il trouvera une excuse. Je ne serais pas étonnée s'il en sort une en rapport avec Martin.
— Rentrez bien ! nous conseille Maéva tout en nous embrassant alors que nous partions enfin.
Ma mère enclenche le moteur pendant que je me laisse tomber sur le siège passager. J'accroche ma ceinture et fais un dernier signe de la main vers ma famille. Pourquoi sont-ils surtout obligés de nous épier et nous observer ? Nous rentrons juste chez nous, ce n'est pas non plus un spectacle que nous donnons !
— Tu auras pu te mêler un peu plus aux discussions, Axelle, commence-t-elle une fois bien lancée sur la route.
— Pour que je dise quoi ? Ce n'est pas comme si j'avais des choses intéressantes à dire. Entre un qui ne tolère pas la présence des étrangers sur le territoire, un autre qui dit que toutes personnes non hétéros ne devraient pas avoir autant de droits, Morgane qui me croit incapable, car je ne suis pas comme elle, de magnifiques sujets de discussion ! Ah et sinon, il y avait les enfants, mais je ne les intéresse pas. Je suis trop vieille et démodée parce que je n'écoute pas les rappeurs.
Ma mère lève les yeux, mais un petit sourire se forme sur ses lèvres. J'ai conscience qu'elle voudrait que je m'intègre plus, mais c'est compliqué quand tu te sens différente des autres. Si ma génitrice ne m'a jamais mis de pression, une grande partie de ma famille a essayé de me façonner chacun à leur image afin de représenter leur idéologie. Chose que je ne suis pas. Je ne rentre pas dans leur case prédéfini. Je ne serai pas la joueuse de hand pro que mon père attendait. Je ne serai pas la mère d'une ribambelle d'enfants que ma grand-mère aimerait connaître. Je ne serai pas une femme qui dépendra de son mari comme ma tante.
Axelle, une future diplômée en kiné qui souhaite aider les sportifs dans leur carrière.
Pas Axelle, une handballeuse professionnelle. Pas Axelle, une mère et une femme au foyer. Pas Axelle, une mannequin.
Juste moi.
Une gamine perdue.
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