Chapitre 11


Axelle.

J'observe une nouvelle fois mon portable.
Heure : OK.
Adresse : OK.

Je souffle un bon coup. Tout est nickel. Je suis prête pour commencer cette aventure et oublier les retrouvailles avec Élie, au passage.

Je quitte ma voiture et me dirige vers le cabinet en vérifiant deux voire trois fois les alentours pour ne rater aucune marche par inadvertance. Quel drame de tomber dès le début de mon stage ! Une petite bâtisse ancienne qui vient d'être rénovée se dresse devant moi. Orné de deux baies vitrées, l'intérieur n'est cependant pas visible. Sur le côté, écrit en lettres noires, « Cabinet de kinésithérapie et d'ostéopathie ». L'entrée est constituée d'une allée traversant l'herbe.

Je poursuis mon chemin. Je joue avec mes bagues. Je n'ai aucune idée de ce qui va m'attendre. Certes, j'ai déjà rencontré Julien qui me formera pendant les cinq semaines qui arrivent et il a été adorable avec moi, mais je ne peux m'empêcher d'appréhender cette première journée. Ma mère m'a assuré que tout irait bien, que je n'avais pas à m'en faire. C'est elle qui m'a conseillé à lui d'ailleurs. Je crois, de ce que j'ai compris, que Julien avait travaillé un temps à l'hôpital avec elle avant de reprendre un cabinet. Mais je rentre dans un territoire inconnu, je ne peux pas m'empêcher de douter. Et si je provoquais une catastrophe ? Ce serait horrible et surtout probable quand j'observe la chance qui m'entoure ces derniers temps. Je ne veux même pas imaginer si malencontreusement je casse du matériel ou si je me ridiculise devant un des patients. La honte !

Je revois les images de ce week-end revenir dans mon esprit. Les remarques de Elie ne cessent de résonner en moi. Ai-je vraiment déçu mon père ? D'ailleurs il m'a à peine adressé la parole dimanche. Je ne sais toujours pas de quelle manière je dois le prendre, lui qui souhaitait que je vienne le soutenir, il finit par faire comme si je ne m'étais pas déplacée. J'ai choisi de l'ignorer, c'est ce que je fais de mieux de toute manière. Mais tout de même, j'ai espéré quelques mots, quelque chose, un signe. Pas le néant.

Une inspiration pour chasser ses mauvaises pensées et je pousse la porte. Il est encore tôt. Il n'ouvre que dans une trentaine de minutes. La radio en fond brise le silence du cabinet. Si de l'extérieur, les passants ne pouvaient pas voir le lieu, les personnes présentes ici ont la chance d'observer le paysage que les vitres leur offrent. Après tout, il est plus agréable de travailler les exercices de remise en forme devant un beau décor. Au loin, les élégantes montagnes s'élèvent sous le magnifique ciel bleu. Parfait pour se motiver à exécuter les activités physiques !

Je ne peux pas m'empêcher de sourire. J'ai hâte de débuter même si je stresse encore. L'univers médical m'a toujours attiré. Ma mère travaille en tant qu'infirmière, donc forcément, j'ai grandi dans ce milieu. Et me retrouver là, c'est juste la consécration de mes études malgré les nombreux bas qui se sont mis en travers de mon chemin. Je peux être fière de moi et de mes résultats !

La secrétaire ne me remarque pas au début, concentrée sur l'écran de son ordinateur. Je me racle la gorge pour annoncer ma présence et me présenter. Un sourire chaleureux se dessine sur son visage alors qu'elle m'invite à la suivre. Un bloc note dans les mains, elle m'énonce quelques banalités que Julien m'a déjà expliquées, mais je n'ose pas l'interrompre. Elle semble heureuse de découvrir une nouvelle personne, je ne vais pas lui enlever ce plaisir.

Un peu à l'écart, une porte en bois clair donne accès à un bureau du kiné. Si dans le lieu principal, des magazines sur le bien-être et le sport se trouvent sur une table pour les patients qui attendent leur tour, ici, ce sont de nombreux livres sur l'anatomie et les pathologies qui remplissent les étagères. Quelques posters décorent les murs. Différents thèmes sont représentés, tous en rapport avec la santé.

Cet endroit m'apaise. Je ne sais pas comment l'expliquer, mais quelque chose me pousse à me détendre. L'utilisation des huiles essentielles m'apporte une sorte de réconfort. Quelques petites bougies brûlent laissant envahir la pièce de l'odeur de la cire d'abeille qui ajoute une note chaleureuse et rassurante.

J'ai arrêté de jouer avec mes bagues, moins stressée qu'à mon arrivée. Le choix des différents arômes qui parfument la salle a été sélectionné avec justesse pour procurer le calme et la sérénité dans le cabinet. Je parviens même à chasser les doutes qui me hantaient depuis mon retour alors que je n'avais pas encore réussi.

Julien relève la tête en m'apercevant. Jusqu'à présent, il se concentrait sur les tâches administratives qu'il devait accomplir avant le début de la journée de travail. Un cahier de rendez-vous ouvert et des dossiers de patients commencent à s'entasser devant lui, prenant de la place sur le bureau. Avec précaution, il écrit des notes rapides et précises, semblant savoir instinctivement où trouver chaque information nécessaire pour cette journée. Je me demande comment il fait pour être autant organisé quand je bataille pour planifier mes révisions !

— Bonjour, Axelle, je suis ravi de t'avoir comme stagiaire.

Il se rassoit et avec un sourire chaleureux il me fait signe de m'installer sur le fauteuil face à lui.

— Pas trop stressée ?

Je lui signale que tout va pour le mieux et il enchaîne.

— Pour les premières séances, tu te contenteras d'observer, mais après, je compte sur toi pour me montrer ce que t'as appris, OK ? Et si t'as des questions, n'hésite surtout pas. Je suis là pour ça et Céline est également disponible pour y répondre.

J'acquiesce. Le kinésithérapeute se met ensuite à m'expliquer en détail le fonctionnement du cabinet et les protocoles à respecter durant les différentes sessions. Il me donne le détail de chaque patient de la journée et j'essaye de retenir les informations, de ne rien oublier.

— Ne t'en fais pas, t'as pas besoin de tout savoir sur le bout des doigts pour l'instant, ce sont surtout des choses qui s'apprennent au fil du temps, à force d'exercer le métier.

Je souffle de soulagement. J'ai certes une bonne mémoire, mais un lundi matin, mon cerveau ne suit pas forcément ! Julien me tend une de ses nombreuses feuilles. Une fiche de renseignement sur un des patients de la journée. Je suppose qu'il sera l'heureux élu pour commencer mon stage. Pauvre de lui !

— C'est son second rendez-vous. Mal de dos depuis un certain temps qui l'empêche de travailler correctement, m'énumère-t-il en même temps que je lisais. Prête pour le recevoir ?

Évidemment ! Je ne me trouverais pas ici dans le cas contraire. Il sort de son bureau et prépare les dernières installations dans la salle principale. La pièce est spacieuse et lumineuse. Les murs sont blancs et immaculés, et la grande fenêtre laisse entrer la lueur naturelle du matin. Le sol est recouvert d'un revêtement en vinyle facile à nettoyer.

Une table de traitement en acier inoxydable avec des coussins rembourrés pour le confort des malades se situe dans le coin. Non loin, une étagère en bois clair est remplie de divers équipements de kinésithérapie, tels que des bandes de résistance, des balles d'exercice, des poids et des élastiques. Une petite chaise est disposée près de l'armoire pour qu'ils puissent s'asseoir pendant certaines des activités physiques.

Le mur opposé à la fenêtre est recouvert d'un grand miroir qui permet au patient de surveiller sa posture pendant qu'il exécute les mouvements nécessaires. Une table a été placée pour permettre à Julien de noter leurs évolutions et les traitements qu'il devra leurs administrer s'ils sont dans le besoin.

Le plafond est équipé de lampes LED qui diffusent une lumière douce et apaisante dans la pièce, créant une atmosphère de sérénité et de détente propice à la guérison. Une ambiance simple, mais efficace pour le confort de toutes les personnes présentes.

Je perçois le bruit de la porte s'ouvrir. Mon stage peut enfin débuter et j'ai hâte !

Le patient est un homme d'âge moyen. La nervosité se fait sentir quand il s'approche de la secrétaire. Il revêt un air tendu et inquiet, et sa respiration semble rapide et superficielle. Il tripote ses mains et ne tient pas en place, comme s'il cherchait une échappatoire à son anxiété. Ses épaules se voutent légèrement, et son regard fuit tout contact, comme s'il craignait de déranger ou de causer du tort. Malgré son apparence angoissée, il fait de son mieux pour rester poli et respectueux.

Il affiche une posture courbée et semble avoir du mal à se mouvoir en raison d'une douleur dans le bas du dos. Son visage rond est marqué par quelques rides sur son front, preuve de son stress. Il garde tout de même un sourire pour se rassurer. Ses vêtements sont simples et pratiques, adaptés à la situation thérapeutique, et il porte des chaussures de sport confortables. Parfait pour réaliser une première séance !

— Tu verras, certains patients viennent dans des tenues, tu te demandes si c'est une visite médicale ou un défilé de mode.

Julien me raconte quelques anecdotes concernant les différentes personnes qu'il a pu soigner. Je me retiens de rire, mais quand je compare avec celles de ma mère qui est infirmière, je me dis qu'il existe des cas particuliers quand même. Les séances de kiné résident dans la motricité et la rééducation, le facteur principal est donc de réaliser des exercices. Et généralement, les talons, jupes ou costumes ne sont pas vraiment conseillés. Pourtant, même quand je faisais des cours en Espagne, certains s'entêtaient à vouloir s'habiller chiquement. Je vois qu'en France, les personnes ne sont pas si différentes ! Après, libre à eux de venir comme ils le souhaitent, mais en général, c'est ce qui ont le plus de difficulté pour accomplir les mouvements par la suite.

— Une fois, une femme était arrivée après une mauvaise chute sur l'épaule, la seule chose qui l'intéressait était mon numéro.

Certains ne manquent vraiment pas de culot, apparemment ! Mais au moins, ça donne quelques anecdotes à raconter lors de repas de famille, et ça, c'est non négociable !

— Bonjour, comment vous sentez-vous aujourd'hui ? questionne le kinésithérapeute.

— Toujours des douleurs au bas du dos, mais j'ai l'impression que ça va mieux depuis notre dernier rendez-vous, explique l'homme.

Je me place un peu plus en retrait, comme Julien m'a conseillé de faire au début, pendant qu'il se prépare pour la séance. Je ne souhaite pas m'imposer pour cette première expérience d'autant plus que le patient ne semble pas encore serein malgré les attentions de Julien pour qu'il se sente à l'aise. De temps en temps, il se tourne vers moi et je tente de le rassurer d'un sourire, mais j'avoue être impuissante dans cette situation. Il ne doit pas être le premier et certainement pas le dernier à stresser, je me demande donc comment l'homme parviendra à trouver le calme et surtout je réfléchis à la façon dont j'agirais si j'étais à sa place.

Je pense qu'en plus du cadre déjà apaisant que le cabinet offre, j'essayerais de communiquer avec lui et d'en savoir plus sur ses appréhensions afin de mieux les dissiper. Je tenterais de créer un lien de proximité pour davantage comprendre ses besoins et je lui expliquerais le déroulement des activités en prenant en compte les difficultés qu'il rencontre.

Julien demande à l'homme de se coucher sur le ventre sur la table de traitement. Il commence par appliquer une légère pression sur les muscles du dos du patient, en effectuant des mouvements lents et circulaires pour détendre les muscles. Il recourt ensuite à des techniques de manipulation douce pour aider à corriger l'alignement des vertèbres lombaires, qui sont la source de la douleur du patient. J'observe minutieusement la façon dont le kiné utilise le patient, avec délicatesse et assurance, cherchant à comprendre la nature de la souffrance et les zones affectées. Il attend, discute avec lui mettant tout en œuvre pour l'apaiser tout en détaillant les étapes de la séance pour que l'homme s'y retrouve.

L'homme se retourne afin d'effectuer quelques exercices. Le kinésithérapeute lui explique clairement, avec des gestes pour accompagner ses paroles, comment les réaliser pour renforcer les muscles de son dos et les amener à mieux soutenir sa colonne vertébrale. Il surveille minutieusement les moindres mouvements pour s'assurer qu'ils sont exécutés comme il faut et éviter toute douleur ou blessure supplémentaire.

Tout au long de la séance, il recommande également des étirements pour améliorer la flexibilité et soulager les tensions dans les muscles du dos. Tout au long de la séance, Julien reste attentif aux réactions du patient. Il ajuste son traitement et ses conseils en conséquence pour répondre aux besoins nécessaires de l'homme afin qu'il soit à l'aise dans son processus de guérison.

Petit à petit, le malade se détend. Il écoute avec soin les suggestions que lui prodigue le professionnel et effectue les derniers exercices sans sourciller. Soulagé, il gratifie Julien d'un sourire avant de le remercier pour son aide. Il prend note des recommandations qui lui sont données. Une poignée de main pour mon maître de stage et moi, puis il se dirige vers la sortie une fois son prochain rendez-vous enregistré.

— Un des points importants du métier est de créer un lien de confiance avec le patient, sans ça, même le meilleur ne réussira en rien.

Il se rapproche de moi après s'être désinfecté les mains ainsi que la table qui a accueilli quelques instants plus tôt l'homme. Il est vrai que la communication est un sujet crucial dans le domaine médical, sans ça, nous ne pourrions pas avancer et guérir les patients.

— À ton avis, qu'est-ce qui est primordial pour exercer ?

Il me scrute, en analysant mes mouvements. J'ai l'impression qu'il me teste. Il veut voir si je suis apte pour ce métier. Et je compte bien lui démontrer que oui.

— Les connaissances sont évidemment essentielles pour déterminer le traitement adéquat, commencé-je. Mais il faut surtout savoir faire preuve de maniabilité afin de s'adapter aux différents profils. Nous n'agissons pas de la même manière sur un enfant que sur une personne âgée pour une douleur identique.

Il me félicite. Je rougis sous le compliment qu'il me donne, mais je me sens déjà plus en confiance pour poursuivre à ses côtés. Mes dernières inquiétudes viennent de s'envoler, laissant place à de l'enthousiasme. J'ai même hâte de pouvoir également exercer, découvrir encore plus en détail mon futur métier !

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