cassette dix-neuf
"Ça y est. Je me casse pour de bon. C'est la nuit et je me cache dans la salle de bain pour ne pas qu'on m'entende. J'ai le cœur qui bat tellement vite, December. Ma vie va changer. Dans quelques minutes. Dans quelques minutes, je te laisserai pour de bon l'ancien Clyde. Dans quelques minutes, Clyde Gowver, disparaîtra dans la nuit. J'ai laissé une lettre à mes parents, pour ne pas qu'ils me cherchent. De toute façon, ils ne l'auraient pas fait, j'ai l'impression qu'il marche en rond. J'ai tout ce qu'il me faut avec moi ; j'ai mon sac, mon iPod avec les chansons que tu aimes, de l'argent et mes souvenirs. Tu t'en doutais, n'est-ce pas ? Je t'avais dis que je les prendrai avec moi. Ils sont là, bien au chaud dans mon cœur. December, il prononce mon prénom d'une voix tremblante, tu te rends compte ? Je pars pour de vrai. Je te laisse derrière moi. Et ce sera une des plus grosses erreurs que je n'aurais jamais faîte. Mais ne m'en veux pas, d'accord ? il pleure désormais et je pleure aussi. Ne m'en veux pas de vouloir être heureux. Ne m'en veux pas d'être égoïste. Ne m'en veux pas d'avoir été le pire des meilleurs amis que tu ais pu avoir. Ne m'en veux pas d'avoir eu peur. Ne m'en veux pas. Je t'en supplie. Parce que si un jour tu venais à me détester, si un jour tu venais à m'en vouloir, je n'y survivrai pas. Jamais. December, je n'ai jamais été celui qu'il te fallait, et merde, je m'excuse. Je m'excuse d'avoir été nul. Je m'excuse d'avoir été Clyde, avec toi. Alors, s'il te plaît, pardonne moi. Pardonne moi, c'est tout ce que je te demande. Merci d'avoir fait ce bout de chemin avec moi, merci d'avoir rigolé avec moi, merci de m'avoir écouté, merci pour tout. Merci d'avoir été toi. December, tu es et tu resteras à jamais mon plus beau souvenir. Celui que je chérirai jusqu'à ma mort, quoi qu'il arrive, quoi qu'il advienne.
À bientôt, December Rose Operdan. À bientôt."
La cassette se coupe brusquement. Clyde m'a fait cette cassette cette nuit. Cette nuit, la dernière chose qu'il a faite avant de partir, c'est une cassette. Pour moi.
Je cherche dans le carton désespérément une cassette que je n'aurais pas vu. Je veux entendre une fois de plus sa voix. Sauf qu'il n'y a plus rien à part des photos de nous et des ballons dégonflés par le temps.
Puis c'est comme un flash dans ma tête et je me lève d'un coup, dévale les escaliers et ouvre la porte d'entrée, pieds nus. Il ne peut pas être parti. Clyde n'est pas parti.
La rue est calme et je tourne la tête vers sa maison, espérant le voir sur le perron, avec ses écouteurs. Mais il n'est pas là.
Je me jette sur la route, mes pieds me piquent, mais je m'en fous. Il faut que je le retrouve. Je cours. Je cours sur la route. Des cyclistes me regardent bizarrement, et quand une voiture me klaxonne, je m'assois sur la route, en pleurant. Clyde a marché sur cette route. Il y a sûrement versé des larmes. Alors je resterai ici jusqu'à ce qu'il revienne me chercher.
Les voitures s'arrêtent toutes, les gens chuchotent autour de moi. On me prend sûrement pour une folle, mais qu'est-ce que j'ai à perdre ?
Clyde.
Alors je reste assise, le mascara sur les joues, les pieds nus et le cœur en vrac sur cette putain de route.
Parce qu'il va revenir. Clyde va revenir me chercher. C'est la seule solution.
Clyde va revenir.
Clyde va revenir.
Clyde va revenir.
Et j'attendrai. J'attendrai ici. J'attendrai pour toujours s'il le faut pour le revoir une dernière fois.
Mais je n'attendrai pas. Parce que Clyde va revenir.
Il ne m'a pas laissé derrière lui. Il ne peut pas ne pas m'avoir dit aurevoir en face. Il ne peut juste pas. Il ne peut pas m'abandonner.
Et puis quand je finis par m'allonger sur la route, le regard stoïque, je crois voir sa silhouette derrière une vieille dame.
Et je ne me lève pas. Parce qu'il m'avait prévenu. Il m'avait dit qu'il serait partout et nulle part à la fois. Il m'avait dit qu'il n'était qu'un figurant.
Et je comprends. Et je le pardonne.
Tu es pardonné, j'ai envie de crier dans le vide.
Je te pardonne, excuse moi de ne pas avoir vu ta détresse, j'ai envie de hurler.
Et puis, au moment où mes yeux se ferment de fatigue, au beau milieu de la route, alors que les gens me traitent de folle et que les automobilistes m'insultent, je me rappelle. Je me souviens.
Je me souviens du sourire de Clyde.
Et ça, c'est mon plus beau souvenir à moi.
Pour toujours.
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À quelques parties de la fin, qu'en pensez-vous ?
xoxo
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