Ashton ne comprenait rien et il le cachait bien, en dehors que ses yeux reflétaient son incompréhension. Son visage était, même, totalement impassible. Aucunes émotions ne passaient, pas même un sentiment par-ci ou un sentiment par-là. Rien ne filtrait et c'était bien là l'avantage qu'il avait sur la blonde parce que pendant qu'elle essayait de savoir ce à quoi il pouvait bien penser, elle en oubliait sa colère. Enfin, non, elle n'oubliait ; elle mettait de côté le temps de deviner. Il croyait qu'elle l'oublierait totalement ou qu'elle serait moins forte mais la haine que ressent la blonde envers lui était bien trop forte pour cela.

-Tu as gâché ma vie entière Ashton ! S'exclama-t-elle avec rage.

Parce qu'elle le détestait au plus profond d'elle-même. Parce qu'elle le haïssait pour une centaine de personnes. Parce qu'elle ne le supportait. Parce qu'elle lui en voulait comme s'il était responsable de la fin du monde alors qu'elle n'était point encore là. Parce qu'elle ne pouvait pas le voir, même en peinture ou en photo. Parce qu'elle n'a jamais vraiment réussit à le supporter. Parce qu'elle regrettait d'avoir pleuré et qu'il l'ait remarqué. Parce qu'elle se détestait de lui avoir confié des choses très personnelles. Parce qu'elle le détestait pour tout le mal qu'il lui avait fait. Mais c'était surtout parce qu'il ne se souvenait de rien alors qu'elle se rappelait de tout, exactement. Parce que c'était ce qui faisait souvent le plus mal, se rappeler de tout alors que l'autre ne se souvenait de rien.

-Tu as bien entendu ! Tu as littéralement gâché ma vie ! S'égosilla-t-elle.

Ashton ne réagissait même pas, non parce qu'il s'en foutait mais parce que cela ne l'atteignait pas. Rien ne pouvait vraiment l'atteindre de toute manière. Puis, si on lui avait dit cela quand il avait 7 ans, il se serait sentit coupable alors maintenant qu'il a 19 ans, il s'en fout éperdument. Il trouve que cela ne va rien changer à sa vie et que, il n'y a plus que sa petite personne qui compte pour lui. Les autres, il s'en fout ; tant qu'il est bien avec lui-même, le reste l'importe vraiment peu. Il n'avait pas envie que les propos de Lila le touchent droit dans le cœur, c'était sûrement pour cela qu'il se renfermait sur lui-même et ne laissait rien transparaitre sur les traits de son visage.

-Et le pire dans tout cela, c'est que tu ne t'en souviens même pas ! Continua-t-elle, haussant toujours un peu plus le ton.

Ashton passa sa main dans ses cheveux pour leur redonner une coupe et sa langue ses lèvres, pour les humidifier un peu. Il ne faisait pas forcément froid mais avec le vent, sa chevelure était partie en vrille et ses lippes avaient gercées. Il n'en avait que faire de ce que pouvait bien ressentir la blonde, il était un enculé et le savait au plus profond de lui-même. Il s'en foutait littéralement, le reste ne comptait pas du tout. Le reste n'avait aucune importance. Le reste n'étai rien du tout. Le reste pouvait bien se volatiliser qu'il ne s'en rendrait même pas compte.

-Tu m'écoutes au moins ? Demanda-t-elle précipitamment.

Ashton ne tiqua même pas, parce qu'il était perdu dans ses pensées. Il était perdu dans ses souvenirs les plus profonds ; les seuls dont il se rappelait et qui étaient les plus lointains. Il avait oublié tout ce qu'il avait bien pu vivre avant ces 14 ans. Tout c'était effacé de sa mémoire et il n'avait pas l'air de vouloir se rappeler de ce qui avait bien pu se passer avant, qu'il ait détruit ou non Lila et qu'il lui ait gâché ou non la vie. Il n'avait pas envie de s'en rappeler non plus parce qu'il même s'il s'aimait beaucoup, il n'avait pas forcément d'estime de lui-même que les autres et s'il voulait continuer de s'aimer, il devait éviter de chercher dans ses souvenirs les plus enfuis ; du temps où il était encore quelqu'un « de bien ».

-Tu sais quoi Ashton ? Va te faire foutre ! Cria-t-elle encore plus fort si bien qu'elle n'avait plus de souffle.

Lila avait la mâchoire contractée et sa respiration partait en vrille alors qu'elle essayait de la rendre régulière à nouveau. Elle ferma même les yeux pour ne pas en foutre une au châtain qui ne se souvenait même plus qu'elle lui en avait donné une et qui tenait toujours son bras droit. Il avait toujours de l'emprise sur elle et par son indifférence et le fait qu'il ne se rappelait de rien, cela blessait encore plus la blonde. Quand on fait du mal, à ce point-là, à quelqu'un, on ne devrait jamais oublier ; on ne devrait jamais effacer les actes commis de sa mémoire et plutôt les regretter. Elle trouvait qu'il pourrait au moins s'en souvenir, même un petit peu mais c'était le vide total dans la tête du châtain qui n'avait pas vraiment envie de se rappeler toute cette époque parce que s'il l'a oublié, c'était qu'il y avait bien une raison pour cela.

-Tu n'es qu'un gros connard ! Tu devrais crever, sérieusement ! Lui cracha-t-elle à la figure, avec toute la haine du monde dans le regard et dans la voix.

Ashton cligna des yeux et revenu à la réalité. Il s'en foutait totalement des mots de la blonde parce que ceux-ci ne l'atteignaient, du moins il n'en avait pas l'impression. Mais il revenait à la réalité parce qu'il fallait bien qu'il réalise que le temps avance et qu'il était en train de « perdre son temps ». C'était ce qu'il pensait. Il le pensait au plus profond de lui-même, jusque dans ses trippes. Il n'avait pas envie de continuer une discussion qui ne rimait à rien, qui n'avait aucun intérêt et qu'il aurait déjà oubliée avant le lendemain. Il secoua la tête de gauche à droite et ferma les paupières.

Ashton lâcha la prise qu'il avait sur le bras droit de Lila, remarquant enfin qu'il la tenait toujours. Il mit ses mains dans ses poches, haussa les épaules et s'en alla comme si de rien n'était, comme si rien n'était plus important que les cours, comme si cela ne l'avait pas le moins touché du monde, comme s'il n'y avait aucun intérêt pour lui de continuer sur cette voix, comme s'il ne se rappellerait jamais de ce qu'il avait fait, comme s'il était un vraiment un autre homme aujourd'hui, comme si cela était vraiment du passé, comme s'il s'en foutait totalement.

Lila resta, là, les bras ballants et l'air choqué. Elle ne s'attendait pas à ce qu'il parte de cette façon, comme si elle avait parlé dans le vide. C'était le vide, en tout cas, en elle. Le vide total même parce qu'elle avait parlé pour rien dire, parce qu'il ne lui prêtait aucune attention et parce qu'il n'avait pas non plus l'intention de changer ni même de se laisser détruire. Le châtain ne pouvait être détruit, parce que dans le fond –et il ne le savait pas- il était déjà mort et détruit, même décomposé.

« Le cœur est parfois enfermé à double-tour et qu'il n'y ait qu'une seule personne capable de l'ouvrir. »