Chapitre 16 (partie 2)
Axelle.
Je cherche le joueur en question, me remémorant la photo que j'ai pu voir dans les notes, pour mieux observer ses réactions sur le jeu. Je le trouve à l'aile. Sur le côté, il patiente pendant qu'un de ses coéquipiers réalise un tir. Il sautille pour rester en mouvement et fait tourner son poignet blessé. C'est désormais son heure de gloire. Lucas s'élance sur une passe d'Elie. Arthur se positionne en tant que défenseur, lui fermant l'angle. Il prend appui sur sa cheville et avec une bonne réception, il tire. Une légère grimace se forme sur son visage, mais elle disparaît aussi rapidement. Le gardien lui bloque le premier poteau. Il tente de diriger le ballon au poteau opposé, en vain. L'ailier se tient le poignet bien que ce ne soit que l'espace d'une seconde.
— Son poignet est encore fragile, la réception et son tir qu'il vient de faire le prouvent. La douleur pourrait s'aggraver et l'écarter encore des terrains alors qu'il vient de retrouver l'équipe, il n'y a pas longtemps. Après, il peut avoir du temps de jeu, il faut juste bien le surveiller afin qu'une blessure n'intervienne pas et ne pas hésiter à le remplacer au moindre signe de faiblesse, commenté-je.
— Même s'il insiste en disant que ce n'est rien ?
— Surtout s'il s'entête à poursuivre.
Julien ne me contredit pas. Il n'ajoute pas grand-chose non plus. Il se contente de jeter un coup d'œil sur le terrain en direction du joueur sans dire un mot.
— Et comment lui annoncerais-tu ?
Je réfléchis. C'est une bonne question. Lui conseiller de faire attention, de ne pas trop forcer, c'est une première option, mais appliquera-t-il les recommandations ? Sans doute que non. Y aller le plus directement possible est une seconde solution : sans détour, cash, on lui dit qu'il ne peut pas jouer au risque d'aggraver la blessure. Après, écoutera-t-il ? Absolument pas. Je comprends sa frustration, mais il faut qu'il admette que cette décision est pour son propre bien et pas pour l'embêter.
— Lucas, appelle le kiné. Viens, il faut qu'on discute.
Pitié, que ce ne soit pas moi qui parle. Rien que de m'imaginer lui dire, j'ai la bouche pâteuse. D'autant plus que le regard d'Elie qui surveille en ma direction, prêt à attaquer, n'arrange en rien la situation. C'est le moment parfait pour devenir un petit insecte pour se faufiler et partir loin.
Le concerné s'approche sans m'adresser un regard, concentré sur mon maitre de stage. Bonne ambiance ! Julien m'invite à prendre la parole pour lui expliquer le contexte. Je me racle la gorge à la recherche des bons mots afin d'être la plus convaincante possible.
— Je sais que tu viens de reprendre le hand, après une blessure et que tu as très envie de jouer, mais il faut que tu fasses attention. Ton poignet souffre encore et ne s'est pas entièrement remis.
— Qu'est-ce que t'en sais ? râle-t-il sur la défensive.
— Je. Heu. Le. La grimace, même passagère, faite, prouve qu'il n'est pas encore totalement guéri.
— Et donc ? Je me contente d'attendre encore sur le banc alors que je pourrais très bien être sur le terrain ?
— Oui. Non. Tu peux évidemment jouer, mais le problème c'est qu'il ne faut pas que tu forces...
Il est agacé. Qui ne le serait pas quand il apprend qu'au final, il ne pourra pas reprendre sa passion ?
— Pourquoi l'empêcher de jouer s'il est en pleine forme ? s'incruste Elie.
Je mords ma joue intérieure pour ne pas le maudire devant tout le complexe, mais s'il pouvait se mêler de ses affaires, j'avoue que le monde irait certainement mieux. Le reste de l'équipe s'est rassemblé autour de nous pour boire avant de rejoindre les vestiaires, écouter les dernières directives de mon père en discussion avec Julien. Seule au milieu de douze géants prêts à m'attaquer dès que je vais ouvrir la bouche, quel tableau appétissant !
— Peut-être pour éviter qu'il loupe encore des matchs ?
— Le docteur lui avait dit trois semaines, ça fait quatre. Il est assez reposé, non, madame la spécialiste ? me toise-t-il.
— Il peut jouer, c'est bon, pas la peine de se prendre la tête, soupire Martin. T'es même pas joueuse, tu peux pas comprendre.
Touchée. Coulée. J'abandonne le navire. À quoi bon persister lorsque personne ne m'écoute et qu'il est l'heure de sonner une mutinerie ? Lucas veut jouer ? Grand bien lui fasse ! Elie et Martin ont décidé de se liguer tous les deux contre moi ? Qu'ils aillent se faire foutre. Je jette l'ancre ! Je ne suis pas venue ici pour qu'on me prenne pour une incompétente, sinon je serai allée voir ma tante qui ne manquera certainement pas de me le rappeler demain.
— De toute manière, c'est pas moi la coach, donc fait comme il te semble et tant pis si tu devras être sur le côté pendant un mois voire plus par la suite, capitulé-je.
Je ne devrais pas agir ainsi. Je devrais insister auprès de Lucas pour qu'il se repose, mais autant qu'il apprenne de lui-même, bien que je ne lui souhaite pas de nouvelles blessures. Je ne suis pas de taille pour rivaliser avec sa volonté ni celle de ses coéquipiers. Qu'il fasse ce qu'il veut, j'ai donné mon avis, maintenant démerde-toi.
Julien reprend sa place à mes côtés pendant que les jaunes et rouges partent voir mon père.
— Alors ? me questionne-t-il conscient des événements.
— Il compte n'en faire qu'à sa tête. Elie et Martin ne sont pas d'une grande aide pour lui expliquer les problèmes qu'il encourt, soupiré-je déçue de ne pas avoir réussi à le convaincre.
— Ne te laisse pas abattre, tu t'y feras à force de persévérer. Et puis, il faut bien les apprivoiser avant qu'il ne t'écoute, mais après, tu verras qu'ils prendront en compte tes conseils.
— Mais, et s'il se blesse ? Ce sera de ma faute ! Je n'ai pas pu lui faire comprendre tous les risques auxquels il s'expose...
— Tu es au courant. Je le suis aussi et ton père a conscience des dangers. Au moindre problème qui survient, il sera aussitôt remplacé et quoiqu'il arrive, il ne jouera pas la totalité du match. Il est beaucoup trop fragile. Il le sait, il n'assume pas. Il a peur d'être un fardeau s'il reste sur la touche.
— Mais il le sera encore plus en jouant !
— Tu sais, parfois vaut mieux que la personne s'en rende compte seule.
Sans doute. Mais est-ce une raison pour mettre son corps en danger ? Non.
Les paroles de Martin me reviennent. Je ne peux pas comprendre, je ne joue pas. D'où se permet-il de juger ? J'ai fait du sport plus jeune, je sais totalement ce que Lucas peut ressentir. Certes, je n'étais qu'au collège, je ne jouais pas à un niveau élevé, mais c'était la même situation. Sauf que j'ai continué les entraînements de volley jusqu'à ce que mon genou refuse d'aller plus loin. Résultat : je dois encore faire attention aujourd'hui. Pas facile quand on est maladroite et que l'on peut rater une marche à n'importe quel moment. J'ai décidé de poursuivre mes études en tant que kiné et me spécialiser dans le sport pour éviter d'autres désillusions pour les enfants comme j'étais et les soutenir dans cette épreuve. Alors, non, je ne vais pas me laisser abattre par des idiots !
Les deux équipes entrent sur le terrain, prêtes pour le début de la rencontre. Martin, Elie, Arthur, Estéban et Lucas sont alignés parés à défendre sur les adversaires lorsque l'arbitre sifflera le coup d'envoi.
Assise à l'écart, j'ai remonté ma jambe droite sur la gauche et je prends appui dessus pour mieux observer les enchaînements. Le jeu déroule si rapidement que je n'ai pas le temps de voir le ballon. Il passe si aisément d'un côté à l'autre faisant grimper la chaleur de quelques degrés. Une tension s'est installée, mais pas entre Nousty et les visiteurs. Plus entre Elie et Martin, ce qui n'augure rien de bon pour la suite.
Si le jeu ne m'intéresse pas forcément, j'observe cependant le mouvement de chaque joueur à la recherche de la moindre faille qu'ils pourraient présenter. Je m'arrête principalement sur Lucas. En défense, devant moi, il a le visage qui ne laisse passer aucune émotion. Il est juste concentré, prêt à intervenir pour arrêter la course de son adversaire. Un 1 contre 1 se dispute devant moi qui laisse sur la touche le joueur jaune et rouge. Le handballeur au maillot bleu et blanc vient de feinter le blessé, le prenant de court sur place.
— Fais chier, hurle-t-il de rage.
Le jeu reprend avec Elie qui gère d'une main de fer son attaque. Je ne peux pas lui enlever ça, c'est un bon leader. Mais putain qu'il n'en reste pas moins insupportable !
— N'y va pas seul ! Joue avec tes coéquipiers !
Je tourne la tête vers mon père, non loin de la table de marque. Les temps morts en main, il ne cesse de faire des gestes dont je ne comprends pas la signification et hurlant sur Martin pour qu'il arrête d'être perso et d'inclure un peu plus les autres. Peine perdue, il est beaucoup trop têtu et sur les nerfs pour l'écouter.
But de Martin.
Même s'il vient de marquer, mon père n'en pense pas moins et ne tolérera pas longtemps son attitude. Tu m'étonnes que son ancien club ne veuille plus de lui, s'il se comporte ainsi, il devrait arrêter d'espérer une carrière pro.
Nousty se replace en défense. Je garde un œil sur Lucas et son positionnement. Rien de suspect n'est en vue, mais je préfère être certaine.
— J'ai rien fait ! s'exclame Martin.
Mais la décision de l'arbitre est sans appel : une exclusion temporaire. Je ne sais pas ce qu'il a fait, j'étais trop concentrée sur le blessé, mais j'ai entendu le joueur tomber. Et ce n'était pas joyeux à entendre. Heureusement, il n'a rien, mais Martin ne l'a pas raté en le poussant violemment.
Il finit par accepter la sanction et rejoint le banc pour une durée de deux minutes. Je lui tends une bouteille d'eau lorsqu'il passe devant moi pour se poser à l'écart. Sans me remercier, il la prend et ne se prive pas de la finir. J'hésite à lui parler, mais je me ravise, il ne mérite pas mon attention. De toute manière, si c'est pour me faire une fois de plus crier dessus, je passe mon tour. Qu'il se calme seul dans son coin !
Le jeu est désormais un peu déséquilibré avec un sportif en moins de notre côté, mais la défense tient bien. Le gardien parvient même à arrêter le tir de l'ailier gauche permettant une contre-attaque.
But de Lucas.
Mon père préfère cependant effectuer un changement pour qu'il repose un peu, surtout qu'il ne cesse de secouer son poignet comme si cela remplacerait la douleur. Il court depuis une dizaine de minutes, il est temps qu'il souffle. Il tape dans les mains de ses coéquipiers, récupère une gourde pour se désaltérer et se pose pour encourager les joueurs sur le terrain.
Je veux lui demander comment il va, mais j'hésite. Je n'ai pas envie de recevoir des reproches non fondés parce que monsieur a décidé qu'il était apte à jouer. Ce n'est pas non plus le moment pour créer un esclandre. Martin suffit déjà.
Le match se poursuit jusqu'à la mi-temps sans nouvel accrochage. Le score est en faveur des jaunes et rouges, même si les adversaires ne sont pas si loin derrière. Un faux pas de Nousty et il pourront repasser devant.
Chaque joueur retourne dans les vestiaires pour écouter les conseils, mais je ne sais pas si je dois me joindre à eux. Si cela ne tenait qu'à moi, je resterais sur le banc. Je me lève sans pour autant quitter la touche. J'avance un pied et recule sans trop savoir ce qui est le mieux.
— Tu surveilles Lucas et tu peux lui recommander des exercices pour son poignet, me suggère Julien.
— Et s'il ne m'écoute pas ?
— Pas de panique, tu respires et tu lui expliques les risques qu'il encourt et s'il ne veut rien entendre, il ne rentrera pas pour le reste du match.
Je bougonne dans ma tête : plus facile à dire qu'à faire. Si le joueur le désire, il peut aisément me briser. Mais j'acquiesce. C'est mon futur métier et il sera loin d'être le dernier réticent, autant commencer par lui !
— Tu sais, c'est pour ton bien que je te conseille de faire attention. Je sais que c'est dur d'être sur le côté pendant que ses coéquipiers se défoncent pour apporter la victoire, mais ne crois-tu pas qu'il vaut mieux privilégier ton corps ? Personne ne t'en voudra si tu ne te sens pas encore prêt à revenir, par contre si tu reprends le jeu alors que ton poignet est encore fragile, tu risques de ne plus pouvoir participer aux rencontres après. Est-ce vraiment ce que tu souhaites ?
Lucas m'observe, gardant le silence. Il joue avec un des ballons qui restaient à côté du banc.
— Je veux jouer, c'est tout, prononce-t-il enfin.
— Au point d'aggraver ton poignet ?
Il détourne son regard sans trop savoir quoi me répondre.
— Tu veux que je fasse quoi d'autre ?
— T'entraîner et renforcer ton poignet en te faisant des passes rapides sur le mur par exemple. Tu vises un même point et tu fais travail le poignet blessé avant de te relancer dans le grand bain. Parce que tu peux essayer de cacher la douleur, elle se lit sur ton visage. Sur ton but, t'as grimacé en réceptionnant la passe et même si t'as marqué, ce n'est pas le tir que tu voulais faire de base, sauf que tu n'avais pas d'autres choix.
Je récupère le ballon qu'il avait laissé tomber et le prends pour lui montrer l'exercice. Même si par réflexe je le réalise en faisant des passes de volley, il comprend l'idée et se décide enfin à travailler correctement son poignet.
Et une bataille gagnée ! pensé-je, fière de l'avoir convaincue.
Le jeu reprend d'ici quelques minutes, tous les handballeurs reviennent sur le terrain et changent de côté pour la seconde période.
— Alors ? m'interroge Julien qui se replace à côté de moi.
— Il a écouté et a travaillé son poignet avec des passes sur le mur, il pourra peut-être jouer un peu, mais si on peut le conserver ce week-end, c'est pas plus mal.
— Tu vois, tu te débrouilles très bien seule ! m'encourage-t-il.
Un sourire se dessine sur mon visage, heureuse de recevoir les compliments de Julien. Lucas est resté sur le côté, mais semble avoir accepté ce choix, ce qui me rassure. Avec un peu de chance, il aura l'opportunité de revenir quelques minutes, mais il est prêt à mieux s'entraîner pour reposer son poignet.
Mon regard se perd parmi les joueurs. Estéban est en possession du ballon, il tente de dépasser son adversaire, mais c'est un peu risqué. Pour assurer le but, il préfère redonner à Arthur et le ballon refait un tour de l'attaque. Martin fronce ses sourcils à chaque action, il meurt d'envie de prendre la passe et de tirer vers les cages, qu'importe le résultat. Qu'il marque ou non, l'importe peu on dirait. Il cherche plus à prouver qu'il est un joueur de haut niveau et que ce n'est pas une petite équipe en nationale qui l'arrêtera. Pourtant, en agissant ainsi, il s'enfonce encore plus, creusant un peu plus un fossé entre son rêve et la réalité.
Sans surprise, Martin s'élance, mais ne parvient pas à offrir un nouveau but à Nousty. Le ballon heurte la barre transversale dans un bruit sourd qui résonne dans tout le complexe. Mon père se tient la tête et s'arracherait les cheveux s'il le pouvait.
15-16.
L'équipe adverse prend l'avantage pour la première fois du match, en partie à cause de Martin qui ne cesse d'insister malgré son manque d'efficacité.
Je me redresse et ne quitte pas des yeux le terrain. Je me surprends à me prendre au jeu si aisément alors qu'encore hier, cette idée me répugnait. Ou alors, est-ce peut-être de vivre l'expérience aussi proche qui m'intéresse ? Je ne sais pas, mais je ne peux m'empêcher de suivre toutes les actions au point d'espérer une victoire des jaunes et rouges.
15-18.
Les visiteurs creusent encore un peu plus le gouffre à quinze minutes de la fin. Si la tension était déjà présente, elle monte encore plus maintenant. Martin et Elie se font face et même si je ne comprends pas ce qu'ils peuvent se dire, je suis certaine que ce ne sont pas des mots doux.
— Pourquoi il ne fait pas sortir Martin ? murmuré-je à Julien.
On ne va pas se mentir, ce n'est pas son jour. Il rate pratiquement toutes les actions et je comprends la réaction d'Elie, même si je ne cautionnais certainement pas les paroles qu'il a dû lui glisser. Alors, pourquoi s'entêter à le laisser sur le terrain ? D'autres joueurs peuvent le remplacer, voire renverser le score actuel.
— Honnêtement, j'en sais trop rien. Il pense peut-être que Martin prendra conscience de ses erreurs ? Je ne pourrais pas te dire, mais j'avoue ne pas comprendre la décision de le laisser au vu de sa prestation...
Martin, prendre conscience de ses erreurs ? J'y crois moyen. Il trouvera très certainement un autre fautif que lui-même. Mais qu'il continue ainsi, ce n'est pas mon souci.
Il perd encore une fois la balle qui finit au fond des filets sous les protestations des supporters qui ne comprennent pas ses décisions.
16-19.
Heureusement, Arthur réussit à créer un décalage et permet à Estéban de marquer, même si l'écart reste encore de trois buts. Les jaunes et rouges reviennent en défense, bien motivés à revenir à deux petites longueurs à dix minutes de la fin.
Elie se positionne sur la passe, obligeant le joueur adverse à envoyer le ballon de l'autre côté. Malheureusement pour lui, Martin se trouve sur la trajectoire et l'intercepte. Il s'élance tout seul en contre-attaque. Il accélère sa course. Un boulevard s'ouvre devant lui pour lui permettre de marquer si un des joueurs ne s'était pas interposé. Obligé de changer sa course, le professionnel ne se laisse pas impressionner. Le public applaudit son décalage alors que je me ronge les ongles, espérant que ce que je pense ne soit pas réel. Seul, Martin peut désormais tirer à sa convenance. Il s'élance, forçant sur sa cheville pour lui donner de l'élan. Je me mords la langue anticipant déjà la suite des événements sans pouvoir ne rien faire.
17-19.
Sauf que le numéro dix-huit retombera sur la mauvaise cheville, déjà enflée entre le changement de direction trop brusque et l'appui du saut. Par terre, il tente de se relever, mais c'est peine perdue. La douleur est trop vive pour qu'il puisse bouger. L'arbitre arrête le jeu pour que nous l'examinions.
— Je peux jouer, c'est rien, minimise-t-il en nous écartant de son chemin.
— Vu le temps qu'il reste, vaut mieux que tu patientes sur le banc, prononce Julien malgré les protestations du sportif.
Un duel de regards s'est lancé entre les deux. Martin ne compte pas l'écouter, il lui fait bien comprendre sans détourner son attention du kiné.
— Tu crois vraiment rester sur le terrain alors que tu ne peux même pas bouger ta cheville ? T'es sûr d'être un professionnel pour agir de manière aussi irréfléchie ?
Il ne répond pas, même si ce n'est pas l'envie qui lui manque. Il abdique et soutenu par Arthur et Julien, il rejoint les remplaçants sous les applaudissements des spectateurs. Le match peut reprendre pour les dernières minutes.
Je m'approche de Martin, ignorant ce qu'il se déroule sur le terrain. Nousty peut bien être en possession du ballon ou bien défendre, je n'y porte aucun intérêt.
— Tu peux me passer la trousse médicale, s'il te plait ? me demande Julien, déjà en train d'observer le patient.
J'acquiesce et lui tends. Des ciseaux, une bombe de froid, un rouleau de strap, une couverture de survie sont quelques objets que l'on retrouve à l'intérieur.
Martin ferme les yeux et se mord la lèvre pour s'empêcher d'insulter le monde. Il laisse retomber sa tête en avant. Ses cheveux bruns recouvrent désormais son visage, cachant quelques larmes de frustrations.
— Tu sais, c'est pas grand-chose, tu vas vite pouvoir retourner sur les terrains, commente Julien après une analyse de la cheville.
— Alors pourquoi je ne peux pas y retourner maintenant ? souffle le blessé.
— Parce qu'il faut te reposer un peu et ne pas forcer sur ta cheville pendant quelques jours.
— Génial !
— Martin, c'est pour ton bien. Si tu ne fais pas une pause, ta cheville ne tiendra pas et tu pourras dire adieu à ta carrière.
— Comme si elle n'était déjà pas fichue !
La faute à qui aussi ? pensé-je.
— J't'ai pas demandé ton avis !
Oups, j'ai peut-être pensé un peu trop fort. Mais je ne m'excuserai pas. Son comportement d'enfant égoïste qui fait des crises dès que ça ne va pas en son sens, ça n'attire pas les gros clubs. Il se tire une balle dans le pied tout seul en agissant ainsi.
— Passe lundi au cabinet, on fera un bilan. Interdiction de faire des efforts demain, tu restes au repos et tu ne bouges pas, lui explique Julien, nous empêchant de commencer une joute verbale.
Je trépigne déjà d'impatience de le revoir dans deux jours ! Lui aussi d'ailleurs, car il râle de nouveau, prétextant que ce n'était rien, qu'il n'avait pas besoin de ce rendez-vous.
— Ce n'est pas négociable, Martin. Montpellier ne te reprendra pas dans cet état, donc tu vas devoir nous écouter avec Axelle pour mieux récupérer et retourner en forme au MHB.
— Ouai, ouai, bougonne-t-il.
Toujours aussi enthousiaste à ce que je vois ! Le regard sévère de Julien me fait refermer aussitôt la bouche, ne laissant pas le loisir à mes pensées de s'exprimer librement.
L'arbitre siffle la fin de la rencontre. 23-23. Les jaunes et rouges ont réussi à revenir au score, sauvé par une parade dans les derniers instants par leur gardien. Ce n'est pas le résultat qu'ils espéraient. Une victoire aurait été plus bénéfique, mais ils s'en contenteront. Tous saluent le public venu les soutenir, à l'exception de Martin qui reste immobile sur le banc.
— Martin, tu viens ? l'interroge mon père.
Par automatisme, il se lève. Le regard dans le vide, il avance, soutenu par Arthur qui est resté pour l'aider afin qu'il ne force pas trop sur la cheville.
Il ne reste plus que moi sur le terrain mitigé quant à cette première expérience.
D'un côté, vivre le match au bord du terrain, c'est quand même incroyable.
De l'autre, se faire juger parce que je ne suis pas diplômée, je trouve ça moyen.
Mais je retiendrais le positif, j'ai quand même réussi à venir en aide à Lucas. Chose qui n'était pas gagnée au début ! Et pour ça, je peux être fière de moi !
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