Axelle.
J'observe Léane fouiller dans ce qui me reste de ma garde-robe. Soit quasiment rien. Je soupire encore une fois, avachie sur mon lit. Aucun soutien pour me venir en aide.
— Arrête de souffler, bella, prononce Sofia en espagnol, en face time avec Léane.
— On va te rendre magnifique pour ce soir, m'affirme Léane.
Comment en suis-je arrivée là ? Mes deux meilleures amies qui ne parlent pas la même langue sont actuellement au téléphone en grande discussion pour déterminer la tenue du jour. Et moi, je suis allongée et j'écoute leur débat alors que je voudrais être ailleurs.
— Je suis obligée..., commencé-je sans avoir l'occasion de terminer ma phrase.
— Oui, pas de négociation possible ! m'ordonne Léane.
Je laisse les deux filles faire le tour de ma penderie, à la recherche de la perle rare pendant que je me concentre sur mon chat. Lui au moins s'intéresse à moi ! Ou alors, il a juste besoin de caresse et je suis l'unique personne disposée à lui en donner...
— Que dis-tu de cette robe ? me questionne Léane en la levant vers moi.
— Mouai, bof, réponds-je peu convaincue.
— Un effort Axelle ! m'encourage Sofia à l'autre bout du fil.
— Por qué ? murmuré-je.
L'Espagnole allait commencer un argumentaire dans sa langue natale avant de se faire couper par Léane.
— On doit trouver une tenue, la discussion plus tard !
Je bougonne dans mon coin. Pourquoi a-t-il fallu qu'elle débarque à l'improviste chez moi, quand j'étais au téléphone avec Sofia pour lui raconter ma première semaine de stage et que toutes les deux se soient liguées contre moi pour me persuader d'aller en soirée ?
Note à ne pas oublier : essayer de leur organiser une sortie, car elles s'entendraient à merveille. Mais seulement si je suis assez loin pour ne pas devenir une poupée qui n'attend qu'à être relooker.
Les vêtements s'empilent, se froissent sans qu'aucun ne puisse les satisfaire pleinement. L'après-midi risque d'être encore très long ! Et je n'ai même pas mon portable pour m'occuper. Au moins, j'aurais pu échanger avec Estéban. Le pauvre, il est perdu et a des difficultés avec le français, donc c'est compliqué pour lui de s'intégrer entièrement dans l'équipe. Un peu comme moi lorsque je suis arrivée à Barcelone.
— Pourquoi pas la combinaison ? j'entends Sofia questionner au loin.
— À Barcelone, réponds-je assez fort alors que Léane continue de mettre à mal mes affaires.
— Et quel intérêt de la laisser là-bas ? s'exclame la Française.
— Peut-être parce que je n'avais pas prévu de sortir en dehors de mes heures de stages ?
Léane me fait un doigt et je me contente de souffler un bisou qui l'a fait rouler des yeux.
— Ne nous aide pas non plus pour trouver LA tenue, rouspète-t-elle.
— Un jean et un sweat, c'est bon, non ? répliqué-je.
— Un effort, Axou !
Sofia acquiesce. Traitresse ! C'était trop demandé de passer cinq semaines au calme ? Non parce que pour le moment, ce n'est pas ce que j'appelle me prélasser !
— En plus, Martin sera là normalement, me taquine Léane.
Je roule des yeux. Comme si j'avais besoin qu'il soit là pour d'un seul coup trouver une motivation pour suivre mon groupe d'amis en soirée !
— Fais pas genre, il est pas mal, continue-t-elle.
— Il a assassiné mon livre ! m'offusqué-je.
— Mais il te l'a remboursé !
Et ? Ce n'est pas une raison. Bon, peut-être que je n'ai pas été la plus agréable avec lui lors de notre voyage commun. En plus, il n'est pas si méchant, juste sur les nerfs d'après ce que nous a expliqué Arthur. Certes, il est beau, ce serait mentir de dire le contraire, mais de toute manière à quoi bon tenter un truc ? Je ne vais pas rester éternellement ici. Lui non plus. Et puis, que ferait-il avec moi ?
— Enfile ça !
Léane me sort de mes pensées en me projetant les vêtements au visage faisant fuir mon pauvre petit chat. Je jette un coup d'œil à la tenue : un pantalon fluide noir classique avec une chemise à manche courte rose. Pourquoi pas. C'est déjà mieux que la robe qui date du lycée et qui ne m'ira certainement plus.
— Magnifique, commente Léane en imitant Cristina Cordula.
Sofia confirme, grand sourire sur la figure, le pouce en l'air vers l'écran.
— Plus que les accessoires, le maquillage et la coiffure et tu seras parfaite ! Tous les regards seront sur toi !
— Quelle merveilleuse nouvelle ! ironisé-je.
— Plus d'entrain, tu vas faire peur aux gens sinon, ajoute Sofia.
Comment deux personnes qui ne parlent pas la même langue peuvent-elles si facilement se comprendre ? Et surtout qu'ai-je fait pour être la victime ?
— Prête pour la suite ?
— Je n'ai pas vraiment le choix...
— Bonne réponse ! s'exclame Léane heureuse de pouvoir s'attaquer à la prochaine étape.
Elle me tend le téléphone.
18 h 17.
Elles ont mis près de quatre heures pour assembler cette fichue tenue.
— Au fait, je sais pourquoi Estéban te semblait familier ! m'explique Sofia fière de ses talents de chercheuse sur les réseaux.
— Alors ? fis-je d'un coup plus intéressée.
— C'est le fils de la famille Muñoz.
Je cherche dans ma mémoire pour avoir plus d'informations. Je connais ce nom. Je l'ai déjà vu quelque part. Sauf que je n'arrive pas à m'en souvenir.
— La mère finance une partie de la section santé de l'Université, me détaille l'Espagnole. Et elle gère d'autres trucs important, mais trop long de tout citer.
Maintenant qu'elle le dit, ça fait sens. Par contre, je ne comprends toujours pas pourquoi sa mère lui a dit de venir en France, et plus particulièrement à Pau, pour ses études. Il pouvait très bien décider par lui-même, non ?
— Mets ses boucles d'oreilles, m'intime Léane.
— Mais ça fait mal les clips, me plains-je.
— T'as qu'à te faire percer aussi ! réplique-t-elle.
— Pour que je me retrouve une nouvelle fois chez les pompiers ? Non merci !
— Ose me dire que ça t'arrangeait pas de quitter le carnaval !
Bon, peut-être. Mais hors de question de me faire percer une troisième fois les oreilles. Les deux autres fois, je n'ai jamais véritablement cicatrisé, résultat des courses : obligation de rendre visite au docteur. Ou en l'occurrence les pompiers la deuxième fois vu que c'était une sortie scolaire et que l'un des parents accompagnants l'était. Et pour couronner le tout, c'était un ancien coéquipier de mon père ! J'ai donc eu le droit à d'interminables questions pendant que d'autres essayaient de m'enlever le fermoir. Une expérience incroyable à dix ans !
— Tu veux pas oublier les boucles ? C'est vraiment pas nécessaire...
— T'es pas drôle Axou !
— Adios chicas ! nous interrompt Sofia.
Elle conclut l'appel téléphonique et nous souhaite une bonne soirée.
— On devrait organiser une sortie toutes les trois un de ces quatre ! s'enthousiasme Léane à cette idée.
— Vous ferez fuir toutes les personnes autour de vous ! me moqué-je. Aïe !
— Roh ça va, c'est pas grand-chose, dit-elle après m'avoir légèrement pincé le bras.
Je laisse mon portable sur le côté sans oublier de le charger, cinq heures en face time c'est long pour lui qui est bientôt en fin de vie. Je m'extirpe de mon lit tout en faisant le plus attention possible à mon chat qui dort paisiblement.
— T'enfuis pas, je n'en ai pas terminé avec toi, ma cocotte ! s'enjaille Léane.
Son sourire en coin ne me dit rien qui vaille. Je vais souffrir. Je ne vais pas survivre à son attaque. Et je n'aurais personne qui pourra me venir en aide pour l'empêcher de me prendre pour une poupée.
— C'est pas encore fini ? me lamenté-je.
— Coiffure et maquillage à faire restent, ajoute-t-elle, les mains sur les hanches.
— OK maître Yoda, me moqué-je résignée. Mais avant, tu veux pas faire une pause ? Genre boire un peu ou manger ?
— On va être en retard après ! souffle-t-elle.
— Qui vient de passer quatre heures au téléphone pour me trouver une tenue ? l'accusé-je.
— C'est pour que tu sois la plus belle, se justifie-t-elle.
Je détourne le regard ne sachant pas vraiment comment réagir. Ce n'est pas comme si j'appréciais l'attention des gens en général. Le week-end dernier à Nousty en est la preuve : rouge de gêne, je ne savais pas où me mettre et quand on me parlait, je bégayais plus qu'autre chose. Pour couronner le tout, pour quitter les feux des projecteurs, j'ai failli trébucher dans les tribunes en ratant une marche. Alors je n'ose imaginer le scénario de ce soir au vu des nombreux commentaires de mon amie.
— Je peux même pas prendre un verre d'eau ? insisté-je.
— Rapidement et profites-en pour enfiler la tenue en même temps. T'as quoi comme maquillage au fait ?
— Du mascara et... c'est tout ?
— Sérieusement ?
— Bah quoi ? J'ai laissé le reste à Barcelone, c'était pas dans mes plans de base de sortir, me justifié-je.
— T'es pas croyable.
— Tu m'aimes quand même, non ?
— Allez, file ! Je vais voir ce que je peux faire avec ce que tu as.
Je m'exécute pour qu'elle n'attende pas plus longtemps. Le silence envahit les autres pièces de la maison une fois que j'ai quitté mon repère. Ma mère travaille, mon père a le hand, un samedi normal en somme. Si on oublie que je ne serais pas présente moi non plus.
Je descends les escaliers rapidement tout en évitant la nouvelle bibliothèque qui prend une grosse partie de la dernière marche. Habillée et deux verres d'eau à la main, je suis prête pour refaire le chemin inverse en faisant attention à ne rien me renverser dessus. Compliqué, mais pas impossible, je montais ou descendais bien dans le noir, pourquoi n'y arriverais-je pas là ?
Je tends la boisson vers Léane qui me remercie avant de m'installer sur le rebord de la baignoire. Je laisse mes jambes se balancer en surveillant mon amie attraper le maquillage qu'elle a pu trouver.
— Bon, ça devrait le faire ! se félicite-t-elle.
Elle s'écarte pour me permettre de m'observer devant le miroir. Bien que cela soit simple, j'aime beaucoup le résultat. Un peu de fard à paupières, du mascara, du crayon et du gloss et me voilà prête pour faire la fête comme dirait Sofia.
— Je crois qu'on peut décoller maintenant ! se réjouit Léane.
— Au fait, il y aura qui ?
— Mélissa, Romane, Lucas et Nicolas doivent certainement nous attendre et Arthur nous rejoindra après le match.
Hâte de supporter Élie !
— Ne souffle pas !
— Oui, maman !
À son tour, Léane soupire en levant les yeux au ciel avant de m'embarquer pour de nouvelles aventures. Je vérifie une dernière fois que je n'oublie rien et je peux fermer la maison à clé.
— One Direction ? m'interroge la conductrice.
— Quelle question !
Pour nous rappeler les souvenirs du collège, Léane lance sa playlist et nous nous engageons dans un magnifique concert à faire pâlir les plus grands noms de la musique. Sans nous soucier du reste, nous profitons, comme au bon vieux temps.
Avec Léane, nous avons seulement le temps de sortir de la voiture et de rejoindre l'entrée, que nous sommes interpellées. Enfin, que je suis interpellée serait plus juste.
— Trop contente de te revoir Axelle !
Romane vient de m'enlacer pour appuyer ses paroles alors que je reste immobile tel un piquet sans trop savoir comment réagir à cette affection si soudaine.
— T'es en train de l'étouffer, la pauvre ! rigole Nicolas sans pour autant m'aider.
— Pas trop ennuyant Barcelone, sans nous ? poursuit Romane sans prendre en compte la remarque de notre ami.
Je parviens à me sortir de son étreinte pour mieux faire face au petit groupe qui nous attendait. Nicolas et Lucas sont proches, encore plus qu'après mon départ, et je ne serais pas étonnée s'ils me disaient être en couple aujourd'hui.
— Mélissa n'est pas là ? questionne Léane surprise de ne pas la voir.
— Elle n'a pas réussi à se libérer pour la soirée, problème de planning avec le boulot, explique Lucas.
— Allez, go fêter ton retour comme il se doit ! s'enjaille déjà Romane en nous ouvrant la voie.
Sans plus attendre, je suis le petit groupe que nous formons depuis le lycée. Si avec Léane, nous nous connaissions depuis notre enfance, Romane, Nicolas, Lucas et Mélissa se sont greffés à nous, petit à petit. Lucas a été le premier à nous rejoindre au collège. Toujours un livre avec lui et avec ses lunettes, il était ignoré par une grande majorité et surtout considéré comme un intello timide. En soi, ce n'est pas si loin de la vérité, mais personne n'a jamais daigné lui adresser la parole, sauf moi parce qu'il lisait au milieu de la cour un roman qui m'intéressait. Et depuis, nous passions notre temps ensemble avec Léane. Romane, Mélissa et Nicolas nous ont rejoints au lycée. Je ne sais plus comment. Peut-être un travail de groupe, une simple question sur un devoir, ou quelque chose du genre et voilà notre petite bande de six constamment fourrée ensemble pendant trois ans.
La foule est déjà présente dans le bar. Heureusement, une partie est à l'extérieur, parce qu'on ne va pas se mentir, l'endroit n'est pas si grand. L'écran géant est toujours accroché au mur, me rappelant la finale de la coupe du monde 2018 que j'avais pu venir observer avec Léane entre autres.
Je laisse passer un des serveurs avec un plateau de tapas qui essaye de se frayer un chemin à travers le public qui s'agglutine au comptoir.
Je suis bien contente d'avoir abandonné ma veste dans la voiture. Il fait assez chaud. L'odeur de la transpiration se mélange avec celle de la bière et de la nourriture et je me souviens pourquoi en temps normal je refuse une grande partie ce genre de soirée. Il ne manquerait plus qu'une personne vienne m'accoster et j'aurais coché toutes les cases. Mais au moins, je ne suis pas vraiment seule. Léane est présente. J'ai toujours Lucas avec qui discuter de livres. Et Romane et Nicolas sont également là pour mettre l'ambiance. Je devrais donc pouvoir supporter la sortie.
Non. C'est totalement faux.
Accoudée sur une des tables en hauteur dehors, je garde un œil sur Léane qui bouge au rythme de la musique. Je joue avec la paille de mon verre, désormais vide. À côté de moi, Nicolas et Lucas sont en grande discussion, m'ignorant. Je ne vais pas vraiment m'en plaindre, mais je m'attendais à peut-être plus d'attention. Pas être seule pendant qu'une de mes amies dance au milieu du bar, qu'une autre drague plus loin et que je reste en compagnie des deux hommes qui se dévorent des yeux à quelques mètres de moi. J'espérai plus des retrouvailles autour de quelques boissons où l'on se remémorait le passé et où on imaginerait notre futur.
Si je ne devais pas retraverser toute la foule, je serais bien partie me chercher un autre cocktail. Alors je me contente de loger sur mon perchoir. Au moins, je n'ai pas grand-chose à redire niveau musique. Il y en a pour tous les goûts et je n'ai pas envie de grimacer à chaque nouvelle chanson qui débute ! Je m'occuper du mieux que je peux à l'aide de mon portable. Récent message dans le groupe familial.
Et si on organisait un repas pour fêter le retour d'Axelle ?
Quelle merveilleuse idée que vient d'avoir ma cousine ! Et je ne vais même pas pouvoir me défiler. Les réponses ne tardent pas à fuser. Toutes favorables à cette proposition. Sérieusement ? D'habitude personne n'est disponible, mais bien évidemment cette fois-ci, tout le monde peut se libérer !
Un soupir s'échappe de mes lèvres. Tout compte fait, un deuxième cocktail ne me ferait pas de mal même si je dois traverser une horde de géants bien amochés par l'alcool. Romane a rejoint Léane, je peux partir à l'assaut sereine. Je zigzague parmi les habitués. Merci d'être petite, ça facilite beaucoup !
La différence de température est frappante. Si le vent souffle dehors, à l'intérieur, il fait toujours aussi chaud et la salle ne se vide pas. Au contraire, elle continue de se remplir.
— Axelle !
Je tourne la terre pour voir si je suis concernée, mais je n'y crois pas vraiment. Avec la musique et les nombreux individus, j'ai peut-être juste imaginé. Ou alors, il s'agit simplement d'une autre personne qu'on a appelée, car je ne reconnais personne autour de moi.
J'arrive enfin à destination ! Je me hisse sur la pointe des pieds pour avoir une meilleure chance d'être aperçue. Je joue un peu de coude pour ne pas qu'un autre me double, mais je parviens à commander. Je porte une gorgée à ma boisson avant de quitter le comptoir.
J'essaye de passer, trouver des espaces ouverts pour mieux regagner notre place, mais avec le verre dans ma main, la mission s'avère plus compliquée. J'évite de le renverser et par la même occasion de me faire écraser. Je transpire et pourtant, je ne suis pas partie si longtemps ! Heureusement, j'aperçois la sortie. J'accélère le pas pour retrouver un semblant de liberté.
— Axelle ! Je vais croire que tu m'ignores !
Arthur s'est approché de moi, Martin ne le quitte pas d'une semelle. C'est un peu drôle, il ressemble à un chien qui suit son maître. Si le copain de Léane est enthousiaste, son coéquipier reste tendu, à l'affut des moindres mouvements. Comme si quelqu'un le prendrait en délit à s'amuser autour d'un verre. Et même si c'était le cas, ne peut-il pas célébrer une victoire ?
Je m'installe de nouveau à ma tour de contrôle et je bois une gorgée de vodka pomme. Arthur pose son verre sur la table et rejoint Léane et Romane qui n'ont pas arrêté de danser. Je vois du coin de l'œil Martin soupirer et s'accouder tout en regardant bizarrement l'alcool devant lui.
— Tu sais, elle va pas te manger ? le taquiné-je.
— Je croyais que tu savais que crier, me réplique-t-il.
— Détruire un livre est un horrible crime ! J'espère que tu as un bon avocat pour te défendre face au juge !
Il lève les yeux au ciel, mais un sourire se dessine sur son visage.
— Sinon, sérieusement, ça va rien faire une bière. C'est pas interdit de fêter la victoire.
— Faut bien quelqu'un pour surveiller mister danseur sinon je doute de rentrer en un seul morceau.
Un silence s'installe entre nous. Je ne sais pas quoi rajouter de plus.
— Axelle, tu me présentes pas ton bel ami ! s'exclame Romane en revenant à notre table.
Un nouveau verre à la main, ses joues sont rougies suite à tout l'alcool qu'elle a ingurgité et la chaleur à force de se déhancher. Heureusement, Nicolas ne boit pas et pourra la ramener.
— Heu, Romane, voici Martin, un coéquipier d'Arthur et...
Et je m'arrête là. Le handballeur à mes côtés ne nous porte aucun intérêt, à quoi ça sert que je poursuive ? Romane n'ont plus d'ailleurs. Elle est partie aussi vite qu'elle est arrivée sans que je ne puisse ajouter un autre mot.
— Pourquoi t'es venu jouer ici ? finis-je par demander, curieuse de savoir ce qui a bien pu l'amener à Nousty.
Il range son mobile dans la poche de son jean et regarde de nouveau son verre sans prendre la parole. En même temps, à quoi je m'attendais ? Ce n'est pas comme si nous étions forcément amis, donc rien ne l'oblige à me répondre.
— Ton père te l'as pas dit ? réagit Martin après un certain temps.
— Pas le genre de conversation qu'on a. Enfin, si conversation, il y a, rajouté-je pour je ne sais quelle raison.
Il réfléchit un instant avant de boire enfin une gorgée de sa boisson.
— Parce que...
Il hésite dans ses mots. Il ne sait pas si c'est une bonne idée dans discuter avec moi.
— Laisse, c'est pas grave. Le plus important, c'est que tu te plaises ici !
S'il me remercie par la pensée de ne pas insister sur les motifs de sa présence à Pau, il ne peut réprimer une grimace quant à la seconde partie de la phrase. En même temps, je peux le comprendre. Du peu que j'ai entendu, c'est un professionnel. Forcément ce n'est pas très attrayant pour lui cette ville.
— Et toi, qu'est-ce qui t'amènes ici ?
— Le fait que j'habite à genre dix minutes du bar ?
— Non, mais oui, je me doute, bafouille-t-il cherchant les bons mots.
— Parler, c'est pas trop ton fort, non ?
— Dis celle qui m'a insulté pendant tout un trajet !
— C'est faux ! Je t'ai seulement traité d'assassin et d'abruti et avant que je sache qu'on ferait du covoiturage ensemble !
— Je suis presque certain que d'autres insultes se sont glissées dans ton esprit.
— T'as osé dire que les kinés sont ceux qui ont raté le concours de médecine !
Il lève les mains en signe de paix. Je doute qu'il éprouve un remords pour cette phrase, mais au moins, il ne rentre pas plus dans le sujet et préfère l'éviter.
— Mais sérieusement, tu fais ton stage ici. T'aurais pas pu le faire dans la ville où tu fais tes études ?
— Le Camp Nou m'a refusé, j'avais plus d'autres solutions, joué-je théâtralement.
Je me retiens de rire face au visage de Martin. Sa bouche grande ouverte risque d'avaler un ou deux insectes qui voleraient par là.
— Genre, tu parles bien du Barça là ?! T'as postulé chez eux ?
— Non, mais j'ai failli. Ils prennent régulièrement des stagiaires. L'université travaille en collaboration avec le staff médical du club. Mais j'avais un deal avec ma mère : elle acceptait que j'aille faire mes études en Espagne à la condition que je revienne passer mon stage en France.
— Tu dis ça comme si c'était banal, alors que c'est quand même du Barça que tu parles !
Je hausse les épaules indifférente. Je le sais. C'est une des raisons qui m'ont poussé à m'inscrire dans cet établissement plutôt qu'un autre. Évidemment, j'ai postulé autre part. Saragosse pour imiter un bon nombre de français ou encore Madrid, mais aucune ne m'intéressait autant que celle de Barcelone.
C'est drôle. Je ne pensais cependant avoir cette discussion avec Martin. Ou en avoir une tout cour avec lui. Mais vraisemblablement, si on le lance sur la ville catalane, le dialogue passe plus aisément. Plus agréable et moins renfrogné sur son portable, il apparait beaucoup plus sympathique d'un coup.
— T'es déjà allée voir les matchs du hand ?
— Non.
Et ça ne m'a jamais intéressé, voire effleuré, l'idée. A contrario de mon père. L'unique week-end où il est venu, je l'ai à peine croisé, car il avait réussi à dégoter des places pour aller voir l'équipe. Il a posé ses affaires, s'est fait une petite visite des alentours, le match et il est reparti aussitôt. Génial, non ?
Je baisse les yeux en direction de mon verre. J'ai peut-être été un peu sec dans ma réponse, mais ce n'est pas ma faute si je me renferme en entendant parler de ce sport. C'est déjà un miracle que j'ai accepté de me rendre à Nousty le week-end dernier et de passer cette soirée en compagnie de certains handballeurs.
Malgré la musique en fond, le silence persiste autour de nous. Je me contente de jouer avec mes bagues. Que pourrais-je rajouter de plus de toute manière ? Je n'ose pas vraiment relever la tête. Pour voir quoi ? Son regard bercé d'incompréhension ? Ou alors d'un dégoût parce que je dénigre sa passion ? Je ne sais même pas pourquoi je me soucie de son avis. Comme s'il comptait !
— Allez, à ton tour de danser, Axelle !
Léane brise le calme entre nous deux. Est-ce une bonne chose ? Telle est la question. L'idée de me retrouver au milieu d'inconnu ne m'enjaille pas spécialement pourtant, elle semble plus attrayante que la situation actuelle. Elle m'agrippe le bras et continue d'insister pour que je bouge, la rejoindre. J'en viens même à me demander où elle puise toute cette énergie qui l'habite constamment !
Je cède à la tentation. Ce sera toujours mieux que de rester la tête plongée dans mon verre. Heureuse, Léane sautille sans me lâcher le poignet et traverse la foule pendant qu'Arthur s'installe à ma place.
— Alors ? me questionne Léane un sourire en coin. Oh ne fait pas genre pas comprendre ! Avec monsieur le handballeur professionnel, ça se passe comment ?
— Arrête, on n'est pas dans tes fichues comédies romantiques, Lénou !
— Pourtant, il te bouffait du regard juste avant !
— Je croyais que tu voulais que je vienne danser avec toi ! J'ai pas signé pour un interrogatoire. Puis, il est juste intéressé par Barcelone, il se fiche pas mal de moi.
— Mais oui, mais oui.
Elle n'insiste pas plus, pour le moment. Mais je mettrais ma main à couper qu'elle m'en reparlera. Jamais elle ne lâcherait le morceau si facilement sauf si elle avait une idée en tête. Et c'est ce qui me fait le plus peur.
— Allez, profite et tu réfléchiras plus tard ! déclare-t-elle avant de m'entraîner dans la danse.
Elle n'a peut-être pas si tort. Qu'est-ce qui m'empêche de m'amuser un peu ?
Ah oui. Ma future gueule debois qui me guettera demain à mon réveil !
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